Rencontre avec Sergi Lopez
Propos recueillis par Véronique dans le cadre du FIFF (2 octobre 2016)
C’est très complices que le journaliste/ critique ciné Hugues Dayez et Sergi Lopez gagnent la salle de l’Eldorado. Très vite, les deux hommes se tutoient et entrent dans un échange passionné et passionnant sur le parcours professionnel de ce grand comédien international. Retour sur les thèmes abordés et les confidences de l’acteur espagnol :
Un parcours théâtral franco-espagnol.
Sergi Lopez a habité sur la côte catalane, dans le village de Villanova qui compte 68 000 habitants. Très jeune, il s’adonne au théâtre amateur et rencontre un comédien qui est allé en France pour suivre des cours dans une école privée. Il confie d’ailleurs que c’est le hasard et surtout les rencontres qu’il a faites qui l’ont éclairé et guidé dans ses choix. Durant ces cours amateurs, le metteur en scène les a poussé à jouer mais aussi à écrire des pièces.
Lorsqu’il avait 19 ans, il a donc découvert l’ampleur des possibilités que le théâtre pouvait offrir. A cette période de sa vie, il pensait que les acteurs étaient des spécialistes (surtout dans le monde du cinéma). Issu d’une famille « normale » comme il se plait à le dire, Sergi confie qu’il n’est pas très cinéphile. Son père étant électricien, ses parents n’avaient pas les moyens de lui payer des études de théâtre en France et Sergi a donc bossé dans différents domaines, économisé pour pouvoir financer ses cours et se rendre à Paris. L’acteur avoue que ça a changé sa vie, qu’il a compris que le théâtre n’était pas réservé à une élite et que même lui pouvait le faire. « Je ne voulais pas spécialement Paris, si l’école avait été à Charleroi, j’aurais fait ça là-bas mais elle était à Paris, alors j’y suis allé ».
Lorsqu’il avait 19 ans, il a donc découvert l’ampleur des possibilités que le théâtre pouvait offrir. A cette période de sa vie, il pensait que les acteurs étaient des spécialistes (surtout dans le monde du cinéma). Issu d’une famille « normale » comme il se plait à le dire, Sergi confie qu’il n’est pas très cinéphile. Son père étant électricien, ses parents n’avaient pas les moyens de lui payer des études de théâtre en France et Sergi a donc bossé dans différents domaines, économisé pour pouvoir financer ses cours et se rendre à Paris. L’acteur avoue que ça a changé sa vie, qu’il a compris que le théâtre n’était pas réservé à une élite et que même lui pouvait le faire. « Je ne voulais pas spécialement Paris, si l’école avait été à Charleroi, j’aurais fait ça là-bas mais elle était à Paris, alors j’y suis allé ».
Un film qui a changé sa vie : « Western », un road movie à pied de Manuel Poirier
« Western », c’est le film qui a TOUT changé. « Manuel Poirier est un réalisateur français, avec qui j’avais beaucoup tourné, d’ailleurs j’ai fait tous les films avec lui. Il n’y avait pas que moi, il y avait d’autres comédiens avec moi, quand même » (rires). Mais avec ce film, j’ai rencontré le monde entier à Cannes. « Je n’avais pas toujours conscience de faire du cinéma et du jour au lendemain, on voit plein de papiers sur Sergi Lopez, acteur de cinéma. Là, j’ai pris conscience de ce que je représentais pour les autres alors que pour moi, jusque là, je ne faisais que du cinéma ». Si Manuel Poirier ne l’avait pas appelé, il n’aurait sans doute pas fait cinq films avec lui, il n’aurait sans doute pas joué dans « Western » non plus et n’aurait pas été à Cannes… on revient au hasard des rencontres. « Cannes, ce n’est pas si léger, c’est incroyable, on fait des interviews pour le monde entier et même des gens du Brésil viennent nous interviewer ».
Hugues Dayez lui demande alors si c’était jouissif ou si ça l’a fait flipper, si c’était plus de la pression ou bien un cadeau, un bonheur. |
« Faire Cannes, c’est passer un message partout dans le monde mais quand on le fait, on n’en a pas conscience. C’est une chance d’être là, avec un film qu’on veut défendre, dans lequel on se reconnaît. Parfois, on est obligé de dire du bien du film même s’il est… (il ne continue pas sa phrase) mais là, on avait envie d’en parler parce que Poirier, c’est un gars qui a un vrai discours. Sinon, je trouve que c’est top d’être exposé, j’adore ça ».
Un autre film qui compte « Une liaison pornographique » de Frédéric Fonteyne
Quand Sergi Lopez a reçu le scénario du film, il ne connaissait pas bien le cinéma français et encore moins le cinéma belge. Il ne savait donc pas qui était Frédéric Fonteyne. Sur la première page, il y avait le titre et le dessin d’un couple regardant un cercueil qui entre dans un trou. « J’ai compris que ce n’était pas un film de cul mais un film intelligent, avec de l’humour ». Il a donc accepté de rencontrer Frédéric Fonteyne à Barcelone pour qu’il lui parle du film. Ensemble, ils ont mangé du riz à l’encre de seiche, ce qui semblait très exotique pour le réalisateur, « pas pour moi forcément ». Après ce premier entretien, ils ont retrouvé toute l’équipe « une espèce de famille belge où Nathalie et moi s’incrustions ».
« Nathalie Baye a une carrière exceptionnelle, elle a démarré avec Truffaut. Tu as du avoir le trac de te retrouver face à quelqu’un qui avait déjà autant d’expérience, surtout que le film est centré sur vous deux ? » lui demande Hugues Dayez. « C’est vrai que j’ai beaucoup de trac, même avec des pièces que j’ai déjà joué 200 fois mais là, je ne connaissais pas Nathalie Baye, je l’ai rencontrée et connue sur le tournage mais avant, je ne savais pas qui elle était. Même si le film était centré sur nous deux, je n’ai pas eu de pression. » |
« Harry un ami qui vous veut du bien ».
Si d’ordinaire Sergi a l’image du type sympa et vrai, « Harry, un ami qui vous veut du bien » va changer ce point de vue. Récompensé par le César du Meilleur acteur (attribué pour la première fois à un acteur non francophone), Sergi incarne un personnage inquiétant. Facile d’entrer dans un tel rôle ou y a t il réfléchi à deux fois ?
« Non, c’était plutôt marrant car ça m’est arrivé plusieurs fois de jouer des rôles étranges, particuliers, que beaucoup d’autres acteurs avaient refusé avant moi. Au départ, Dominik Moll voulait me faire jouer Michel (le personnage de Laurent Lucas). Le scénario était très structuré et Harry était proposé à quelqu’un d’autre. Puis, Dominik m’a demandé de jouer le rôle d’Harry et je trouvais que c’était une super idée, parce que le personnage, particulier, est très nourri. Je suis proche des gens, sympa et jouer un type souriant devenu flippant, c’était top, surtout que le résultat est chouette même si c’était risqué ». |
Des rôles inquiétants et marquants.
Grâce à ce rôle, d’autres cinéastes ont eu l’idée de confier des rôles plus troublants à Sergi Lopez. Stephen Frears le fait tourner dans « Dirty pretty things », Guillermo Del Toro un militaire franquiste dans « Le labyrinthe de Pan : le travail devient plus riche, plus organisé.
« Tourner avec Stephen Frears, c’était super ! J’arrive dans un hôtel rempli d’immigrés où il n’y a qu’un seul personnage anglais et moi, je suis le mec qui vient le récupérer, c’était très intéressant. J’ai commencé avec Poirier, dans un cinéma très nature, très accroché à ce que nous sommes tous pour l’emmener à l’écran. Ici, pas du tout.
« Tourner avec Stephen Frears, c’était super ! J’arrive dans un hôtel rempli d’immigrés où il n’y a qu’un seul personnage anglais et moi, je suis le mec qui vient le récupérer, c’était très intéressant. J’ai commencé avec Poirier, dans un cinéma très nature, très accroché à ce que nous sommes tous pour l’emmener à l’écran. Ici, pas du tout.
Avec Del Toro, c’est encore très différent, c’est la fabrication à l’extrême, beaucoup de répétitions, beaucoup trop de directives et c’est dur pour les comédiens. Quand les acteurs américains tournent vingt prises, ils feront vingt fois la même chose. Moi, je faisais vingt prises différentes et ça n’arrangeait pas Del Toro. Lui voulait qu’on compte des secondes dans notre tête pour lever le verre au même moment, regarder à tel endroit à telle seconde. Il y a des réalisateurs qui sont dans un cinéma de recherche où c’est la vérité qui est précieuse et d’autres qui travaillent dans la précision, comme Guillermo Del Toro. Ce qui compte, c’est le résultat, ils ont tous des raisons de faire ainsi, chaque auteur doit trouver son langage. » |
Un plan de carrière très éclectique
« Je ne suis pas cinéphile, je ne sais pas calculer, du coup je ne fais pas de stratégie. Je n’ai pas fait beaucoup de comédie mais j’aimerais bien». L’acteur a toujours suivi son instinct, fait des rencontres et a pris tous ces films comme des cadeaux énormes de la vie. Toujours impliqué dans ses rôles, il est parfois étonné de la « vérité » qui apparaît dans le résultat final, dans le film une fois qu’il est fini car il ne l’a pas toujours perçu de la même manière sur le tournage. Il explique : « Dans un film, tu peux avoir l’impression qu’il y a une alchimie et au final, pas du tout. L’inverse existe aussi. Par exemple, on voit une belle histoire d’amour sur l’écran alors que sur le tournage, c’était plutôt casse-couille » (il rit de bon cœur). Il indique qu’il ne peut pas avoir de plan de carrière puisqu’il n’a pas de références cinématographiques, il ne choisit pas en fonction de son personnage mais par rapport au ressenti de l’histoire. S’il n’accroche pas, il préfère décliner la proposition. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a décidé de ne pas accepter un rôle alors qu’il aurait pu tourner avec un réalisateur qu’il adore. « Parfois, je crois vraiment au film, à l’histoire, aux différents personnages et quand je vois le résultat après montage, je suis déçu… mais on ne peut pas savoir à l’avance ce que ça donnera sur l’écran. L’inverse est vrai aussi ».
Fidèle aux réalisateurs
Manuel Poirier, Arnaud des Pallières, Catherine Corsini sont autant de réalisateurs avec qui il a tourné à plusieurs reprises. Une envie de les retrouver ou d’être rassuré d’aborder un film ensemble ? « Peut-être. Ou alors, on accepte plus facilement parce qu’on a déjà partagé quelque chose dans le travail, dans la communication et on sait qu’on saura bosser ensemble ».
Son coup de cœur: « Une liaison pornographique ».
Pour le FIFF, Sergi Lopez a du choisir des films coups de cœur dans sa longue carrière cinématographique et « Une liaison pornographique » était une évidence. « C’est un film que j’adore même si je ne me trouve pas terrible dedans, surtout quand je commence à réaliser que le gars qui est à l’écran, c’est moi ! Quand on se voit dans un film, on se trouve beau, maigre – je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi la salle rit quand je le dis (et il éclate de rire lui aussi) jeune, blond… ce n’est jamais facile, on essaie de s’oublier. On se dit que c’est un mec qui nous ressemble, il y a quelques années de cela mais le regard sur moi me gêne. Le film que je préfère revoir en tant que spectateur ? Celui où je suis le moins à l’écran parce que je peux totalement l’apprécier sans passer mon temps à me juger. Là, je me laisse aller et je peux entrer dans le film ».