La master class de Peter Lord
13 février 2018 - Festival Anima
Peter Lord et Alexis Hunot (spécialiste des films d’animation et intervieweur hors pair) ont offert au public d’Anima près de deux heures d’échanges passionnants et passionnés autour de la vie du créateur des Studios Aardman, de ses influences mais aussi de ses réalisations mythiques ou plus confidentielles. Supports visuels et bonne humeur étaient au rendez-vous au Studio 1 de Flagey, à tel point que cette rencontre mémorable est passée à la vitesse de la lumière. Petit compte rendu de ce moment d’anthologie. |
Le jeune Peter Lord et ses influences
Peter Lord, né à Bristol en 1953, a grandi dans la ville anglaise non sous la houlette du football mais de celle des films et émissions télés qu’il regardait avec un réel intérêt. Les grandes épopées et les films de la BBC ont ainsi fait rêver le petit Peter. Son préféré ? « L’île au Trésor » !
Peter Lord, né à Bristol en 1953, a grandi dans la ville anglaise non sous la houlette du football mais de celle des films et émissions télés qu’il regardait avec un réel intérêt. Les grandes épopées et les films de la BBC ont ainsi fait rêver le petit Peter. Son préféré ? « L’île au Trésor » !
Les premiers programmes télé dont il se souvient sont « Watch with mother » et les aventures animées de « Yogi l’ours ». Dès son plus jeune âge, ce sont les couleurs et les gags qui captivaient le petit britannique. Côté cinéma, c’est le film Disney « Le livre de la jungle » qui a obtenu ses faveurs. Il faut dire qu’à l’époque, les films pour enfants ne sortaient pas aussi souvent et il fallait parfois attendre deux ans avant de découvrir de nouveaux dessins animés sur grand écran. « Hanna Barbera », « les Flintstones » sont donc ses références dans le domaine de l’animation.
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Quand Alexis Hunot lui demande s’il était amateur de comics, Peter Lord répond qu’à son grand regret, il n’avait pas de réel accès à ce support car, adolescent, il vivait en Australie et mis à part « Spiderman » ou le travail de Frank Miller, cela l’intéressait peu. Sans doute parce que là-bas, les comics sont imprimés en noir et blanc et que la plupart des magazines proposés reprenaient des auteurs britanniques franchement peu attrayants car peu sophistiqués et pas joliment dessinés. Les lectures favorites de Peter Lord étaient plutôt celles du « Mad Magazine » où il découvrait des artistes incroyables comme Jack Davis.
Plus tard, ce sont des films tels que « King Kong » ou encore « Jason et les Argonautes » qui piquent à vif sa curiosité. Comme pour « Star Wars », il pense que c’est le fait de montrer des choses qu’on ne peut s’imaginer qui a eu un si grand impact sur les spectateurs. Ca paraissait irréel et à la fois vrai. |
Mais celui qui marquera à jamais l’esprit du jeune Lord, c’est l’animateur et réalisateur Richard Williams, qu’il a eu le plaisir de rencontrer à plusieurs reprises. Admiratif de son travail, Peter Lord l’a fait venir dans ses studios il y a quelques années encore.
A la découverte du monde de l’animation.
A la découverte du monde de l’animation.
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Dans les années 1960-70, l’animation déboule sur les écrans grâce aux Monthy Python ou des clips tels que « Yellow Submarine » ou « The wall » de Pink Floyd. Mais c’est surtout le travail de Terry Gilliam qui fascine le futur réalisateur : « Je regardais son travail et j’aimais tout ce qu’il y mettait. Je me rappelle avoir vu un épisode de « Do it yourself Animation show où Terry Gilliam était venu montrer ses techniques d’animation. C’était un programme amusant et très instructif car on y apprenait tout sur le monde de l’animation. C’était génial ! ».
Mais c’est surtout grâce à Eli Noyes et ses petites vidéos que Peter Lord découvre le principe de clay animation. |
A l’époque, il n’avait pas d’enregistreur et n’a pas su revoir l’émission « Je garde un souvenir flou de la première fois où j’ai vu une vidéo de Eli Noyes. Ca semblait si facile de faire ce qu’il faisait mais comme je n’avais pas de vidéo et que youtube n’existait pas, je n’ai pas retrouvé tout de suite ses vidéos d’animation ». Bien plus tard, Peter Lord rencontrera Eli Noyes à San Francisco, après l’enregistrement d’une de ses émissions.
L’aventure Aardman
Au début, Peter Lord dessinait beaucoup. Passionnés par l’animation et soucieux d’apprendre et de proposer leurs petites réalisations, David Sproxton et lui contactent l’émission « Vision On », très populaire à l’époque. Comme il n’existait pas d’école d’animation et que les seuls cours existaient dans le domaine se donnaient trop loin de chez eux, il fallait fonctionner par essais/erreurs et apprendre des maîtres en la matière. Parmi les personnalités emblématiques du monde de l’animation figurait Tony White, qui les a fortement inspiré.
Au début, Peter Lord dessinait beaucoup. Passionnés par l’animation et soucieux d’apprendre et de proposer leurs petites réalisations, David Sproxton et lui contactent l’émission « Vision On », très populaire à l’époque. Comme il n’existait pas d’école d’animation et que les seuls cours existaient dans le domaine se donnaient trop loin de chez eux, il fallait fonctionner par essais/erreurs et apprendre des maîtres en la matière. Parmi les personnalités emblématiques du monde de l’animation figurait Tony White, qui les a fortement inspiré.
C’est en 1977 que commence vraiment l’aventure pour David Sproxton et Peter Lord. Sproxton réalise en effet des épisodes de « Conversations pieces » et à eux deux, les jeunes réalisateurs montent des clips vidéo, des publicités, quelques courts métrages et les premières aventures de Morph. Dans les années 1980, un jeune étudiant se présente à eux : Nick Park. Son arrivée va révolutionner le ton des studios Aardman. « Quand il est arrivé, on ne savait pas à quel point c’était un génie ! Avant, nous faisions des films plus réalistes, comme Babylon, alors qu’aujourd’hui, c’est plutôt des films divertissants. On aurait pu faire plus de films comme Babylon mais je ne regrette rien. Maintenant, nous employons beaucoup de personnes, nous écoutons leurs idées, on choisit ensemble ce qu’on veut réaliser. Nous sommes passés à autre chose et ne faisons plus de films sombres.
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A propos de Nick Park, Peter Lord souligne son grand professionnalisme. « Nick est un très bon storyboarder et il sait exactement ce qu’il veut faire et comment il veut le faire. En arrivant sur le plateau, il a une idée très précise en tête. » Plus tard, lorsqu’il parlera des coulisses du film « Cro Man », Peter Lord expliquera (photos à l’appui) que Nick Park joue le rôle de tous les personnages pour que les opérateurs voient précisément ce qu’il attend comme résultat.
Du Royaume-Uni à Hollywood.
Du Royaume-Uni à Hollywood.
On le sait, les studios Aardman ont très vite connu un grand succès avec leurs longs métrages, « Chicken Run » en tête. Peter Lord se moque d’ailleurs très gentiment de la bande annonce ultra américanisée et explique qu’il est difficile de s’imposer aux Etats-Unis et que si ses studios collaborent avec d’autres maisons de production comme Sony Animations, c’est pour obtenir les fonds nécessaires à la réalisation de leurs projets. « C’est un business incroyable. Lorsqu’on se rend chez les producteurs, on vient avec notre projet et ils nous disent d’emblée si oui ou non ils nous financeront. » Si la facilité de se faire financer est un atout, le principe de box office déplait à Peter Lord qui explique qu’un film doit faire sa vie en salles, sur des semaines ou des mois et non sur un seul week-end.
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"Sortir un film le vendredi et voir combien de spectateurs se sont rendus dans les salles en trois jours est réducteur car il faut du temps pour qu’il trouve son public."
L’une des difficultés rencontrée lors des collaborations entre les studios américains et anglais est de trouver des compromis, des atomes crochus. Pour « Early man », les Américains n’ont pas compris pourquoi le football était au centre de l’intrigue. Pour eux, seul le soccer est digne d’intérêt… culturellement, les différences se marquent et travailler ensemble n’est pas toujours aisé.
Un making of et des questions/réponses
Au terme de cette bonne heure trente d’échanges, Peter Lord nous offre quelques images des coulisses de son dernier film « Cro man ». Photos des studios et des techniques d’animation, dessins de travail et séquences finales sont autant de supports pour nous parler, avec passion, du dernier né de la famille Aardman. Heureux de dialoguer avec le public, Peter Lord se prête ensuite avec grand plaisir au jeu des questions réponses d’adeptes venus en nombre l’écouter lors de cette après-midi extraordinaire, avant de s’adonner à une petite séance de dédicaces en présence de deux héros de son film : Doug et Crochon. - Véronique - |
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