Interview de Jérémie et Yannick Renier
Dans le cadre de la sortie de "Carnivores"
- 13 avril 2018-
Dans le cadre de la sortie de "Carnivores"
- 13 avril 2018-
A l’occasion de la soirée spéciale « Carnivores » organisée au Quai10 de Charleroi, nous avons eu le plaisir de rencontrer Jérémie et Yannick Renier à quelques minutes de la présentation de leur film. C’est dans le rire et la sincérité que nous avons évoqué leur première réalisation, de son écriture à sa bande originale. Rencontre deux frères complices et complémentaires.
Véronique : Sans rien révéler de son histoire, votre film « Carnivores » nous met en permanence sur de fausses pistes, jouant avec les suppositions des spectateurs… Yannick Renier: C’est en effet une phrase qu’on se répétait souvent avec notre scénariste Bulle Decarpentries : « les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être ». Et c’est vrai qu’on a tenté de brouiller les pistes, ne fût-ce que par la bande annonce qui donne des clés sans que ce soit non plus les bonnes. Dans l’esprit de « Carnivores », on se demande en permanence laquelle va manger l’autre et on joue beaucoup sur les faux-semblants, comme dans le cinéma de Cronenberg. |
Véronique : Vous avez d’ailleurs été plusieurs à écrire ce scénario. Comment s’est mise en place la construction de votre histoire ?
Yannick Renier: Les choses se sont faites par étape. Au départ, on a travaillé à deux. Après, on a une scénariste qui est venue nous aider de façon épisodique, même si elle travaillait à Paris. Ensuite, on s’est rendu compte qu’on avait besoin d’un cadre plus intensif au quotidien et c’est ainsi que d’autres scénaristes sont arrivés pour la finalisation. On s’est souvent retrouvé dans des moments où on travaillait à deux pour essayer de rester dans ce qu’on voulait raconter, on voulait se réapproprier le projet.
François : Tout au long du film, vous montrez des signes ou accompagnez le spectateur mais vous lui laissez aussi une grande liberté d’interprétation…
Jérémie Renier: Oui c’est vrai. Yannick et moi aimons ce cinéma où le spectateur est obligé de faire des liens que ce soit lors de grandes ellipses, comme celle qui est présente dans notre film, de façon assez forte d’ailleurs, ou dans des temps. C’est quelque chose qui a guidé notre écriture. On voulait perdre le spectateur tout en lui donnant des clés, l’obliger à suivre, à se repérer, à se demander sur quel chemin on l’emmenait…
Yannick Renier: Et tout cela en le gardant en haleine, en utilisant tout ce que le cinéma offre de spectaculaire que ce soit à travers la musique, les images ou le jeu des actrices formidables. On voulait donner envie aux gens de connaître la suite mais en leur faisant refaire le puzzle dans leur tête.
François : Vous jouez d’ailleurs beaucoup avec les codes du thriller, à travers la caméra mais aussi le son, il y a une angoisse permanente, des temps qui laissent les choses en suspens, des silences…
Yannick Renier: Le silence était important pour nous parce qu’il raconte parfois plus de choses qu’une phrase ou un regard. « Carnivores » n’est un film très bavard mais plutôt viscéral.
Yannick Renier: Les choses se sont faites par étape. Au départ, on a travaillé à deux. Après, on a une scénariste qui est venue nous aider de façon épisodique, même si elle travaillait à Paris. Ensuite, on s’est rendu compte qu’on avait besoin d’un cadre plus intensif au quotidien et c’est ainsi que d’autres scénaristes sont arrivés pour la finalisation. On s’est souvent retrouvé dans des moments où on travaillait à deux pour essayer de rester dans ce qu’on voulait raconter, on voulait se réapproprier le projet.
François : Tout au long du film, vous montrez des signes ou accompagnez le spectateur mais vous lui laissez aussi une grande liberté d’interprétation…
Jérémie Renier: Oui c’est vrai. Yannick et moi aimons ce cinéma où le spectateur est obligé de faire des liens que ce soit lors de grandes ellipses, comme celle qui est présente dans notre film, de façon assez forte d’ailleurs, ou dans des temps. C’est quelque chose qui a guidé notre écriture. On voulait perdre le spectateur tout en lui donnant des clés, l’obliger à suivre, à se repérer, à se demander sur quel chemin on l’emmenait…
Yannick Renier: Et tout cela en le gardant en haleine, en utilisant tout ce que le cinéma offre de spectaculaire que ce soit à travers la musique, les images ou le jeu des actrices formidables. On voulait donner envie aux gens de connaître la suite mais en leur faisant refaire le puzzle dans leur tête.
François : Vous jouez d’ailleurs beaucoup avec les codes du thriller, à travers la caméra mais aussi le son, il y a une angoisse permanente, des temps qui laissent les choses en suspens, des silences…
Yannick Renier: Le silence était important pour nous parce qu’il raconte parfois plus de choses qu’une phrase ou un regard. « Carnivores » n’est un film très bavard mais plutôt viscéral.
Jérémie Renier: Le personnage de Mona est d’ailleurs un personnage qui se tait, qui vit tout de manière silencieuse. On accompagne finalement ce personnage, et même cette famille, qui ne dit pas grand-chose et qui est parfois à côté de ce qui pourrait se dire. Le silence est d’ailleurs un personnage à part entière du film.
Véronique : Puisque vous évoquez la famille, on s’étonne de voir combien la mère des deux héroïnes se positionne peu par rapport à leur relation... |
Jérémie Renier: Il y a en effet une certaine frustration de voir ce que la mère propage ou distille à travers ses deux filles. Ça crée un jugement, une différence entre l’une et l’autre mais ça existe dans toutes les familles. Dans notre film, on a poussé tous ces sentiments de façon démesurée pour en faire une tragédie…
Yannick Renier: Ca reste une fiction et c’est en effet déroutant pour le spectateur de voir ce personnage de la mère qui est là pour exprimer ce que le spectateur ressent. Finalement, on vit à côté de Mona, une fille qui ne parvient pas à exprimer à qui que ce soit sa frustration, sa jalousie, ses envies… Quand on a un frère et une sœur, on a ce sentiment paradoxal d’aimer profondément quelqu’un et la seconde d’après, avoir envie de lui arracher la tête… Je ne parle bien évidemment pas pour toi, Jérémie (rires).
François: On se rend compte que l’expression des émotions passe par le code vestimentaire. Mona change sa façon de s’habiller, elle se réfugie derrière ses lunettes…
Jérémie Renier: Il y a une vraie évolution dans le personnage de Mona. On avait envie d’avoir un personnage qui s’émancipe, qui évolue à plusieurs niveaux que ce soit dans sa sexualité, sa féminité, sa réussite… Peu à peu, elle prend conscience qu’elle a le droit d’exister. On avait envie d’amener le spectateur à cet endroit où tout à coup, il prend plaisir à voir ce personnage qui ouvre ses ailes et devient un papillon alors qu’en fait, elle prend peut-être une mauvaise voie pour le faire.
Véronique : Il y a plusieurs notions de sacrifice dans votre film que ce soit de celui de Samia qui sacrifie sa vie de famille pour favoriser sa carrière ou celui de Mona qui ne parvient pas à exister professionnellement et préfère soutenir sa sœur. C’est une des raisons qui vous a poussé à présenter l’histoire de deux sœurs plutôt que celle de deux frères ?
Jérémie Renier: On aurait pu prendre deux frères mais on s’est dit que ça complexifierait les rôles et les rouages du scénario. Le rapport à la vie de famille et les choix opérés auraient été différents, le désir ou le fait d’être dans la lumière et de ne pas travailler aussi, la séduction et la recherche de féminité n’auraient pas été exploitées de la même manière forcément. Tout cela nous semblait intéressant pour créer une différence et une friction qui auraient été plus difficiles à mettre en œuvre si on avait choisi une relation entre deux frères.
Véronique : En parlant de frères, votre film est produit (ou coproduit) par Jean-Pierre et Luc Dardenne. C’était logique qu’ils prennent part à votre projet ?
Yannick Renier: Ca reste une fiction et c’est en effet déroutant pour le spectateur de voir ce personnage de la mère qui est là pour exprimer ce que le spectateur ressent. Finalement, on vit à côté de Mona, une fille qui ne parvient pas à exprimer à qui que ce soit sa frustration, sa jalousie, ses envies… Quand on a un frère et une sœur, on a ce sentiment paradoxal d’aimer profondément quelqu’un et la seconde d’après, avoir envie de lui arracher la tête… Je ne parle bien évidemment pas pour toi, Jérémie (rires).
François: On se rend compte que l’expression des émotions passe par le code vestimentaire. Mona change sa façon de s’habiller, elle se réfugie derrière ses lunettes…
Jérémie Renier: Il y a une vraie évolution dans le personnage de Mona. On avait envie d’avoir un personnage qui s’émancipe, qui évolue à plusieurs niveaux que ce soit dans sa sexualité, sa féminité, sa réussite… Peu à peu, elle prend conscience qu’elle a le droit d’exister. On avait envie d’amener le spectateur à cet endroit où tout à coup, il prend plaisir à voir ce personnage qui ouvre ses ailes et devient un papillon alors qu’en fait, elle prend peut-être une mauvaise voie pour le faire.
Véronique : Il y a plusieurs notions de sacrifice dans votre film que ce soit de celui de Samia qui sacrifie sa vie de famille pour favoriser sa carrière ou celui de Mona qui ne parvient pas à exister professionnellement et préfère soutenir sa sœur. C’est une des raisons qui vous a poussé à présenter l’histoire de deux sœurs plutôt que celle de deux frères ?
Jérémie Renier: On aurait pu prendre deux frères mais on s’est dit que ça complexifierait les rôles et les rouages du scénario. Le rapport à la vie de famille et les choix opérés auraient été différents, le désir ou le fait d’être dans la lumière et de ne pas travailler aussi, la séduction et la recherche de féminité n’auraient pas été exploitées de la même manière forcément. Tout cela nous semblait intéressant pour créer une différence et une friction qui auraient été plus difficiles à mettre en œuvre si on avait choisi une relation entre deux frères.
Véronique : En parlant de frères, votre film est produit (ou coproduit) par Jean-Pierre et Luc Dardenne. C’était logique qu’ils prennent part à votre projet ?
Jérémie Renier: Logique je ne sais pas mais lorsqu’on a cherché une co-production, on a pensé à eux. Au vu de la relation et du travail que j’ai eu avec eux, j’ai pensé à leur livrer le scénario, en prenant le risque qu’ils me le jettent à la figure. Il y avait une crainte qu’ils le refusent parce qu’ils sont droits, directs et quand ça ne leur plait pas, ça se voit. Heureusement, je pense que l’histoire leur a plu, sans doute parce que ça parle de fraternité et que le film est réalisé par deux frères. Ça a été une chance qu’ils nous accompagnent dans cette aventure car au-delà de leur talent de metteurs en scène, ils nous ont apporté un certain regard, une bienveillance, une expérience qui ont été utiles dans la mise en place du scénario.
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Véronique : « Carnivores » a un climax particulier, tendu, qui peut faire penser à celui du film « Dans la maison » de François Ozon. On sait que vous êtes proche de lui Jérémie. Vous lui avez demandé quelques conseils ou une consultance pour votre propre film ?
Jérémie Renier: François nous a en effet aiguillé sur certains points oui. Je pense que ça se passe souvent comme cela quand on gère une œuvre, elle évolue grâce au regard de tous ceux qui nous entourent. Que ce soit les acteurs lors de la lecture du scénario et qui ajoutent des choses par rapport à leur vécu ou leur sentiment ou encore notre propre famille, ils ont un poids ou en tout cas une influence sur notre création.
François: Votre bande originale est très importante dans le film. Comment l’avez-vous travaillée ? Vous l’avez confiée à quelqu’un ou vous aviez déjà des idées en tête ?
Yannick Renier: On avait déjà dans l’idée d’utiliser des musiques synthétiques, très années 80 comme dans les films de genre parce que c’est un univers musical qu’on aime tous les deux. Et puis, l’idée que cette bande originale puisse retranscrire les émotions que traversent les sœurs était importante et son décalage nous plaisait beaucoup. On a traité cet aspect mélodique avec Pierre Aviat, un jeune compositeur français qui nous a permis de trouver ce paradoxe-là. Dans un premier temps, l’échange se faisait entre Jérémie et lui et je suis venu plus tard pour apporter aussi mes idées, mes envies pour qu’on crée quelque chose d’atmosphérique tous ensemble. On a ainsi créé des thématiques, qui identifient chaque personnage…
Jérémie Renier : … On a voulu une musique viscérale qui éveille des sentiments que l’image pousse mais que la musique exulte. On a d’ailleurs rajouté du son lorsque les choses deviennent plus violentes à tel point que les musiques et le son du film se mélangent pour créer une distorsion, quelque chose de plus métaphysique.
Yannick Renier: En tant que spectateurs, nous sommes friands tous les deux de nombreuses sortes de cinéma mais nous sommes aussi des acteurs et faisons des choix de cinéma particuliers. Il y a le cinéma qui s’adresse à l’intellect, à notre psychologie mais aussi énormément à l’indicible, à nos tripes, à nos émotions ou à quelque chose qu’on ne peut pas raconter et c’est vrai qu’un son, une image, une couleur ou un rythme permet de raconter quelque chose sans dialogue et à toucher un sentiment profond.
Jérémie Renier: François nous a en effet aiguillé sur certains points oui. Je pense que ça se passe souvent comme cela quand on gère une œuvre, elle évolue grâce au regard de tous ceux qui nous entourent. Que ce soit les acteurs lors de la lecture du scénario et qui ajoutent des choses par rapport à leur vécu ou leur sentiment ou encore notre propre famille, ils ont un poids ou en tout cas une influence sur notre création.
François: Votre bande originale est très importante dans le film. Comment l’avez-vous travaillée ? Vous l’avez confiée à quelqu’un ou vous aviez déjà des idées en tête ?
Yannick Renier: On avait déjà dans l’idée d’utiliser des musiques synthétiques, très années 80 comme dans les films de genre parce que c’est un univers musical qu’on aime tous les deux. Et puis, l’idée que cette bande originale puisse retranscrire les émotions que traversent les sœurs était importante et son décalage nous plaisait beaucoup. On a traité cet aspect mélodique avec Pierre Aviat, un jeune compositeur français qui nous a permis de trouver ce paradoxe-là. Dans un premier temps, l’échange se faisait entre Jérémie et lui et je suis venu plus tard pour apporter aussi mes idées, mes envies pour qu’on crée quelque chose d’atmosphérique tous ensemble. On a ainsi créé des thématiques, qui identifient chaque personnage…
Jérémie Renier : … On a voulu une musique viscérale qui éveille des sentiments que l’image pousse mais que la musique exulte. On a d’ailleurs rajouté du son lorsque les choses deviennent plus violentes à tel point que les musiques et le son du film se mélangent pour créer une distorsion, quelque chose de plus métaphysique.
Yannick Renier: En tant que spectateurs, nous sommes friands tous les deux de nombreuses sortes de cinéma mais nous sommes aussi des acteurs et faisons des choix de cinéma particuliers. Il y a le cinéma qui s’adresse à l’intellect, à notre psychologie mais aussi énormément à l’indicible, à nos tripes, à nos émotions ou à quelque chose qu’on ne peut pas raconter et c’est vrai qu’un son, une image, une couleur ou un rythme permet de raconter quelque chose sans dialogue et à toucher un sentiment profond.
Véronique: Les seuls moments de joie qui sont perceptibles entre les deux sœurs se font sur la chanson « Sara perché ti amo » de Ricchi e Poveri. Mais quand on lit la traduction des paroles, on se rend compte qu’on reste dans la thématique de l’amour, la confusion, l’élévation… thèmes qu’on retrouve dans votre film. C’est une chanson qui avait une importance pour tous les deux ?
Jérémie Renier : Pour être honnête, c’est une chanson qui nous a été suggérée par un de nos scénaristes. Dans le film de Miller, Charlotte Gainsbourg et sa petite sœur dansent ensemble et l’idée était que nos sœurs reproduisent la scène de « L’effrontée » nous a beaucoup plu... |
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Yannick Renier:… C’est une musique qui est dans un film et qui se rejoue dans le nôtre : ça rejoignait l’univers du cinéma qu’on met perpétuellement au centre de notre film. En plus, c’est une musique que tout le monde peut reconnaître dès les trois premières notes et qui évoque des souvenirs. Maintenant, c’est vrai que les paroles sont une sorte de miroir de ce que vivent Mona et Samia…
François: Comment avez-vous fait passer vos idées, vos souhaits à vos équipes et à vos acteurs? Quels metteurs en scène êtes-vous ?
Jérémie Renier : Tout commence quand on livre le scénario qui est livré aux acteurs. Ensuite on échange lors de nos répétitions, comme ici, autour d’une table. On discute beaucoup dans les décors et sur les lieux du tournage pour chercher comment mettre en place les scènes qu’on avait en tête. En travaillant avec les acteurs, on s’est rendu compte qu’on n’avait peut-être pas touché à ce qu’il fallait et ils viennent alors apporter des suggestions, par rapport aux émotions qu’ils ressentent vis-à-vis de leurs rôles. Comme nous sommes nous-mêmes acteurs, on sait qu’en s’accaparant le personnage, on sent où notre personnage doit aller et c’était important pour nous de les écouter. Après, on les a mis dans une structure particulière en leur imposant un rythme à travers notre caméra et ils devaient y entrer tout en étant naturels et à l’aise.
Yannick Renier: On leur proposait beaucoup de libertés mais aussi de nombreuses contraintes. On avait vraiment envie de collaborer et pas juste leur faire exécuter ce qu’on avait imaginé. Le but, c’est au contraire de prendre leurs idées, de chercher ensemble, de leur faire entièrement confiance dans leurs propositions.
Véronique: « Carnivores », votre premier film est sombre. Vous vous sentez partir dans un autre genre pour une éventuelle nouvelle collaboration ?
Jérémie Renier : Oui, tout à fait. On a pensé à faire les « Chti teufs » ou les « Stituches » (rires).
Yannick Renier: On aimerait vraiment parce que notre humour et surtout notre relation est une démonstration totalement contraire à ce qu’on a fait dans notre film. « Carnivores » est sombre alors que dans la vie, on rit beaucoup, on a énormément de plaisir à être ensemble et on aimerait développer cela dans un autre projet.
Jérémie Renier : Enfin, on verra parce que ça nous a pris du temps de faire ce film-ci…
Yannick Renier: C’est vrai qu’il y a très longtemps, on avait dit qu’on voulait faire un film ensemble et les journalistes ont attendu une dizaine d’années entre l’annonce et la sortie. Du coup, la prochaine fois, on n’en parlera que la veille de la sortie (rires).
François: Comment avez-vous fait passer vos idées, vos souhaits à vos équipes et à vos acteurs? Quels metteurs en scène êtes-vous ?
Jérémie Renier : Tout commence quand on livre le scénario qui est livré aux acteurs. Ensuite on échange lors de nos répétitions, comme ici, autour d’une table. On discute beaucoup dans les décors et sur les lieux du tournage pour chercher comment mettre en place les scènes qu’on avait en tête. En travaillant avec les acteurs, on s’est rendu compte qu’on n’avait peut-être pas touché à ce qu’il fallait et ils viennent alors apporter des suggestions, par rapport aux émotions qu’ils ressentent vis-à-vis de leurs rôles. Comme nous sommes nous-mêmes acteurs, on sait qu’en s’accaparant le personnage, on sent où notre personnage doit aller et c’était important pour nous de les écouter. Après, on les a mis dans une structure particulière en leur imposant un rythme à travers notre caméra et ils devaient y entrer tout en étant naturels et à l’aise.
Yannick Renier: On leur proposait beaucoup de libertés mais aussi de nombreuses contraintes. On avait vraiment envie de collaborer et pas juste leur faire exécuter ce qu’on avait imaginé. Le but, c’est au contraire de prendre leurs idées, de chercher ensemble, de leur faire entièrement confiance dans leurs propositions.
Véronique: « Carnivores », votre premier film est sombre. Vous vous sentez partir dans un autre genre pour une éventuelle nouvelle collaboration ?
Jérémie Renier : Oui, tout à fait. On a pensé à faire les « Chti teufs » ou les « Stituches » (rires).
Yannick Renier: On aimerait vraiment parce que notre humour et surtout notre relation est une démonstration totalement contraire à ce qu’on a fait dans notre film. « Carnivores » est sombre alors que dans la vie, on rit beaucoup, on a énormément de plaisir à être ensemble et on aimerait développer cela dans un autre projet.
Jérémie Renier : Enfin, on verra parce que ça nous a pris du temps de faire ce film-ci…
Yannick Renier: C’est vrai qu’il y a très longtemps, on avait dit qu’on voulait faire un film ensemble et les journalistes ont attendu une dizaine d’années entre l’annonce et la sortie. Du coup, la prochaine fois, on n’en parlera que la veille de la sortie (rires).