S’entourant des meilleurs (tant sur le plan technique que dans ses castings), le réalisateur ibérique a toujours eu le don pour sublimer ses histoires, décortiquer notre société avec grâce, tendresse et amour, nous emmener dans des lieux opposés, allant d’une terrasse d’un appartement aux rues caniculaires où l’on croise de nombreux passants. Quelque soit son projet, le mot « authenticité » se conjugue inévitablement avec « émotion », « passion », « dévotion ». Ici encore, Pedro Almódovar réunit tout ce qui fait le sel de ses intentions dans une histoire de suicide assisté, portée avec brio par Tilda Swinton (qu’il avait déjà mis en scène dans le court-métrage « La voix humaine ») et Julianne Moore, un casting 100% international pour ce qui est une de ses petites nouveautés : un film totalement anglophone ! Convaincant, le film nous questionne sur le choix de s’en aller dignement lorsque la maladie nous ronge mais également celui de pouvoir assister les êtres chers qu’on veut accompagner jusqu’à ce que les yeux se ferment sur une difficile réalité. Déjà abordé à de nombreuses reprises au cinéma ( « Blackbird », « Mar Adentro » de Amenabar, « Tout s’est bien passé » de Ozon ou encore « Quelques heures de printemps » de Stéphane Brizé en sont quelques beaux exemples), le thème du suicide assisté à déjà fait couler beaucoup d’encre. Mais ici, Almodovar fait le choix de l’amitié plutôt que de la famille, de montrer deux femmes qui se soutiennent dans l’épreuve la plus difficile d’une vie : celle de (laisser) partir. Sororité, complicité, incompréhension et écoute, voilà quelques maîtres mots que l’on peut déceler dans ce scénario inspiré d’un roman (« Quel est donc ton tourment ? »de Sigrid Nunez ) paru dernièrement chez Stock. Ici, Ingrid rend visite à son amie Martha, hospitalisée à la suite d’une récidive d’un cancer agressif. Anciennes collègues de rédaction, les deux femmes se sont un peu perdues de vue mais leur amitié et leurs souvenirs sont pourtant restés intacts. Mais quand Martha demande à Ingrid une immense faveur et de l’accompagner quelques jours dans un magnifique Airbnb pour un dernier tour de piste, Ingrid ne s’attend pas à ce que le séjour la questionne à ce point sur la notion d’accompagnement dans la mort et n’en mesure pas pleinement les conséquences. Marquant, « La chambre d’à côté » est comme toujours, extrêmement maîtrisé. Dialogues, enjeux, univers oscillant entre comédie et tragédie, tout concorde pour faire de ce long-métrage une réussite. Néanmoins, nous n’avons pas été aussi bouleversés qu’attendu par cet Almodovar américanisé. Peut-être parce qu’il nous a paru très « aseptisé » et trop long. Sans doute parce que nous espérions beaucoup trop de son approche et de l’exploitation de son sujet. On n’y a pas totalement retrouvé la Almodovar’s touch et sommes sortis un peu déçus de notre séance gantoise (le film était projeté en avant-première au Film Fest Gent en octobre dernier), la faute à un final trop étiré qui aurait pu s’interrompre quelques minutes plus tôt ? Difficile à dire… Almodovar a changé de langue mais nous semble aussi avoir changé d’intention et s’être « bridé » dans la créativité et la notion de vérité. « La chambre d’à côté » nous a paru bien lisse et nous ne sommes pas totalement entrés dans le monde désordonné qu’il a voulu présenter. ► Un cinéaste en or. Pedro Almódovar a déjà été à de maintes reprises multirécompensés à l’échelle nationale par une collection impressionnante de Goya (pour le solaire et magnifique « Volver » ou son époustouflant « Douleur et gloire » très biographique) ou internationale (avec, notamment, le mémorable et mètre étalon « Tout sur ma mère »). Des Golden Globes, des Césars, des Oscars et d’autres prix prestigieux, il en a à revendre… Mais malgré tout, le cinéaste continue de nous surprendre, de séduire un public qui pouvait être jusqu’alors, hermétique à ses propositions. « La chambre d’à côté », plus « américanisé » lui vaudra peut-être de nouvelles reconnaissances et une acquisition plus large d’un public qui lui était étranger jusqu’ici. Pour notre part, nous continuons à apprécier ses démarches, ses thèmes, ses petites folies ou ses gravités… Mais son dernier long-métrage nous a un peu moins convaincu et nous a fait nous sentir un peu étranger à tout ce qu’on a toujours apprécié dans sa filmographie variée. Il y a toujours ces intérieurs très épurés, rangés, colorés, des tenues qui reflètent les états d’âme et les caractères de leurs personnages, la musique enivrante de Alberto Iglesias. Il y a des plans fixes magistraux, des décors très géométriques, plus rigides et moins fluides que dans les autres films du réalisateur, sans doute parce que le sujet se prête à plus de « rigueur ». Il y a assurément du maître Almódovar dans ce tableau tragique… Mais nous l’avons trouvé plus lisse que d’ordinaire.
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Car qui aurait pensé qu’Andrew Garfield (41 ans) et Florence Pugh (29 ans) parviendrait à ce point à nous faire tomber amoureux l’un et l’autre ? Si on s’enthousiasmait d’avance à l’idée de les retrouver ensemble, les voir évoluer dans cette histoire d’amour tragique est un réel plaisir pour les yeux… et pour le cœur. Florence Pugh, c’est Almut, une cheffe allemande étoilée prête à défendre les couleurs et la gastronomie anglaise alors qu’un cancer récidiviste vient frapper ses ambitions les plus folles. Lui, c’est Tobias, un responsable de la marque Weetabix très terre à terre, dans le contrôle mais follement amoureux de celle qui, un jour, l’a renversé… et sa vie avec. Si tous deux semblent filer le plus beau des Amours, des ombres planent de temps à autre sur l’œuvre de leur vie. Celles d’un début d’histoire pas toujours évident (et qui révélait pourtant leurs envies et leurs déterminations réciproques), celle de la maladie, du souvenir, des rêves avortés ou ceux qui pourraient ne pas être exaucés. Parvenant à nous tirer quelques larmes (le réalisme de certaines scènes et le jeu parfait de ses acteurs en sont totalement responsables), le film souffre également de facilités scénaristiques et artistiques, d’un montage original (qui permet de se démarquer de ce qui se fait dans le genre et qui sauve un long-métrage qui aurait être bien moins percutant s’il s’était déroulé linéairement) et de quelques scènes amusantes apportant son lot de (sou)rires également. Il nous questionne sur les traces que l’on souhaite laisser derrière nous, interroge nos ambitions et le sacrifice que peut demander une vie de couple ou de famille. Mais il sonde surtout notre cœur et le fait battre dans de jolies scènes dramatiques, le mettant tantôt en berne avant de le faire repartir de plus belle dans des élans d’espoir et des instants plus légers comme on aime les voir. Loin d’être le drame romantique mémorable du moment, « La vie au présent » est cependant un petit plaisir cinématographique qu’on ne peut pas se refuser, pour la beauté de son duo qui se donne sans retenue et avec une réelle sincérité, un long-métrage qui se rattrapera sans aucun souci depuis son canapé lors d’une future sortie VOD/DVD.
S’inspirant beaucoup du cinéma des frères Coen, le réalisateur nous montre une fois de plus l’étendue de son talent ! Retour sur la première belle surprise cinématographique de la rentrée. Ce qui est formidable avec le cinéma de Franck Dubosc, c’est qu’il prend soin de ses personnages en leur conférant une histoire et donc une personnalité souvent touchantes. On sent l’amour qu’il porte à ses protagonistes et nous suivons nous aussi. Ici, les héros (ou plutôt anti-héros) de ces tribulations sont des personnages ordinaires plongés, malgré eux, dans une situation extraordinaire les menant à évoluer dans une réalité qui les dépasse, de quoi nous amener dans des situations cocasses mais également tendues. Ainsi, un « Ours dans le Jura » se veut très drôle, et pourtant, il s’agit d’un véritable thriller noir que n’auraient pas renié quelques grands cinéastes américains ! On pense inévitablement à « Fargo » sans qu’il n’y ait cet air de déjà vu. Bien sûr, la neige aide à la comparaison, tout comme les étendues sauvages et les cadavres qui vont s’empiler dans un esprit gentiment foutraque ! Mais si ce tour de force fonctionne aussi bien, c’est grâce à la dynamique du film qui permet l’enchainement de séquences tantôt prenantes, tantôt drôles. L’humour noir n’est jamais loin et cela est dû à la maestria du réalisateur/scénariste qui n’a pas son pareil pour jouer avec le comique de situation. Avons-le, nous rions beaucoup dans ce film grâce à des personnages hauts en couleur, parfaitement campés par des comédiens fantastiques. Outre Franck Dubosc qui passe devant et derrière la caméra pour notre plus grand bonheur, nous retrouvons Laure Calamy, sa partenaire à l’écran. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’alchimie entre eux fonctionne parfaitement. Nous croyons à ce couple usé et rongé par le temps qui a fini par s’installer entre eux, les privant de la spontanéité et de l’amour des débuts. Il est intéressant de noter que Franck Dubosc va jouer avec les silences pour traduire l’incompréhension de ce Michel dépassé par les évènements. Laure Calamy, elle, jouera avec sincérité le rôle de Cathy, une mère de famille qui en est aussi la locomotive. Et elle aura besoin de son sang-froid pour gérer le double accident macabre provoqué par son mari et, en même temps, faire face à l’enquête minutieuse d’un gendarme joué par un Benoît Poelvoorde des grands jours. Il se dégage du jeu de l’acteur une vérité désarmante que nous avions jadis aperçu dans le « Vélo de Ghislain Lambert » ou encore les « Emotifs anonymes ». Bref, on en redemande ! Citons aussi la très belle composition de Joséphine de Meaux parfaite dans le rôle de la collègue hyper touchante de Benoît Poelvoorde. Bien sûr, d’autres acteurs nous ont fait une très bonne impression à l’image de Louka Meliava, parfait dans le rôle du tueur froid et charismatique. Hélas, plus le film avance et plus celui-ci prend des allures de farce macabre très (trop diront certains) généreuse. Et pourtant, jamais les situations (aussi grotesques soient-elles) ne se font au détriment des personnages merveilleusement écrits et interprétés. Voilà un film aux nombreux rebondissements qui oscille en permanence (et avec une certaine maitrise) entre une douce folie et une évidente gravité. Pour son troisième film, Franck Dubosc nous livre un film qui nous happe dès les premiers instants pour ne jamais nous lâcher. Mieux, le film s’amuse à changer de genre et à passer du thriller à la comédie, puis au polar aux faux airs de western avec une facilité déconcertante.
Comédie, Thriller - 1h 53min - De Franck Dubosc avec Franck Dubosc, Laure Calamy, Benoît Poelvoorde
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Légende
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