Interview de Jean-Paul Rappeneau
Invité d'honneur du Waterloo Historical Film Festival
– 19 octobre 2019 -
Invité d'honneur du Waterloo Historical Film Festival
– 19 octobre 2019 -
Jean-Paul Rappeneau est un cinéaste qui se laisse désirer. En 50 ans de carrière, il réalise seulement huit films mais ceux-ci sont de vraies réussites. Après avoir été assistant de Louis Malle, il se fait connaître comme scénariste, ce qui l’amène à travailler sur des films comme L’HOMME DE RIO, LE COMBAT DANS L’ILE et LE MAGNIFIQUE. Sa première réalisation de long métrage, LA VIE DE CHÂTEAU, est couronnée du Prix Louis-Delluc 1966. Il faudra néanmoins attendre cinq ans pour que le public applaudisse la seconde, LES MARIES DE L’AN DEUX, véritable succès réunissant un couple de cinéma original formé par Jean-Paul Belmondo et Marlène Jobert. Le réalisateur réussit un nouveau coup de maître quelques années plus tard en réunissant Yves Montand et Catherine Deneuve sur la même affiche dans LE SAUVAGE, qui demeure aujourd’hui son coup de cœur. Mais c’est son adaptation de CYRANO DE BERGERAC, portée par le grand Gérard Depardieu dans le rôle-titre, qui lui vaudra la consécration de ses pairs. Auréolé du César du meilleur film et du meilleur réalisateur en 1991, d’un Golden Globe et de nombreux autres prix, Rappeneau ne se repose pas sur ses lauriers. Il adapte ensuite LE HUSSARD SUR LE TOIT, film projeté dans le cadre de cette édition du Waterloo Historical Film Festival où nous l’avons rencontré.
Thomas : Jean-Paul Rappeneau, votre film LE HUSSARD SUR LE TOIT est projeté sur ce festival. On aurait très bien pu en présenter d’autres tellement votre œuvre est imprégnée de l’Histoire. C’est une thématique qui vous est chère ?
Thomas : Jean-Paul Rappeneau, votre film LE HUSSARD SUR LE TOIT est projeté sur ce festival. On aurait très bien pu en présenter d’autres tellement votre œuvre est imprégnée de l’Histoire. C’est une thématique qui vous est chère ?
Jean-Paul Rappeneau : C’est vrai que j’ai fait huit films dont six parlent d’une période de l’histoire. Quand j’étais enfant, l’histoire était déjà ma matière préférée. C’est quelque chose qui m’a toujours passionné. Comme beaucoup de réalisateurs de ma génération, la dernière guerre a été la grande histoire de notre enfance. J’ai toujours pensé qu’un jour ou l’autre, les jours d’exode seraient source d’inspiration. Les premiers qu’on voyait passer étaient des Belges qui fuyaient sur les routes. D’ailleurs ma femme qui est plus jeune que moi a vécu cet exode toute petite depuis Paris. Un jour, avec elle, on a retrouvé l’endroit où elle s’était réfugiée dans le midi avec les siens et on a rencontré les enfants des gens qui les avaient accueillis. Ils pensaient qu’elle était Belge car pour eux, elle venait du nord ! Dès que j’ai fait mon premier film, LA VIE DE CHÂTEAU, c’est venu presque naturellement. Je voulais que ça se passe à la campagne, loin de Paris, car c’était le moment de la Nouvelle Vague. Beaucoup tournaient au Quartier latin à Paris et moi je voulais tourner à la campagne.
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Thomas : Cette histoire de voleur de pommes dans LA VIE DE CHÂTEAU est aussi inspirée de votre enfance ?
Jean-Paul Rappeneau : Pas dans les détails, on l’a quand même inventée ! Mais les maquisards étaient dans la forêt à côté de la campagne de mon enfance. Dans mon regard d’enfant, la guerre était vue comme une sorte de grand jeu à l’écart. Par bonheur, on a été préservés des horreurs de la guerre. C’est peut-être pour ça que, sans le vouloir vraiment, ce film a un côté un peu romanesque.
Thomas : On peut dire que vous êtes un cinéaste assez rare dont chaque film est un coup de poing, une réussite.
Jean-Paul Rappeneau : J’ai essayé, oui !
Thomas : Que se passe-t-il durant le laps de temps où vous ne tournez pas ? Vous écrivez beaucoup ?
Jean-Paul Rappeneau: Il n’y a en effet dans ma carrière de réalisateur que huit films mais il n’y a pas tous ceux auxquels j’ai pensé, qui ont été écrits et même fortement développés puis qui ne se sont pas faits. Quand LA VIE DE CHÂTEAU a reçu le Prix Delluc, c’est la première fois que je voyais la presse et on me demandait déjà ce que j’allais faire alors que le film n’était pas encore sorti. Je leur disais déjà que j’allais faire un film qui se passerait pendant la Révolution française, une période qui me passionnait.
Thomas : Vous aviez déjà Jean-Paul Belmondo en tête à ce moment-là ? (NDLR : Le film LES MARIES DE L’AN DEUX sortira en avril 1971, soit cinq ans plus tard).
Jean-Paul Rappeneau : Oui, tout à fait. Mais je ne recommanderais pas d’écrire en pensant à un acteur. Quand on écrit en pensant à quelqu’un en particulier, on finit par être imprégné par tout ce qu’on a vu de cet acteur et cela freine un peu l’imagination. On finissait même par appeler le personnage « Belmondo » quand on écrivait.
Thomas : D’autant que vous avez la particularité de vivre les rôles quand vous écrivez.
Jean-Paul Rappeneau : Oui, je me remue beaucoup ! (rires)
Thomas : Avant de réaliser vos propres films, vous en avez scénarisé d’autres et notamment LA FABULEUSE AVENTURE DE MARCO POLO qui était à la base un film pour Alain Delon.
Jean-Paul Rappeneau : Ah ! Une aventure, ce film…
Thomas : Le film a finalement été réalisé avec d’autres acteurs et un autre metteur en scène. (NDLR : L'acteur allemand Horst Buchholz a succédé à Alain Delon et le réalisateur Denys de La Patellière à Christian-Jaque). Était-ce la même histoire qui avait été scénarisée pour Alain Delon ?
Jean-Paul Rappeneau : Oui, c’était toujours le voyage et la rencontre avec l’empereur Mongol. Mais c’était un projet du grand producteur Raoul Lévy qui avait produit notamment ET DIEU CREA LA FEMME. C’était un producteur fastueux, assez sympathique. Comme il avait eu pas mal de succès, il avait eu cette idée. Il rêvait beaucoup de la conquête de l’Amérique. Et là c’était un projet qu’il voyait pharaonique. Il était question de tourner en Europe, en Inde, en Chine, etc. Finalement ça s’est réduit petit à petit.
Thomas : Il y a quand même eu des scènes tournées avec Alain Delon et Michel Simon.
Jean-Paul Rappeneau : Ah oui ? Mais je ne les ai jamais vues. Enfin, il y avait ce rêve d’Amérique puis c’est devenu franco-français ! C’est Denys de la Patellière qui a repris le projet. Le tournage lui-même, au lieu d’aller en Asie, s’est terminé en Yougoslavie au studio de Belgrade ! J’avais déjà écrit mon scénario de LA VIE DE CHÂTEAU à l’époque et je cherchais quelqu’un pour le produire. J’étais donc allé voir Raoul Lévy qui n’était pas très enthousiasmé par le thème. Par contre, c’est là qu’il m’a emmené à Belgrade pour apporter des idées sur son scénario.
Thomas : Un petit mot sur LE SAUVAGE. Vous avez déclaré qu’Yves Montand n’était pas votre premier choix.
Jean-Paul Rappeneau : Pas dans les détails, on l’a quand même inventée ! Mais les maquisards étaient dans la forêt à côté de la campagne de mon enfance. Dans mon regard d’enfant, la guerre était vue comme une sorte de grand jeu à l’écart. Par bonheur, on a été préservés des horreurs de la guerre. C’est peut-être pour ça que, sans le vouloir vraiment, ce film a un côté un peu romanesque.
Thomas : On peut dire que vous êtes un cinéaste assez rare dont chaque film est un coup de poing, une réussite.
Jean-Paul Rappeneau : J’ai essayé, oui !
Thomas : Que se passe-t-il durant le laps de temps où vous ne tournez pas ? Vous écrivez beaucoup ?
Jean-Paul Rappeneau: Il n’y a en effet dans ma carrière de réalisateur que huit films mais il n’y a pas tous ceux auxquels j’ai pensé, qui ont été écrits et même fortement développés puis qui ne se sont pas faits. Quand LA VIE DE CHÂTEAU a reçu le Prix Delluc, c’est la première fois que je voyais la presse et on me demandait déjà ce que j’allais faire alors que le film n’était pas encore sorti. Je leur disais déjà que j’allais faire un film qui se passerait pendant la Révolution française, une période qui me passionnait.
Thomas : Vous aviez déjà Jean-Paul Belmondo en tête à ce moment-là ? (NDLR : Le film LES MARIES DE L’AN DEUX sortira en avril 1971, soit cinq ans plus tard).
Jean-Paul Rappeneau : Oui, tout à fait. Mais je ne recommanderais pas d’écrire en pensant à un acteur. Quand on écrit en pensant à quelqu’un en particulier, on finit par être imprégné par tout ce qu’on a vu de cet acteur et cela freine un peu l’imagination. On finissait même par appeler le personnage « Belmondo » quand on écrivait.
Thomas : D’autant que vous avez la particularité de vivre les rôles quand vous écrivez.
Jean-Paul Rappeneau : Oui, je me remue beaucoup ! (rires)
Thomas : Avant de réaliser vos propres films, vous en avez scénarisé d’autres et notamment LA FABULEUSE AVENTURE DE MARCO POLO qui était à la base un film pour Alain Delon.
Jean-Paul Rappeneau : Ah ! Une aventure, ce film…
Thomas : Le film a finalement été réalisé avec d’autres acteurs et un autre metteur en scène. (NDLR : L'acteur allemand Horst Buchholz a succédé à Alain Delon et le réalisateur Denys de La Patellière à Christian-Jaque). Était-ce la même histoire qui avait été scénarisée pour Alain Delon ?
Jean-Paul Rappeneau : Oui, c’était toujours le voyage et la rencontre avec l’empereur Mongol. Mais c’était un projet du grand producteur Raoul Lévy qui avait produit notamment ET DIEU CREA LA FEMME. C’était un producteur fastueux, assez sympathique. Comme il avait eu pas mal de succès, il avait eu cette idée. Il rêvait beaucoup de la conquête de l’Amérique. Et là c’était un projet qu’il voyait pharaonique. Il était question de tourner en Europe, en Inde, en Chine, etc. Finalement ça s’est réduit petit à petit.
Thomas : Il y a quand même eu des scènes tournées avec Alain Delon et Michel Simon.
Jean-Paul Rappeneau : Ah oui ? Mais je ne les ai jamais vues. Enfin, il y avait ce rêve d’Amérique puis c’est devenu franco-français ! C’est Denys de la Patellière qui a repris le projet. Le tournage lui-même, au lieu d’aller en Asie, s’est terminé en Yougoslavie au studio de Belgrade ! J’avais déjà écrit mon scénario de LA VIE DE CHÂTEAU à l’époque et je cherchais quelqu’un pour le produire. J’étais donc allé voir Raoul Lévy qui n’était pas très enthousiasmé par le thème. Par contre, c’est là qu’il m’a emmené à Belgrade pour apporter des idées sur son scénario.
Thomas : Un petit mot sur LE SAUVAGE. Vous avez déclaré qu’Yves Montand n’était pas votre premier choix.
Jean-Paul Rappeneau : Comme ça devait se passer sur une île au large du Mexique, on voyait un acteur Américain pour incarner le sauvage. Je pensais à Elliott Gould. C’était tout juste après MASH. Je l’avais vu aussi dans LE PRIVE et je le voyais bien dans ce rôle du sauvage. Il y a eu quelques échanges où il nous a demandé de traduire le script mais sans plus. Comme il fallait le produire, je suis allé voir le grand producteur de l’époque Raymond Danon qui est devenu un ami. Il a été emballé par l’histoire mais pas par le choix d’Elliott Gould. Il m’a dit : « Elliott Gould ? Mais il parlera dans quelle langue ? » Et puis : « Et la fille ? » J’ai répondu « Carole Laure », que j’avais vue dans un film québécois. Il m’a répondu : « Vous rigolez ? C’est un grand film français, il faut de grands acteurs français. Je ne vais pas produire un film avec des gens dont je connais à peine le nom ». A ce moment-là, avec ma sœur Elisabeth et Jean-Loup Dabadie, on a remanié le scénario. Mais j’étais sceptique à l’idée qu’un Français se retrouve dans une île sur le Pacifique ou même dans la mer des Antilles. Et en réfléchissant avec mes co-scénaristes, on s’est dits qu’on allait lui inventer une biographie. On a inventé l’idée d’un parfumeur Français devenu grand parfumeur à New-York mais l’histoire dans l’île est restée la même.
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Thomas : Parmi vos films, quel a été le plus compliqué pour vous ?
Jean-Paul Rappeneau : LES MARIES DE L’AN DEUX. On l’a tourné en Roumanie à l’époque de Ceaușescu. Les gens n’avaient rien à bouffer. Faire un film gai dans une atmosphère très plombée, avec la police secrète qui jouait un rôle sur les tournages et qui espionnait tout le monde, ça a été difficile.
Thomas : On pourrait penser que CYRANO DE BERGERAC a aussi été compliqué à tourner ?
Jean-Paul Rappeneau : J’étais en effet très angoissé pendant le tournage. On avait décidé de garder les alexandrins. Les gens pensaient qu’on adapterait le texte. Mes enfants qui étaient ados, quand je leur ai annoncé que je ferais ce film, m’ont demandé si les acteurs allaient parler normalement. Quand je leur ai dit qu’on garderait les vers, ils m’ont supplié de ne pas faire le film ! « C’est un suicide », me disaient-ils ! (rires)
Thomas : Il faut dire que le film est porté par un immense acteur…
Jean-Paul Rappeneau : Oui ! Au début, on tournait à Budapest. La monteuse était venue de Paris et m’avait demandé pourquoi je m’angoissais. Elle m’a dit : « Est-ce que tu réalises que tu es en train de tourner un chef-d’œuvre ? » Je n’y croyais pas, j’avais l’impression que j’étais dans un tunnel. Mais c’est le cinéma, ça !
Thomas : Et aujourd’hui, vous regardez les trophées gagnés pour ce film !
Jean-Paul Rappeneau : Ils sont dans mon salon !
Thomas : Quels sont vos projets ?
Jean-Paul Rappeneau : On m’a demandé d’écrire un livre et j’ai accepté. Je pense qu’il sera prêt l’année prochaine. Vous m’encouragez ?
Thomas : Bien entendu !
Jean-Paul Rappeneau : Vous ne préférez pas un film ?
Thomas : Ah, si, les deux ! Vous avez aussi un projet de film ?
Jean-Paul Rappeneau : Oui mais c’est un peu tôt pour en parler. Je peux vous dire que ça ne sera pas un film historique.
Jean-Paul Rappeneau : LES MARIES DE L’AN DEUX. On l’a tourné en Roumanie à l’époque de Ceaușescu. Les gens n’avaient rien à bouffer. Faire un film gai dans une atmosphère très plombée, avec la police secrète qui jouait un rôle sur les tournages et qui espionnait tout le monde, ça a été difficile.
Thomas : On pourrait penser que CYRANO DE BERGERAC a aussi été compliqué à tourner ?
Jean-Paul Rappeneau : J’étais en effet très angoissé pendant le tournage. On avait décidé de garder les alexandrins. Les gens pensaient qu’on adapterait le texte. Mes enfants qui étaient ados, quand je leur ai annoncé que je ferais ce film, m’ont demandé si les acteurs allaient parler normalement. Quand je leur ai dit qu’on garderait les vers, ils m’ont supplié de ne pas faire le film ! « C’est un suicide », me disaient-ils ! (rires)
Thomas : Il faut dire que le film est porté par un immense acteur…
Jean-Paul Rappeneau : Oui ! Au début, on tournait à Budapest. La monteuse était venue de Paris et m’avait demandé pourquoi je m’angoissais. Elle m’a dit : « Est-ce que tu réalises que tu es en train de tourner un chef-d’œuvre ? » Je n’y croyais pas, j’avais l’impression que j’étais dans un tunnel. Mais c’est le cinéma, ça !
Thomas : Et aujourd’hui, vous regardez les trophées gagnés pour ce film !
Jean-Paul Rappeneau : Ils sont dans mon salon !
Thomas : Quels sont vos projets ?
Jean-Paul Rappeneau : On m’a demandé d’écrire un livre et j’ai accepté. Je pense qu’il sera prêt l’année prochaine. Vous m’encouragez ?
Thomas : Bien entendu !
Jean-Paul Rappeneau : Vous ne préférez pas un film ?
Thomas : Ah, si, les deux ! Vous avez aussi un projet de film ?
Jean-Paul Rappeneau : Oui mais c’est un peu tôt pour en parler. Je peux vous dire que ça ne sera pas un film historique.