Fornacis
un film d'Aurélia Mengin
un film d'Aurélia Mengin
« Fornacis », c’est l’histoire étonnante d’un film singulier. Mais c’est aussi et surtout le premier long métrage de la jeune réalisatrice Aurélia Mengin. Responsable de « Même pas peur », le Festival International du film fantastique de la Réunion, et diplômée en Mathématiques à la Sorbonne, Aurélia Mengin est arrivée un peu par hasard dans le monde du 7ème art. Qu’importe le parcours et les projets laissés en suspens, la jeune réalisatrice donne tout ce qu’elle a, ancrée au plus profond d’elle, et porte « Fornacis » à bout de bras et avec une sincérité qu’on ne peut que lui envier. Seul obstacle à surmonter ? Celui de lui trouver un distributeur car si le film s’offre quelques festivals, son succès commercial et sa potentielle visibilité en salles ne sont pas encore assurés.
A son invitation, nous nous sommes penchés sur son road movie peu conventionnel et nous avons pris la route aux cotés de Anya, une jeune femme endeuillée roulant à vive allure au volant de sa Facel Vega 1961 colorée. Sur le siège passager, une urne, précieuse et terrible à la fois, rappelant en permanence à la conductrice (interprétée par ailleurs par Aurélia elle-même) le poids de son deuil, de sa solitude, de son amour perdu. Entre la dureté de la réalité et celle qu’elle se plait à fantasmer, Anya affronte ses fantômes, s’égare et repart un peu plus loin encore.
Le titre « Fornacis » a autant de sens que l’héroïne n’a de troubles. Il peut signifier « fournaises » en latin mais correspond aussi au nom du bar dans lequel Anya fait une halte bien méritée. C’est aussi peut-être les braises sur lesquelles la jeune femme marche un peu plus chaque jour, lui rappelant la douleur de la perte de son aimée, Frida, hantant ses souvenirs et son quotidien. Mais c’est aussi le sentiment qui habite Anya et qui lui fait prendre feu lorsqu’elle rencontre une autre âme perdue, intrigante et séduisante…
Avec son premier long-métrage, Aurélia Mengin nous propose d’entrer dans un cinéma expérimental mais aussi sensoriel. A l’instar de l’univers de Hélène Cattet et Bruno Forzani (« Laissez bronzer les cadavres », « Amer » ou « L’étrange couleur des larmes de ton corps »), celui d’Aurélia accorde une importance cruciale au son, autant qu’à la photographie. Les battements de cœurs, les coups portés sur une porte, le crissement du cuivre ou la respiration saccadée de ses personnages résonnent dans nos têtes et amplifient chaque sensation, chaque émotion, chaque climat installés minutieusement durant cette petite heure vingt de film. Mais son cinéma de genre se veut aussi minutieux dans sa photographie, passant du noir et blanc à la couleur, offrant des scènes de nature tantôt apaisante, tantôt angoissante. Les néons du « Fornacis », la pénombre d’une fin de journée exténuante (émotionnellement) ou le soleil des vastes étendues traversées le pied sur l’accélérateur se calquent sur les états d’âme d’un corps qui a perdu la sienne lorsque l’être aimé s’en est allé.
Car au-delà de l’amour passionné qui marque au fer rouge, c’est le deuil et la difficulté d’aller de l’avant que nous présente « Fornacis ». Comment, tel un phoenix, Anya pourrait-elle renaître des cendres d’un amour scellé dans une urne parfois trop lourde à porter ? Comment faire abstraction d’une douleur qui résonne en nous tel un cri aigu qu’on ne peut nier ?
Découpée en sept chapitres, aussi loquaces que les images qui suivront leur annonce, la trame narrative nous fait parfois perdre pied, tout comme son héroïne, nous perd dans la réalité comme dans ses chimères. Par les murmures qu’elle nous livre ça et là, on comprend combien les souvenirs de Frida ont marqué l’esprit mais aussi la chair d’Anya. Ses confidences nous renvoient à un état que chacun d’entre nous aura sans doute vécu une fois. Alors oui, le film d’Aurélia Mengin peut dérouter, déconcerter, interpeller, exclure ou au contraire parler à ses spectateurs. Cela dépendra de la capacité de son public à se plonger dans une œuvre contemporaine, dans un objet d’art (le 7ème en l’occurrence) et à y être réceptif. Néanmoins, « Fornacis » a le mérite d’oser, de se démarquer et de ne pas entrer dans les cases dans lesquels certains films sont parfois cantonnés. Reste à savoir s’il connaîtra la chance de trouver son (grand) public et lui offrira cette expérience sensorielle qui désoriente autant qu’elle interpelle.
Pour suivre l’évolution du projet très personnel d’Aurélia Mengin, rendez-vous sur la page Facebook du film : Fornacis
Et pour contacter Aurélia Mengin : [email protected]
- Véronique-