Interview de Gabriel D'Almeida Freitas
Dans le cadre du Festival International du Film Francophone de Namur
3 octobre 2019
Dans le cadre du Festival International du Film Francophone de Namur
3 octobre 2019
Il est le comédien principal de « Matthias et Maxime » le dernier film de Xavier Dolan. Gabriel D’Almeida Freitas, jeune acteur, scénariste et humoriste québécois nous a fait le plaisir de nous rencontrer lors de son passage au Festival International du Film Francophone de Namur. Venu présenter le long-métrage de son compatriote, il nous a parlé avec son accent chaleureux de ses débuts, de son rôle dans le dernier Dolan, de son avenir en toute décontraction. Véronique : Gabriel, merci de nous recevoir au début de cette après-midi marathon. J’imagine que cela ne doit pas être évident de venir parler seul de ce film… Gabriel d’Almeida Freitas : En effet, surtout que d’ordinaire, on s’est déplacé en groupe. On sort de quelques mois de promotion au Québec où on a sillonné le pays dans un bus avec la bande. C’était fun de le faire surtout qu’entre deux étapes, on passait de bons moments ensemble, on jouait aux cartes, on s’amusait beaucoup… Ce n’est pas que je ne vais pas m’amuser ici mais ce sera très différent. |
Véronique : Avant de nous plonger véritablement dans le film, je vous propose de nous intéresser un peu à votre parcours, d’autant qu’on ne vous connaissait pas avant de vous découvrir dans « Matthias et Maxime ». Après des études en cinéma, vous vous êtes lancé dans une web série, « La boite à malle ». Comment cette envie de cinéma s’est-elle présentée à vous ?
Gabriel d’Almeida Freitas : A la suite de mes études de cinéma, je suis entré à l’école nationale de l’humour et en sortant de là, je me suis dit que ce n’était plus le stand up qui m’intéressait. Du coup, je me suis lancé dans autre chose, dans « La boite à malle » mais aussi dans deux autres web séries, tout ça en un an. Il y avait « Offres d’emploi » et « Non, cette femme n’est pas faite pour le vieil homme » en référence à « No country for old man » (rires) . En sortant de l’école, je n’ai fait que tourner devant la caméra et même si ce ne sont que des web séries, ça m’a permis de développer mon jeu d’acteur. Quand les rôles se sont moins présentés à moi, je suis retourné du côté du stand up mais j’ai toujours écrit, toujours eu envie de faire de la mise en scène. J’ai écrit pour des séries télé, ce qui m’a permis de rester dans la création et le jeu et j’ai ensuite à nouveau relâcher le stand up même si j’étais toujours dans un mix où les deux continuaient de se mélanger.
Gabriel d’Almeida Freitas : A la suite de mes études de cinéma, je suis entré à l’école nationale de l’humour et en sortant de là, je me suis dit que ce n’était plus le stand up qui m’intéressait. Du coup, je me suis lancé dans autre chose, dans « La boite à malle » mais aussi dans deux autres web séries, tout ça en un an. Il y avait « Offres d’emploi » et « Non, cette femme n’est pas faite pour le vieil homme » en référence à « No country for old man » (rires) . En sortant de l’école, je n’ai fait que tourner devant la caméra et même si ce ne sont que des web séries, ça m’a permis de développer mon jeu d’acteur. Quand les rôles se sont moins présentés à moi, je suis retourné du côté du stand up mais j’ai toujours écrit, toujours eu envie de faire de la mise en scène. J’ai écrit pour des séries télé, ce qui m’a permis de rester dans la création et le jeu et j’ai ensuite à nouveau relâcher le stand up même si j’étais toujours dans un mix où les deux continuaient de se mélanger.
Véronique : J’ai regardé quelques vidéos que vous avez faites et qui sont disponibles sur le net. Je prends pour exemple le court métrage « Bataille entre deux garçons », où vous faites une étrange rencontre dans une ruelle…
Gabriel d’Almeida Freitas : (Rires) C’est justement celle où je finis nu… Véronique : Je vous rassure qu'au départ je ne le savais pas. Ce n’est pas pour cela que je l’ai vue (rires) |
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Gabriel d’Almeida Freitas : Etonnamment, cette vidéo a eu énormément de vues (rires). C’est amusant car beaucoup de monde m’en parle alors que pour être tout à fait honnête, on n’avait rien préparé. J’ai appelé mon ami le matin et je lui ai proposé de tourner dans la journée. Il a accepté, j’ai apporté ma caméra, mon idée et on y est allé dans l’improvisation…
Véronique : C’est d’autant plus amusant que ça se rapproche un peu du déclenchement du film de Xavier Dolan où vous improvisez un tournage à deux…
Gabriel d’Almeida Freitas : C’est une des idées du film effectivement. Maintenant, beaucoup de monde me demande si on a improvisé durant le tournage du film mais en fait pas du tout car tout est écrit au millimètre près. Xavier a une force de dialoguiste incroyable. Il parvient à faire des dialogues très précis, ce qui fait qu’à la lecture, on voit tout de suite que les personnages s’entrecoupent, que c'est dynamique, fluide... On se parle comme dans la vie, c’est naturel et très vivant à la fois.
François : C’est vivant et c’est surtout très spontané. On ne connait pas la bande de copains à laquelle vous appartenez et pourtant, dès la première conversation, on se sent intégré et on comprend qu’il y a déjà un passé commun auquel on n’a pas assisté…
Gabriel d’Almeida Freitas : Et il y a tellement de subtilités dans ce film… Certains québécois ne comprennent pas ce que ces amis se disent, non pas à cause des expressions utilisées ou de la barrière de la langue, mais parce qu’il y a des private jokes propres à cette bande. On comprend qu’il s’est passé quelque chose qu’on ne dit pas mais sur laquelle on s’amuse. Je prends l’exemple de la citation de Batman… on ne sait pas d’où ça part et pourquoi ils rient de ça mais on rentre dans la conversation comme si on côtoyait des vrais amis de longue date. C’est ça qui est beau dans les dialogues, Xavier a voulu créer des moments où même les personnages sont spectateurs de ce qui passe… On comprend mais on ne se pose pas de questions non plus
Véronique : C’est d’autant plus amusant que ça se rapproche un peu du déclenchement du film de Xavier Dolan où vous improvisez un tournage à deux…
Gabriel d’Almeida Freitas : C’est une des idées du film effectivement. Maintenant, beaucoup de monde me demande si on a improvisé durant le tournage du film mais en fait pas du tout car tout est écrit au millimètre près. Xavier a une force de dialoguiste incroyable. Il parvient à faire des dialogues très précis, ce qui fait qu’à la lecture, on voit tout de suite que les personnages s’entrecoupent, que c'est dynamique, fluide... On se parle comme dans la vie, c’est naturel et très vivant à la fois.
François : C’est vivant et c’est surtout très spontané. On ne connait pas la bande de copains à laquelle vous appartenez et pourtant, dès la première conversation, on se sent intégré et on comprend qu’il y a déjà un passé commun auquel on n’a pas assisté…
Gabriel d’Almeida Freitas : Et il y a tellement de subtilités dans ce film… Certains québécois ne comprennent pas ce que ces amis se disent, non pas à cause des expressions utilisées ou de la barrière de la langue, mais parce qu’il y a des private jokes propres à cette bande. On comprend qu’il s’est passé quelque chose qu’on ne dit pas mais sur laquelle on s’amuse. Je prends l’exemple de la citation de Batman… on ne sait pas d’où ça part et pourquoi ils rient de ça mais on rentre dans la conversation comme si on côtoyait des vrais amis de longue date. C’est ça qui est beau dans les dialogues, Xavier a voulu créer des moments où même les personnages sont spectateurs de ce qui passe… On comprend mais on ne se pose pas de questions non plus
(c) Diaphana Films - Shayne Laverdiere
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François : Ici, Xavier Dolan a eu l’intelligence de ne pas présenter tout ces amis un à un, il n’y a pas de ce côté artificiel qui veut que le spectateur se raccroche à tout prix à ces personnages que l’on découvre. Au contraire, il y a un vécu authentique…
Gabriel d’Almeida Freitas : Oui, le but c’est d’arriver dans une parcelle de vie. Je prends par exemple la tâche qu’a le personnage de Xavier. On n’explique pas combien il a dû souffrir de cela, tous les moments durs qu’il a dû traverser. On reçoit quelques bribes d’informations, comme celle où on comprend que le frère d’Erika l’a toujours détesté. On arrive directement dans l’action mais on comprend aussi le niveau des personnages, leur intensité… |
Véronique: Vous avez tourné les scènes chronologiquement pour que la complicité soit réelle ou au contraire, vous avez déstructuré tout cela ?
Gabriel d’Almeida Freitas : Non, on n’a pas tout tourné dans l’ordre. La première scène, celle du tapis de course, on l’a tournée le deuxième jour mais à part celle-là, on a toujours tourné selon les possibilités. On a commencé par la scène finale, celle de la boulette. Pour celle du lac, on l’a faite en deux parties parce que, comment dire, c’était très, très froid ! (Rires). On a commencé par tourner les plans serrés début septembre et tous les plans larges ont eux été tournés une semaine en octobre parce qu’on voulait que les feuilles soient jaunes. C’était très dur, même pour les trois gars qui étaient dans le lac… On a de superbes couleurs, les feuilles et la nature d’automne mais ça n’a pas été évident. La finale du film et ses trente dernières minutes ont été tournées dans les premières semaines, mais à part cela, c’est vrai que ça a été assez chronologique. On a commencé à tourner en août mais comme il fallait des feuilles d’automne pour les extérieurs, on tournait d’abord les scènes intérieures... Avec le recul, je dirais qu’on s’est surtout calqué sur l’automne québécois.
Véronique: Matthias est plus détaché du reste de la bande. Vous avez travaillé seul avant d’intégrer le reste du casting ?
Gabriel d’Almeida Freitas : Mon personnage est en effet assez solitaire mais je dirais que j’ai travaillé de deux manières. Pour les scènes de bande, on faisait des lectures communes et pour les scènes en solo, je les répétais avec Xavier. On travaillait séparément sauf en ce qui concerne le gang. On avait une idée de l’énergie que ça demandait de la part de chacun parce qu’on se connaissait d’avant. Je connais Xavier depuis sept ans, les autres aussi et mis à part Adib (Alkhalidey, Sharrif dans le film ndlr) qui ne l’a rencontré que six mois avant, on n’avait pas besoin de se demander quelle énergie mettre lors de nos rencontres puisqu’on la maîtrisait déjà. Quand on lisait les lignes en répétition, on savait déjà comment Xavier voulait qu’on la dise. On ne devait pas chercher l’interprétation, on l’avait déjà. Me concernant, mon personnage est assez loin de moi puisqu’il ne parle pas beaucoup et vit des émotions. C'est tout le contraire des miennes mais je l’ai travaillé par moi-même. Xavier savait que j’avais la capacité de vivre les silences, le malaise de cette manière-là. A la première lecture, on s’est rendu compte que je n’étais pas obligé de parler beaucoup et il a fallu que je travaille un peu plus ce côté-là.
Véronique: Vous venez de le dire, vous connaissez Xavier Dolan depuis un petit temps. Comment êtes-vous arrivé dans le projet de « Matthias et Maxime » ?
Gabriel d’Almeida Freitas : Non, on n’a pas tout tourné dans l’ordre. La première scène, celle du tapis de course, on l’a tournée le deuxième jour mais à part celle-là, on a toujours tourné selon les possibilités. On a commencé par la scène finale, celle de la boulette. Pour celle du lac, on l’a faite en deux parties parce que, comment dire, c’était très, très froid ! (Rires). On a commencé par tourner les plans serrés début septembre et tous les plans larges ont eux été tournés une semaine en octobre parce qu’on voulait que les feuilles soient jaunes. C’était très dur, même pour les trois gars qui étaient dans le lac… On a de superbes couleurs, les feuilles et la nature d’automne mais ça n’a pas été évident. La finale du film et ses trente dernières minutes ont été tournées dans les premières semaines, mais à part cela, c’est vrai que ça a été assez chronologique. On a commencé à tourner en août mais comme il fallait des feuilles d’automne pour les extérieurs, on tournait d’abord les scènes intérieures... Avec le recul, je dirais qu’on s’est surtout calqué sur l’automne québécois.
Véronique: Matthias est plus détaché du reste de la bande. Vous avez travaillé seul avant d’intégrer le reste du casting ?
Gabriel d’Almeida Freitas : Mon personnage est en effet assez solitaire mais je dirais que j’ai travaillé de deux manières. Pour les scènes de bande, on faisait des lectures communes et pour les scènes en solo, je les répétais avec Xavier. On travaillait séparément sauf en ce qui concerne le gang. On avait une idée de l’énergie que ça demandait de la part de chacun parce qu’on se connaissait d’avant. Je connais Xavier depuis sept ans, les autres aussi et mis à part Adib (Alkhalidey, Sharrif dans le film ndlr) qui ne l’a rencontré que six mois avant, on n’avait pas besoin de se demander quelle énergie mettre lors de nos rencontres puisqu’on la maîtrisait déjà. Quand on lisait les lignes en répétition, on savait déjà comment Xavier voulait qu’on la dise. On ne devait pas chercher l’interprétation, on l’avait déjà. Me concernant, mon personnage est assez loin de moi puisqu’il ne parle pas beaucoup et vit des émotions. C'est tout le contraire des miennes mais je l’ai travaillé par moi-même. Xavier savait que j’avais la capacité de vivre les silences, le malaise de cette manière-là. A la première lecture, on s’est rendu compte que je n’étais pas obligé de parler beaucoup et il a fallu que je travaille un peu plus ce côté-là.
Véronique: Vous venez de le dire, vous connaissez Xavier Dolan depuis un petit temps. Comment êtes-vous arrivé dans le projet de « Matthias et Maxime » ?
Gabriel d’Almeida Freitas : Je pense qu’il avait envie de revenir au Québec après « Juste la fin du monde » et « John F » et de raconter cette histoire d’amis, de vécu. Il a connu un succès fulgurant depuis la vingtaine et il a réalisé que les personnes qui sont restées là au fil des années, ce sont ses amis. Il s’est inspiré de films italiens, d’autres sur un amour entre hommes qui n’est pas forcément homosexuel et puis sur l’amitié aussi. Il a écrit les rôles pour chacun d’entre nous et quand il est venu me chercher, il y avait déjà Catherine, Pierre-Luc, Sam et tous les autres. Je pense qu’il savait déjà avec qui il voulait tourner. Me concernant, j’ai été surpris parce que quand il m’a dit qu’il avait pensé à moi pour l’un des rôles, je ne savais pas que c’était celui-là. Je pensais qu’il avait créé un personnage qui me ressemblait dans la vie, un gars malaisant et absurde alors que finalement, pas du tout…
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(c) Diaphana Films - Shayne Laverdiere
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Ça m’a fait un peu peur, mais une belle peur, une qui résonne comme un défi. Quand on sait l’impact que ses films ont dans le monde, c’est un superbe privilège ! Xavier est passionné, il est inspirant et j’étais très content d’être sur son plateau avec ce beau rôle. J’ai pu installer le personnage, jouer beaucoup… j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire.
François : Il y a beaucoup de pudeur, d’émotions, de retenue… Il y a une belle construction au niveau de votre personnage qui est complexe. Comment vous y êtes-vous préparé ?
Gabriel d’Almeida Freitas : En fait, il y avait deux niveaux dans le film. Pour la scène du baiser, je voulais qu’il y ait une belle rupture et c’est pour cela que je voulais tourner les scènes dramatiques dans un climax qui amenait à cette finalité-là. Je voulais aussi qu’on s’attache au personnage, qu’on l’aime un peu plus dans les débuts parce qu’après, je savais qu’on tomberait dans les silences, le renfermement. Je voulais qu’au départ, il s’amuse avec ses amis, qu’il y ait de la répartie, qu’il soit toujours dans la blague avant de se murer dans un silence. Il fallait qu’on s’amuse et qu’on donne l’impression que Matthias faisait vraiment partie de la bande pour qu’au moment du baiser, la rupture soit nette et palpable. Après, il vit quelque chose mais le défi est de ne pas trop jouer le malaise non plus. Il fallait se mentir à soi-même pour pouvoir mentir aux autres. Se sent-il mal par ce qu’il vit ou parce qu’il n’a pas aimé ce qu’il a vécu ? Il fallait jouer « petit », se mentir à soi-même sans trop le montrer. Je pense à la scène que je partage avec mon boss où on se demande si on a encore le temps à trente ans de se poser des questions, de faire des projections. J’ai réfléchi à comment je réagirais moi dans cette situation et je me suis dit que je ne montrerais pas que ça m’interpelle ou me fait réagir. Je ne veux pas une seconde qu’on voit que ce qu’il me dit je me chamboule au fond. On a fait différents tests et on a gardé la scène où je reste de glace et que je montre que je m’en fous, parce que c’est celle qui est la plus crédible. Dans le même ordre d’idée, après le baiser, il fallait qu’on voit que mon personnage a toujours été hétéro ou du moins qu’il se rassure au fond de lui en se disant qu’il est hétéro, mais tout ça sans en faire des tonnes.
Véronique : Xavier Dolan est une sorte d’orpailleur, il a le don de trouver des comédiens de talent qui ont de belles carrières ensuite. Ça ne vous fait pas peur cet après ?
Gabriel d’Almeida Freitas : Complètement ! (rires) Je n’aime pas avoir les projecteurs sur moi et c’est pour ça que je n’ai pas de difficultés à faire des projets où je suis derrière la caméra et où on ne me voit pas. J’aime être auteur pour certains humoristes car c’est eux qu’on voit, pas moi. Maintenant, je trouve ça beau d’avoir une visibilité comme celle-là parce que de beaux projets peuvent arriver. Il peut y en avoir des moins beaux aussi mais ça veut dire qu’on a aussi une possibilité plus grande. Ce métier apporte des avantages et des inconvénients… Je n’aime pas beaucoup la popularité et c’est sans doute pour cela que je fais moins d’entrevues au Québec. Les entrevues amènent de la popularité, la popularité des projets et c’est ce qui fait que la roue tourne. Il faut savoir embarquer là-dedans en faisant des choix mais j’espère que de belles portes vont s’ouvrir devant moi… ou pas (rires).
François : Il y a beaucoup de pudeur, d’émotions, de retenue… Il y a une belle construction au niveau de votre personnage qui est complexe. Comment vous y êtes-vous préparé ?
Gabriel d’Almeida Freitas : En fait, il y avait deux niveaux dans le film. Pour la scène du baiser, je voulais qu’il y ait une belle rupture et c’est pour cela que je voulais tourner les scènes dramatiques dans un climax qui amenait à cette finalité-là. Je voulais aussi qu’on s’attache au personnage, qu’on l’aime un peu plus dans les débuts parce qu’après, je savais qu’on tomberait dans les silences, le renfermement. Je voulais qu’au départ, il s’amuse avec ses amis, qu’il y ait de la répartie, qu’il soit toujours dans la blague avant de se murer dans un silence. Il fallait qu’on s’amuse et qu’on donne l’impression que Matthias faisait vraiment partie de la bande pour qu’au moment du baiser, la rupture soit nette et palpable. Après, il vit quelque chose mais le défi est de ne pas trop jouer le malaise non plus. Il fallait se mentir à soi-même pour pouvoir mentir aux autres. Se sent-il mal par ce qu’il vit ou parce qu’il n’a pas aimé ce qu’il a vécu ? Il fallait jouer « petit », se mentir à soi-même sans trop le montrer. Je pense à la scène que je partage avec mon boss où on se demande si on a encore le temps à trente ans de se poser des questions, de faire des projections. J’ai réfléchi à comment je réagirais moi dans cette situation et je me suis dit que je ne montrerais pas que ça m’interpelle ou me fait réagir. Je ne veux pas une seconde qu’on voit que ce qu’il me dit je me chamboule au fond. On a fait différents tests et on a gardé la scène où je reste de glace et que je montre que je m’en fous, parce que c’est celle qui est la plus crédible. Dans le même ordre d’idée, après le baiser, il fallait qu’on voit que mon personnage a toujours été hétéro ou du moins qu’il se rassure au fond de lui en se disant qu’il est hétéro, mais tout ça sans en faire des tonnes.
Véronique : Xavier Dolan est une sorte d’orpailleur, il a le don de trouver des comédiens de talent qui ont de belles carrières ensuite. Ça ne vous fait pas peur cet après ?
Gabriel d’Almeida Freitas : Complètement ! (rires) Je n’aime pas avoir les projecteurs sur moi et c’est pour ça que je n’ai pas de difficultés à faire des projets où je suis derrière la caméra et où on ne me voit pas. J’aime être auteur pour certains humoristes car c’est eux qu’on voit, pas moi. Maintenant, je trouve ça beau d’avoir une visibilité comme celle-là parce que de beaux projets peuvent arriver. Il peut y en avoir des moins beaux aussi mais ça veut dire qu’on a aussi une possibilité plus grande. Ce métier apporte des avantages et des inconvénients… Je n’aime pas beaucoup la popularité et c’est sans doute pour cela que je fais moins d’entrevues au Québec. Les entrevues amènent de la popularité, la popularité des projets et c’est ce qui fait que la roue tourne. Il faut savoir embarquer là-dedans en faisant des choix mais j’espère que de belles portes vont s’ouvrir devant moi… ou pas (rires).