Interview de Bruno Solo
Dans le cadre du Festival International de la Comédie de Liège
06 novembre 2019
Dans le cadre du Festival International de la Comédie de Liège
06 novembre 2019
On le connait sous le nom de Hervé Dumont dans « Caméra Café » ou de Yvan Touati dans « La vérité si je mens ! ». Comédien au théâtre et au cinéma, réalisateur et scénariste, Bruno Solo a beau changer de casquette, il garde pourtant toujours la même ligne de conduite : celle de l’implication totale dans chacun de ses projets, une liberté de penser et de parole qu’on ne peut qu’apprécier. Membre du jury du Festival International du Film de la Comédie de Liège, Bruno Solo nous a reçu un long moment pour le meilleur et pour le rire…
Véronique : Bruno Solo… On a découvert il y a peu que votre nom de scène était issu de l’univers Star Wars, parce que jeune vous appréciez énormément le personnage de Han Solo…
Bruno Solo : En réalité, je n’avais pas spécialement envie de changer de nom de famille mais lorsque j’ai rencontré Yvan Le Bolloc’h, je me suis rendu compte que son nom sonnait bien alors que le mien était plus classique… Yvan et Bruno, Le Bolloc’h et Lassalle, ça le faisait moins. Bolloc’h, c’est très breton et ça veut dire « petit taureau », bolas en espagnol, ça veut dire « c***** », ça en jetait! Yvan m’a demandé de trouver un nom qui claque et je me suis alors souvenu que lorsque « La guerre des étoiles » est sorti en 1977, j’avais 13 ans et que j’aimais le personnage de Han Solo, un libre penseur en marge de la société. C'était franc-tireur, qui ne voulait pas rentrer dans le rang... ça me plaisait!
Bruno Solo : En réalité, je n’avais pas spécialement envie de changer de nom de famille mais lorsque j’ai rencontré Yvan Le Bolloc’h, je me suis rendu compte que son nom sonnait bien alors que le mien était plus classique… Yvan et Bruno, Le Bolloc’h et Lassalle, ça le faisait moins. Bolloc’h, c’est très breton et ça veut dire « petit taureau », bolas en espagnol, ça veut dire « c***** », ça en jetait! Yvan m’a demandé de trouver un nom qui claque et je me suis alors souvenu que lorsque « La guerre des étoiles » est sorti en 1977, j’avais 13 ans et que j’aimais le personnage de Han Solo, un libre penseur en marge de la société. C'était franc-tireur, qui ne voulait pas rentrer dans le rang... ça me plaisait!
La vraie raison c’est aussi que mon père était féru de philosophie. Il m'a d'ailleurs transmis cela. J’avais entendu petit la phrase de Nietzsche qui disait « il m’est odieux de suivre autant que de guider ». Ni être un mouton de Panurge, ni être un chef. Mon père a toujours suivi ce précepte-là et il a toujours refusé d’être autre chose que ce qu’il était, à savoir ouvrier dans le bâtiment. Il n’a pas voulu être un guide, ou un éclaireur et même si il l’a été malgré lui, ce n’était pas dans sa façon de voir les choses. Le personnage de Solo est un peu comme ça. Au fond, je suis une sorte de misanthrope bienveillant; comme lui. J’aime les gens mais fondamentalement, j’ai une défiance vis-à-vis de l’humanité. Je suis un solitaire. Je fréquente peu de gens à part ma femme, mes enfants et mes amis de longue date que je connais parfois depuis plus de 40 ans. Dans le métier, j’adore croiser des personnes avec qui j'ai travaillé mais je ne cherche pas à les retrouver.
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Plus petit, j’étais déjà un solitaire. Tout ça mis ensemble a fait que Solo était le nom de ma vie, et c'est pour tout ce qu’il renvoie que je l'ai choisi. A présent, ça fait très longtemps que je le porte, depuis plus longtemps que mon vrai nom Lassalle. Dans les yeux de ceux qui me croisent, je suis Bruno Solo mais je n’ai jamais voulu changer mon nom sur mes papiers officiels. C’est beaucoup mieux pour mes enfants, ça les protège.
François : Han Solo est surnommé aussi le vaurien…
Bruno Solo : ... Alors que je n’ai rien du vaurien, je ne l’ai jamais été… J’ai toujours été libre penseur, rebelle mais pas cynique. Les vrais misanthropes ne sont pas cyniques. Je n’ai pas de mépris profond des institutions, des lois ou la morale. En revanche, j’ai une défiance vis-à-vis de nos penchants naturels, les miens en premier. L’être humain est faible par définition et il vaut savoir l’accompagner, l’entourer, l’éclairer un peu avec les idées de ceux qui ont pensé un peu mieux avant nous. C’est pour cela que je me nourris essentiellement de littérature, que je ne suis pas sur les réseaux sociaux, sur Facebook, sur Instagram, sur Twitter ou sur WhatsApp ... Je tiens à être un artiste qui propose un univers, le mien, un univers qui plait ou non, mais je ne veux pas que ma proposition soit influencée par l’idée que les gens ont ou auraient de moi. Je ne vais pas aller faire un spectacle parce qu’on va parler de moi. C’est pour ça que j’ai un parcours un peu atypique. J’aurais voulu qu’il le soit tout de suite mais il a fallu attendre que je développe mon côté lucide.
Véronique : Vous regrettez certains choix de carrière ?
Bruno Solo : Disons plutôt que j’ai voulu m’émanciper de l’étiquette qu’on me mettait au tout début. Il m’a fallu quelques années pour que je sois un acteur « bancable ». J’en ai profité au début mais après, j’ai voulu faire des choix qui me correspondaient mieux. Pas dans une idée de mégalomanie, c’est plutôt parce que je voulais m’accorder une totale liberté. Je le paie au prix fort aujourd’hui parce que je ne fais plus beaucoup de cinéma, je ne plais plus. On ne me propose pas de rôles qui correspondent au cinéma que je vois et que je rêverais de faire. Et comme je ne suis pas non plus un mendiant, je ne me vends pour qu’on me prenne… Je suis un mendiant de l’amour, de la tendresse, mais surtout pas un mendiant de travail ou d’argent. J’ai bien gagné ma vie avec « Caméra Café » et grâce à ça, je me suis « payé » le luxe de faire ce que je veux, de jouer dans les pièces qui me plaisent, … Ces dernières années, c’est la télévision qui m’a offert des rôles singuliers, différents, variés, pas le cinéma. J’ai aussi fait des trucs qui me plaisaient plus ou moins; je ne suis pas fou, j’ai aussi besoin de remplir le frigo. Je fais partie de ces comédiens qui ne peuvent pas tout refuser, je suis comme tout le monde… mais je fais des choix dans la mesure du possible. J’ai refusé un nombre de comédies qui ont très bien marché mais je ne voulais pas naviguer sur les marigots et flotter avec tous les autres éplucheurs de patates… (rires)
Véronique : En même temps, il y a eu des choix très judicieux. Je pense à « La vérité si je mens ! » qui vous a révélé au grand public…
François : Han Solo est surnommé aussi le vaurien…
Bruno Solo : ... Alors que je n’ai rien du vaurien, je ne l’ai jamais été… J’ai toujours été libre penseur, rebelle mais pas cynique. Les vrais misanthropes ne sont pas cyniques. Je n’ai pas de mépris profond des institutions, des lois ou la morale. En revanche, j’ai une défiance vis-à-vis de nos penchants naturels, les miens en premier. L’être humain est faible par définition et il vaut savoir l’accompagner, l’entourer, l’éclairer un peu avec les idées de ceux qui ont pensé un peu mieux avant nous. C’est pour cela que je me nourris essentiellement de littérature, que je ne suis pas sur les réseaux sociaux, sur Facebook, sur Instagram, sur Twitter ou sur WhatsApp ... Je tiens à être un artiste qui propose un univers, le mien, un univers qui plait ou non, mais je ne veux pas que ma proposition soit influencée par l’idée que les gens ont ou auraient de moi. Je ne vais pas aller faire un spectacle parce qu’on va parler de moi. C’est pour ça que j’ai un parcours un peu atypique. J’aurais voulu qu’il le soit tout de suite mais il a fallu attendre que je développe mon côté lucide.
Véronique : Vous regrettez certains choix de carrière ?
Bruno Solo : Disons plutôt que j’ai voulu m’émanciper de l’étiquette qu’on me mettait au tout début. Il m’a fallu quelques années pour que je sois un acteur « bancable ». J’en ai profité au début mais après, j’ai voulu faire des choix qui me correspondaient mieux. Pas dans une idée de mégalomanie, c’est plutôt parce que je voulais m’accorder une totale liberté. Je le paie au prix fort aujourd’hui parce que je ne fais plus beaucoup de cinéma, je ne plais plus. On ne me propose pas de rôles qui correspondent au cinéma que je vois et que je rêverais de faire. Et comme je ne suis pas non plus un mendiant, je ne me vends pour qu’on me prenne… Je suis un mendiant de l’amour, de la tendresse, mais surtout pas un mendiant de travail ou d’argent. J’ai bien gagné ma vie avec « Caméra Café » et grâce à ça, je me suis « payé » le luxe de faire ce que je veux, de jouer dans les pièces qui me plaisent, … Ces dernières années, c’est la télévision qui m’a offert des rôles singuliers, différents, variés, pas le cinéma. J’ai aussi fait des trucs qui me plaisaient plus ou moins; je ne suis pas fou, j’ai aussi besoin de remplir le frigo. Je fais partie de ces comédiens qui ne peuvent pas tout refuser, je suis comme tout le monde… mais je fais des choix dans la mesure du possible. J’ai refusé un nombre de comédies qui ont très bien marché mais je ne voulais pas naviguer sur les marigots et flotter avec tous les autres éplucheurs de patates… (rires)
Véronique : En même temps, il y a eu des choix très judicieux. Je pense à « La vérité si je mens ! » qui vous a révélé au grand public…
Bruno Solo : « La vérité si je mens ! », c’était à une période où je n’étais pas en mesure de faire des choix et heureusement ! Je rêvais qu’on me propose de chouettes rôles mais je ne pouvais que faire part de ces rêves. Si j’avais demandé quoi que ce soit, on m’aurait regardé avec un air goguenard et on m’aurait sans doute snobé. Quand j’ai eu cette proposition, j’étais très heureux de voir qu’il existait une vraie comédie populaire intelligemment écrite, avec une vraie équipe réflexive derrière. De plus, je connaissais très bien José (Garcia, ndlr) puisqu’on travaillait ensemble à Canal. C’était important pour moi de savoir qu’on allait faire une comédie qui ne fonctionnait pas avec paresse, ni nivellement par le bas. Je trouve que l’humour doit être traité avec le même sérieux et la même rigueur que la tragédie. Le problème, c’est qu’actuellement, la comédie française devient populiste ou de plus en plus creuse. J’ai toute une série de mantras du style « Méprisez le peuple, bientôt il est méprisable. Estimez-le, il s’élève ». C’est ça le travail des artistes. Si tu commences à proposer des choses qui tirent vers le bas, des petits blagues sexistes un peu faciles juste pour faire rire le gros lourd de service, quelque part, tu méprises le public.
Ce n’était pas le cas en Italie durant des années ni en Belgique, où vous faites aussi de belles propositions… Attention, je ne fais pas de la lèche quand je dis ça ! Tout le monde sait que j’ai vécu ici pendant quelques années et que suis un peu objectif quand je parle de la comédie belge… |
En France, c’est différent. On a de temps en temps de belles comédies comme « Victoria » ou « La fille du 14 juillet », j’envie parfois les choix que peuvent faire des Dupontel et d’autres gars comme ça mais pour ce genre de projets, on ne m’appelle pas… Je suis aussi parfois content de ne pas être dans certaines d’entre elles ou je suis heureux de les avoir refusées parce que quand tu vois le résultat (rires)… J’aurais bien pris un peu de cash mais j’ai une ligne de conduite, j’ai des credo et je m’y tiens. Vous vous souvenez de la phrase de tout à l’heure, « il m’est odieux de suivre autant que de guider » … on est en plein dedans !
Véronique : Vous avez des mètres étalon en matière de comédie ?
Bruno Solo : La comédie anglaise ou la comédie américaine. Je regardais encore il y a deux jours « En cloque, mode d’emploi » de Jude Appatow et même s’il y a des gags bien lourds, quand tu regardes le sous-texte, tu te rends compte qu’il y a de vraies propositions, une certaine gravité et même une émotion. Ça pète, ça rote, il fume du schit, il montre sa b*** mais derrière, il y a un tout de même un respect du spectateur ! C’est une comédie populaire mais qui envoie du lourd derrière. Seth Rogen est un génie, Will Farell un grand comédien… C’est ça la différence ! Je m’en fous que ce soit grossier, je n’ai rien contre la vulgarité transgressive si ce n’est pas pour mettre trois gags les uns à côté des autres pour le plaisir de le faire. Il faut une cohérence entre l’éthique et la psychologie des personnages…
Je suis un exégète de l’humour, je suis pointu là-dessus. C’est pour ça que je ne fais plus beaucoup de comédies ces dernières années. J’ai le sentiment qu’en tant qu’artiste, on a le devoir de te faire rire mais aussi de t’élever un peu en te faisant réfléchir autrement. Tu estimes les gens, tu ne les prends pas pour des cons et ils s’élèvent avec toi… C’est pour ça que la culture est importante, la culture est politique à ce niveau-là. Quand tu élèves les gens, quand tu leur en donnes l’occasion, ils se posent des questions sur la façon dont leur patron leur parle, comment ils gagnent leur vie et combien la différence de salaires entre homme et femme est ridicule… ça sert et ça élève !
Véronique : C’est d’ailleurs tout cela que vous mettiez en lumière dans « Caméra Café » …
Véronique : Vous avez des mètres étalon en matière de comédie ?
Bruno Solo : La comédie anglaise ou la comédie américaine. Je regardais encore il y a deux jours « En cloque, mode d’emploi » de Jude Appatow et même s’il y a des gags bien lourds, quand tu regardes le sous-texte, tu te rends compte qu’il y a de vraies propositions, une certaine gravité et même une émotion. Ça pète, ça rote, il fume du schit, il montre sa b*** mais derrière, il y a un tout de même un respect du spectateur ! C’est une comédie populaire mais qui envoie du lourd derrière. Seth Rogen est un génie, Will Farell un grand comédien… C’est ça la différence ! Je m’en fous que ce soit grossier, je n’ai rien contre la vulgarité transgressive si ce n’est pas pour mettre trois gags les uns à côté des autres pour le plaisir de le faire. Il faut une cohérence entre l’éthique et la psychologie des personnages…
Je suis un exégète de l’humour, je suis pointu là-dessus. C’est pour ça que je ne fais plus beaucoup de comédies ces dernières années. J’ai le sentiment qu’en tant qu’artiste, on a le devoir de te faire rire mais aussi de t’élever un peu en te faisant réfléchir autrement. Tu estimes les gens, tu ne les prends pas pour des cons et ils s’élèvent avec toi… C’est pour ça que la culture est importante, la culture est politique à ce niveau-là. Quand tu élèves les gens, quand tu leur en donnes l’occasion, ils se posent des questions sur la façon dont leur patron leur parle, comment ils gagnent leur vie et combien la différence de salaires entre homme et femme est ridicule… ça sert et ça élève !
Véronique : C’est d’ailleurs tout cela que vous mettiez en lumière dans « Caméra Café » …
Bruno Solo : Exactement! « Caméra café » était inspiré de la comédie italienne. C’était un peu féroce, un peu épais mais avec derrière une envie très forte de dénoncer ce qui se passe dans le monde du travail: le harcèlement moral, le sexisme, leurs dérives… tout en endossant nous-mêmes le rôle de personnages pourris qui avaient eux-aussi leurs failles, des gens à qui on n’avait pas donné les moyens de réfléchir. Je suis passionné par ça.
Les comédies italiennes dans les années 70, « Alfonse et les méchants », « Paris Chocolat », « L’argent de la vieille », « Les monstres », « Le fanfaron », « Le pigeon » avaient cette faculté de nous montrer des personnages misérables un peu perdus et qui étaient magnifiques parce qu’ils essaient de se démener dans un monde qui les dépassait. Il y avait de tendresse pour ces personnages, il n’y avait pas de mépris, ni de condescendance. Je n’aime pas la tragédie quand elle est uniquement dans le pathos et c’est pour ça que j’aime tant l’univers de Simenon. Je travaille sur son œuvre, je suis son préfacier… Je l’ai beaucoup lu et aussi beaucoup joué notamment avec Antoine Duléry et « La mort d’Auguste ». |
Ce que j’aime chez lui, c’est qu’il écrit des tragédies avec des personnages qui ne sont pas des héros mais des personnages écrasés par le destin. C’est l’homme nu… « Comprendre mais ne pas juger ». Lui aussi il a cette même rigueur et cette même humilité vis-à-vis de la tragédie, ce qu’à mon sens doivent avoir tous les grands auteurs de la comédie envers l’humour…
Véronique : Vous pourriez ressortir Hervé Dumont (son personnage dans « Caméra Café, ndlr) du tiroir pour exprimer de nouvelles choses ?
Bruno Solo : Ah oui ! Le personnage de Hervé Dumont m’a toujours plu ! Je me suis toujours demandé dans quelle mesure je ne pourrais pas le faire revivre. Mais comme vous pouvez l’entendre, j’ai l’impression que depuis quelques années, j’ai un peu perdu de ma légèreté. C’est peut-être dû à l’âge, au fait que j’ai perdu mes parents… Je suis devenu un peu résigné vis-à-vis de l’écriture. J’ai écrit quelques films mais dès que j’écris quelques lignes, je ne cesse de me comparer, de me critiquer. Pour moi, un auteur est au-dessus de tout. Je suis devenu fataliste mais je ne désespère pas, ça va peut-être revenir. Ma femme me secoue un peu en ce moment car on sent tous les deux qu’il faut que j’écrive mais je ne supporterai pas de me lire et de me trouver médiocre. C’est arrivé avant même si je pense toujours avoir été rigoureux, notamment pour « Caméra Café ». On ne se rend pas compte du travail d’écriture qu’il y avait derrière, les caractéristiques qu’avaient chaque personnage et combien l’un ne pouvait pas parler pour l’autre, parce qu’ils avaient tous leur logique, leur psychologie, leur morale, leur propre façon de bouger… ça paraissait facile mais c’était au contraire très épuisant ! Maintenant, je suis devenu plus laborieux en écriture… j’ai trop lu, vu trop de choses qui m’ont plu ou au contraire qui m’ont fait ch*** pour me permettre d’être approximatif.
Il y a quelques mois, un réalisateur m’a envoyé un scénario que je trouvais d’une indigence sans nom. Il voulait que je tourne dans son film parce qu’un comédien l’avait lâché au dernier moment, vive l’ego (rires). Je lui ai dit que ça ne m’intéressait pas et après ce que j’avais lu, j’étais étonné que ce film se fasse…. Je ne veux plus être confronté à ce style de comédie-là. Ce que je fais beaucoup en ce moment, c’est du développement, du travail avec des auteurs mais je ne suis plus directement ou intimement impliqué dans des projets de cinéma. Je suis producteur, accompagnateur mais c’est à peu près tout. Avant de vous rencontrer, je retravaillais une pièce d’un grand auteur qui n’a plus rien à prouver mais qui est tellement éparpillé sur plusieurs projets que je sens qu’il faut se débarrasser de ses paresses, pointer du doigt les facilités, les scories, les répétitions… Ce n'est pas toujours facile à faire accepter. Mais c'est quelque chose que je ne peux plus supporter. J’accepte parfois des projets l’avant-veille d’un tournage mais au contraire, je peux aussi me retirer de l’un d’eux tant que je n’ai rien signé, parce que personnellement, je ne trouve pas cela assez bon ou parce que je sens que ça ne correspond pas à ma ligne de conduite
François : Il en va de votre crédibilité aussi…
Bruno Solo : J’ai une crédibilité oui mais en même temps, on se fiche parfois de ce que je pense par manque de temps, d’envie et je le comprends … Je suis dans une position très lucide ! Je propose des trucs et si l’auteur, le réalisateur, le producteur ou mon partenaire adhère à ma direction, on y va. Si pas et si on choisit un autre comédien, ça me va aussi, ce sont les règles du jeu. J’ai beau avoir 55 ans et être dans le milieu depuis un petit temps, ce n’est pas pour autant qu’on m’écoute. Ils sont quelques-uns à être dans le très haut du panier, ils ont une légitimité pour y être et si un de ceux-là dit « non les gars, ça ne le fait pas », ils trouillent tous et ils se remettent au boulot pour le satisfaire un maximum, ce qui n’est pas mon cas. Comme je ne suis pas ou plus assez « bancable », on fait avec ou sans moi. Je préfère garder cette intégrité qui est la mienne que de baisser la garde et abandonner mon état d’esprit… Vous voyez, on revient toujours à ça.
Véronique : On a découvert une autre facette de vous à travers « Les petites et grandes histoires du cinéma ». Vous aimez foncièrement le cinéma et on sent que ses coulisses ou ses grands noms vous passionnent ...
Véronique : Vous pourriez ressortir Hervé Dumont (son personnage dans « Caméra Café, ndlr) du tiroir pour exprimer de nouvelles choses ?
Bruno Solo : Ah oui ! Le personnage de Hervé Dumont m’a toujours plu ! Je me suis toujours demandé dans quelle mesure je ne pourrais pas le faire revivre. Mais comme vous pouvez l’entendre, j’ai l’impression que depuis quelques années, j’ai un peu perdu de ma légèreté. C’est peut-être dû à l’âge, au fait que j’ai perdu mes parents… Je suis devenu un peu résigné vis-à-vis de l’écriture. J’ai écrit quelques films mais dès que j’écris quelques lignes, je ne cesse de me comparer, de me critiquer. Pour moi, un auteur est au-dessus de tout. Je suis devenu fataliste mais je ne désespère pas, ça va peut-être revenir. Ma femme me secoue un peu en ce moment car on sent tous les deux qu’il faut que j’écrive mais je ne supporterai pas de me lire et de me trouver médiocre. C’est arrivé avant même si je pense toujours avoir été rigoureux, notamment pour « Caméra Café ». On ne se rend pas compte du travail d’écriture qu’il y avait derrière, les caractéristiques qu’avaient chaque personnage et combien l’un ne pouvait pas parler pour l’autre, parce qu’ils avaient tous leur logique, leur psychologie, leur morale, leur propre façon de bouger… ça paraissait facile mais c’était au contraire très épuisant ! Maintenant, je suis devenu plus laborieux en écriture… j’ai trop lu, vu trop de choses qui m’ont plu ou au contraire qui m’ont fait ch*** pour me permettre d’être approximatif.
Il y a quelques mois, un réalisateur m’a envoyé un scénario que je trouvais d’une indigence sans nom. Il voulait que je tourne dans son film parce qu’un comédien l’avait lâché au dernier moment, vive l’ego (rires). Je lui ai dit que ça ne m’intéressait pas et après ce que j’avais lu, j’étais étonné que ce film se fasse…. Je ne veux plus être confronté à ce style de comédie-là. Ce que je fais beaucoup en ce moment, c’est du développement, du travail avec des auteurs mais je ne suis plus directement ou intimement impliqué dans des projets de cinéma. Je suis producteur, accompagnateur mais c’est à peu près tout. Avant de vous rencontrer, je retravaillais une pièce d’un grand auteur qui n’a plus rien à prouver mais qui est tellement éparpillé sur plusieurs projets que je sens qu’il faut se débarrasser de ses paresses, pointer du doigt les facilités, les scories, les répétitions… Ce n'est pas toujours facile à faire accepter. Mais c'est quelque chose que je ne peux plus supporter. J’accepte parfois des projets l’avant-veille d’un tournage mais au contraire, je peux aussi me retirer de l’un d’eux tant que je n’ai rien signé, parce que personnellement, je ne trouve pas cela assez bon ou parce que je sens que ça ne correspond pas à ma ligne de conduite
François : Il en va de votre crédibilité aussi…
Bruno Solo : J’ai une crédibilité oui mais en même temps, on se fiche parfois de ce que je pense par manque de temps, d’envie et je le comprends … Je suis dans une position très lucide ! Je propose des trucs et si l’auteur, le réalisateur, le producteur ou mon partenaire adhère à ma direction, on y va. Si pas et si on choisit un autre comédien, ça me va aussi, ce sont les règles du jeu. J’ai beau avoir 55 ans et être dans le milieu depuis un petit temps, ce n’est pas pour autant qu’on m’écoute. Ils sont quelques-uns à être dans le très haut du panier, ils ont une légitimité pour y être et si un de ceux-là dit « non les gars, ça ne le fait pas », ils trouillent tous et ils se remettent au boulot pour le satisfaire un maximum, ce qui n’est pas mon cas. Comme je ne suis pas ou plus assez « bancable », on fait avec ou sans moi. Je préfère garder cette intégrité qui est la mienne que de baisser la garde et abandonner mon état d’esprit… Vous voyez, on revient toujours à ça.
Véronique : On a découvert une autre facette de vous à travers « Les petites et grandes histoires du cinéma ». Vous aimez foncièrement le cinéma et on sent que ses coulisses ou ses grands noms vous passionnent ...
Bruno Solo : Oui, tout à fait ! J’ai toujours été un rat de bibliothèque et de cinémathèque. Je me suis régalé dans celle de Bruxelles qui, je crois, est l’une des plus grandes cinémathèques francophones d’Europe. Elle est plus bordélique mais elle plus passionnante aussi (rires). C’est grâce à mes recherches que j’ai pu faire un documentaire sur le cinéma belge il y a une dizaine d’années, un film qui s’appelait « C’est filmé près de chez vous » et qui explique comment le cinéma wallon avait été interdit d’activité après la seconde guerre mondiale par le plan Marshall. J’ai appris à l’époque que les Wallons pouvaient faire des documentaires mais que seuls les Flamands pouvaient réaliser des films. La raison était toute simple : comme le cinéma belge prenait de plus en plus d’importance, les dirigeants de l’époque ont essayé d’uniformiser le commerce, l’économie et bien évidemment la culture en séparant les productions cinématographiques. J’ai appelé André Delvaux, qui était encore vivant à ce moment-là, mais aussi Frédéric Fontaine et Chantal Akerman et on a débattu dans une voiture de la frontière française à Ostende de ce qu’était la belgitude et le cinéma belge. Ça parait austère comme ça mais c’était passionnant.
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Dans le même ordre d’idée, quand j’ai écrit ces deux bouquins sur le cinéma, j’ai demandé à des collaborateurs de me trouver des anecdotes et je les ai toutes lues, toutes réécrites et vérifiées. Pour certaines, j’ai préféré employer le conditionnel parce que toutes les sources n’étaient pas certaines et j’ai viré celles qui me semblaient un peu douteuses mais ça a été un travail passionnant de compilation et de découvertes. C'est pareil pour l’Histoire…
Véronique : Vous avez en effet sorti un livre sur « La guerre des trônes » en Europe il y a peu, un livre issu de l’émission diffusée sur France 5…
Bruno Solo : En fait, j’aime et je respecte trop le travail et la rigueur, la besogne même, pour faire les choses à moitié. J’adore l’Histoire, la culture et je déteste les gens qui votent extrême droite parce qu’ils n’ont pas les connaissances, les repères pour comprendre les discours… Si les gens avaient un tant soit peu de recul, de compréhension de l’Histoire, ils ne referaient pas deux fois les mêmes erreurs. Je te prends un exemple. Comment en l’espace de cinq ans, la jeune démocratie américaine a eu la maturité pour élire un Président noir, un descendant d’esclave qui cinquante ans avant était encore lynché dans les rues de Virginie ou du Kentucky et quatre ans plus tard, voter pour un mec comme Donald Trump ! Ils donnent une leçon au monde entier alors que nous, en France, on n’est même pas capable d’élire une femme, et quelques années après, ils font marche arrière, c’est fou !
Le sexisme, le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie ça ne devrait même plus exister. Il y a une multitude d’historiens, de philosophes, sociologues, progressistes qui t’expliquent sur des blogs, dans des émissions télé, dans des tas de supports pourquoi on devrait un tout petit progresser, qui te disent là où l’être humain a merdé et pourquoi il ne faut pas recommencer mais tu auras toujours des cons pour dire que tout ce qu’ils disent n’est pas vrai. On ne doit pas tous penser pareils, parce qu’on se ferait c*** mais quand même! Il y a des choses sur lesquelles certains feraient mieux de ne pas s’exprimer, faute d’éducation ou de connaissances. Et si dire ça, c’est faire partie des bienpensants alors oui, j’en suis un et en plus, j’em***** ceux qui le pensent. Pardon, je m’emballe (rires). Plus sérieusement, il faut arrêter avec toutes ces absurdités et accepter que les choses ont changé ! C’est pour ça que je fuis les réseaux sociaux, que je me coupe de toutes ces bêtises-là… je jette un œil de temps en temps avec le profil de ma femme et de mes enfants mais je préfère me couper de cela. J’en vois et j’en entends déjà assez comme ça !
Véronique : Vous avez en effet sorti un livre sur « La guerre des trônes » en Europe il y a peu, un livre issu de l’émission diffusée sur France 5…
Bruno Solo : En fait, j’aime et je respecte trop le travail et la rigueur, la besogne même, pour faire les choses à moitié. J’adore l’Histoire, la culture et je déteste les gens qui votent extrême droite parce qu’ils n’ont pas les connaissances, les repères pour comprendre les discours… Si les gens avaient un tant soit peu de recul, de compréhension de l’Histoire, ils ne referaient pas deux fois les mêmes erreurs. Je te prends un exemple. Comment en l’espace de cinq ans, la jeune démocratie américaine a eu la maturité pour élire un Président noir, un descendant d’esclave qui cinquante ans avant était encore lynché dans les rues de Virginie ou du Kentucky et quatre ans plus tard, voter pour un mec comme Donald Trump ! Ils donnent une leçon au monde entier alors que nous, en France, on n’est même pas capable d’élire une femme, et quelques années après, ils font marche arrière, c’est fou !
Le sexisme, le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie ça ne devrait même plus exister. Il y a une multitude d’historiens, de philosophes, sociologues, progressistes qui t’expliquent sur des blogs, dans des émissions télé, dans des tas de supports pourquoi on devrait un tout petit progresser, qui te disent là où l’être humain a merdé et pourquoi il ne faut pas recommencer mais tu auras toujours des cons pour dire que tout ce qu’ils disent n’est pas vrai. On ne doit pas tous penser pareils, parce qu’on se ferait c*** mais quand même! Il y a des choses sur lesquelles certains feraient mieux de ne pas s’exprimer, faute d’éducation ou de connaissances. Et si dire ça, c’est faire partie des bienpensants alors oui, j’en suis un et en plus, j’em***** ceux qui le pensent. Pardon, je m’emballe (rires). Plus sérieusement, il faut arrêter avec toutes ces absurdités et accepter que les choses ont changé ! C’est pour ça que je fuis les réseaux sociaux, que je me coupe de toutes ces bêtises-là… je jette un œil de temps en temps avec le profil de ma femme et de mes enfants mais je préfère me couper de cela. J’en vois et j’en entends déjà assez comme ça !