Interview de Julie Bertuccelli
Dans le cadre de l'avant-première de "La dernière folie de Claire Darling"
7 mai 2019
Dans le cadre de l'avant-première de "La dernière folie de Claire Darling"
7 mai 2019
Julie Bertuccelli a proposé, au fil de sa carrière, des documentaires mais aussi des fictions de grande qualité. La dernière en date, « La dernière folie de Claire Darling » offre un rôle tout en retenue à une Catherine Deneuve aussi touchante que pudique. Reprenant des thèmes qui lui sont chers, son troisième long-métrage est l’occasion pour elle de nous parler de sa vision onirique du passé, des réalisateurs qui ont guidé ses pas et de tout ce qui importe dans son cinéma.
Véronique : Dans votre film « La dernière folie de Claire Darling », vous conjuguez histoire de famille avec une douce folie et une vision très onirique. Comment avez-vous réussi à trouver l’équilibre entre le matériau de base qui était dans le roman et votre propre univers dans lequel vous avez parsemé des petits éléments personnels ?
Véronique : Dans votre film « La dernière folie de Claire Darling », vous conjuguez histoire de famille avec une douce folie et une vision très onirique. Comment avez-vous réussi à trouver l’équilibre entre le matériau de base qui était dans le roman et votre propre univers dans lequel vous avez parsemé des petits éléments personnels ?
Julie Bertuccelli : En réalité, le livre avait déjà des pré-indices qui me tentaient. Découvrir ainsi une histoire qui se déroule en une journée et en même temps qui traverse toute une vie, ça me laissait plein de possibilités. C’est vrai que le passé tel qu’il était évoqué, et qui était raconté plus classiquement dans le livre, me donnait envie de présenter une nouvelle forme d'entrelacement du passé et du présent… J'avais vraiment envie de travailler là-dessus parce que la mémoire, le temps qui passe et la mort sont des thèmes qui me touchent beaucoup. Ici, on pouvait évoquer la transition de la mémoire par le biais des objets qui ont eux-mêmes une âme. Ce sont des Madeleines qui cristallisent pas mal de tensions, d’histoires et du coup j'ai trouvé que c'était une belle traversée possible dans la vie.
Quand on adapte un livre, c’est toujours compliqué de ne pas en être prisonnier. Il faut prendre du recul, de l'espace sans le trahir. J’y ai rajouté des choses parfois très personnelles, je n’ai pas tout suivi au pied de la lettre mais effectivement, j’ai voulu apporter plus d’onirisme qu’il n’en proposait. Pour moi, ça devait déjà y être en puissance puisqu’il y avait des possibilités de jouer sur des choses plus oniriques. Il y avait déjà ce personnage qui perd plus ou moins la tête ou en tout cas qui le fait croire par moments mais j'avais envie d'aller plus loin et qu’il y ait des visions étranges. Dans le livre, on jouait beaucoup sur l’apparition d'un fils, on parle vraiment des souvenirs mais moi j’ai vraiment voulu entrelacer le présent et le passé de manière très organique et dans un même plan. |
J'ai aussi eu toutes une série de visions comme celles de la farandole d'enfants, de mariées, d’auto tamponneuse, des papillons… ce sont toutes des choses que j'ai rajoutées parce que je sentais que j'avais besoin d'aller plus loin dans l'imaginaire, dans la transcendance que permet le sentiment étrange de vivre le dernier jour de sa vie. Finalement, qu'est-ce que qu'on reconvoque à ce moment-là ? Ça me touchait et j'ai pu mettre aussi des choses très personnelles, des souvenirs intimes et c’est tout cela qui m’a décidé de m’approprier cette histoire et d’aller un peu plus loin.
Véronique : Pour faire ce lien entre le passé et le présent, vous n’utilisez pas de simples flashback… Ces visions révèlent toujours quelque chose de l'instant présent des personnages qui se projettent dans le passé ou qui rencontrent les fantômes de leur passé…
Julie Bertuccelli : Oui, c'est tout à fait ça ! Je n’aime pas le principe de flashbacks, bien que j’aime les voir dans les films des autres. J'avais un peu de peine à le faire ou du moins pas l’envie de le faire de manière classique. J'avais plutôt envie de permettre des entrelacements qui font que, effectivement, ce sont pas des flashback mais des réminiscences du passé. Je pense que la mémoire des souvenirs ne surgit pas les yeux fermés et d’une manière abstraite mais qu’au contraire, ils sont toujours dans des lieux lorsqu’on a les yeux ouverts et où tout d'un coup les souvenirs se mélangent à ce qu’on voit. Pas que sous forme de fantôme mais le présent et le passé se fondent ensemble en quelque chose de nouveau. C'est l'action des deux ensembles qui nous poussent d'ailleurs à faire des choses, qui nous poussent à pleurer ou à faire je ne sais pas quelle autre réaction mais ce n’est pas juste le passé déconnecté du présent. Il est issu de ce passé et même s’il est transformé ou revisité par le présent j'avais envie de cette connexion à l'image. C’était un défi pour moi d'arriver à faire cela comme ça, de jouer avec des personnages qui se voient plus jeunes : on passe de l'un à l'autre avec un changement de décor mais tout en restant dans le présent. C'était un peu particulier à imaginer mais je sentais que je devais le faire comme ça. Je pense que toute une vie est retraversée par des petites pièces de puzzle que sont les objets et même si on ne sait pas pourquoi, on se souvient à un moment de ce qu’ils nous racontent, des souvenirs qu’ils convoquent. Inconsciemment, ça peut peut-être même amener une réconciliation alors qu’il y a de gros cadavres dans le placard de cette famille …
Véronique : Dans votre film, les objets et les lieux deviennent d’ailleurs des personnages à part entière. Ils s’ancrent dans les vies et c’est sans doute cela qui fait que les personnages ont du mal à s’en détacher …
Julie Bertuccelli : Oui en même temps, en voulant s’en détacher, on veut lâcher prise. Vider sa maison en pensant que tout va être nettoyé, c’est au contraire tout faire revenir comme un boomerang. On ne peut pas non plus faire table rase du passé mais il faut trouver un équilibre entre ce qu’on a oublié ou envie d’oublier et ce qu’on a envie de garder dans la vie. C’est très symbolique aussi.
Véronique : Pour faire ce lien entre le passé et le présent, vous n’utilisez pas de simples flashback… Ces visions révèlent toujours quelque chose de l'instant présent des personnages qui se projettent dans le passé ou qui rencontrent les fantômes de leur passé…
Julie Bertuccelli : Oui, c'est tout à fait ça ! Je n’aime pas le principe de flashbacks, bien que j’aime les voir dans les films des autres. J'avais un peu de peine à le faire ou du moins pas l’envie de le faire de manière classique. J'avais plutôt envie de permettre des entrelacements qui font que, effectivement, ce sont pas des flashback mais des réminiscences du passé. Je pense que la mémoire des souvenirs ne surgit pas les yeux fermés et d’une manière abstraite mais qu’au contraire, ils sont toujours dans des lieux lorsqu’on a les yeux ouverts et où tout d'un coup les souvenirs se mélangent à ce qu’on voit. Pas que sous forme de fantôme mais le présent et le passé se fondent ensemble en quelque chose de nouveau. C'est l'action des deux ensembles qui nous poussent d'ailleurs à faire des choses, qui nous poussent à pleurer ou à faire je ne sais pas quelle autre réaction mais ce n’est pas juste le passé déconnecté du présent. Il est issu de ce passé et même s’il est transformé ou revisité par le présent j'avais envie de cette connexion à l'image. C’était un défi pour moi d'arriver à faire cela comme ça, de jouer avec des personnages qui se voient plus jeunes : on passe de l'un à l'autre avec un changement de décor mais tout en restant dans le présent. C'était un peu particulier à imaginer mais je sentais que je devais le faire comme ça. Je pense que toute une vie est retraversée par des petites pièces de puzzle que sont les objets et même si on ne sait pas pourquoi, on se souvient à un moment de ce qu’ils nous racontent, des souvenirs qu’ils convoquent. Inconsciemment, ça peut peut-être même amener une réconciliation alors qu’il y a de gros cadavres dans le placard de cette famille …
Véronique : Dans votre film, les objets et les lieux deviennent d’ailleurs des personnages à part entière. Ils s’ancrent dans les vies et c’est sans doute cela qui fait que les personnages ont du mal à s’en détacher …
Julie Bertuccelli : Oui en même temps, en voulant s’en détacher, on veut lâcher prise. Vider sa maison en pensant que tout va être nettoyé, c’est au contraire tout faire revenir comme un boomerang. On ne peut pas non plus faire table rase du passé mais il faut trouver un équilibre entre ce qu’on a oublié ou envie d’oublier et ce qu’on a envie de garder dans la vie. C’est très symbolique aussi.
éronique : Le film raconte le dernier jour de Claire Darling et, même si on ne va pas révéler la fin ici, on comprend que cette idée permet d’apporter une légère dramaturgie à votre histoire…
Julie Bertuccelli : En tout cas, l’histoire que proposait le livre me donnait vraiment l’envie de me poser cette question : si on pense qu’on va mourir le soir-même, qu’est-ce qu’on reconvoque ? Est-ce juste de la tristesse, de la joie ou au contraire, on se projette encore dans des idées ? Qu’est-ce qu’on a envie de vivre à ce moment-là ? Si Claire veut se débarrasser des choses pour des clopinettes, ce n’est pas juste pour qu’on les lui achète mais parce qu’elles vont pouvoir vivre ailleurs. C’est peut-être aussi une façon d’appeler sa fille d'une manière discrète. Ce sont plein de choses qui font que lorsqu’on s’approche de la mort d’une manière fantasmée ou réelle, on donne du relief à la vie. On me reproche en rigolant de souvent montrer la mort des hommes dans mes films… Ce sont en effet des thèmes qui me traversent mais c’est sans doute parce que ma vie a été traversée par pas mal de morts et je sais que c'est ça aussi qui la rend plus intense et qui nous poussent aussi. Tous les drames qu'on traverse nous amènent à des choses plus fortes, nous poussent vers l'imaginaire ou vers la création. Ça me touche de suivre des personnages qui transcendent tout ça, qui en font quelque chose d'autre. |
Dans « L’arbre », il y a petite fille qui pensait que son père mort se réincarnait dans un arbre… ça a développé un chemin de traverse vers le deuil et même si c'était un peu particulier, au moins ça l’a poussé en avant. Dans « Depuis qu’Otar est parti » il y avait aussi un rapport avec une jeune fille qui écrivait des fausses cartes postales pour faire croire à sa grand-mère que son fils est toujours vivant… En faisant cela, elle devenait romancière, elle développait un imaginaire très fort et elle vivait par procuration des choses qui l’emmenaient ailleurs… Dans les documentaires que je fais, il y a aussi ce thème qui irradie et qui me touche parce qu’on est tous touché par des drames qui nous écrasent. Claire Darling a aussi vécu des choses très dures et elle a développé une façon de les gérer. Ce n’est pas toujours facile de donner des signes d'amour et ce personnage, par son vécu, me touche.
Véronique : Vous avez mis beaucoup de choses personnelles dans l’histoire de Claire Darling : c'est un des premiers films que vous tournez en France dans la maison familiale de votre grand-mère, vous aimez chiner… Cette histoire a été écrite par vous et pour vous, non ?
Julie Bertuccelli : C’est vrai que quand j’ai lu le bouquin qu’une amie m’a offert, j’ai trouvé, comme elle, qu’il y avait beaucoup de choses qui me ressemblaient. Ça doit être universel car je ne suis pas la seule à aimer les vide-greniers, à avoir été traversée par des maisons, des choses de l’enfance et des relations grand-mère, mère et fille pas toujours évidentes mais c'est vrai que ça me parlait beaucoup.
Je fais beaucoup de documentaires mais en fiction, j'aime pouvoir parler de moi d'une manière un peu cachée... mais il ne faut pas que ça ne soit une autobiographie non plus. Il se trouve que c’est la deuxième fois que j’adapte un livre et j’essaie de m’insérer dans cette matière qui existe tout en gardant une distance pour rester libre. J'y mets un peu de moi et je me rapproche des autres parce que c'est un vécu que beaucoup partagent et que j’ai traversé moi-même d’une certaine manière.
Véronique : On ne peut pas ne pas aborder le trio de femmes exceptionnel de votre film. Vous avez donné un rôle très touchant et pudique à Catherine Deneuve, il y une série de non-dits entre elle et sa fille, interprétée par Chiara Mastroianni. Et puis, il y a Alice Taglioni qui crève l’écran. Ces femmes vivent des événements dramatiques et en même temps, parviennent à donner une certaine luminosité à leurs personnages…
Véronique : Vous avez mis beaucoup de choses personnelles dans l’histoire de Claire Darling : c'est un des premiers films que vous tournez en France dans la maison familiale de votre grand-mère, vous aimez chiner… Cette histoire a été écrite par vous et pour vous, non ?
Julie Bertuccelli : C’est vrai que quand j’ai lu le bouquin qu’une amie m’a offert, j’ai trouvé, comme elle, qu’il y avait beaucoup de choses qui me ressemblaient. Ça doit être universel car je ne suis pas la seule à aimer les vide-greniers, à avoir été traversée par des maisons, des choses de l’enfance et des relations grand-mère, mère et fille pas toujours évidentes mais c'est vrai que ça me parlait beaucoup.
Je fais beaucoup de documentaires mais en fiction, j'aime pouvoir parler de moi d'une manière un peu cachée... mais il ne faut pas que ça ne soit une autobiographie non plus. Il se trouve que c’est la deuxième fois que j’adapte un livre et j’essaie de m’insérer dans cette matière qui existe tout en gardant une distance pour rester libre. J'y mets un peu de moi et je me rapproche des autres parce que c'est un vécu que beaucoup partagent et que j’ai traversé moi-même d’une certaine manière.
Véronique : On ne peut pas ne pas aborder le trio de femmes exceptionnel de votre film. Vous avez donné un rôle très touchant et pudique à Catherine Deneuve, il y une série de non-dits entre elle et sa fille, interprétée par Chiara Mastroianni. Et puis, il y a Alice Taglioni qui crève l’écran. Ces femmes vivent des événements dramatiques et en même temps, parviennent à donner une certaine luminosité à leurs personnages…
Julie Bertuccelli : Lorsque j’écrivais le scénario, je pensais bien sûr à elles mais j’ai toujours une part de superstition. Les comédiennes auxquelles je pense pourraient ne pas être libres et comme j’ai un peu peur de devoir en faire le deuil, j’essaie de ne pas trop m’y attacher. Pour moi, c'était une évidence qu'il fallait demander d'abord à Catherine Deneuve d'être Claire Darling. Si elle acceptait le rôle, j’avais alors le gros défi de trouver une actrice qui pourrait jouer le personnage de Catherine Deneuve à 30 ou 40 ans. Ce n’était pas simple parce que c'est une icône du cinéma, on l’a vue à tous les âges dans les films de Demy, Bunuel etc. Elle a une grande carrière et les films sont nombreux. C’était donc un défi de trouver cette personne qui, en plus d’être drôle, pourrait être une jeune Claire Darling dans les entrelacements que j'avais choisi de faire entre le passé et le présent.
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Il fallait une ressemblance évidente et pratiquement organique. Ce n’est pas qu’une question de plastique mais plutôt de trouver quelqu’un qui possédait le même genre de beauté, la même classe que Catherine Deneuve mais aussi une certaine froideur… J’ai eu la chance de trouver Alice Taglioni qui est en plus une excellente actrice. Elle formait un beau duo à elle deux et elles ont pu donner naissance à cette harmonie visuelle. C’est la même chose pour le personnage de Chiara. Il a fallu que je trouve son double enfant pour qu’elles puissent se faire face et surtout, que le spectateur comprenne la construction autour de ces femmes représentées à différents âges.
Véronique : Vous avez fait vos débuts dans le monde du cinéma aux côtés de grands cinéastes. Kieslowki, le père et le fils Tavernier, Georges Lautner, votre père… il y en a un dont vous vous sentez plus proche ou qui correspond davantage à votre ligne et vos envies de réalisation ?
Julie Bertuccelli : C’est difficile de n’en choisir qu’un car, chacun à leur manière, ils m’ont apporté beaucoup. Je me sentais très proche de beaucoup d’entre eux mais si je devais en choisir un, je dirais Emmanuel Finkiel. On a travaillé ensemble en tant qu’assistants pour de grands réalisateurs et j’ai été son assistante sur son premier court-métrage et puis je l'ai suivi. C'est un grand ami et ses films me parlent beaucoup : « Le voyage » ou même « La douleur » sont des films qui me touchent. Même si on n’a pas le même cinéma et que je ne peux pas me comparer à lui tellement il est génial, c’est quelqu'un de très proche de moi dans la vie et le travail.
Après, c'est vrai que celui pour qui j'ai une énorme norme tendresse et une grande affinité c’est Otar Iosseliani, un grand réalisateur géorgien que vous connaissez peut-être peu en Belgique. Il a une poésie très particulière, qui est loin de moi mais avec laquelle je partage beaucoup de liens. Je pense notamment aux rapports que nous avons avec les objets, à la poésie des lieux et à la mémoire du passé et qui sont aussi évoqué dans les films pour lesquels je l’ai assisté comme « La chasse au papillon » ou encore « Brigand, chapitre VII ». C'est vraiment quelqu'un que j'adore. J’avais d’ailleurs fait son portrait dans un de mes documentaires… Et puis, j’ai fait plusieurs films avec Kieslowki, quelqu'un qui a beaucoup travaillé sur la sensation, la mémoire, le temps qui passe et les rapports intimes. C’est très fort dans tous ces films et ils m’ont beaucoup marquée. C’est donc vraiment dur de ne vous parler que d’une personne… Et puis, il y a tous ceux que je n'ai pas assisté, avec que je n’ai pas travaillé mais qui m'ont fait grandir et qui m’ont accompagné toute ma vie : Fellini, Tati, Bergman, Comencini, Terence Malick, il y en a plein. Je crois que tous à leur manière m’apprennent à être moi-même. Il n’est pas question pour moi de reproduire ou de copier ce qu’ils font, que du contraire, il faut faire quelque chose qui nous ressemble, trouver en nous notre propre moteur, y mettre des choses intimes et faire ce qu’il faut pour montrer que l'on est la personne désignée pour faire ce film-là…
Véronique : Vous avez fait vos débuts dans le monde du cinéma aux côtés de grands cinéastes. Kieslowki, le père et le fils Tavernier, Georges Lautner, votre père… il y en a un dont vous vous sentez plus proche ou qui correspond davantage à votre ligne et vos envies de réalisation ?
Julie Bertuccelli : C’est difficile de n’en choisir qu’un car, chacun à leur manière, ils m’ont apporté beaucoup. Je me sentais très proche de beaucoup d’entre eux mais si je devais en choisir un, je dirais Emmanuel Finkiel. On a travaillé ensemble en tant qu’assistants pour de grands réalisateurs et j’ai été son assistante sur son premier court-métrage et puis je l'ai suivi. C'est un grand ami et ses films me parlent beaucoup : « Le voyage » ou même « La douleur » sont des films qui me touchent. Même si on n’a pas le même cinéma et que je ne peux pas me comparer à lui tellement il est génial, c’est quelqu'un de très proche de moi dans la vie et le travail.
Après, c'est vrai que celui pour qui j'ai une énorme norme tendresse et une grande affinité c’est Otar Iosseliani, un grand réalisateur géorgien que vous connaissez peut-être peu en Belgique. Il a une poésie très particulière, qui est loin de moi mais avec laquelle je partage beaucoup de liens. Je pense notamment aux rapports que nous avons avec les objets, à la poésie des lieux et à la mémoire du passé et qui sont aussi évoqué dans les films pour lesquels je l’ai assisté comme « La chasse au papillon » ou encore « Brigand, chapitre VII ». C'est vraiment quelqu'un que j'adore. J’avais d’ailleurs fait son portrait dans un de mes documentaires… Et puis, j’ai fait plusieurs films avec Kieslowki, quelqu'un qui a beaucoup travaillé sur la sensation, la mémoire, le temps qui passe et les rapports intimes. C’est très fort dans tous ces films et ils m’ont beaucoup marquée. C’est donc vraiment dur de ne vous parler que d’une personne… Et puis, il y a tous ceux que je n'ai pas assisté, avec que je n’ai pas travaillé mais qui m'ont fait grandir et qui m’ont accompagné toute ma vie : Fellini, Tati, Bergman, Comencini, Terence Malick, il y en a plein. Je crois que tous à leur manière m’apprennent à être moi-même. Il n’est pas question pour moi de reproduire ou de copier ce qu’ils font, que du contraire, il faut faire quelque chose qui nous ressemble, trouver en nous notre propre moteur, y mettre des choses intimes et faire ce qu’il faut pour montrer que l'on est la personne désignée pour faire ce film-là…
(c) Ecran et toile.com