Continuer
Quai 10 - 28 janvier 2019
Quai 10 - 28 janvier 2019
Présent au cinéma Quai10 ce dimanche soir, Joachim Lafosse s’est prêté au jeu des questions et réponses du public carolo, ravi d’avoir découvert « Continuer » en avant-première et de rencontrer, à nouveau, le cinéaste belge. C’est que Joachim Lafosse est maintenant un habitué des avant-premières au pays noir. Venu il y a deux ans pour présenter « L’économie du couple », le Ucclois a remercié chaudement le public d’avoir répondu présent en masse et de lui avoir réservé un si bel accueil.
Une invitation au voyage « Les chanteurs pop ont leur rendez-vous avec leur public, pas nous. Alors, avoir devant soi une salle pleine, c’est quelque chose » dit-il le sourire aux lèvres. |
Pour un cinéaste, on ne peut pas faire mieux que cela. Et je me rends compte qu’au bout de huit films, ça me touche de plus en plus. Je suis vraiment content ».
Après une présentation de sa biographie en bonne et due forme, le cinéaste livre quelques petits mots sans vouloir trop en dévoiler « Il y a des tas de raisons qui l’ont poussé à adapter ce roman. L’une d’entre elle, c’est que, pour mes films précédents, j’ai tourné dans beaucoup d’appartements et de maisons avec Jean-François Hensgens, et on avait envie de se retrouver en extérieur. On est tous les deux très fans du travail de Harris Savides, le directeur photo de Gus Van Sant (il a fait « Gerry » et « Elephant » notamment). Quand j’ai lu le roman, j’ai voulu saisir l’opportunité. J’espère que vous allez vous aussi voyager ».
Après la séance, les applaudissements nourris accueillent un Joachim Lafosse ravi et désireux de répondre aux questions du public. L’occasion de faire le tour de quelques sujets.
Le cœur à ses raisons…
Joachim Lafosse l’a annoncé en préambule, nombreuses ont été les raisons qui l’ont poussé à adapter le roman de Laurent Mauvignier. La première, c’est la relation qui lie la mère et le fils, dont on suit le voyage. « La maman ne cède pas sur son désir, elle a le courage de se confronter à ce qui se passe avec son fils ».
Après une présentation de sa biographie en bonne et due forme, le cinéaste livre quelques petits mots sans vouloir trop en dévoiler « Il y a des tas de raisons qui l’ont poussé à adapter ce roman. L’une d’entre elle, c’est que, pour mes films précédents, j’ai tourné dans beaucoup d’appartements et de maisons avec Jean-François Hensgens, et on avait envie de se retrouver en extérieur. On est tous les deux très fans du travail de Harris Savides, le directeur photo de Gus Van Sant (il a fait « Gerry » et « Elephant » notamment). Quand j’ai lu le roman, j’ai voulu saisir l’opportunité. J’espère que vous allez vous aussi voyager ».
Après la séance, les applaudissements nourris accueillent un Joachim Lafosse ravi et désireux de répondre aux questions du public. L’occasion de faire le tour de quelques sujets.
Le cœur à ses raisons…
Joachim Lafosse l’a annoncé en préambule, nombreuses ont été les raisons qui l’ont poussé à adapter le roman de Laurent Mauvignier. La première, c’est la relation qui lie la mère et le fils, dont on suit le voyage. « La maman ne cède pas sur son désir, elle a le courage de se confronter à ce qui se passe avec son fils ».
S’il trouve que le lien qui existe entre la femme et la mère des hommes est peu présent au cinéma, il le voyait beaucoup au cœur de ce roman. « Il y a deux moments où on ne contrôle plus les choses : en amour et dans les voyages. Le roman réunit les deux d’une certaine manière ». Bien sûr, les idées du roman ont été épurées pour aller à l’essentiel. Joachim Lafosse indique ainsi avoir ôté le premier tiers où on évoque la présence d’un père car son envie première était vraiment de se centrer sur la relation mère/fils. « On parle souvent du complexe d’oedipe ou d’inceste, mais j’ai l’impression que les mamans nous portent, nous donnent naissance, nous soignent, nous regardent, avant même qu’on utilise le langage. Le roman permettait d’offrir la possibilité de mettre en scène les silences et les regards, les choses pré-oedipiennes »…
|
Le réalisateur dit aimer filmer un ado qui pose sa tête sur l’épaule sa mère, la regarde tout simplement. Même si des choses vont ressurgir après, les silences et absences de paroles avaient toute leur importance.
Filmer les grands espaces
Une des raisons principales qui a été à la base de ce tournage, c’est la possibilité de filmer les grands espaces, un plaisir de cinéaste qu’il espère avoir partagé « Dans A perdre la raison, quelque chose se passe, les gens parlent du film mais c’est dur. Ici, ce n’est pas léger mais c’est moins pesant ».
A la beauté des grands espaces, il faut ajouter la lumière naturelle utilisée lors des prises de vue. « On n’a pas voulu d’éclairage artificiel, on a juste utilisé la caméra. On a rebondi sur des panneaux qui dirigeaient la lumière naturelle vers les acteurs mais c’est tout. Pour que ce résultat soit possible, il faut que toute l’équipe suive. Quand on utilise la lumière artificielle, c’est pour faciliter le montage. Dans la vie, la lumière augmente, décroit, des nuages arrivent et d’un plan à l’autre, on pourrait perdre sa séquence… On ne peut pas unifier le tout puisque la lumière est naturelle. Alors on a fait de nombreux préparatifs, on a calculé à quelle heure la lumière serait d’une telle manière, on se tenait prêts car on savait que l’on n’aurait que 45 minutes pour faire les prises. Tout va vite. Quand ce n’est qu’avec des acteurs ça va mais avec des chevaux, c’est chaud car ils bougent beaucoup. Par contre, je n’ai pas peur de mettre les acteurs dans la pénombre et qu’on entende que leurs voix. Les comédiens sont naturels car ils travaillent dans des conditions plus réelles. Il peut faire 25°C la journée et plus froid le soir, ils doivent s’occuper de l’équitation, il y a moins de maquillage, moins de fard et tout cela les emmène vers moins de contrôle et c’est à ce moment-là qu’ils sont les meilleurs ».
Pour que les mouvements soient flottants, l’équipe a utilisé une Steadicam. « Dans ce genre de voyage, on a le temps de s’ennuyer, on a une autre temporalité, un autre rythme et je cherchais cela. Je voulais que la caméra fasse les mouvements d’épaule. Je n’ai pas voulu faire de coupes ou du moins, en faire le moins possible. J’ai vu beaucoup de western et à part chez Ford, les westerns sont très découpés car on ne sait pas faire de plans séquences avec des chevaux. Les plans séquences c’est mon truc et je ne voulais pas faire des champs contre champs ».
Du naturel mais pas du naturalisme.
Viriginie Efira avait lu le roman de Laurent Mauvignier quelques jours avant Joachim Lafosse et lui avait écrit pour lui proposer d’acheter les droits. L’auteur a donc suggéré au réalisateur que Virginie fasse partie du casting « Partager la même passion, c’est sans doute une bonne raison de faire le film avec quelqu’un ».
Filmer les grands espaces
Une des raisons principales qui a été à la base de ce tournage, c’est la possibilité de filmer les grands espaces, un plaisir de cinéaste qu’il espère avoir partagé « Dans A perdre la raison, quelque chose se passe, les gens parlent du film mais c’est dur. Ici, ce n’est pas léger mais c’est moins pesant ».
A la beauté des grands espaces, il faut ajouter la lumière naturelle utilisée lors des prises de vue. « On n’a pas voulu d’éclairage artificiel, on a juste utilisé la caméra. On a rebondi sur des panneaux qui dirigeaient la lumière naturelle vers les acteurs mais c’est tout. Pour que ce résultat soit possible, il faut que toute l’équipe suive. Quand on utilise la lumière artificielle, c’est pour faciliter le montage. Dans la vie, la lumière augmente, décroit, des nuages arrivent et d’un plan à l’autre, on pourrait perdre sa séquence… On ne peut pas unifier le tout puisque la lumière est naturelle. Alors on a fait de nombreux préparatifs, on a calculé à quelle heure la lumière serait d’une telle manière, on se tenait prêts car on savait que l’on n’aurait que 45 minutes pour faire les prises. Tout va vite. Quand ce n’est qu’avec des acteurs ça va mais avec des chevaux, c’est chaud car ils bougent beaucoup. Par contre, je n’ai pas peur de mettre les acteurs dans la pénombre et qu’on entende que leurs voix. Les comédiens sont naturels car ils travaillent dans des conditions plus réelles. Il peut faire 25°C la journée et plus froid le soir, ils doivent s’occuper de l’équitation, il y a moins de maquillage, moins de fard et tout cela les emmène vers moins de contrôle et c’est à ce moment-là qu’ils sont les meilleurs ».
Pour que les mouvements soient flottants, l’équipe a utilisé une Steadicam. « Dans ce genre de voyage, on a le temps de s’ennuyer, on a une autre temporalité, un autre rythme et je cherchais cela. Je voulais que la caméra fasse les mouvements d’épaule. Je n’ai pas voulu faire de coupes ou du moins, en faire le moins possible. J’ai vu beaucoup de western et à part chez Ford, les westerns sont très découpés car on ne sait pas faire de plans séquences avec des chevaux. Les plans séquences c’est mon truc et je ne voulais pas faire des champs contre champs ».
Du naturel mais pas du naturalisme.
Viriginie Efira avait lu le roman de Laurent Mauvignier quelques jours avant Joachim Lafosse et lui avait écrit pour lui proposer d’acheter les droits. L’auteur a donc suggéré au réalisateur que Virginie fasse partie du casting « Partager la même passion, c’est sans doute une bonne raison de faire le film avec quelqu’un ».
Co-productrice du film, Virgnie Efira a relevé de nombreux défis : apprendre le russe et s’approcher des chevaux… « Je ne trahis rien en disant cela car elle l’a confié à la télé mais Virginie a adoré le roman et avait oublié qu’elle devrait monter sur des chevaux. Si elle refait un film avec des chevaux, vous m’appelez ! ». Le tournage a été bien plus compliqué qu’il ne l’imaginait car rien n’est prévisible avec les animaux. « Je venais de commencer le tournage lorsque j’ai lu une interview des Frères Cohen qui disaient qu’il n’y avait pas plus compliqué qu’un tournage avec des chevaux. Et encore plus si un comédien a un peu peur, … ». De son propre aveu, le réalisateur explique qu’il s’est concentré sur les personnages et moins sur les chevaux et qu’il n’a pas cherché à faire du réaliste ou du naturaliste car ce n’était pas sa quête.
|
Quand un spectateur lui demande où le tournage a eu lieu, Joachim Lafosse répond non sans humour que « Coppola n’a pas tourné Apocalypse Now au Vietnam et n’a jamais dit où il a été tourné. Je ferai pareil… et je dirai juste que le film n’a pas été tourné au Kirghizistan, du tout ! » Après quelques secondes de suspense, le cinéaste continue « … Nous avons tourné dans l’Atlas ».
Le poids des mots
Pour Joachim Lafosse les histoires,sont des espaces de liberté pour l’écrivain et les lecteurs alors que le cinéma, c’est l’art de la contrainte, il faut faire avec le réel. Pour le spectateur, le cinéma est imposé, dictatorial, il faut imposer des images. Avec « Continuer », il avait envie de faire un film en creux, qui laisse la place à l’imagination. « Il a fallu épurer, retirer de nombreuses informations sur les personnages car ça faisait beaucoup trop. Et puis, je voulais un film où les non-dits parlent beaucoup. Quand on des enfants, c’est ainsi : les choses se passent bien mais pas toujours par les mots ».
Selon lui, l’auteur et le lecteur sont tous deux auteurs car chacun écrit son histoire. Ici, aussi on peut imaginer ce qu’il veut. Quant au choix de la voix off à la fin du film, le cinéaste s'explique « il me semblait devoir le faire, c’est intuitif. On a essayé sans et avec. Par affection pour lui, j’ai voulu terminer avec les mots de Laurent : « Il faut continuer, continuer à aller vers l’autre », il y a quelque chose qui se dit là aussi et que je trouvais important. »
Le poids des mots
Pour Joachim Lafosse les histoires,sont des espaces de liberté pour l’écrivain et les lecteurs alors que le cinéma, c’est l’art de la contrainte, il faut faire avec le réel. Pour le spectateur, le cinéma est imposé, dictatorial, il faut imposer des images. Avec « Continuer », il avait envie de faire un film en creux, qui laisse la place à l’imagination. « Il a fallu épurer, retirer de nombreuses informations sur les personnages car ça faisait beaucoup trop. Et puis, je voulais un film où les non-dits parlent beaucoup. Quand on des enfants, c’est ainsi : les choses se passent bien mais pas toujours par les mots ».
Selon lui, l’auteur et le lecteur sont tous deux auteurs car chacun écrit son histoire. Ici, aussi on peut imaginer ce qu’il veut. Quant au choix de la voix off à la fin du film, le cinéaste s'explique « il me semblait devoir le faire, c’est intuitif. On a essayé sans et avec. Par affection pour lui, j’ai voulu terminer avec les mots de Laurent : « Il faut continuer, continuer à aller vers l’autre », il y a quelque chose qui se dit là aussi et que je trouvais important. »