Interview de Laetitia Casta
Dans le cadre de l'avant-première de "L'incroyable histoire du facteur Cheval"
18 avril 2019
Dans le cadre de l'avant-première de "L'incroyable histoire du facteur Cheval"
18 avril 2019
A l’affiche de « L’incroyable histoire du facteur Cheval », l’ancienne mannequin a joliment évolué sur les planches et les plateaux de cinéma ces dernières années. Après avoir incarné Arletty ou Brigitte Bardot, la comédienne interprète Philomène, l’épouse de Joseph Cheval dans le dernier film de Nils Tavernier. L’occasion pour elle de nous parler de son rôle, de Jacques Gamblin, de son passé dans le monde du mannequinat et ses envies futures…
Véronique : Dans « L’incroyable histoire du facteur Cheval », il y a énormément d’amour et de bienveillance. On a d’ailleurs l’impression que cet amour arrive dans la famille Cheval en même temps que Philomène. Avant, Joseph semblait anesthésié par la vie et l’arrivée de votre personnage l’ouvre à tout et surtout à l’amour…
Laetitia Casta : Il est vrai qu’à la lecture du scénario, on regarde la partition générale et on s’approprie les grandes lignes de notre personnage. Pour ma part, je voulais arrondir les angles, rendre la notion d’amour plus large mais aussi plus universelle. Je ne souhaitais pas me renfermer dans le malheur qui touche cette famille mais faire de mon personnage féminin, une femme qui amène une lumière sur l’autre, qui l’éclaire. Elle arrive à décoder son mari, l’amener à la vie à travers un enfant… Je trouvais ça très beau. Qu’on le veuille ou non nous, les femmes, avons un instinct très fort, ce qui n’est pas toujours le cas des hommes. Il faut l’éveiller chez eux. Il y avait une forme d’intelligence, de prise de pouvoir et de sagesse sur la vie et il la partage à deux… J’ai beaucoup aimé faire cela. Ils partagent un idéal d’amour comme on en rencontre peu … |
Laetitia Casta : Oui, un amour simple qui se suffit de peu. Quand on regarde partout aujourd’hui, on nous dit partout comment être heureux, comment être zen, comment réussir dans sa carrière, on a des astuces anti-stress... on veut nous faire croire qu’on ne sait plus comment vivre alors qu’il suffit de se détacher du superflu, de simplifier les choses. C’est un peu ça que raconte ce film. C’est l’histoire de deux êtres qui s’accompagnent tels qu’ils sont, dans leur solitude. Philomène est juste là, à le regarder, le deviner. Il y a du mystère, de la poésie, de la pudeur, c’est très intéressant.
Que vous inspire cet homme avec qui elle vit, comment expliquer le moteur qui l’anime ?
Que vous inspire cet homme avec qui elle vit, comment expliquer le moteur qui l’anime ?
Laetitia Casta : Ce qui fait qu’elle reste et continue de se battre à ses côtés, c’est qu’il grandit, qu’il change en tant qu’homme. Je trouve ça terrible lorsque la personne, homme ou femme, ne grandit pas à côté de l’autre ou lorsque il n’y a pas d’évolution, ça brise le cœur. Là, les ponts se font, elle voit son évolution et il y a presque une sorte de fierté de l’accompagner dans son don. Je me rappelle cette phrase de Breton qui disait « l’amour, c'est quand on rencontre quelqu'un qui vous donne de vos nouvelles », c’est tout à fait ça ici. Ils se sont donnés des nouvelles d’eux-mêmes et même si c’est dur, même si c’est une autre époque, ils traversent les saisons, la maladie, leurs vies sont difficiles mais ils se suffisent de peu.
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Jacques Gamblin est très investi, il habite véritablement le personnage de Joseph Cheval. Comment perceviez-vous sa transformation ?
Laetitia Casta : Je sais que c’est un excellent acteur et je l’imaginais tout à fait comme cela. Quand j’arrive sur le plateau, je suis déjà dans la peau de Philomène et je n’en attends pas plus ni moins. On est tous les deux dans nos personnages, on est concentré sur ce qu’on fait et on se fait confiance. Il y a un respect mutuel à ce moment-là et on partage l’idée c’est que ce couple doit fonctionner. Ce qui était le plus difficile sur le tournage, c’était la notion du temps qui passe. Comme il y a un encart d’âges entre nous deux, plus il vieillissait et plus cet écart se voyait mais je le surveillais, surtout au niveau du maquillage (rires).
Comment faites-vous vos choix de rôle ?
Laetitia Casta : Je dirais que je suis la première spectatrice de mes personnages et que l’idée d’empathie pour eux, de leurs qualités et de leurs défauts est importante. J’aime les regarder vivre... Avant, j’étais plus dans l’idée de me fondre dans mon rôle. Maintenant je fais l’inverse, je laisse les personnages entrer en moi, ça me donne plus d’espace dans mon travail. J’ai des phrases magiques qui font que quand je vais commencer l’interprétation de mon personnage, je récite une phrase qui veut sensiblement dire « allez, on y va » et quand je m’arrête, je me dis que je sors du jeu. C’est comme un rituel qui permet de couper, comme une cloche que je me mets à faire sonner quand les choses commencent et se terminent. Je me mets mes propres limites.
Les personnages historiques ou existants que vous avez interprétés étaient très documentés. Ici, on sait peu de chose de Philomène…
Laetitia Casta : Le personnage de Philomène est en effet moins concret que le personnage de Jacques (Gamblin, ndlr). On a quelques témoignages et des photos du facteur Cheval alors qu’on n’a qu’une seule image de Philomène. Ca m’a permis d’être plus libre dans l’interprétation de mon personnage.
Laetitia Casta : Je sais que c’est un excellent acteur et je l’imaginais tout à fait comme cela. Quand j’arrive sur le plateau, je suis déjà dans la peau de Philomène et je n’en attends pas plus ni moins. On est tous les deux dans nos personnages, on est concentré sur ce qu’on fait et on se fait confiance. Il y a un respect mutuel à ce moment-là et on partage l’idée c’est que ce couple doit fonctionner. Ce qui était le plus difficile sur le tournage, c’était la notion du temps qui passe. Comme il y a un encart d’âges entre nous deux, plus il vieillissait et plus cet écart se voyait mais je le surveillais, surtout au niveau du maquillage (rires).
Comment faites-vous vos choix de rôle ?
Laetitia Casta : Je dirais que je suis la première spectatrice de mes personnages et que l’idée d’empathie pour eux, de leurs qualités et de leurs défauts est importante. J’aime les regarder vivre... Avant, j’étais plus dans l’idée de me fondre dans mon rôle. Maintenant je fais l’inverse, je laisse les personnages entrer en moi, ça me donne plus d’espace dans mon travail. J’ai des phrases magiques qui font que quand je vais commencer l’interprétation de mon personnage, je récite une phrase qui veut sensiblement dire « allez, on y va » et quand je m’arrête, je me dis que je sors du jeu. C’est comme un rituel qui permet de couper, comme une cloche que je me mets à faire sonner quand les choses commencent et se terminent. Je me mets mes propres limites.
Les personnages historiques ou existants que vous avez interprétés étaient très documentés. Ici, on sait peu de chose de Philomène…
Laetitia Casta : Le personnage de Philomène est en effet moins concret que le personnage de Jacques (Gamblin, ndlr). On a quelques témoignages et des photos du facteur Cheval alors qu’on n’a qu’une seule image de Philomène. Ca m’a permis d’être plus libre dans l’interprétation de mon personnage.
Dans ceux de Bardot et d’Arletty, ce qui m’attirait c’était leur liberté et leur modernité. Pour Arletty c’était plus haut en couleurs, il y a des fulgurances, comme des flèches. C’est quelqu’un qui pouvait tomber amoureux d’un homme ou d’une femme, elle était trouble et je trouve cela toujours fascinant. Pour Bardot, c’était une femme enfant totalement assumée même si elle pouvait aussi avoir des idées assez bourgeoises. Elle était du style à dire que « quand on se marie on ne divorce pas » alors qu’en même temps, elle voulait manger tous les gâteaux lorsqu’elle passait devant une boulangerie. Dans les deux cas, c’est très intéressant à faire ! J’aime l’originalité et jouer des rôles de femmes inspirantes pour moi.
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Petite, vous rêviez d’être actrice ?
Laetitia Casta : C’est venu assez tôt oui. J’avais 12 ans quand deux professeurs sont arrivés dans mon collège du 93 à Noisy-le-Grand. Ils ont fait un casting sauvage d’élèves et je faisais partie de ceux-là. J’ai joué une pièce de Michel Simon qui s’appelait « Coup de théâtre », et c’est là que j’ai vécu ce mélange presqu’orgasmique de trac terrible et de grand plaisir. C’est à ce moment que j’ai semé ma petite graine du théâtre et du jeu.
Vous n’aspiriez donc pas à devenir mannequin ?
Laetitia Casta : Au moment où j’étais mannequin, les top models n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui, on ne considérait pas cela comme un métier encore. C’étaient les débuts de Claudia Schiffer, de Cindy Crawford… Moi, je suis venue juste après Kate Moss, et à ce moment-là, je ne savais pas rêver de ce métier parce je ne savais pas que ça existait. C’est arrivé sur mon chemin comme cela. Au début, c’était une manière d’exprimer quelque chose, une sorte de cinéma muet en quelque sorte (rires).
Je me rappelle quand j’avais à peu près 17 ans, ils trouvaient que je faisais très jeune. Ils m’ont donc fait couper mes cheveux pour que je fasse plus femme. Le métier de mannequin m’a rendu soldat. Alors, quand je suis arrivée sur les tournages, je pensais faire quelque chose de profond et d’engagé mais je me suis rendue compte à quel point on pouvait être fragile ou parfois maniéré en tant qu’acteur ou actrice. Dans la mode, quand vous vous retrouvez en haut de la montagne en plein hiver et que vous devez faire semblant d’être sous les Tropiques pour poser dans un maillot de bain, on supporte tout. C’est comme les danseurs ou des athlètes, on part d’un pays à un autre : un jour on est au Japon, le lendemain on est à Los Angeles et il faut toujours garder le sourire. Il y a une forme de discipline. On est là pour un résultat et il faut aller jusqu’au bout. Quand j’arrivais sur un plateau de cinéma et qu’on ne me considérait pas comme une actrice, je m’affirmais pour montrer que j’étais là pour les mêmes raisons que les autres, qu’ils se trompaient sur qui j’étais et je gardais la foi. Peut-être que la difficulté de mon métier de mannequin m’a toujours permis d’avoir les épaules solides et de garder la foi dans les choses auxquelles je croyais.
Vous partagez actuellement votre carrière entre le cinéma et le théâtre. Le théâtre, lui, permet d’avoir un contact direct avec les spectateurs, c’est plus grisant ce rapport à l’audience ?
Laetitia Casta : Ça nous resitue surtout dans une certaine réalité. Ça nous rappelle qu’on est acteur et tout petit face à cette immensité qu'est la scène et le spectateur est notre premier partenaire. C’est le fait d’un moment, d’un instantané qui très fort et ça me plait. Il y a un enjeu lorsqu’on se lance. Et puis le théâtre me permet surtout de retrouver ce plaisir et ce trac que j’ai ressentis pour la première fois il y a longtemps
Vous avez d’autres projets au théâtre ?
Laetitia Casta : Oui et je pense d’ailleurs que le théâtre sera toujours là. C’est aussi une formidable excuses pour ne pas faire tous les films qu’on me propose et de nettoyer les propositions que je ne veux pas faire (rires). Au théâtre, il y a quelque chose qui me ressemble, quelque chose de plus d’authentique. Je ne me suis jamais sentie légitime nulle part, ni à l’école, ni en tant que mannequin… Excusez l’expression mais j’ai toujours eu l’impression d’avoir le cul entre deux chaises. J’ai cherché à être mannequin professionnel mais je n’ai jamais réussi vraiment dans les défilés : ma hauteur, ma taille… il y a plein de choses qui faisaient que je voyais bien que je n’étais pas dans la course avec les tops. J’étais ailleurs et il a bien fallu que j’en fasse quelque chose.
Je ne me suis jamais sentie légitime où j’étais mais je crois que ça a un rapport avec ma personnalité. Aujourd’hui, je l’assume entièrement parce que je l’ai accepté. Je n’attends plus des autres qu’ils me regardent, je me regarde moi-même. Ça devient une force avec le temps. La première fois où j’ai senti le désir, c’est face à un public et non pas de la part des gens du métier. C’est le public qui m’a encouragé et ça me faisait du bien parce que ça me donnait l’impression que ce que je faisais avec du sens. C’est lui qui nous dit de continuer, qui suit notre travail et le reconnait… ça aide à aller de l’avant !
Laetitia Casta : C’est venu assez tôt oui. J’avais 12 ans quand deux professeurs sont arrivés dans mon collège du 93 à Noisy-le-Grand. Ils ont fait un casting sauvage d’élèves et je faisais partie de ceux-là. J’ai joué une pièce de Michel Simon qui s’appelait « Coup de théâtre », et c’est là que j’ai vécu ce mélange presqu’orgasmique de trac terrible et de grand plaisir. C’est à ce moment que j’ai semé ma petite graine du théâtre et du jeu.
Vous n’aspiriez donc pas à devenir mannequin ?
Laetitia Casta : Au moment où j’étais mannequin, les top models n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui, on ne considérait pas cela comme un métier encore. C’étaient les débuts de Claudia Schiffer, de Cindy Crawford… Moi, je suis venue juste après Kate Moss, et à ce moment-là, je ne savais pas rêver de ce métier parce je ne savais pas que ça existait. C’est arrivé sur mon chemin comme cela. Au début, c’était une manière d’exprimer quelque chose, une sorte de cinéma muet en quelque sorte (rires).
Je me rappelle quand j’avais à peu près 17 ans, ils trouvaient que je faisais très jeune. Ils m’ont donc fait couper mes cheveux pour que je fasse plus femme. Le métier de mannequin m’a rendu soldat. Alors, quand je suis arrivée sur les tournages, je pensais faire quelque chose de profond et d’engagé mais je me suis rendue compte à quel point on pouvait être fragile ou parfois maniéré en tant qu’acteur ou actrice. Dans la mode, quand vous vous retrouvez en haut de la montagne en plein hiver et que vous devez faire semblant d’être sous les Tropiques pour poser dans un maillot de bain, on supporte tout. C’est comme les danseurs ou des athlètes, on part d’un pays à un autre : un jour on est au Japon, le lendemain on est à Los Angeles et il faut toujours garder le sourire. Il y a une forme de discipline. On est là pour un résultat et il faut aller jusqu’au bout. Quand j’arrivais sur un plateau de cinéma et qu’on ne me considérait pas comme une actrice, je m’affirmais pour montrer que j’étais là pour les mêmes raisons que les autres, qu’ils se trompaient sur qui j’étais et je gardais la foi. Peut-être que la difficulté de mon métier de mannequin m’a toujours permis d’avoir les épaules solides et de garder la foi dans les choses auxquelles je croyais.
Vous partagez actuellement votre carrière entre le cinéma et le théâtre. Le théâtre, lui, permet d’avoir un contact direct avec les spectateurs, c’est plus grisant ce rapport à l’audience ?
Laetitia Casta : Ça nous resitue surtout dans une certaine réalité. Ça nous rappelle qu’on est acteur et tout petit face à cette immensité qu'est la scène et le spectateur est notre premier partenaire. C’est le fait d’un moment, d’un instantané qui très fort et ça me plait. Il y a un enjeu lorsqu’on se lance. Et puis le théâtre me permet surtout de retrouver ce plaisir et ce trac que j’ai ressentis pour la première fois il y a longtemps
Vous avez d’autres projets au théâtre ?
Laetitia Casta : Oui et je pense d’ailleurs que le théâtre sera toujours là. C’est aussi une formidable excuses pour ne pas faire tous les films qu’on me propose et de nettoyer les propositions que je ne veux pas faire (rires). Au théâtre, il y a quelque chose qui me ressemble, quelque chose de plus d’authentique. Je ne me suis jamais sentie légitime nulle part, ni à l’école, ni en tant que mannequin… Excusez l’expression mais j’ai toujours eu l’impression d’avoir le cul entre deux chaises. J’ai cherché à être mannequin professionnel mais je n’ai jamais réussi vraiment dans les défilés : ma hauteur, ma taille… il y a plein de choses qui faisaient que je voyais bien que je n’étais pas dans la course avec les tops. J’étais ailleurs et il a bien fallu que j’en fasse quelque chose.
Je ne me suis jamais sentie légitime où j’étais mais je crois que ça a un rapport avec ma personnalité. Aujourd’hui, je l’assume entièrement parce que je l’ai accepté. Je n’attends plus des autres qu’ils me regardent, je me regarde moi-même. Ça devient une force avec le temps. La première fois où j’ai senti le désir, c’est face à un public et non pas de la part des gens du métier. C’est le public qui m’a encouragé et ça me faisait du bien parce que ça me donnait l’impression que ce que je faisais avec du sens. C’est lui qui nous dit de continuer, qui suit notre travail et le reconnait… ça aide à aller de l’avant !