Interview de Jayro Bustamante
Dans le cadre de l'avant première de "Temblores"
26 avril 2019
Dans le cadre de l'avant première de "Temblores"
26 avril 2019
Réalisateur du bouleversant et superbe « Temblores », Jayro Bustamante a accepté de nous parler de son film, de sa carrière, de ses inspirations et de sa vision du Guatemala. Un cinéaste engagé et passionnant que l’on prend grand plaisir à écouter. A quelques heures de l’avant-première belge de son deuxième long-métrage, voici ce qu’il nous a raconté :
Véronique : Avant de parler de « Temblores », je vous propose de nous pencher sur votre parcours qui vous a amené à Paris et à Rome et où vous avez étudié le cinéma…
Jayro Bustamante : Oui effectivement, en 2009. A cette époque-là, il n’y avait pas d’école de cinéma au Guatemala. Si on voulait se tourner vers quelque chose de plus artistique, la seule possibilité c’était de faire de la publicité. Notre pays est très libéral économiquement et les arts sont vus comme un métier de bohème qui attire ceux qui ont raté leur vie. C’est très dur à dire mais il y a quelque chose de cet ordre-là. Il n’y a pas soutien, pas d’institution qui nous encourage, mis à part un centre de formation, c’est très dur ! Véronique : Lorsque nous avons rencontré Guillermo del Toro, il avait fait ce même constat. C’est la raison pour laquelle il avait créé son propre festival de cinéma et permis au 7ème art d’acquérir ses lettres de noblesse. Votre pays se trouve à quelques centaines de kilomètres au Sud de là, ça ne vous a pas donné l’envie à vous, les cinéastes guatémaltèques, de faire pareil ? |
Jayro Bustamante : Je comprends qu’il l’ait dit et qu’il l’ait fait mais en réalité, le Mexique est un pays où les cinémas sont plus présents dans le pays et où les réalisateurs peuvent plus s’accomplir. Aujourd’hui, le Mexique compte les plus festivals les plus importants d’Amérique latine et ils ont presque cinquante ans d'existence. Dans le cas du Guatemala, il n’y a absolument rien. Notre pays a vécu une suite de dictatures jusque dans les années 1982. A la fin de ces années 80, c’étaient les mêmes militaires qui étaient à la tête du gouvernement et la culture est malheureusement la dernière chose qui les intéressent. L’expression artistique est plutôt mal vue et on encore beaucoup de mal avec cela.
Véronique : C’est peut-être ce qui explique que l’on connait peu le cinéma guatémaltèque ? On a d’ailleurs l’impression que vous êtes un de ses seuls représentants. Votre cinéma a du mal à s’exporter ou vous pensez que les choses sont en train de changer ?
Jayro Bustamante : Je crois... En fait, je crois qu'on ne connait notre cinéma parce qu’il n’y a pas vraiment d'industrie du cinéma ou en tout cas, elle est émergente. On doit faire en tout et pour tout 4 ou 5 films par an depuis environ dix ans. Il n’y a pas de fonds du cinéma, il n’y a pas d’institut donc tout ce qu’on fait, on le fait toujours avec notre propre argent. On hypothèque nos maisons ou celle de nos parents … on doit toujours beaucoup s’investir personnellement et ce n’est pas facile. Depuis quelques années, il y a une vague de gens qui sont partis étudier à l'étranger et qui sont revenus récemment faire du cinéma chez nous. J’espère que dans les années à venir, on entendra plus parler du cinéma du Guatemala même si on est très peu à en faire, sincèrement.
Véronique : Quelles sont vos références en matière de cinéma ?
Jayro Bustamante : Disons que le cinéma italien et son néoréalisme m'a toujours énormément parlé. Ce que j’adore dans le mélodrame, c’est son côté très humain. Evidemment, il y a un exagération et il faut faire attention aujourd'hui avec ce qu’on fait parce qu'on ne perçoit plus les choses de la même façon qu'avant, on a une lecture différente... Dans cette recherche de sobriété dans les mélodrames, j’ai trouvé un maître vivant: Michael Haneke. Il parvient à s’arrêter à la ligne pour que le mélodrame reste crédible. Il y a aussi Lucrecia Martel qui parvient à reprendre en main le néoréalisme américain avec sa maîtrise d’économie de plans et celle du son. Elle a un œil très critique mais aussi très juste qui m’a toujours attiré. Depuis quelques temps, je m'intéresse énormément au cinéma japonais des années 70 et c’est de là que j’ai tiré l’intérêt d’utiliser une esthétique proche de de celle des années 70 pour « Temblores ». J’aime le cinéma de Sidney Lumet, la façon dont il travaille avec les acteurs. Il fait toujours des films chorals: les portes qui s’ouvrent, les gens rentrent en scène alors que d’autres sortent. Il conçoit toujours cela avec sobriété et sans tomber dans le jeu théâtral. Je peux parler longtemps de tous ceux qui m’inspirent depuis toujours mais disons que tous ceux-là m’ont inspiré pour mon dernier film.
Véronique : Justement, pour parler de « Temblores », il faut souligner sa très belle esthétique et vos choix de réalisation. Vous utilisez beaucoup de gros plans afin que l’on ressente la pression faite sur Pablo, le personnage principal. On est enfermé avec lui…
Véronique : C’est peut-être ce qui explique que l’on connait peu le cinéma guatémaltèque ? On a d’ailleurs l’impression que vous êtes un de ses seuls représentants. Votre cinéma a du mal à s’exporter ou vous pensez que les choses sont en train de changer ?
Jayro Bustamante : Je crois... En fait, je crois qu'on ne connait notre cinéma parce qu’il n’y a pas vraiment d'industrie du cinéma ou en tout cas, elle est émergente. On doit faire en tout et pour tout 4 ou 5 films par an depuis environ dix ans. Il n’y a pas de fonds du cinéma, il n’y a pas d’institut donc tout ce qu’on fait, on le fait toujours avec notre propre argent. On hypothèque nos maisons ou celle de nos parents … on doit toujours beaucoup s’investir personnellement et ce n’est pas facile. Depuis quelques années, il y a une vague de gens qui sont partis étudier à l'étranger et qui sont revenus récemment faire du cinéma chez nous. J’espère que dans les années à venir, on entendra plus parler du cinéma du Guatemala même si on est très peu à en faire, sincèrement.
Véronique : Quelles sont vos références en matière de cinéma ?
Jayro Bustamante : Disons que le cinéma italien et son néoréalisme m'a toujours énormément parlé. Ce que j’adore dans le mélodrame, c’est son côté très humain. Evidemment, il y a un exagération et il faut faire attention aujourd'hui avec ce qu’on fait parce qu'on ne perçoit plus les choses de la même façon qu'avant, on a une lecture différente... Dans cette recherche de sobriété dans les mélodrames, j’ai trouvé un maître vivant: Michael Haneke. Il parvient à s’arrêter à la ligne pour que le mélodrame reste crédible. Il y a aussi Lucrecia Martel qui parvient à reprendre en main le néoréalisme américain avec sa maîtrise d’économie de plans et celle du son. Elle a un œil très critique mais aussi très juste qui m’a toujours attiré. Depuis quelques temps, je m'intéresse énormément au cinéma japonais des années 70 et c’est de là que j’ai tiré l’intérêt d’utiliser une esthétique proche de de celle des années 70 pour « Temblores ». J’aime le cinéma de Sidney Lumet, la façon dont il travaille avec les acteurs. Il fait toujours des films chorals: les portes qui s’ouvrent, les gens rentrent en scène alors que d’autres sortent. Il conçoit toujours cela avec sobriété et sans tomber dans le jeu théâtral. Je peux parler longtemps de tous ceux qui m’inspirent depuis toujours mais disons que tous ceux-là m’ont inspiré pour mon dernier film.
Véronique : Justement, pour parler de « Temblores », il faut souligner sa très belle esthétique et vos choix de réalisation. Vous utilisez beaucoup de gros plans afin que l’on ressente la pression faite sur Pablo, le personnage principal. On est enfermé avec lui…
Jayro Bustamante : Tout à fait ! J’étais à la recherche d’un sentiment d’apnée, je voulais communiquer aux spectateurs une sensation proche de celle que l’on ressent lorsqu’on arrête de respirer et montrer combien on se sent oppressé. On a mis ça en place avec les gros plans mais aussi dans les plans très larges... Ce que je retiens surtout, c’est cette attention que nous avions dès le départ de partir sur un film esthétique. Je voulais inviter les spectateurs à faire un voyage dans un film très sombre mais je voulais qu’ils arrivent quand même à faire ce voyage en entier malgré le nœud que je voulais créer dans leurs tripes. Je voulais qu’ils vivent une expérience cinématographique. On a travaillé sur cet antagonisme qui consiste à raconter une histoire très dure mais en la racontant d’une belle façon.
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Véronique : Ce qui est très perturbant au début de votre film, c’est que si on ne lit pas le résumé, on perçoit que quelque chose de grave s’est passé dans la famille de Pablo mais on ne sait pas de quoi il s’agit. Est-ce un décès, un accident, un meurtre ? Il y a quelque chose très anxiogène dès le début…
Jayro Bustamante : C’est dommage parce qu’aujourd’hui, on ne peut pas proposer un film sans trop en dire. C’est difficile de faire un synopsis et ne pas raconter en quelques lignes de quoi parle le film. C'est vrai que mon attention était de faire croire que quelque chose de grave s’était produit alors qu’à la fin, on se rend compte que ce n’est pas du tout le cas. Dans notre société, le choix que fait Pablo est condamnable. Au Guatemala, c’est une insulte grave à la société que d’être homosexuel. Pour insulter un homosexuel, on l’appelle « hueco » qui veut dire littéralement « trou ». L’autre injure, c’est d’être indien… ça démontre toute l’oppression sociale d’une haute discrimination et la non-acceptation, la non-identité nationale qui, en plus du machisme et de la phallocratie, pèsent de tout leurs poids …
Véronique : Ce qui brouille aussi les pistes, c’est l’intemporalité du film du moins, au départ. On ne sait pas quand se situe l’intrigue à tel point qu’on a l’impression d'être dans une société plus archaïque…
Jayro Bustamante : Je voulais faire ce mélange et dire que oui, on est dans le présent, mais on dirait qu’on vit dans une société bien plus ancienne. Il y a eu très peu de détails pour montrer le présent mais je voulais quand même qu’on le comprenne de façon claire. Avec ce type de sujet je pense que c'est très intéressant de dire que ça se passe encore aujourd'hui et c'est aussi la raison pour laquelle j'ai décidé de raconter une histoire qui se déroule dans une classe plutôt aisée… Je ne voulais pas que les spectateurs pensent que ça ne peut se produire que dans des familles qui n'ont pas accès à l'éducation ou au monde. Pablo ne peut pas faire ce qu’il veut parce que la société religieuse est trop importante…
Jayro Bustamante : C’est dommage parce qu’aujourd’hui, on ne peut pas proposer un film sans trop en dire. C’est difficile de faire un synopsis et ne pas raconter en quelques lignes de quoi parle le film. C'est vrai que mon attention était de faire croire que quelque chose de grave s’était produit alors qu’à la fin, on se rend compte que ce n’est pas du tout le cas. Dans notre société, le choix que fait Pablo est condamnable. Au Guatemala, c’est une insulte grave à la société que d’être homosexuel. Pour insulter un homosexuel, on l’appelle « hueco » qui veut dire littéralement « trou ». L’autre injure, c’est d’être indien… ça démontre toute l’oppression sociale d’une haute discrimination et la non-acceptation, la non-identité nationale qui, en plus du machisme et de la phallocratie, pèsent de tout leurs poids …
Véronique : Ce qui brouille aussi les pistes, c’est l’intemporalité du film du moins, au départ. On ne sait pas quand se situe l’intrigue à tel point qu’on a l’impression d'être dans une société plus archaïque…
Jayro Bustamante : Je voulais faire ce mélange et dire que oui, on est dans le présent, mais on dirait qu’on vit dans une société bien plus ancienne. Il y a eu très peu de détails pour montrer le présent mais je voulais quand même qu’on le comprenne de façon claire. Avec ce type de sujet je pense que c'est très intéressant de dire que ça se passe encore aujourd'hui et c'est aussi la raison pour laquelle j'ai décidé de raconter une histoire qui se déroule dans une classe plutôt aisée… Je ne voulais pas que les spectateurs pensent que ça ne peut se produire que dans des familles qui n'ont pas accès à l'éducation ou au monde. Pablo ne peut pas faire ce qu’il veut parce que la société religieuse est trop importante…
Véronique : …Et même très intrusive. C’est étonnant de voir le manque de tolérance de la part de l’Eglise et de façon générale, de tous les personnages secondaires. On a la sensation que mis à part l’amant de Pablo, personne ne se soucie de ses émotions et de ses souhaits ...
Jayro Bustamante : C’est sûr que moi, je crois qu'il a des sociétés qui vivent encore dans cette sorte d’obscurantisme religieux. Le problème primaire dans ce type de société c’est le fait de d'avoir un Etat qui est presque inexistant. Ce type d’institution religieuse vient remplir les besoins des citoyens mais, pour bénéficier des services qu’elle accorde, il faut obéir à des règles qui vont régulièrement à l'encontre des droits de l'Homme. |
Véronique : Ce titre, « Temblores » a une double lecture. Il y a bien sûr les tremblements de terre que subit la ville mais aussi les tremblements internes que vit le héros. Il y a une réelle métaphore…
Jayro Bustamante : Oui, la métaphore je l’ai aussi construite autour du fait que, pour écrire le scénario du film, j’ai fait une recherche avec 22 Pablo, 22 hommes qui m'ont raconté leur vie et je me suis rendu compte qu’ils avaient tous construit une vie sur des mensonges. Quand ils ont senti qu’ils étaient homosexuels, la première chose qu'on leur a conseillé de faire c’était d’épouser une femme. Ils s’étaient construits des façades, se sont mariés mais ont construit des familles sur des mensonges. Ce qui est vraiment particulier c’est qu'ils ont tout fait dans la perfection : ils habitent tous dans de très belles maisons, avaient tous très belles femmes. On vit quand même dans une société qui n’a pas encore trouvé sa stabilité, ça bouge énormément telle la terre du pays qui est très tectonique, et à chaque tremblement ça peut s’effondrer. Tous ont souffert d’un tremblement à un moment ou à un autre et leurs façades sont tombées. Forcément, ça fait énormément de mal autour et finalement, tous ces personnages qui apparaissent comme méchants sont tous des victimes de la même oppression.
Véronique : L’acteur principal, Juan Pablo Olyslager est juste incroyable ! C'est un acteur connu par chez vous ? Comment l’avez-vous trouvé et comment s’est-il préparé à ce rôle ?
Jayro Bustamante : Dans le film, il y a deux comédiens professionnels : Juan Pablo et Maria Telon, qui joue le rôle de la nounou. Tous les autres n’étaient pas des acteurs professionnels à la base. Juan Pablo est l’acteur qui a fait le plus de films au Guatemala, il avait fait des films plus populaires et baroques. Je savais qu'il avait quelque chose qui pourrait convenir au personnage de Pablo et quand je lui ai demandé de suivre la formation que j'allais faire pour les comédiens non professionnels, il a accepté. Il a accepté de laisser ses outils de côté et de suivre cette formation avec moi. Du coup, c’était très enrichissant parce qu’il avait déjà des techniques professionnelles qu’il a ensuite partager avec les autres. En soi, pendant toutes les périodes de travail avec les comédiens, on a formé une famille très unie. Ça a été une période de souffrance pour nous parce que tous ces personnages-là souffrent énormément… On a continué à avoir les feed backs des Pablo dont on s’est inspiré, on a commencé à se rendre compte de ce que voulaient dire ces pubs sur les thérapies de reconversion que l’on voyait dans les coins des rues et on s’est rendu compte que c’était bien plus grave que ce que j’avais écrit dans mon scénario.
Véronique : Vous avez déjà réalisé deux films qui mettent en avant les personnes stigmatisées. Vous avez des projets pour continuer dans la lignée ou vous allez changer de thématique ?
Jayro Bustamante : Non, le troisième film aussi parlera de ces insultes dont je vous ai parlé précédemment. La première, c’était d’être indien, la deuxième d’être homosexuel et la troisième, que je vais traiter dans mon prochain film, c’est d’être communiste... Ça n’a rien à voir avec l’idéologie politique, c'est juste que dans ce type de sociétés qui sont complètement libérales au niveau économique, s'inquiéter de droits sociaux de quelqu'un d'autre est très mal vu. Je ne sais pas pourquoi cette société vit avec la peur d'une révolution du peuple. Evidemment, quand on utilise la peur comme outil pour mettre de l’ordre dans les sociétés, on a peur d'une révolution… Et donc, dès qu'on commence à faire un petit pas vers l'autre, on est communiste, on peut montrer une révolution et il faut donc que l'on soit contrôlé… C’est un peu de çà que parlera mon prochain film.
Jayro Bustamante : Oui, la métaphore je l’ai aussi construite autour du fait que, pour écrire le scénario du film, j’ai fait une recherche avec 22 Pablo, 22 hommes qui m'ont raconté leur vie et je me suis rendu compte qu’ils avaient tous construit une vie sur des mensonges. Quand ils ont senti qu’ils étaient homosexuels, la première chose qu'on leur a conseillé de faire c’était d’épouser une femme. Ils s’étaient construits des façades, se sont mariés mais ont construit des familles sur des mensonges. Ce qui est vraiment particulier c’est qu'ils ont tout fait dans la perfection : ils habitent tous dans de très belles maisons, avaient tous très belles femmes. On vit quand même dans une société qui n’a pas encore trouvé sa stabilité, ça bouge énormément telle la terre du pays qui est très tectonique, et à chaque tremblement ça peut s’effondrer. Tous ont souffert d’un tremblement à un moment ou à un autre et leurs façades sont tombées. Forcément, ça fait énormément de mal autour et finalement, tous ces personnages qui apparaissent comme méchants sont tous des victimes de la même oppression.
Véronique : L’acteur principal, Juan Pablo Olyslager est juste incroyable ! C'est un acteur connu par chez vous ? Comment l’avez-vous trouvé et comment s’est-il préparé à ce rôle ?
Jayro Bustamante : Dans le film, il y a deux comédiens professionnels : Juan Pablo et Maria Telon, qui joue le rôle de la nounou. Tous les autres n’étaient pas des acteurs professionnels à la base. Juan Pablo est l’acteur qui a fait le plus de films au Guatemala, il avait fait des films plus populaires et baroques. Je savais qu'il avait quelque chose qui pourrait convenir au personnage de Pablo et quand je lui ai demandé de suivre la formation que j'allais faire pour les comédiens non professionnels, il a accepté. Il a accepté de laisser ses outils de côté et de suivre cette formation avec moi. Du coup, c’était très enrichissant parce qu’il avait déjà des techniques professionnelles qu’il a ensuite partager avec les autres. En soi, pendant toutes les périodes de travail avec les comédiens, on a formé une famille très unie. Ça a été une période de souffrance pour nous parce que tous ces personnages-là souffrent énormément… On a continué à avoir les feed backs des Pablo dont on s’est inspiré, on a commencé à se rendre compte de ce que voulaient dire ces pubs sur les thérapies de reconversion que l’on voyait dans les coins des rues et on s’est rendu compte que c’était bien plus grave que ce que j’avais écrit dans mon scénario.
Véronique : Vous avez déjà réalisé deux films qui mettent en avant les personnes stigmatisées. Vous avez des projets pour continuer dans la lignée ou vous allez changer de thématique ?
Jayro Bustamante : Non, le troisième film aussi parlera de ces insultes dont je vous ai parlé précédemment. La première, c’était d’être indien, la deuxième d’être homosexuel et la troisième, que je vais traiter dans mon prochain film, c’est d’être communiste... Ça n’a rien à voir avec l’idéologie politique, c'est juste que dans ce type de sociétés qui sont complètement libérales au niveau économique, s'inquiéter de droits sociaux de quelqu'un d'autre est très mal vu. Je ne sais pas pourquoi cette société vit avec la peur d'une révolution du peuple. Evidemment, quand on utilise la peur comme outil pour mettre de l’ordre dans les sociétés, on a peur d'une révolution… Et donc, dès qu'on commence à faire un petit pas vers l'autre, on est communiste, on peut montrer une révolution et il faut donc que l'on soit contrôlé… C’est un peu de çà que parlera mon prochain film.