Partie de Somalie après avoir connu un mariage forcé (avec un homme de 35 ans son aîné), un viol collectif par des soldats de l’armée et le bruit assourdissant des balles venues cribler les corps et les façades de son village reculé, Ifrah Ahmed aurait vécu le parcours de nombreuses autres réfugiées si elle n’avait pas, au plus profond d’elle-même, rassemblé son courage, sa détermination et évoqué publiquement la douleur et l’insoutenable réalité de l’excision. Indispensable pour comprendre l’histoire de ces hommes et ces femmes qui se bousculent à nos frontières dans l’espoir d’une vie meilleure, illustration bouleversante des traumatismes physiques et psychologiques que des milliers d’êtres humains (et souvent déshumanisés) ont subi, « Une fille de Mogadiscio » est certes la présentation quasi-linéaire d’un combat individuel mais aussi l’histoire incroyable d’une adolescente devenue porte étendard de la souffrance des millions de femmes et de fillettes que l’on prive de liberté et accable de peines inimaginables. Le stress de la fuite de cette Ifrah illettrée et à peine remise sur pied, la découverte de son passé violent et des blessures irréparables que son corps porte jusque dans sa propre féminité, son envie irrépressible d’apprendre l’anglais et d’interpeller le monde entier sur une réalité trop longtemps occultée nous font trembler de peur, de douleur, nous prend aux tripes et nous marquent pour de nombreuses heures. La gorge nouée, les jambes coupées, nous suivons minute après minute le destin de cette femme que la vie n’a jamais épargnée. « La meilleure façon de soigner le passé, c’est de se concentrer sur le futur » confiait Ifrah Ahmed à quelques interlocuteurs. Le sien est composé d’un long chemin de labeur où elle donne sa voix sans jamais avoir peur. Admirablement interprétée par Aja Naomi King (How to Get Away with Murder) présente dans tous les plans, en voix off ou physiquement, Ifrah Ahmed, employée aux Nations Unies pour dénoncer la barbarie de la mutilation génitale féminine (MGF) et tenter de l’interdire dans ces pays où elle est encore tolérée, mérite que son combat soit souligné. Illustré avec compassion et dévotion par Mary McGuckian, ce pan de vie choc (et à ne pas mettre peut-être sous tous les yeux) nous remet à notre place et nous questionne sur l’absurdité de certaines traditions, nous interpelle et nous laisse sans mots pour exprimer cette insupportable sensation de se savoir né du bon côté de la planète, protégé par des lois et des organismes d’aide accessible et créés pour nous protéger. Parfois long et trop académique dans son approche, « A Girl from Mogadishu » nous marque néanmoins au fer rouge et se veut être le porte-voix d’une femme et de millions d’autres, une approche immersive et dense qui ne peut laisser personne indifférent. Un film nécessaire qui mérite toute sa place sur nos petits et grands écrans. Durée du film : 1h53 Genre : Drame/Biopic Projections durant le festival : dimanche 8 mars à 20h30 et mercredi 11 mars à 14h30
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