Interview de François Damiens
Dans le cadre de l'avant première de "Otez-moi d'un doute"
31 août 2017
Dans le cadre de l'avant première de "Otez-moi d'un doute"
31 août 2017
Quelques minutes avant la présentation en avant-première d’ « Otez-moi d’un doute » à l’UGC Toison d’Or, nous avons rencontré François Damiens pour évoquer le film de Carine Tardieu mais bien d’autres choses encore. Entre rires et confidences, notre Dikkenek préféré se confie à notre table ronde.
Le film traite de la recherche d’un père, d’une identité. Comment avez-vous abordé cette thématique ? François Damiens : C’était très intéressant d’aborder un sujet « grave » et sérieux avec de la légèreté et de la poésie. Carine Tardieu (la réalisateur, ndlr) a un côté aérien, elle touche les choses sans non plus trop les appuyer. J’avais vu ses deux premiers films qui traitaient de la maternité et je les trouvais très réussis. Elle a une façon très intéressante de placer sa caméra, moins évidente que d’autres réalisateurs. Quand j’ai lu le scénario qui traitait de la paternité, je l’ai trouvé subtil. Elle traite de ce sujet sans côté moralisateur ou jugeant. Elle ne condamne pas les personnages, il n’y a pas de bons ou de mauvais. Et puis dans la vie, quand on traverse des choses difficiles et que ça parait lourd, il faut parfois y mettre un peu d’humour pour les rendre un peu plus viables., |
Elle était très bien entourée et a écrit un scénario très abouti avec Michel Leclerc et sa femme Raphaële. Il est précis, réglé comme du papier à musique.
Quant à la quête d’identité, je pense que quand on est amené à rechercher son père c’est qu’il y a un secret qui a été gardé et qu’il est difficile de se construire sur ce secret. Il faut déjà que quelqu’un l’ait gardé. Et puis quand il est aussi lourd que celui-là, il s’évapore, il transpire dans toutes les relations que l’on a. Le film le raconte bien.
Quant à la quête d’identité, je pense que quand on est amené à rechercher son père c’est qu’il y a un secret qui a été gardé et qu’il est difficile de se construire sur ce secret. Il faut déjà que quelqu’un l’ait gardé. Et puis quand il est aussi lourd que celui-là, il s’évapore, il transpire dans toutes les relations que l’on a. Le film le raconte bien.
Dans le film, il y a une belle relation avec Cecile de France. Vous la connaissiez avant ?
François Damiens : C’était un vrai plaisir pour moi de tourner avec elle. J’avais l’impression de la connaître depuis toujours. Il n’y a pas eu cette période d’observation qu’il peut y avoir quand on démarre un film, ce qui est parfois un peu plombant. C’est comme quand on va à un diner : on discute de ce que chacun fait dans la vie, comme on se rend au boulot, etc. alors que tout le monde s’en fout parce qu’on ne les verra peut-être plus jamais de notre vie. C’est souvent au dessert que ça devient intéressant, quand on se met à parler de la vraie vie. Sur un film, c’est parfois la même chose mais ici, il n’y a pas eu ça du tout. |
Elle est arrivée après un mois de tournage relativement fastidieux, comme un bouquet de fleurs. On a beaucoup parlé et surtout beaucoup rigolé parce qu’elle a énormément d’humour et comme moi j’en ai plein…(rires)
Vous dites que le tournage était fastidieux ?
François Damiens : C’est peut-être un grand mot. Carine a eu du mal avec moi, comme moi j’en ai eu avec elle. Humainement, j’adore mais comme elle fait de la pâtisserie et que moi je suis saucier, c’est peu évident(rires. Chez elle, tout est super maîtrisé, calculé. Il n’y a pas un mot d’improvisation. Elle pose la démarche, l’intonation, les mimiques. C’est une très grande directrice d’acteurs et on peut s’en remettre à elle complètement car on sait qu'on n’ira pas dans le mur. A côté de cela, c’est fatiguant… mais je ne pleurais pas quand même, attention (rires). D’habitude, au début du tournage, on comprend vite comment l’autre fonctionne et puis c’est parti au bout d’un jour ou deux. Ici, ça été difficile jusqu’à la fin.
Ce n’est pas frustrant de s’en remettre au regard de la réalisatrice ?
François Damiens : Non. J’avais une totale confiance en elle et puis, c’est elle la patronne. Le souci, c’est que je n’aime pas avoir de patron (rires). C’est vrai que j’avais parfois l’impression d’aller à l’école (rires).
Vous dites que le tournage était fastidieux ?
François Damiens : C’est peut-être un grand mot. Carine a eu du mal avec moi, comme moi j’en ai eu avec elle. Humainement, j’adore mais comme elle fait de la pâtisserie et que moi je suis saucier, c’est peu évident(rires. Chez elle, tout est super maîtrisé, calculé. Il n’y a pas un mot d’improvisation. Elle pose la démarche, l’intonation, les mimiques. C’est une très grande directrice d’acteurs et on peut s’en remettre à elle complètement car on sait qu'on n’ira pas dans le mur. A côté de cela, c’est fatiguant… mais je ne pleurais pas quand même, attention (rires). D’habitude, au début du tournage, on comprend vite comment l’autre fonctionne et puis c’est parti au bout d’un jour ou deux. Ici, ça été difficile jusqu’à la fin.
Ce n’est pas frustrant de s’en remettre au regard de la réalisatrice ?
François Damiens : Non. J’avais une totale confiance en elle et puis, c’est elle la patronne. Le souci, c’est que je n’aime pas avoir de patron (rires). C’est vrai que j’avais parfois l’impression d’aller à l’école (rires).
Vous avez travaillé de manière différente avec Guy Marchand et André Wilms ? La démarche était la même dans la préparation des relations avec chacun de ces deux pères ?
François Damiens : J’étais une bonne pâte à modeler. J’allais là Carine voulait que j’aille. En dehors de cela, je m’entendais très bien avec André Wilms. C’est un type étonnant parce qu’il a une septantaine d’années mais il a gardé ce côté juvénile. Il est en rébellion, il ne lâche rien, il compte tout et à côté de cela, il est très tendre, rigolo, il est super élégant dans sa façon d’être ou de s’habiller… |
J’ai l’impression qu’il est plus jeune que moi dans sa tête. C’est vraiment une belle rencontre. On passait tout notre temps ensemble.
Dans le film, c’est Anna, le personnage de Cécile de France, qui fait le premier pas… Ca vous arrange bien ?
François Damiens : Dans la vie aussi c’est mieux, ça évite de se prendre des râteaux (rires). Dans le film, Anna n’est pas vraiment la fille de son père, c’est plutôt comme sa femme puisqu’elle l’accompagne dans sa vieillesse, comme elle accompagnerait son mari. Elle n’a pas vraiment ce rôle de fille. Maintenant, je crois qu’elle a eu plusieurs déceptions amoureuses et elle n’a plus de temps à perdre, elle veut tracer. Et puis, elle est un peu féministe : elle s’assume financièrement et quand un mec lui plait, elle attaque. Elle n’a pas tort cela dit, elle fonce. Quant à moi, elle sent que je tourne autour du pot et elle ne comprend pas pourquoi forcément puisqu’elle n’a pas les informations que moi j’ai de mon côté.
Votre personnage, Erwan, met sa vie professionnelle entre parenthèses pour élever sa fille. Pourriez-vous faire pareil ? Prendre de la distance par rapport au cinéma ?
François Damiens : Oui, bien sûr ! D’ailleurs, le démineur que j’ai rencontré dans le cadre de la préparation film avait lui-même arrêté les déminages en Afghanistan ou en Irak pour s’occuper de sa fille suite à la perte de sa femme. Il est revenu faire des formations par ici car il ne restait que lui malheureusement et qu’il ne voulait plus prendre de risques.
Sinon oui, je pourrais le faire complètement. Je me méfie toujours des gens qui disent qu’ils préfèrent mettre leur carrière avant leurs enfants. Certains ne le disent pas mais le font…
En février prochain, on devrait découvrir votre première réalisation. C’est un changement de cap. Vous sentiez que c’était le moment de passer derrière la caméra ?
François Damiens : Non pas vraiment. Réaliser un film n’était pas vraiment un but en soi. Je ne comptais même pas le réaliser parce que je l’écrivais et je jouais déjà dedans. Mais j’ai réalisé que j’étais peut-être la personne la plus à même de le faire… Après, je baratine un peu parce que j’avais proposé à deux amis réalisateurs de le faire et ils m’ont dit non (rires). J’ai du le faire moi-même alors… On a tourné pendant six mois, puis le montage a duré aussi plus de six mois et nous voilà à presque un an et demi de travail. C’est un film tourné en caméras cachées et Benoit Mariage et Thomas Willard, à qui je l’avais proposé, n’avaient jamais mis les pieds sur un tel tournage alors que j’en fait depuis 20 ans. Je n’allais pas demander à quelqu’un de me diriger alors qu’il ne savait pas ce qu’on allait faire. Je pense que j’avais juste un peu la trouille…
Dans le film, c’est Anna, le personnage de Cécile de France, qui fait le premier pas… Ca vous arrange bien ?
François Damiens : Dans la vie aussi c’est mieux, ça évite de se prendre des râteaux (rires). Dans le film, Anna n’est pas vraiment la fille de son père, c’est plutôt comme sa femme puisqu’elle l’accompagne dans sa vieillesse, comme elle accompagnerait son mari. Elle n’a pas vraiment ce rôle de fille. Maintenant, je crois qu’elle a eu plusieurs déceptions amoureuses et elle n’a plus de temps à perdre, elle veut tracer. Et puis, elle est un peu féministe : elle s’assume financièrement et quand un mec lui plait, elle attaque. Elle n’a pas tort cela dit, elle fonce. Quant à moi, elle sent que je tourne autour du pot et elle ne comprend pas pourquoi forcément puisqu’elle n’a pas les informations que moi j’ai de mon côté.
Votre personnage, Erwan, met sa vie professionnelle entre parenthèses pour élever sa fille. Pourriez-vous faire pareil ? Prendre de la distance par rapport au cinéma ?
François Damiens : Oui, bien sûr ! D’ailleurs, le démineur que j’ai rencontré dans le cadre de la préparation film avait lui-même arrêté les déminages en Afghanistan ou en Irak pour s’occuper de sa fille suite à la perte de sa femme. Il est revenu faire des formations par ici car il ne restait que lui malheureusement et qu’il ne voulait plus prendre de risques.
Sinon oui, je pourrais le faire complètement. Je me méfie toujours des gens qui disent qu’ils préfèrent mettre leur carrière avant leurs enfants. Certains ne le disent pas mais le font…
En février prochain, on devrait découvrir votre première réalisation. C’est un changement de cap. Vous sentiez que c’était le moment de passer derrière la caméra ?
François Damiens : Non pas vraiment. Réaliser un film n’était pas vraiment un but en soi. Je ne comptais même pas le réaliser parce que je l’écrivais et je jouais déjà dedans. Mais j’ai réalisé que j’étais peut-être la personne la plus à même de le faire… Après, je baratine un peu parce que j’avais proposé à deux amis réalisateurs de le faire et ils m’ont dit non (rires). J’ai du le faire moi-même alors… On a tourné pendant six mois, puis le montage a duré aussi plus de six mois et nous voilà à presque un an et demi de travail. C’est un film tourné en caméras cachées et Benoit Mariage et Thomas Willard, à qui je l’avais proposé, n’avaient jamais mis les pieds sur un tel tournage alors que j’en fait depuis 20 ans. Je n’allais pas demander à quelqu’un de me diriger alors qu’il ne savait pas ce qu’on allait faire. Je pense que j’avais juste un peu la trouille…
Comment s’est passé le tournage avec Esteban ? C’est un personnage à l’humour très particulier…
François Damiens : Je suis plus drôle que lui… (Rires). Au départ je l’ai beaucoup observé et quand j’ai vu qu’il était vraiment comme ça, je me suis dit qu’il ne jouait pas un personnage. Le soir, je l’ai vu dans deux ou trois états où on ne peut plus jouer et il continuait à être comme ça… (rires) Ca a rendu notre rencontre encore plus enrichissante parce qu’il n’y avait plus de jeu. Pendant qu’on tournait, je le trouvais très costaud sur le plateau. |
Et un soir, j’allume la télé et je le vois dans « Taratata » avec son groupe et je me suis dit « ce mec est vraiment complet », il garde son flegme… (rires).
Depuis quelques années, vous enchaînez des rôles plus sensibles, plus délicats. Ce sont des rôles qui révèlent un peu plus qui vous êtes au fond de vous ?
François Damiens : Honnêtement, je me sens confortable ou inconfortable dans les deux univers. J’aime faire rire à partir d’une fracture. Je n’aime pas faire rire pour faire rire ou à le faire partir de rien. Dans le film, ma situation est lourde au départ et c’est l’humour qui vient aider à alléger la situation. Paradoxalement, on rit plus sur des tournages de films dramatiques que sur ceux de comédies. La volonté de faire rire, je trouve ça un peu dangereux. C’est comme vous dire « je vais vous cuisiner un plat raffiné ». C’est pas à moi de dire si le plat est raffiné ou non.
Carine Tardieu dit qu’elle a été influencée par Claude Sautet, Gérard Oury ou Francis Veber. Vous sentez chez elle des points communs avec ces réalisateurs là ?
François Damiens : Oui. Je trouve que ce sont des films très réglés et très précis. C’est elle qui écrit l’humour dans son scénario. Je comprends qu’elle n’ait pas envie qu’on improvise puisque tout marche à la seconde. C’est souvent le secret d’un film râté, quand chacun commence à faire sa petite sauce de son côté, ça ne peut pas marcher. C’est comme en cuisine, si trois personnes font chacun un flan à la suite, ça va finir par être indigeste.
Du coup, vous n’avez pas tenté de faire d’improvisation sur le tournage ?
François Damiens : Il n’en était même pas question, non. Ne mets jamais ton verre à un endroit plutôt qu’à un autre parce que ça pourrait passer pour de l’impro (Rires). D’ailleurs, pour tenir le coup, je rentrais chaque week-end chez moi depuis la Bretagne parce qu’il fallait prendre l’air. Carine avait bien fait les choses, ma chambre était juste à côté de la sienne… Elle ne m’a pas lâche une seule seconde (rires). J’avais déjà été très cadré par Dominik Moll pour « Des nouvelles de la planète Mars »mais là... Par contre sur « Dikkenek », je n’avais pas été cadré du tout (rires).
Justement, quand vous croisez des gens dans la rue, ils vont identifient toujours comme « François l’embrouille » ou Claudy de « Dikkenek » ?
François Damiens : En général, c’est vrai qu’ils me reconnaissent par rapport aux caméras cachées. Et puis souvent, ils ne me parlent pas du film, ils font plutôt les répliques (rires).
Ici, vous allez vous rendre à une avant-première d’ « Otez-moi d’un doute ». Que ressentez-vous quand vous allez ainsi livrer votre film à un public qu’a priori, vous ne connaissez pas ?
François Damiens : Je préfère toujours aller avant le film qu’après. Je pense qu’après le film, les gens doivent rester dans leur impression. S’ils n’ont pas aimé, ils ont envie de partir mais s’ils ont aimé, nous voir là, tout de suite devant, ça peut créer un scission, couper leur imaginaire. Je trouve que quand on est rentré dans quelque chose durant une heure et demie, on a envie d’aller boire un verre avec ses amis et en discuter. Alors que si on voit la personnalité directement devant nous, ça donne l’impression que c’est fini, qu’on nous donne un paquet fermé, que tout est dit. C’est comme si quelqu’un qui essayait de séduire une femme finirait par lui dire : « Tu sais comment je t’ai eu ? J’ai fait ça, je t’ai dit ça » (rires). C’est donner des clés de lecture. Maintenant, je ne peux pas dire que je suis stressé. Si ce n’est pas bien, j’aurai toujours bien un truc à dire comme « ils se sont plantés au montage, la musique est crapuleuse, comment est-ce possible de cadrer aussi mal » ? (rires)
Le film a été très applaudi à Cannes. Cécile de France en était très émue. C’était votre cas aussi ?
François Damiens : Non parce que moi, j’avais déjà connu pas mal de succès avant(rires). Evidemment, j’étais très surpris. Au départ, je ne voulais pas voir le film parce que ça m’angoissait de le voir puisque j'y jouais sans artifice. C’est déjà très difficile d’écouter sa messagerie alors se voir pendant une heure et demie… J’avais toujours trouvé un truc pour ne pas aller le voir. Mais deux jours avant d’aller à Cannes, Carine m’a dit « on va venir chez toi pour te le montrer alors » (rires). Au final, elle m’a organisé une projection dans un cinéma à 11h du matin, pour moi tout seul. Je suis resté cloué dans mon siège pendant une demi heure et puis j’ai été chamboulé. Quand je suis sorti de la salle, je l’ai appelée. J’avais ri, j’avais pleuré, j’étais complètement retourné. Après ça, je n’en ai pas parlé et quand je suis arrivé à Cannes, je n’avais pas de distance par rapport à moi. A la fin de la projection, les gens se sont levés et ont applaudi pendant un quart d’heure.
Quand vous vous voyez à l’écran, vous analysez ce qui ne va pas ou vous vous laissez emporter ?
François Damiens : Ici, je me suis laissé emporter. Sinon, quand je regarde le film je me dis toujours que c’est le lendemain de tel évènement, c’est la scène après laquelle je devais aller prendre le train ensuite. Je me remémore les faits de façon concrète et pratique. D’habitude, je mets un ou deux jours pour entrer dans un film alors que là, on a tourné durant deux mois où aucune journée n’a été facile. Quand on a tourné la dernière séquence du film, celle où le généticien m’apprend la fameuse nouvelle, je me suis dit « Carine m’aura eu jusqu’à la fin » (rires).
Et vous, en tant que réalisateur, comment vous dirigez vos acteurs ?
François Damiens : Sur mon film, je n’ai dirigé personne. Comme je joue le personnage central du film, il y a peu de seconds rôles. Il y en a deux ou trois, mais ils ne sont même pas joué par des acteurs… Le premier second rôle est tenu par un toiturier, c’est dire. Et le pire, c’est qu’il n’avait même pas lu le scénario (rires). Il y avait aussi un enfant et puis ma femme, qui est jouée par une actrice professionnelle et qui n’avait pas besoin d’être dirigée. Comme c’est un film en caméras cachées, je donnais parfois quelques conseils pendant qu’on enregistrait mais la personne piégée à côté ne comprenait rien du tout. Je disais par exemple « refais-la un peu mais regarde moi quand tu parles » (rires).
D’avoir réalisé votre film, ça change votre perception d’acteur pour la suite ?
François Damiens : Je crois que si je devais refaire « Otez-moi d’un doute », je pense que je serais beaucoup plus docile. Quand j’ai vu le film, j’ai appelé Carine pour m’excuser. Je lui ai mené la vie dure alors qu’elle me demandait de lui faire confiance. Comme le film n’était pas tourné chronologiquement, on a commencé par toutes les scènes avec les pères. Je lui ai demandé si elle allait me faire larmoyer pendant deux mois (rires). Faire le gros dur fracturé un ou deux jours ça va, mais ça faisait déjà des semaines ! (rires). Au final, c’est rigolo à faire. C’est comme si on était dans une voiture de rallye à côté de quelqu’un qui trace.
Puisque le film traite de la paternité, quelle vision en avez-vous ?
François Damiens : Alors là, je n’en sais rien ! J’ai une tendance à trop parler plutôt que de montrer. Je fais des monologues d’une heure et demie... J’ai vingt cinq ans d’avance sur mes enfants alors je leur explique à quoi ils doivent faire attention mais ce ne sont pas des sermons. Ce sont plutôt des auto sermons parce qu’ils finissent pas ne plus m’écouter (rires). Je devrais peut-être être un peu plus tolérant...
Depuis quelques années, vous enchaînez des rôles plus sensibles, plus délicats. Ce sont des rôles qui révèlent un peu plus qui vous êtes au fond de vous ?
François Damiens : Honnêtement, je me sens confortable ou inconfortable dans les deux univers. J’aime faire rire à partir d’une fracture. Je n’aime pas faire rire pour faire rire ou à le faire partir de rien. Dans le film, ma situation est lourde au départ et c’est l’humour qui vient aider à alléger la situation. Paradoxalement, on rit plus sur des tournages de films dramatiques que sur ceux de comédies. La volonté de faire rire, je trouve ça un peu dangereux. C’est comme vous dire « je vais vous cuisiner un plat raffiné ». C’est pas à moi de dire si le plat est raffiné ou non.
Carine Tardieu dit qu’elle a été influencée par Claude Sautet, Gérard Oury ou Francis Veber. Vous sentez chez elle des points communs avec ces réalisateurs là ?
François Damiens : Oui. Je trouve que ce sont des films très réglés et très précis. C’est elle qui écrit l’humour dans son scénario. Je comprends qu’elle n’ait pas envie qu’on improvise puisque tout marche à la seconde. C’est souvent le secret d’un film râté, quand chacun commence à faire sa petite sauce de son côté, ça ne peut pas marcher. C’est comme en cuisine, si trois personnes font chacun un flan à la suite, ça va finir par être indigeste.
Du coup, vous n’avez pas tenté de faire d’improvisation sur le tournage ?
François Damiens : Il n’en était même pas question, non. Ne mets jamais ton verre à un endroit plutôt qu’à un autre parce que ça pourrait passer pour de l’impro (Rires). D’ailleurs, pour tenir le coup, je rentrais chaque week-end chez moi depuis la Bretagne parce qu’il fallait prendre l’air. Carine avait bien fait les choses, ma chambre était juste à côté de la sienne… Elle ne m’a pas lâche une seule seconde (rires). J’avais déjà été très cadré par Dominik Moll pour « Des nouvelles de la planète Mars »mais là... Par contre sur « Dikkenek », je n’avais pas été cadré du tout (rires).
Justement, quand vous croisez des gens dans la rue, ils vont identifient toujours comme « François l’embrouille » ou Claudy de « Dikkenek » ?
François Damiens : En général, c’est vrai qu’ils me reconnaissent par rapport aux caméras cachées. Et puis souvent, ils ne me parlent pas du film, ils font plutôt les répliques (rires).
Ici, vous allez vous rendre à une avant-première d’ « Otez-moi d’un doute ». Que ressentez-vous quand vous allez ainsi livrer votre film à un public qu’a priori, vous ne connaissez pas ?
François Damiens : Je préfère toujours aller avant le film qu’après. Je pense qu’après le film, les gens doivent rester dans leur impression. S’ils n’ont pas aimé, ils ont envie de partir mais s’ils ont aimé, nous voir là, tout de suite devant, ça peut créer un scission, couper leur imaginaire. Je trouve que quand on est rentré dans quelque chose durant une heure et demie, on a envie d’aller boire un verre avec ses amis et en discuter. Alors que si on voit la personnalité directement devant nous, ça donne l’impression que c’est fini, qu’on nous donne un paquet fermé, que tout est dit. C’est comme si quelqu’un qui essayait de séduire une femme finirait par lui dire : « Tu sais comment je t’ai eu ? J’ai fait ça, je t’ai dit ça » (rires). C’est donner des clés de lecture. Maintenant, je ne peux pas dire que je suis stressé. Si ce n’est pas bien, j’aurai toujours bien un truc à dire comme « ils se sont plantés au montage, la musique est crapuleuse, comment est-ce possible de cadrer aussi mal » ? (rires)
Le film a été très applaudi à Cannes. Cécile de France en était très émue. C’était votre cas aussi ?
François Damiens : Non parce que moi, j’avais déjà connu pas mal de succès avant(rires). Evidemment, j’étais très surpris. Au départ, je ne voulais pas voir le film parce que ça m’angoissait de le voir puisque j'y jouais sans artifice. C’est déjà très difficile d’écouter sa messagerie alors se voir pendant une heure et demie… J’avais toujours trouvé un truc pour ne pas aller le voir. Mais deux jours avant d’aller à Cannes, Carine m’a dit « on va venir chez toi pour te le montrer alors » (rires). Au final, elle m’a organisé une projection dans un cinéma à 11h du matin, pour moi tout seul. Je suis resté cloué dans mon siège pendant une demi heure et puis j’ai été chamboulé. Quand je suis sorti de la salle, je l’ai appelée. J’avais ri, j’avais pleuré, j’étais complètement retourné. Après ça, je n’en ai pas parlé et quand je suis arrivé à Cannes, je n’avais pas de distance par rapport à moi. A la fin de la projection, les gens se sont levés et ont applaudi pendant un quart d’heure.
Quand vous vous voyez à l’écran, vous analysez ce qui ne va pas ou vous vous laissez emporter ?
François Damiens : Ici, je me suis laissé emporter. Sinon, quand je regarde le film je me dis toujours que c’est le lendemain de tel évènement, c’est la scène après laquelle je devais aller prendre le train ensuite. Je me remémore les faits de façon concrète et pratique. D’habitude, je mets un ou deux jours pour entrer dans un film alors que là, on a tourné durant deux mois où aucune journée n’a été facile. Quand on a tourné la dernière séquence du film, celle où le généticien m’apprend la fameuse nouvelle, je me suis dit « Carine m’aura eu jusqu’à la fin » (rires).
Et vous, en tant que réalisateur, comment vous dirigez vos acteurs ?
François Damiens : Sur mon film, je n’ai dirigé personne. Comme je joue le personnage central du film, il y a peu de seconds rôles. Il y en a deux ou trois, mais ils ne sont même pas joué par des acteurs… Le premier second rôle est tenu par un toiturier, c’est dire. Et le pire, c’est qu’il n’avait même pas lu le scénario (rires). Il y avait aussi un enfant et puis ma femme, qui est jouée par une actrice professionnelle et qui n’avait pas besoin d’être dirigée. Comme c’est un film en caméras cachées, je donnais parfois quelques conseils pendant qu’on enregistrait mais la personne piégée à côté ne comprenait rien du tout. Je disais par exemple « refais-la un peu mais regarde moi quand tu parles » (rires).
D’avoir réalisé votre film, ça change votre perception d’acteur pour la suite ?
François Damiens : Je crois que si je devais refaire « Otez-moi d’un doute », je pense que je serais beaucoup plus docile. Quand j’ai vu le film, j’ai appelé Carine pour m’excuser. Je lui ai mené la vie dure alors qu’elle me demandait de lui faire confiance. Comme le film n’était pas tourné chronologiquement, on a commencé par toutes les scènes avec les pères. Je lui ai demandé si elle allait me faire larmoyer pendant deux mois (rires). Faire le gros dur fracturé un ou deux jours ça va, mais ça faisait déjà des semaines ! (rires). Au final, c’est rigolo à faire. C’est comme si on était dans une voiture de rallye à côté de quelqu’un qui trace.
Puisque le film traite de la paternité, quelle vision en avez-vous ?
François Damiens : Alors là, je n’en sais rien ! J’ai une tendance à trop parler plutôt que de montrer. Je fais des monologues d’une heure et demie... J’ai vingt cinq ans d’avance sur mes enfants alors je leur explique à quoi ils doivent faire attention mais ce ne sont pas des sermons. Ce sont plutôt des auto sermons parce qu’ils finissent pas ne plus m’écouter (rires). Je devrais peut-être être un peu plus tolérant...