Alain Delon: 60 ans de cinema
par Thomas
par Thomas
(c) DR
La carrière d’Alain Delon est jalonnée de succès populaires et de chefs d’œuvres artistiques. Si le polar est probablement le genre cinématographique qui lui a longtemps le plus collé à la peau, résumer son œuvre à ce style unique serait une erreur monumentale que nous ne voudrions commettre. En 60 ans de cinéma célébrés cette année, l’acteur a été dirigé par les plus grands, a joué avec les plus expérimentés et a fait débuter les plus doués, élargissant sa palette de jeu dans des genres diversifiés et au-delà des frontières géographiques. Tant de choses ont été écrites sur lui et nous n’avons pas la prétention de délivrer une énième biographie de cet artiste fabuleux.
En revenant sur quelques-uns des grands moments de sa filmographie, nous tenions à rendre hommage à son talent à l’occasion de cet anniversaire de carrière, en y associant par ailleurs les témoignages de quelques-uns de ses collaborateurs qui ont accepté de nous ouvrir leurs souvenirs. Ecran et Toile remercie Mesdames Agnès Varda, Andréa Ferréol, Laure Killing, Monica Guerritore, Sophie Renoir, Fiona Gélin et Messieurs Jean-Pierre Castaldi, Patrice Leconte, Xavier Deluc et Frédéric Forestier d’avoir répondu à nos questions. Vous trouverez ces entretiens sur notre page spéciale "Entretiens autour d'Alain Delon".
Ensemble, nous souhaitons à monsieur Delon un excellent anniversaire et encore de belles années de cinéma !
Un Samouraï nommé Delon
En revenant sur quelques-uns des grands moments de sa filmographie, nous tenions à rendre hommage à son talent à l’occasion de cet anniversaire de carrière, en y associant par ailleurs les témoignages de quelques-uns de ses collaborateurs qui ont accepté de nous ouvrir leurs souvenirs. Ecran et Toile remercie Mesdames Agnès Varda, Andréa Ferréol, Laure Killing, Monica Guerritore, Sophie Renoir, Fiona Gélin et Messieurs Jean-Pierre Castaldi, Patrice Leconte, Xavier Deluc et Frédéric Forestier d’avoir répondu à nos questions. Vous trouverez ces entretiens sur notre page spéciale "Entretiens autour d'Alain Delon".
Ensemble, nous souhaitons à monsieur Delon un excellent anniversaire et encore de belles années de cinéma !
Un Samouraï nommé Delon
Le générique du « Samouraï » s’ouvre sur une pièce froide faiblement éclairée par deux immenses fenêtres derrière lesquelles on devine un décor aux accents new-yorkais. La pluie est battante, plongeant dans la pénombre le samouraï qui gît silencieux sur son lit. De sa bouche s’échappe de la fumée de cigarette tandis que face à lui, un bouvreuil tournoie dans sa cage. « Il n’y a pas plus profonde solitude que celle du samouraï, si ce n’est celle d’un tigre dans la jungle…peut-être… », lit-on en guise de prologue. Cette citation tirée du livre des samouraïs résume à elle seule le personnage de Jeff Costello incarné par Alain Delon dans ce film de Jean-Pierre Melville. Ce tueur solitaire discipliné est à la fois l’attaquant et le traqué, le fauve et la proie, le félin et l’oiseau. Son regard est triste et songeur au fur et à mesure que claquent les notes composées par François De Roubaix. Un personnage est né, une icône est confirmée. |
Alain Delon n’a pas encore 32 ans lorsque débute le tournage du film de Jean-Pierre Melville en juin 1967. En tout juste dix ans de carrière, il a déjà près de trente films à son actif et non des moindres. « Plein Soleil » de René Clément l’a non seulement propulsé sous les feux internationaux sept ans plus tôt mais il lui a aussi permis de fréquenter un orfèvre de la mise en scène qu’il considère aujourd’hui encore comme son maître.
« René Clément était le plus grand directeur d’acteurs. Melville était très bien mais c’était surtout le metteur en scène. Clément, c’était tout. Le plus grand monteur, le plus grand directeur d’acteurs, le plus grand caméraman, tout. Clément, c’est mon maître ! », nous confirmait Alain Delon au cours de notre entretien au FIFPL de Liège en mai dernier.
« René Clément était le plus grand directeur d’acteurs. Melville était très bien mais c’était surtout le metteur en scène. Clément, c’était tout. Le plus grand monteur, le plus grand directeur d’acteurs, le plus grand caméraman, tout. Clément, c’est mon maître ! », nous confirmait Alain Delon au cours de notre entretien au FIFPL de Liège en mai dernier.
Star en Italie Fort du succès de « Plein Soleil » en 1960, Alain Delon répond à l’appel du cinéaste Luchino Visconti qui souhaite lui confier le premier rôle dans son film « Rocco et ses frères ». « Si on m'avait contraint à prendre un autre acteur, j'aurais renoncé à faire le film », dira le maestro italien. Alain Delon tourne Rocco aux côtés de Renato Salvatori, qui deviendra son ami de toujours, et d’Annie Girardot, qui sera la future femme de ce dernier. Fidèle en amitié, Alain Delon proposera plus tard plusieurs rôles à son ami dans des films comme « Flic story », « Le gitan » ou encore « Armaguedon ». |
« Rocco » est couronné d’un Lion d'argent à la Mostra de Venise et reçoit de nombreux autres prix. Très vite, la carrière du jeune Delon prend son envol mais c’est surtout en Italie qu’on le remarque en ce début des sixties. Il y tourne à nouveau sous la direction de René Clément avant de rejoindre l’équipe de Michelangelo Antonioni pour « L’éclipse », qui sera récompensé du Prix spécial du jury au Festival de Cannes de 1962. (c) DR - Photo avec Renato Salvatori |
Débuts il y a 60 ans
Alain Delon souhaite à présent marquer le coup en France. Après tout, c’est là que tout a commencé, un jour de 1957. Le long de l’Avenue Victor Hugo, à Paris, le réalisateur Yves Allégret lui demande de descendre d’une voiture, d’aller vers une pâtisserie, de prendre un paquet puis de remonter dans la voiture, sans regarder en direction de la caméra. Ce premier rôle dans le film « Quand la femme s’en mêle » lui mettra le pied à l’étrier. Le film sort sur les écrans en novembre 1957. Alain Delon a 22 ans, sa beauté intéresse les cinéastes et son talent instinctif ne laisse personne indifférent. Il se montre tout de suite à l’aise face à des comédiens confirmés comme Jean Debucourt et Bernard Blier, lequel deviendra son parrain d’écran. Edwige Feuillère, sa partenaire dans le film, le présentera à son agent Olga Horstig. Aujourd’hui encore, Alain Delon témoigne de ce qu’il considère comme un formidable accident : « Je ne suis pas un comédien, je suis un acteur. Un comédien c’est un métier, une vocation. Un acteur c’est un accident et moi je suis un accident. Je suis revenu de l’armée et puis le cinéma est venu à moi, par accident. En général, c’est une personnalité assez forte qu’on met au service du cinéma comme Gabin, Ventura et Lancaster », dit-il.
Côte à côte avec Gabin
Alain Delon aura droit à son face à face avec chacun de ces acteurs de la même veine. Lorsqu’il apprend qu’un film se prépare pour « le vieux » (surnom affectueusement donné à Jean Gabin, le patriarche de la profession), il intervient auprès du producteur Jacques Bar pour obtenir le rôle de Francis Verlot, le jeune truand recruté par la « bande à Gabin » dans le film « Mélodie en sous-sol ». Pour une question de budget, les coproducteurs refusent le cachet qu’il réclame. L’acteur aura l’audace d’accepter d’être payé seulement au pourcentage sur quelques territoires de distribution: le Japon, la Chine et l'URSS. Une fois le film terminé, il le fera sous-titrer en japonais, trouvera un distributeur au Japon où, toujours auréolé du succès de « Plein soleil », il est aujourd’hui encore considéré comme un véritable dieu vivant. L’entreprise s’avèrera lucrative pour l’artiste qui produira par la suite la plupart de ses films.
Face à Gabin, le jeune Delon impose sa présence. « On s’est bien entendus tout de suite et puis de mieux en mieux, on s’est de plus en plus connus et appréciés. Je l’appelais « patron » et lui m’appelait « môme ». Je l’ai ensuite produit dans « Deux hommes dans la ville » qui est un des plus beaux films que j’aime avec Jean », évoquait avec nous Alain Delon. Les deux acteurs seront réunis à trois reprises à l’écran.
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Le rêve hollywoodien
Alain Delon est de nouveau appelé sous les projecteurs italiens par le maestro Visconti qui, après l’avoir mis en scène au théâtre aux côtés de Romy Schneider en ce début des années 60, le réclame pour jouer Tancrède face à Burt Lancaster dans « Le guépard ». Cette fois, ce sera la Palme d’or à Cannes.
Alain Delon est de nouveau appelé sous les projecteurs italiens par le maestro Visconti qui, après l’avoir mis en scène au théâtre aux côtés de Romy Schneider en ce début des années 60, le réclame pour jouer Tancrède face à Burt Lancaster dans « Le guépard ». Cette fois, ce sera la Palme d’or à Cannes.
Après le succès international de « Mélodie en sous-sol » et celui du « Guépard », l’acteur amorce une carrière de producteur avec « L’insoumis », dont il joue bien entendu le premier rôle. Pour des raisons juridiques, le film est très vite retiré de l’affiche. Ce n’est que depuis peu qu’il est possible de redécouvrir ce petit bijou injustement oublié. Il tourne ensuite « Les félins », qui marque une nouvelle collaboration avec René Clément, avant de s’ouvrir à l’international. Cette nouvelle orientation le mène tout d’abord en Grande-Bretagne, où il tourne dans un sketch de « La Rolls-Royce jaune ». Vient ensuite le départ pour les Etats-Unis, où il rejoindra Ann-Margret pour le polar « One a thief » avant de s’essayer au western avec Dean Martin (Texas nous voilà) puis au film de guerre aux côtés d’Anthony Quinn (Les centurions). L’acteur se rendra vite compte que les States ne sont pas vraiment faits pour lui. « J’avais la nostalgie de la France », nous a-t-il confié. Alain Delon renouvellera néanmoins l’expérience américaine quelques années plus tard en tournant notamment « Scorpio ».
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Après deux années passées à Los Angeles, Alain Delon a bien l’intention de revenir en haut de l’affiche en France. Ce n’est pas tellement le rôle de Jacques Chaban-Delmas dans « Paris brûle-t-il » qui, bien que remarqué, lui permettra de regagner la première place. Les succès s’enchaînent avec tout d’abord « Les aventuriers », un film tiré d’un scénario de José Giovanni pour lequel il partage l’affiche avec Lino Ventura. |
L’après « Samouraï »
Et puis il y a surtout, en cette année 1967, la rencontre avec le géant du polar français à l’américaine Jean-Pierre Melville. Dans son hôtel particulier de l’Avenue de Messine, Alain Delon reçoit le cinéaste au Stetson et aux Ray-Ban fumées pour une lecture du scénario de son nouveau film « Le samouraï ». Au bout de quelques minutes, l’acteur marque immédiatement son intérêt pour le rôle, notamment séduit par son côté silencieux au début.
D’un point de vue cinéphile, on peut dire qu’il y a un « avant » et un « après » Samouraï dans la carrière d’Alain Delon. L’acteur y impose un nouveau style d’anti-héros d’une grande beauté au tempérament solitaire qu’il véhiculera à l’écran dans nombre de films devenus des classiques. Devant la caméra de Jean Herman, ce sera « Jeff » (où il renoue avec la production) puis « Adieu l’ami ». Pour Henri Verneuil, ce sera « Le clan des siciliens » au casting impressionnant. Pour Jean-Pierre Melville à nouveau, ce sera « Le cercle rouge » où il joue face à Bourvil et Yves Montand.
Entre-temps, l’acteur accepte l’un ou l’autre projet d’auteur et tourne notamment « Madly », un scénario signé Mireille Aigroz, sa nouvelle compagne plus connue sous le nom de Mireille Darc. |
Mais c’est de nouveau le polar qui lui donne le vent en poupe à l’aube de la révolution soixante-huitarde et lui permet par la même occasion de relancer la carrière cinématographique de Romy Schneider avec « La piscine ». En plus d’être devenu un film culte, cette œuvre marque surtout le début d’une longue collaboration artistique entre l’acteur et le réalisateur Jacques Deray qui signera quelques-uns de ses plus grands succès des années 70. C’est sous sa direction que sera réuni le duo Delon-Belmondo pour « Borsalino », produit par Alain Delon. « Quand on est venu me proposer le sujet sur le tournage de « La piscine », j’ai dit « ce sera Deray ou personne d’autre », nous a dit l’acteur-producteur.
Un flic
S’il n’a plus à prouver son potentiel pour incarner les voyous, du petit truand à l’assassin de Trotsky, Alain Delon n’a en revanche encore jamais franchi l’autre côté de la barrière à l’écran en ce début des 70’s. Melville sera le premier à ouvrir la brèche en 1972 avec « Un flic », qui sera par ailleurs le dernier film du cinéaste. L’acteur fera de ce « flic » son leitmotiv dans le genre polar, en particulier dans les années 80. Ce flic lui portera chance lorsqu’il passera à la réalisation avec « Pour la peau d’un flic » (2 377 084 entrées en France) et « Le battant » (1 935 094 entrées en France).
S’il n’a plus à prouver son potentiel pour incarner les voyous, du petit truand à l’assassin de Trotsky, Alain Delon n’a en revanche encore jamais franchi l’autre côté de la barrière à l’écran en ce début des 70’s. Melville sera le premier à ouvrir la brèche en 1972 avec « Un flic », qui sera par ailleurs le dernier film du cinéaste. L’acteur fera de ce « flic » son leitmotiv dans le genre polar, en particulier dans les années 80. Ce flic lui portera chance lorsqu’il passera à la réalisation avec « Pour la peau d’un flic » (2 377 084 entrées en France) et « Le battant » (1 935 094 entrées en France).
Professeur, toubib, homme politique, pilote d’avion, gitan et même Zorro, Alain Delon bouleverse ses propres codes en interprétant une palette de personnages aux antipodes les uns des autres mais poursuivant un objectif commun : le sens de l’honneur. La sortie de « Monsieur Klein », dirigé par Joseph Losey, ne lui apporte pas la reconnaissance personnelle attendue et méritée mais le film est tout de même récompensé aux Césars.
César du meilleur acteur
César du meilleur acteur
L’année 1984 sera bénéfique puisqu’il décrochera le César du meilleur acteur grâce à un personnage à contre-emploi, celui d’un garagiste alcoolique dans le film « Notre histoire » de Bertrand Blier.
Après cette reconnaissance de ses pairs, Alain Delon s’essaie à de nouveaux genres : la science-fiction pour « Le passage » puis Jean-Luc Godard, un genre à part entière, pour le film « Nouvelle vague ». Après un dernier polar sous la direction de Deray au milieu des années 1990, l’acteur se fait plus rare au cinéma, acceptant l’un ou l’autre caméo. Il partage une nouvelle fois l’affiche avec Jean-Paul Belmondo dans une comédie policière aux accents parodiques intitulée « Une chance sur deux », devant la caméra de Patrice Leconte.
Pour la jeune génération, c’est un autre César qui retient l’attention des petites têtes blondes en 2008. Dans le film de Frédéric Forestier et Thomas Langmann « Astérix aux Jeux Olympiques », Alain Delon se prête avec délice au jeu de l’autodérision en incarnant le meilleur Jules César du cinéma français. L’acteur reprend à la même période la direction des planches où il joue entre autres « Sur la route de Madison » avec la regrettée Mireille Darc qui fut de longues années durant une compagne attentive et apaisante pour lui.
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Un nouveau film
Acteur, metteur en scène, producteur et homme d’affaires, Alain Delon a endossé une multitude de casquettes avec le même souci du professionnalisme. En mai dernier, à l’occasion d’une cérémonie en son honneur au Festival du Film Policier de Liège à laquelle nous assistions, il a annoncé publiquement sa volonté de reprendre les chemins des studios en compagnie de Juliette Binoche dans un film de Patrice Leconte. « Ce n’est pas une comédie et ce sera, parce que c’est sa demande et son envie, le dernier film d’Alain Delon. Et donc quand on fait le dernier film d’Alain Delon, on ne peut pas faire un film de plus. C’est vraiment un film pour lui, écrit pour lui », nous confiait sans dévoiler l’intrigue Patrice Leconte en mars dernier.
Acteur, metteur en scène, producteur et homme d’affaires, Alain Delon a endossé une multitude de casquettes avec le même souci du professionnalisme. En mai dernier, à l’occasion d’une cérémonie en son honneur au Festival du Film Policier de Liège à laquelle nous assistions, il a annoncé publiquement sa volonté de reprendre les chemins des studios en compagnie de Juliette Binoche dans un film de Patrice Leconte. « Ce n’est pas une comédie et ce sera, parce que c’est sa demande et son envie, le dernier film d’Alain Delon. Et donc quand on fait le dernier film d’Alain Delon, on ne peut pas faire un film de plus. C’est vraiment un film pour lui, écrit pour lui », nous confiait sans dévoiler l’intrigue Patrice Leconte en mars dernier.
A l’instar de ses confrères hollywoodiens Anthony Hopkins et Clint Eastwood, nous ne pouvons que souhaiter encore de belles années de cinéma à celui que nous considérons comme l’un des plus grands artistes du cinéma français.
Heureux anniversaire, monsieur Delon !
Pour prolonger cet hommage à la carrière d'Alain Delon, nous vous invitons à découvrir les témoignages de quelques partenaires et réalisateurs de cinéma sur notre page spéciale.