Interview de Alejandro Amenabar
Dans le cadre du BIFFF
8 avril 2017
Dans le cadre du BIFFF
8 avril 2017
Intronisé dans l’Ordre du Corbeau le samedi 8 avril dernier, Alejandro Amenabar a foulé le sol de la 35ème édition du BIFFF. L’occasion pour Ecran et toile, de rencontrer ce réalisateur de talent. Décontracté, il se prête au jeu des questions réponses et retrace, avec nous, sa carrière et sa filmographie.
Ecran et toile : Votre premier film « Tesis » a conu un énorme succès, et a été récompensé de 7 goyas. Vous n’avez que 24 ans, c’est votre première réalisation, comment avez-vous vécu ce succès ? Alejandro Amenabar : Pour moi, c’était grande surprise. Le film a été au cinéma pendant presque 1 an et ensuite a été présenté aux Goyas où il a été récompensé. Je ne m’y attendais pas du tout. Je me souviens de trois moments dans ma carrière : le premier est quand mon premier producteur m’a offert l’opportunité de réaliser ce film, c’est comme un grand saut pour moi et puis il y a eu ce moment aux Goyas parce que ça voulait dire que le film avait eu un gros succès. Et puis, c’était une opportunité pour réaliser mon deuxième film. |
Ecran et toile : Justement, l’année suivante, vous proposez « Ouvre les yeux », à nouveau avec le grand acteur Eduardo Noriega. Pourquoi ce choix de retourner à nouveau avec lui ? Alejandro Amenabar : Nous sommes de très bons amis. Je le connaissais déjà de quand nous étions étudiants. Il a avait déjà tourné pour des petits films et je me suis dit qu’il était un super acteur et qu’il pouvait devenir un grand acteur en Espagne. Donc, nous n’avons pas hésité de lui offrir ce rôle dans « Abre los ojos ». A cette époque, je n’étais pas très familier avec les différentes façons de réaliser un film, de diriger les acteurs et pour moi, travailler avec un ami a rendu les choses plus faciles car nous avions confiance l’un en l’autre. |
Ecran et toile : C’est d’ailleurs la dernière fois que vous tourniez ensemble. Vous pensez à une collaboration future ?
Alejandro Amenabar : J’aimerais beaucoup travailler à nouveau avec lui ! Mais je dirais que ça dépend de différentes choses : du projet, de la langue et du rôle. J’aimerais tourner à nouveau avec lui mais aussi avec Javier Bardem et Penelope (Cruz ndlr) mais c’est difficile aussi car quand j’écris, j’essaye de rafraîchir ma mémoire, d’aller dans d’autres directions et ce serait peut-être difficile du coup de revenir vers ces acteurs.
Ecran et toile : Tom Cruise a d’ailleurs fait sa propre adaptation du film… Entre nous, qu’en avez-vous réellement pensé ?
Alejandro Amenabar : C’était agréable de regarder « Vanilla Sky », car j’ai ressenti qu’ils avaient gardé la même trame du film espagnol, les mêmes personnages. Si j’avais dû le refaire, j’aurais changé quelques petites choses et quand j’ai vu l’adaptation, j’ai vu qu’ils les avaient changées justement. Ce que j’ai apprécié est qu’ils n’ont pas juste voulu faire un « remake » américain, ils ont été sérieux dans cette adaptation.
Alejandro Amenabar : J’aimerais beaucoup travailler à nouveau avec lui ! Mais je dirais que ça dépend de différentes choses : du projet, de la langue et du rôle. J’aimerais tourner à nouveau avec lui mais aussi avec Javier Bardem et Penelope (Cruz ndlr) mais c’est difficile aussi car quand j’écris, j’essaye de rafraîchir ma mémoire, d’aller dans d’autres directions et ce serait peut-être difficile du coup de revenir vers ces acteurs.
Ecran et toile : Tom Cruise a d’ailleurs fait sa propre adaptation du film… Entre nous, qu’en avez-vous réellement pensé ?
Alejandro Amenabar : C’était agréable de regarder « Vanilla Sky », car j’ai ressenti qu’ils avaient gardé la même trame du film espagnol, les mêmes personnages. Si j’avais dû le refaire, j’aurais changé quelques petites choses et quand j’ai vu l’adaptation, j’ai vu qu’ils les avaient changées justement. Ce que j’ai apprécié est qu’ils n’ont pas juste voulu faire un « remake » américain, ils ont été sérieux dans cette adaptation.
Ecran et toile : « Les autres » marque un changement dans le choix de casting. Plus américanisé, il met en scène Nicole Kidman. Pourquoi faire ce choix de comédiens plus « populaires » ?
Alejandro Amenabar : C’était une bonne collaboration car quand mes producteurs et moi travaillions en Espagne, nous avons eu des contacts avec Tom Cruise qui a co-produit le film. C’était une grande star à Hollywood, Nicole Kidman aussi, les enfants venaient d’Angleterre donc je dirais que nous étions une « mixité » et nous avons bien travaillé ensemble. Quand j’ai écrit cette histoire à la base, je pensais à une histoire espagnole, dans l’Amérique Latine car je suis né au Chili et je pensais que ça serait sensé mais mon producteur a dit que ça serait plus sensé si nous traduisions le film en deux langues : en espagnol et en anglais. C’est vraiment à ce moment que le projet a changé et que nous avons travaillé avec Nicole. C’était une super idée ! |
Ecran et toile : Retour aux origines latines avec « Mar Adentro », qui met en scène l’excellent Javier Bardem. Gros succès récompensé de multiples récompenses : 14 goyas, un Oscar et un Golden Globe du meilleur film étranger. Comment expliquer un tel succès ?
Alejandro Amenabar :Parce le film est bien ! (rires) . C’était un réel décalage, un changement par rapport à ce que je faisais auparavant. Ici, c’est un drame, avec un sujet controversé mais j’ai senti qu’on pouvait en faire un film très émotionnel à propos de la mort et de la vie. Pour moi, c’était un processus émotionnel pour tous et quand nous avons fini le film, je me disais toujours que je ne savais pas combien de film j’allais faire dans ma carrière mais je savais que celui-ci était un bon film et qu’il allait marcher… je le ressentais. Je dirais que « Mar adentro » est un de mes préférés. |
Ecran et toile : Petite question personnelle… Où rangez-vous tous vos trophées ?
Alejandro Amenabar : La plupart d’entre eux sont un peu partout. J’en ai juste quelques-uns sur une étagère dans mon bureau.
Ecran et toile : Nous venons d’évoquer quatre films très populaires et acclamés par la critique. Malheureusement, « Agora » et « Régression » ne connaissent pas ce même succès et peinent à trouver leur public. Est-ce difficile de rebondir après deux déconvenues ?
Alejandro Amenabar : Ça a rendu les choses plus difficiles. Je dirais que de nos jours, c’est difficile pour tout le monde de rebondir après une déception. Je lisais l’autre jour que Martin Scorsese allait d’ailleurs passer chez Netflix pour se faire financer. Quand on vient au bout de quelque chose qui a coûté plus d’un million d’euro, on est en difficulté.
Mais en fait je suis fier de tous mes films, même ceux qui n’ont pas reçu le même succès. Quand je regarde en arrière et que je repense à mes films, je me dis qu’ils sont cohérents. J’ai vu récemment « Agora » car il était au musée d’astrophysique à Tenerife, et ils ont projeté le film sur grand écran. Je suis resté pour la projection et j’ai beaucoup aimé (rires), ce qui ne m’arrive pas avec mes films quand je les regarde à nouveau donc ça veut dire qu’au moins, j’ai fait ce que je voulais faire mais c’est vrai qu’il faut se dire qu’on ne peut pas être parfait.
Ecran et toile : A l’exception de « Regression », Mateo Gil a toujours co-scénarisé vos films. Comment se passe votre collaboration ?
Alejandro Amenabar : On a collaboré ensemble pour beaucoup de films. Pas en ce moment parce que pour l’instant, il tourne un film qui sortira un peu plus tard, un film de science-fiction qui s’appelle « Realive ». Nous sommes amis depuis longtemps. Quand nous écrivons, nous avons beaucoup de conversations, on a eu plusieurs rendez-vous ensemble, des brainstormings. On s’est habitué à écrire séparément, ensuite nous comparions nos idées et je prenais la décision finale. C’est toujours un projet très relax.
Ecran et toile : Dans votre filmographie, on relève deux thèmes très présents. Le premier concerne le mystère, le doute. On ne sait jamais trop, comme les personnages, où se trouve la part de réel et celle de l’imaginaire, des souvenirs, de la fiction. Prenons les exemples d’Angela dans « Regression », de César dans « Abre los ojos » ou encore de Grace dans « Les autres ». Pourquoi cette thématique ?
Alejandro Amenabar : J’ai toujours aimé le mystère depuis que je suis enfant, et en même temps j’aime les films d’horreur. Tout ce qui est en relation avec le mystère veut dire qu’on doit se questionner, dans le but de trouver une réponse à soi-même. Je pense que c’est une le propre de l’homme : continuer et progresser. Il y a différents niveaux de réalité et c’est quelque chose à laquelle on doit faire face très vite : on doit jouer avec notre mental, nos pensées. Tout ça définit les êtres humains.
Ecran et toile : Le second, c’est l’enfermement, l’emprisonnement. Ramon est enfermé dans son corps, Angela dans ses souvenirs et ses émotions, Grace et César dans leur environnement. Pourquoi ce choix de « confinement » ?
Alejandro Amenabar : (il réfléchit) Je ne l’ai jamais vraiment vu comme cela. Je sens que j’aime explorer l’esprit de l’humain et ses limites. Ce point de vue est sans doute plus intéressant pour le genre dramatique.
Alejandro Amenabar : La plupart d’entre eux sont un peu partout. J’en ai juste quelques-uns sur une étagère dans mon bureau.
Ecran et toile : Nous venons d’évoquer quatre films très populaires et acclamés par la critique. Malheureusement, « Agora » et « Régression » ne connaissent pas ce même succès et peinent à trouver leur public. Est-ce difficile de rebondir après deux déconvenues ?
Alejandro Amenabar : Ça a rendu les choses plus difficiles. Je dirais que de nos jours, c’est difficile pour tout le monde de rebondir après une déception. Je lisais l’autre jour que Martin Scorsese allait d’ailleurs passer chez Netflix pour se faire financer. Quand on vient au bout de quelque chose qui a coûté plus d’un million d’euro, on est en difficulté.
Mais en fait je suis fier de tous mes films, même ceux qui n’ont pas reçu le même succès. Quand je regarde en arrière et que je repense à mes films, je me dis qu’ils sont cohérents. J’ai vu récemment « Agora » car il était au musée d’astrophysique à Tenerife, et ils ont projeté le film sur grand écran. Je suis resté pour la projection et j’ai beaucoup aimé (rires), ce qui ne m’arrive pas avec mes films quand je les regarde à nouveau donc ça veut dire qu’au moins, j’ai fait ce que je voulais faire mais c’est vrai qu’il faut se dire qu’on ne peut pas être parfait.
Ecran et toile : A l’exception de « Regression », Mateo Gil a toujours co-scénarisé vos films. Comment se passe votre collaboration ?
Alejandro Amenabar : On a collaboré ensemble pour beaucoup de films. Pas en ce moment parce que pour l’instant, il tourne un film qui sortira un peu plus tard, un film de science-fiction qui s’appelle « Realive ». Nous sommes amis depuis longtemps. Quand nous écrivons, nous avons beaucoup de conversations, on a eu plusieurs rendez-vous ensemble, des brainstormings. On s’est habitué à écrire séparément, ensuite nous comparions nos idées et je prenais la décision finale. C’est toujours un projet très relax.
Ecran et toile : Dans votre filmographie, on relève deux thèmes très présents. Le premier concerne le mystère, le doute. On ne sait jamais trop, comme les personnages, où se trouve la part de réel et celle de l’imaginaire, des souvenirs, de la fiction. Prenons les exemples d’Angela dans « Regression », de César dans « Abre los ojos » ou encore de Grace dans « Les autres ». Pourquoi cette thématique ?
Alejandro Amenabar : J’ai toujours aimé le mystère depuis que je suis enfant, et en même temps j’aime les films d’horreur. Tout ce qui est en relation avec le mystère veut dire qu’on doit se questionner, dans le but de trouver une réponse à soi-même. Je pense que c’est une le propre de l’homme : continuer et progresser. Il y a différents niveaux de réalité et c’est quelque chose à laquelle on doit faire face très vite : on doit jouer avec notre mental, nos pensées. Tout ça définit les êtres humains.
Ecran et toile : Le second, c’est l’enfermement, l’emprisonnement. Ramon est enfermé dans son corps, Angela dans ses souvenirs et ses émotions, Grace et César dans leur environnement. Pourquoi ce choix de « confinement » ?
Alejandro Amenabar : (il réfléchit) Je ne l’ai jamais vraiment vu comme cela. Je sens que j’aime explorer l’esprit de l’humain et ses limites. Ce point de vue est sans doute plus intéressant pour le genre dramatique.
Ecran et toile : En parlant d’enfermement. Si on devait vous enfermer dans une salle de cinéma et que vous deviez visionner toute la filmographie d’un cinéaste, lequel choisiriez-vous ?
Alejandro Amenabar : Je ne pense pas que je regarderais toute sa filmographie mais je choisirais, laissez-moi réfléchir… (il réfléchit longuement) Je choisirais de regarder à nouveau les films d’Hitchcock. Je suis sûr qu’il y en a un ou deux que je n’ai pas vus mais ils sont super et c’est agréable de les revoir encore et encore. Ecran et toile : Et si vous deviez recommander un film récent, quel serait-il ? Alejandro Amenabar : Un film récent, de cette année ? Je dirais celui qui a gagné le goya du meilleur film cette année «Tarde para la ira ». Un film minimaliste mais vraiment intense ! |
Un tout grand merci à Alison pour sa disponibilité et son aide précieuse dans la traduction