Grand Prix de l'UCC/UFK 2019
Hier soir, les membres de l'Union de la Critique du cinéma belge (UCC - UFK) se réunissaient pour décerner le Grand Prix de l'année 2018.
C'est le magnifique "Cold War" du réalisateur polonais Pawel Pawlikowski qui a récolté le plus grand nombre de suffrages à l'issue de débats passionnés, volant la première place aux autres finalistes ("The Florida Project", "Roma", "Three Billboards" et "Woman at war"). |
Cette réunion a également permis de rappeler que le Prix Cavens avaitlui, été remis en décembre dernier à "Girl" de Lukas Dhont, parti vers d'autres cieux plus... hollywoodiens. C'est donc son co-scénariste Angelo Tijssens qui nous a fait l'honneur de sa présence.
* 3Billboards : les panneaux de la vengeance de M McDonagh
Après des mois sans que l'enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l'entrée de leur ville. Dernier film de Martin McDonagh (on lui doit l’excellent « L’Irlandais », le très moyen « 7 psychopathes », mais aussi le surprenant « Bons baisers de Bruges ») ; « 3 billboards : les panneaux de la vengeance » est un film plein de promesses ! D’ailleurs il ne passa pas inaperçu à la dernière Mostra puisqu’il remporta le Prix du meilleur scénario ou lors des plus prestigieuses cérémonies récompensant les grands films de l'année. Au-delà de l’intrigue très prenante, le réalisateur filme avec brio ses acteurs et sa ville pour nous donner à voir cette Amérique profonde rongée par ses travers et ses dérives. Heureusement, dans les tourments de cette histoire, des protagonistes finissent par se dresser afin de s’accomplir un peu plus, et de trouver ou de retrouver en eux-mêmes un peu de leur être. → Avis complet ← |
* Cold War de Pawel Pawlikowski
Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible. Ode à l’amour suspendu dans le temps, rendu impossible par l’Histoire qui se joue des deux amants, « Cold war » est aussi beau par son esthétisme que par ses sentiments. Quand Robert Doisneau rencontre Roméo et Juliette, cela donne l’histoire enivrante de Zula et Wiktor (Joanna Kulig et Tomasz Kot), deux amants dont la romance n’épouse jamais vraiment le rythme du métronome de leurs sentiments. Couronné du nombreux prix européens (dont celui de la mise en scène à Cannes), le film est un petit bijou cinématographique qui brille à travers sa photographie en noir et blanc et offre une intensité émotive comme on en vit rarement. Avec son nouveau long-métrage, Paweł Pawlikowski capte une fois de plus l’intensité des regards, des histoires individuelles et collectives, nous livre des émotions diverses avec pudeur et mais toujours la même perspicacité. Tout est précis et fluide dans son cinéma, et, comme les mouvements des danseurs de sa troupe, glisse sur notre grand écran pour que le spectacle soit total. → Avis complet ← |
* Woman at war de Benedikt Erlingsson
Dans cette fable joyeuse, inventive et féministe, une professeure de musique islandaise mène une double vie en faisant la guerre à l’industrie de l’aluminum. Alors qu’elle planifie ses actions avec courage et détermination, elle apprend que sa demande d’adoption vient enfin d’être acceptée. Fable écologique et humoristique qu’est « Woman at war » est un petit plaisir cinématographique qu’il serait dommage de contourner. A travers l’histoire de son héroïne aux apparences banales, le réalisateur islandais Benedikt Erlingsson nous fait passer de situations cocasses et drôles à des moments de douceur et d’émotions vraies. Conte pour adultes annihilés par un quotidien morose, « Woman at war » réveille notre conscience d’une bien jolie façon et montre que les combats se vivent au quotidien, qu’ils soient grands, petits, réalisables ou perdus d’avance. Peu bavard, le film va à l’essentiel et n’oublie pas de distiller un peu de légèreté dans un sujet grave, nous faisant monter à bord d’un ascenseur émotionnel bien révisé et dans lequel on se sent en sécurité. La douce folie de Benedikt Erlingsson et sa proposition cinématographique font un bien fou, et « Woman at war » amuse autant qu’il donne matière à réfléchir. → Avis complet ← |
* The Florida Project de Sean Baker
Moonee a 6 ans et un sacré caractère. Lâchée en toute liberté dans un motel de la banlieue de Disney world, elle y fait les 400 coups avec sa petite bande de gamins insolents. Ses incartades ne semblent pas trop inquiéter Halley, sa très jeune mère. En situation précaire comme tous les habitants du motel, celle-ci est en effet trop concentrée sur des plans plus ou moins honnêtes pour assurer leur quotidien… Il y a des films qui présentent l’Amérique dans tout ce qu’elle a de brut, d’authentique, où l’American Dream est absent et qui nous montre le quotidien déplorable d’une tranche de la population oubliée (ou reniée). « The Florida Project » en fait partie. Dans son dernier film, Sean Baker, évoque la vie de ces familles (ou mères célibataires) qui triment pour survivre dans des motels, des habitats précaires (et espérons-le temporaires) devenus des micro-ghettos où les exclus de la société trouvent un refuge, un toit, aussi exigu soit-il. Les actions inexcusables, la minimisation des faits par les parents, le manque d’éducation et de conscientisation de tous ces actes peuvent heurter. Mais rappelons-le, notre modèle éducatif et notre mode de vie ne sont pas universels… chacun fait ce qu’il peut avec les moyens qu’il a. Sean Baker nous le présente d’ailleurs avec maestria. → Avis complet ← |
* Roma de Alfonso Cuarón
Le réalisateur Alfonso Cuarón, primé aux Oscars, livre le portrait émouvant d'une domestique dans le Mexique troublé des années 1970. Avec sa photographie en noir et blanc, les souvenirs d'enfance d'Alfonsa Cuarón prennent vie sur nos petits (et grands) écrans avec douceur, délicatesse mais aussi rudesse. En effet, la vie de Cléo (la débutante mais impressionnante Yalitza Aparicio), femme à tout faire d'une famille aisée du quartier mexicain Colonia Roma, s'occuper des enfants d'un couple fébrile. Amoureuse, elle se retrouve enceinte d'un père, militant et loin des préoccupations familiales qui les attend. Attristée, abandonnée à son triste sort, la jeune femme va vivre des épreuves difficiles mais ne se détachera jamais de l'amour qu'elle porte aux enfants dont elle a la charge. Alfonso Cuarón a beau être un excellent cinéaste et son savoir-faire indéniable, "Roma" manque, selon nous, d'une réelle émotion palpable. Beau, lisse, profond dans ses champs, le film manque toutefois d'une profondeur de coeur, celle qui fera vibrer les spectateurs. Cette oeuvre d'art contemporaine mettant en scène les années 70 de façon concluante, reste belle dans ses apparences mais manque véritablement d'éloquence, et ne trouve son véritable intérêt que dans un final émouvant qui vient clôturer une deuxième partie bien plus efficace que sa première heure. |
Grand Prix de l'UCC/UFK 2018
Le 21 décembre 2017, les membres de l'Union de la Critique de Cinéma se réunissait pour désigner les cinq films finalistes pouvant prétendre à recevoir le Grand Prix récompensant le film qui aura le plus marqué les esprits dans les sorties de 2017.
Les cinq films en lice pour recevoir le Grand Prix étaient:
Les cinq films en lice pour recevoir le Grand Prix étaient:
* Get Out de Jordan Peele Couple mixte, Chris et sa petite amie Rose filent le parfait amour. Le moment est donc venu de rencontrer la belle famille, Missy et Dean lors d’un week-end sur leur domaine dans le nord de l’État. Chris commence par penser que l’atmosphère tendue est liée à leur différence de couleur de peau, mais très vite une série d’incidents de plus en plus inquiétants lui permet de découvrir l’inimaginable. Le film de Jordan Peele cache une vraie intelligence, une maestria certaine dans l’art de donner des frissons ! Est-ce pour autant un film d’horreur ? Pas vraiment... Pour autant, la tension est palpable dès les premières images et monte crescendo pour tendre vers un final renversant dans lequel le spectateur ne ressort pas indemne. → Avis complet ← |
* Lady MacBeth de William Oldroyd
1865, Angleterre rurale. Katherine mène une vie malheureuse d’un mariage sans amour avec un Lord qui a deux fois son âge. Un jour, elle tombe amoureuse d’un jeune palefrenier qui travaille sur les terres de son époux et découvre la passion. Habitée par ce puissant sentiment, Katherine est prête aux plus hautes trahisons pour vivre son amour impossible. Issu du monde du théâtre, le metteur en scène William Oldroyd nous offre, avec « Lady Macbeth », son premier long-métrage. Fort de son expérience des planches, le cinéaste nous plonge dans un huis clos tendu et extrêmement efficace ! Pour son atmosphère, sa réalisation, son histoire et son casting incroyable, le premier film de William Oldroyd relève le pari difficile de donner un regard neuf sur une histoire aux apparences de déjà vu. Le metteur en scène britannique marque de son empreinte de génie le cinéma d’époque et pose les jalons d’une carrière cinématographique qu’on lui souhaite prolifique ! → Avis complet ← |
"Loveless" est le Grand Prix UCC/UFK 2018
|
* Loveless de Andreï Zviaguintsev (Grand prix 2018)
Boris et Zhenya sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris est en couple avec une jeune femme enceinte et Zhenya fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser... Aucun des deux ne semble avoir d'intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans. Jusqu'à ce qu'il disparaisse. Récompensé par le Prix du Jury lors du dernier Festival de Cannes, « Loveless », est un film brut, prenant et émouvant. Un long métrage dur, dans une Russie en déperdition, à l’image de ce couple qui se déchire, se projette dans de nouveaux projets mais n’assume pas leur passé commun… et leur fils. Avec « Faute d’amour », le réalisateur de « Leviathan », nous propose un regard toujours aussi acerbe sur son pays sans qu’il ne soit non plus vraiment jugeant. Sa photographie, sa mise en scène et sa bande son subliment ses intentions et nous amènent peu à peu vers un large panel d’émotions. Réussi et remarquablement interprété, le film mérite vraiment son prix obtenu lors de l’édition 2017 du Festival de Cannes et vaut véritablement la peine que l’on s’intéresse d’un peu plus près à ce cinéma sans langue de bois, où mélodrame et réalisme s’entremêlent pour le pire.. et le meilleur. → Avis complet ← |
* Une mujer fantastica de Sebastian Lelío Marina et Orlando, de vingt ans son aîné, s'aiment loin des regards et se projettent vers l'avenir. Lorsqu'il meurt soudainement, Marina subit l’hostilité des proches d'Orlando : une "sainte famille" qui rejette tout ce qu'elle représente. Marina va se battre, avec la même énergie que celle dépensée depuis toujours pour devenir la femme qu'elle est : une femme forte, courageuse, digne ... une femme fantastique Récompensé par le Prix du meilleur scénario au dernier festival de Berlin, « Une femme fantastique » est un film étonnant et particulièrement marquant. Emprunt de poésie et d’une admiration évidente pour son personnage, le dernier long métrage de Sebastian Lelio interpelle et nous fait vivre une expérience cinématographique digne des plus grands films de Pedro Almodovar. Grâce à son portrait au vitriol d’une femme exceptionnelle, Sebastian Lelio nous montre que le cinéma chilien recèle lui aussi de belles pépites. → Avis complet ← |
* Manchester by the sea de Kenneth Lonergan "Manchester by the sea" nous raconte l’histoire des Chandler, une famille de classe ouvrière, du Massachusetts. Après le décès soudain de son frère Joe, Lee est désigné comme le tuteur de son neveu Patrick. Il se retrouve confronté à un passé tragique qui l’a séparé de sa femme Randi et de la communauté où il est né et a grandi. Rattrapé à la fin de cette année pour pouvoir débattre lors de l'élection du Grand Prix de l'UCC/UFK, "Manchester by the sea" ne nous a pas fait l'effet escompté. Si Casey Affleck et le jeune Lucas Hedges assurent indéniablement dans leurs rôles d'hommes blessés et marqués par le deuil, la réalisation lente et la distance mise entre le propos et le spectateur nous ont laissé sur notre faim. Le ciel gris, l'atmosphère de désolation de cette petite ville côtière, l'anesthésie des membres de la famille Chandler, frappés à nouveau pour une douleur profonde auraient pu nous toucher davantage en plein coeur. Malheureusement, nous sommes restés en surface et n'avons pas adhéré à l'angle proposé par le réalisateur américain Kenneth Lonergan. |