Interview de Jean-Loup Dabadie
Invité d'honneur du Festival 2 Cinéma de Valenciennes
-22 mars 2019-
Invité d'honneur du Festival 2 Cinéma de Valenciennes
-22 mars 2019-
C’est sans aucun doute l’un des derniers grand scénaristes-dialoguistes du cinéma français de notre époque. Journaliste, romancier, auteur de sketches (pour Guy Bedos, Jacques Villeret, Pierre Palmade, Muriel Robin entre autres) et de chansons (Ma préférence pour Julien Clerc ; Je danse pour Claude François, L’addition pour Yves Montand ; L’Italien pour Serge Reggiani ; Chanteur de jazz pour Michel Sardou, Lettre à France pour Michel Polnareff ; etc) , auteur et metteur en scène, traducteur, scénariste et dialoguiste (Clérambard, Salut l’artiste, Un éléphant ça trompe énormément d’Yves Robert ; Les choses de la vie, César et Rosalie, Garçon, Une histoire simple de Claude Sautet ; Le silencieux, La gifle, La 7ème cible de Claude Pinoteau, et tant d’autres)… Jean-Loup Dabadie était l’invité d’honneur du Festival 2 Cinéma de Valenciennes. Nous avions droit à un quart d’heure d’interview après sa Master Class. C’est court pour évoquer une œuvre aussi riche mais tellement riche d’aborder un auteur à l’humanité si profonde. Rencontre.
Thomas : Jean-Loup Dabadie, comment se déroule votre séjour à Valenciennes ?
Thomas : Jean-Loup Dabadie, comment se déroule votre séjour à Valenciennes ?
JL Dabadie : Je suis enchanté par la gentillesse naturelle, l’humanité des gens que nous rencontrons. Ma femme qui est venue avec moi vous dirait la même chose. Je me disais tout à l’heure : Il faudrait absolument que je mette Valenciennes dans une de mes chansons. C’est un mot qui est tellement doux et qui convoque de si jolies rimes…sienne, aubaine, etc. Barbara qui aimait beaucoup les rimes en « enne » en aurait été heureuse ! Les gens ici ont une humanité et un naturel rares ! Je vais donner un exemple : Nous sommes arrivés tard hier par la route et nous avions rendez-vous avec des amis dans un restaurant. Le chauffeur nous emmène dans un autre restaurant, il se trompe. On descend dans cet autre restaurant et là on s’aperçoit que ce n’est pas le bon…
|
Thomas : C’est un bon début de scénario de film, ça !
JL Dabadie : Oui, pour une rencontre ! Eh bien…Ces personnes nous ont mis à l’aise en nous disant : « Ne vous inquiétez pas, on va vous appeler un taxi ». Alors qu’on ne venait pas dîner chez eux ! Moi, ça m’a charmé. Dans tant d’autres endroits, on aurait reçu un accueil un peu froid. Eh bien, ils se sont occupés de nous comme si on était de vieux amis. Et je ne parle pas de l’équipe du festival qui sont en grande partie des amis ! On est gâtés, on est choyés !
Thomas : Le temps imparti est trop court pour évoquer votre longue carrière. Au cinéma, elle est jalonnée de rencontres importantes avec des cinéastes comme Yves Robert, Claude Sautet, Claude Pinoteau…
JL Dabadie : François Truffaut, Jean-Paul Rappeneau aussi…
Thomas : Est-ce qu’il y en a un qui sort du lot pour vous ?
JL Dabadie : Non. Ce que je peux dire, c’est que Claude Sautet se comportait avec moi comme un frère aîné. Il avait fait du cinéma alors que je n’en avais jamais fait. Il m’apprenait le métier avec une sorte de tendresse. Il connaissait mes enfants, ma famille, ma mère, etc. Il était devenu de la famille, naturellement. Et du point de vue de notre travail, dans les moments sérieux, il m’apprenait les choses avec là encore beaucoup d’humanité et une grande simplicité, lui qui était un grand metteur en scène. Il m’inspirait beaucoup. Attendez…J’ai adoré Yves Robert qui a fait beaucoup pour moi…Les autres aussi, je ne les renie pas. Mais comme vous me demandez « Qui tu préfères ? Ton papa ou ta maman ? » (rires), je suis obligé de dire qu’avec Claude, nous avons eu un long chemin. Il connaissait tout de ma vie et je connaissais tout de la sienne. On passait plus de moments ensemble sans travailler. Nous étions vraiment des amis profonds.
JL Dabadie : Oui, pour une rencontre ! Eh bien…Ces personnes nous ont mis à l’aise en nous disant : « Ne vous inquiétez pas, on va vous appeler un taxi ». Alors qu’on ne venait pas dîner chez eux ! Moi, ça m’a charmé. Dans tant d’autres endroits, on aurait reçu un accueil un peu froid. Eh bien, ils se sont occupés de nous comme si on était de vieux amis. Et je ne parle pas de l’équipe du festival qui sont en grande partie des amis ! On est gâtés, on est choyés !
Thomas : Le temps imparti est trop court pour évoquer votre longue carrière. Au cinéma, elle est jalonnée de rencontres importantes avec des cinéastes comme Yves Robert, Claude Sautet, Claude Pinoteau…
JL Dabadie : François Truffaut, Jean-Paul Rappeneau aussi…
Thomas : Est-ce qu’il y en a un qui sort du lot pour vous ?
JL Dabadie : Non. Ce que je peux dire, c’est que Claude Sautet se comportait avec moi comme un frère aîné. Il avait fait du cinéma alors que je n’en avais jamais fait. Il m’apprenait le métier avec une sorte de tendresse. Il connaissait mes enfants, ma famille, ma mère, etc. Il était devenu de la famille, naturellement. Et du point de vue de notre travail, dans les moments sérieux, il m’apprenait les choses avec là encore beaucoup d’humanité et une grande simplicité, lui qui était un grand metteur en scène. Il m’inspirait beaucoup. Attendez…J’ai adoré Yves Robert qui a fait beaucoup pour moi…Les autres aussi, je ne les renie pas. Mais comme vous me demandez « Qui tu préfères ? Ton papa ou ta maman ? » (rires), je suis obligé de dire qu’avec Claude, nous avons eu un long chemin. Il connaissait tout de ma vie et je connaissais tout de la sienne. On passait plus de moments ensemble sans travailler. Nous étions vraiment des amis profonds.
Thomas : Ca nous ramène au film « Les choses de la vie », votre première collaboration commune.
JL Dabadie : J’avais un vieil ami, Paul Guimard, qui m’avait dit : « Je vous donne ce livre, je ne sais pas quoi en faire, les producteurs le refusent. Est-ce que vous verriez la possibilité d’en faire un scénario ? » Et j’ai écrit un script de 70 pages, ce que les Américains appellent un « treatment », ce qui est plus qu’un synopsis mais pas encore un scénario. J’étais allé voir Claude qui ne faisait plus de cinéma à ce moment-là, il avait été dégouté par son dernier tournage et les méfaits d’un producteur qui l’avaient fait souffrir. Je lui ai dit : « Toi, tu connais tout le monde dans le cinéma, moi je ne connais personne. Voudrais-tu avoir la gentillesse de lire mes 70 pages pour m’indiquer vers qui je dois me diriger ?» Et deux jours après, il m’appelait, les larmes dans la voix comme toujours quand il était ému, en me disant qu’il avait envie de refaire du cinéma et de faire ce film ! |
Thomas : Parmi la programmation du festival, il y a aussi « La gifle » de Claude Pinoteau. Deuxième écriture pour Lino Ventura, après « Le silencieux ». On peut dire que vous aviez réussi votre examen d’entrée dans la chambre des tortures, comme était baptisé le bureau de Lino Ventura !
JL Dabadie : (rires) C’était lui qui prétendait que certains auteurs disaient ça ! Mais ce n’était pas du tout la chambre des tortures. C’est vrai qu’il était très exigeant, Lino. C’était un monsieur qui aimait tellement la vie, qui vous faisait partager les plaisirs de la vie. L’hédonisme, l’épicurisme, il connaissait et il en faisait profiter ses jeunes amis dont je faisais partie. Mais dès qu’on parlait du travail, il était d’une exigence totale. Il trouvait que ce métier lui avait donné beaucoup et qu’il devait lui rendre l’amour des choses, l’amour des images et des mots, de la mise en scène, du scénario, du dialogue, etc. Il disait : « Je me trompe quelques fois mais je vais au bout des choses avec les êtres vivants qui travaillent sur le film que je vais tourner ». Au premier étage de leur belle maison à Saint-Cloud, il commençait par vous faire un déjeuner. Comme on est devenus intimes, c’était dans sa cuisine. Il faisait les pâtes, il coupait le jambon. Sa mère – j’ai connu la mère de Lino – faisait les gnocchis. Il y avait toujours cette ambiance de famille que j’adore et que je me suis efforcé de mettre quelques fois dans certains de mes films.
Thomas : On pense à une scène de « La 7ème cible » lorsque le personnage joué par Lino Ventura rend visite à sa mère.
JL Dabadie : Oui, c’est ça. La famille, les amis, les tablées, les larmes, les cris, etc. Tout ce que j’aime. Comme disait Claude Sautet : « Je ne peux tourner que ce que je connais ». Moi, j’écris parfois ce que je ne connais pas mais j’aime mieux me réfugier dans mon jardin ! Et Lino, c’était ça. On ne pouvait pas lui faire incarner un personnage avec des sentiments qui lui échappent. « La gifle », contrairement à ce qu’ont dit ses enfants, ce n’est pas du tout leur histoire car je n’écris jamais l’histoire des autres. Mais, néanmoins, je savais qu’il avait une fille, Clélia, qui est devenue une de mes copines. Je ne me suis pas inspiré d’elle, mais après elle m’a dit : « Papa m’a donné la même gifle quatre ans avant » (rires). Je ne le savais pas.
Thomas : A la même période, vous écrivez le texte de la chanson « Maintenant, je sais » que va interpréter Jean Gabin qui était un proche de Lino Ventura. Avez-vous un souvenir lié à cette collaboration ?
JL Dabadie : L’éditeur Denis Bourgeois avait acheté une musique dans un festival musical très réputé. Au culot, il avait dit à Jean Gabin : « J’ai fait faire des paroles par Jean-Loup Dabadie, est-ce que vous la chanteriez ? » Je n’étais pas au courant du tout et je n’avais donc absolument rien écrit ! Il était gonflé ! Au départ, Gabin, l’envoie dans ses 22 mètres en disant : « J’ai pas chanté depuis 36 ans, on est dans l’époque yéyé, qu’est-ce que vous voulez que je fasse avec Sheila et Johnny Hallyday… » Il l’envoie balader mais l’autre insiste en répliquant : « Mais qu’est-ce que je vais dire à Jean-Loup Dabadie ? » Et Gabin répond : « Ah, si c’est le môme Dabadie, j’veux bien lire ! » Lire ! Il condescendait à lire, sans doute parce que Lino lui avait parlé de moi ou qu’il avait vu « Les choses de la vie », je n’en sais rien, je ne le connaissais pas.
JL Dabadie : (rires) C’était lui qui prétendait que certains auteurs disaient ça ! Mais ce n’était pas du tout la chambre des tortures. C’est vrai qu’il était très exigeant, Lino. C’était un monsieur qui aimait tellement la vie, qui vous faisait partager les plaisirs de la vie. L’hédonisme, l’épicurisme, il connaissait et il en faisait profiter ses jeunes amis dont je faisais partie. Mais dès qu’on parlait du travail, il était d’une exigence totale. Il trouvait que ce métier lui avait donné beaucoup et qu’il devait lui rendre l’amour des choses, l’amour des images et des mots, de la mise en scène, du scénario, du dialogue, etc. Il disait : « Je me trompe quelques fois mais je vais au bout des choses avec les êtres vivants qui travaillent sur le film que je vais tourner ». Au premier étage de leur belle maison à Saint-Cloud, il commençait par vous faire un déjeuner. Comme on est devenus intimes, c’était dans sa cuisine. Il faisait les pâtes, il coupait le jambon. Sa mère – j’ai connu la mère de Lino – faisait les gnocchis. Il y avait toujours cette ambiance de famille que j’adore et que je me suis efforcé de mettre quelques fois dans certains de mes films.
Thomas : On pense à une scène de « La 7ème cible » lorsque le personnage joué par Lino Ventura rend visite à sa mère.
JL Dabadie : Oui, c’est ça. La famille, les amis, les tablées, les larmes, les cris, etc. Tout ce que j’aime. Comme disait Claude Sautet : « Je ne peux tourner que ce que je connais ». Moi, j’écris parfois ce que je ne connais pas mais j’aime mieux me réfugier dans mon jardin ! Et Lino, c’était ça. On ne pouvait pas lui faire incarner un personnage avec des sentiments qui lui échappent. « La gifle », contrairement à ce qu’ont dit ses enfants, ce n’est pas du tout leur histoire car je n’écris jamais l’histoire des autres. Mais, néanmoins, je savais qu’il avait une fille, Clélia, qui est devenue une de mes copines. Je ne me suis pas inspiré d’elle, mais après elle m’a dit : « Papa m’a donné la même gifle quatre ans avant » (rires). Je ne le savais pas.
Thomas : A la même période, vous écrivez le texte de la chanson « Maintenant, je sais » que va interpréter Jean Gabin qui était un proche de Lino Ventura. Avez-vous un souvenir lié à cette collaboration ?
JL Dabadie : L’éditeur Denis Bourgeois avait acheté une musique dans un festival musical très réputé. Au culot, il avait dit à Jean Gabin : « J’ai fait faire des paroles par Jean-Loup Dabadie, est-ce que vous la chanteriez ? » Je n’étais pas au courant du tout et je n’avais donc absolument rien écrit ! Il était gonflé ! Au départ, Gabin, l’envoie dans ses 22 mètres en disant : « J’ai pas chanté depuis 36 ans, on est dans l’époque yéyé, qu’est-ce que vous voulez que je fasse avec Sheila et Johnny Hallyday… » Il l’envoie balader mais l’autre insiste en répliquant : « Mais qu’est-ce que je vais dire à Jean-Loup Dabadie ? » Et Gabin répond : « Ah, si c’est le môme Dabadie, j’veux bien lire ! » Lire ! Il condescendait à lire, sans doute parce que Lino lui avait parlé de moi ou qu’il avait vu « Les choses de la vie », je n’en sais rien, je ne le connaissais pas.
|
Alors, dans un premier temps, j’ai écrit des paroles où il s’adressait à un petit garçon qui était sensé être son petit-fils. Ca donnait : « Quand j’étais p’tit, haut comme trois pommes, j’étais comme toi, j’voulais faire l’homme », etc. Quand je lui ai apporté les paroles, il m’a dit : « Vous savez, c’est pas de la vanité, mais le public, il veut m’avoir tout seul en gros plan ». Je me rappellerai toujours de cette phrase. Alors, je suis retourné à ma table de travail et je lui ai écrit ce texte dans lequel, sans le savoir, je lui ai fait un plan de cinéma. Quand il dit : « Il y a 60 coups qui ont sonné à l'horloge. Je suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j'm'interroge », c’est un plan de cinéma !
|
Thomas : Y a-t-il aujourd’hui des gens qui vous inspirent dans le cinéma et pour qui vous voudriez écrire ?
JL Dabadie : Oui, plein ! Au niveau des réalisateurs, j’aimerais bien écrire pour Cédric Klapisch que je ne connais pas.
Thomas : On peut lancer un appel !
JL Dabadie : (rires) Voilà ! Une bouteille à la mer !
JL Dabadie : Oui, plein ! Au niveau des réalisateurs, j’aimerais bien écrire pour Cédric Klapisch que je ne connais pas.
Thomas : On peut lancer un appel !
JL Dabadie : (rires) Voilà ! Une bouteille à la mer !