Interview de Arthur Dupont et Gérard Pautonnier
Dans le cadre de l'avant première de "Grand Froid"
23 août 2017
23 août 2017
Au lendemain de leur avant-première à l’UGC de la Toison d’or, Arthur Dupont et Gérard Pautonnier nous ont accordé un peu de leur temps matinal pour évoquer le film qui les fait collaborer ensemble : « Grand Froid ». L’acteur et le réalisateur nous parlent avec passion et en toute décontraction de ce premier long-métrage particulier.
Véronique : Dans votre premier court métrage, on assiste à un enterrement de vie de jeune fille, « Etourdissement » nous parle d’un décès, vous avez réalisé des épisodes télé intitulés « Les mortels », « Grand froid » nous entraîne dans l’univers des pompes funèbres… Tout cela nous renvoie à un lexique plutôt mortuaire, hasard ou coïncidence ? Gérard Pautonnier : C'est vrai... je vais analyser un peu plus ma filmo. (rires) C’est complètement par hasard… enfin est-ce du hasard ou du subconscient ? Ce sont des auteurs différents à chaque fois donc je pense que non. Je ne sais pas quoi vous dire là-dessus parce que je ne me rends pas vraiment compte. J’ai aussi fait des séries télés qui sont complètement différentes où il n’y a pas un seul mort mais plutôt des tartes à la crème. Mais c’est vrai que, maintenant que j’y réfléchis, je ne sais pas pourquoi il y a un mort à chaque fois… Je n’ai pas de réponse là-dessus. |
Arthur Dupont : On va s’arrêter là alors, merci beaucoup. Vous payez en chèque, en espèces ? (rires). On se retrouve la semaine prochaine ? C’était un réel plaisir, bien qu’un peu court.
Véronique : Vous évoquez des auteurs différents mais on constate tout de même une certaine fidélité à Joël Egloff. Vos moyen et long métrages sont issus de son univers littéraire…
Gérard Pautonnier : Effectivement. C’est un auteur que j’ai rencontré après la lecture d’ « Etourdissement », qui est pour moi un de ses meilleurs romans. Avec lui, on a commencé à écrire un long métrage sur ce roman même si c’était un peu compliqué. C’est un bouquin que je vous recommande vraiment mais qui est assez noir et difficile à mettre sous forme de long-métrage. On est alors parti sur une idée de court métrage. Ca m’a permis de rencontrer Arthur et de travailler avec lui en sachant que j’envisageais déjà de lui demander de faire aussi le long métrage.
Véronique : Il y a finalement beaucoup de connexions grâce à « Grand Froid ». Vous adaptez à nouveau le roman d’un même auteur, vous avez déjà travaillé l’un avec l’autre, vous Arthur, vous retrouvez Jean-Pierre Bacri avec qui vous avez tourné pour Agnès Jaoui. C’est le hasard de la vie ?
Gérard Pautonnier : C’est vrai que tout s’est mis en place lorsque j’ai rencontré Joël (Egloff). On a créé un vrai binôme et je pense d’ailleurs qu’on travaillera prochainement ensemble. Grâce à lui, j’ai rencontré un univers qui me correspond et je pense même que tout le reste était des essais. J’ai trouvé ici une personne qui me convient: j’ai envie de mettre en images ce qu’il écrit et lui a envie d’être adapté sur les écrans par quelqu’un comme moi.
Véronique : Vous évoquez des auteurs différents mais on constate tout de même une certaine fidélité à Joël Egloff. Vos moyen et long métrages sont issus de son univers littéraire…
Gérard Pautonnier : Effectivement. C’est un auteur que j’ai rencontré après la lecture d’ « Etourdissement », qui est pour moi un de ses meilleurs romans. Avec lui, on a commencé à écrire un long métrage sur ce roman même si c’était un peu compliqué. C’est un bouquin que je vous recommande vraiment mais qui est assez noir et difficile à mettre sous forme de long-métrage. On est alors parti sur une idée de court métrage. Ca m’a permis de rencontrer Arthur et de travailler avec lui en sachant que j’envisageais déjà de lui demander de faire aussi le long métrage.
Véronique : Il y a finalement beaucoup de connexions grâce à « Grand Froid ». Vous adaptez à nouveau le roman d’un même auteur, vous avez déjà travaillé l’un avec l’autre, vous Arthur, vous retrouvez Jean-Pierre Bacri avec qui vous avez tourné pour Agnès Jaoui. C’est le hasard de la vie ?
Gérard Pautonnier : C’est vrai que tout s’est mis en place lorsque j’ai rencontré Joël (Egloff). On a créé un vrai binôme et je pense d’ailleurs qu’on travaillera prochainement ensemble. Grâce à lui, j’ai rencontré un univers qui me correspond et je pense même que tout le reste était des essais. J’ai trouvé ici une personne qui me convient: j’ai envie de mettre en images ce qu’il écrit et lui a envie d’être adapté sur les écrans par quelqu’un comme moi.
Arthur Dupont : Quant à moi, quand j’ai passé les essais pour le long métrage, je faisais également ceux pour le court métrage. Tout était déjà dans la même lignée. C’était une première collaboration concrète pour tous les deux au même titre que Philippe Duquesne qui est également dans les deux films. Mais on a tourné « l’Etourdissement » en premier car c’était plus facile à monter.
Gérard Pautonnier : Dans les deux cas, le film raconte l'histoire d’un duo. Comme dans « L’étourdissement », on retrouve ici quelqu’un qui a de l’expérience et un autre qui en a moins…. Arthur Dupont : Et ils ont tous les deux une mission à entreprendre… Gérard Pautonnier : Dans le court métrage, ils se rendent à pied quelque part pour annoncer quelque chose. C’était déjà un travail d’équipe. François : Avec une dualité, un jeune avec un homme plus âgé... |
Gérard Pautonnier : Avec deux personnes aux expériences différentes, oui. Et encore, dans « Grand froid », on se pose un peu moins la question car on voit bien qu’Eddy (le personnage d’Arthur Dupont, ndlr) n’est pas fait pour ça, que ce n’est pas son univers. Dans « l’Etourdissement », on se dit que le jeune homme peut très bien travailler dans l’abattoir puisqu’il est plus dans l’emballage. Je ne pense pas que c’est le genre de gars qui va tuer un bœuf et il est peut-être plus à sa place.
Véronique : De votre côté, Arthur Dupont, vous faites souvent confiance aux réalisateurs qui proposent un premier long-métrage. Vous êtes à l’affiche de quelques premiers films ces dernières années.
Arthur Dupont : A part pour Christophe Barratier et Philippe Le Guay avec qui je viens de travailler, vous avez raison, j’en ai fait pas mal. Ca va dans une certaine logique puisque je suis un jeune comédien. Je n’ai que trente ans et même si ça fait quelques années que je tourne, je suis jeune. Je ne pense pas que pour l'instant, j'intéresse les grands metteurs en scène qui ont quinze ou trente films derrière eux même s’ils ont peut-être vu mon travail. Là, j’ai travaillé pour Philippe Le Guay (pour « Normandie Nue » avec entre autres, François Cluzet, François-Xavier Demaison, ndlr) qui a beaucoup plus d’expérience que François Pirot par exemple. Mais ce sont des hasards. Quand le scénario arrive, on ne sait pas qui l’a écrit, on ne sait pas toujours qui est derrière. Ou à l’inverse, on nous donne un scénario du dernier film de Philippe Le Guay et on se dit que ça doit être vraiment bien puisque c’est lui.
Dans tous les cas, je suis dépendant du désir des autres. Je réagis en fonction de ce que j’ai lu que cela soit pour un grand réalisateur ou pour un jeune metteur en scène. Je fonctionne vraiment au projet. Si ça me plait et si le rôle me parle, je vais me battre pour l’avoir. Pour l’instant, je suis à chaque fois tombé sur des gens passionnés, qui tenaient vraiment bien leur sujet et leur équipe, qui savaient diriger les comédiens. J’ai peut-être eu quelques surprises mais c’est difficile de tenir une équipe quand on fait un premier long métrage. Pour Gérard, ce n’était pas du tout le cas. Pareil pour François Pirot, qui est belge et qui m’a marqué avec son « Mobile Home ». Ce sont deux réalisateurs qui se lançaient dans un premier long métrage mais c'est un plaisir de démarrer une aventure avec eux.
Véronique : De votre côté, Arthur Dupont, vous faites souvent confiance aux réalisateurs qui proposent un premier long-métrage. Vous êtes à l’affiche de quelques premiers films ces dernières années.
Arthur Dupont : A part pour Christophe Barratier et Philippe Le Guay avec qui je viens de travailler, vous avez raison, j’en ai fait pas mal. Ca va dans une certaine logique puisque je suis un jeune comédien. Je n’ai que trente ans et même si ça fait quelques années que je tourne, je suis jeune. Je ne pense pas que pour l'instant, j'intéresse les grands metteurs en scène qui ont quinze ou trente films derrière eux même s’ils ont peut-être vu mon travail. Là, j’ai travaillé pour Philippe Le Guay (pour « Normandie Nue » avec entre autres, François Cluzet, François-Xavier Demaison, ndlr) qui a beaucoup plus d’expérience que François Pirot par exemple. Mais ce sont des hasards. Quand le scénario arrive, on ne sait pas qui l’a écrit, on ne sait pas toujours qui est derrière. Ou à l’inverse, on nous donne un scénario du dernier film de Philippe Le Guay et on se dit que ça doit être vraiment bien puisque c’est lui.
Dans tous les cas, je suis dépendant du désir des autres. Je réagis en fonction de ce que j’ai lu que cela soit pour un grand réalisateur ou pour un jeune metteur en scène. Je fonctionne vraiment au projet. Si ça me plait et si le rôle me parle, je vais me battre pour l’avoir. Pour l’instant, je suis à chaque fois tombé sur des gens passionnés, qui tenaient vraiment bien leur sujet et leur équipe, qui savaient diriger les comédiens. J’ai peut-être eu quelques surprises mais c’est difficile de tenir une équipe quand on fait un premier long métrage. Pour Gérard, ce n’était pas du tout le cas. Pareil pour François Pirot, qui est belge et qui m’a marqué avec son « Mobile Home ». Ce sont deux réalisateurs qui se lançaient dans un premier long métrage mais c'est un plaisir de démarrer une aventure avec eux.
Véronique : Dans « L’outsider », vous tenez un rôle plus noir, votre jeu est plus dense. Ca n’a pas déverrouillé d’autres propositions de films de ce type?
Arthur Dupont : Si. Grâce à cette noirceur comme vous dites, Philippe Le Guay a pensé à moi. On s’était croisé dans un festival au Brésil y a peut-être trois ans où nous n’avions pas du tout parlé travail mais plutôt mojitos. Gérard Pautonnier : Si c’est au Brésil, c’est plutôt caipirinha. Arthur Dupont : Caipirihna, oui (rires). Avec Philippe Le Guay, on a parlé caipirihnas et pas du tout de travail. Il y a quelques temps, il m’a proposé un rôle pour son dernier film qui n’est pas du tout noir et ne correspond en rien à un rôle avec une densité intéressante et conflictuelle, comme celle du personnage de Jérôme Kerviel. Là, il m’a fait confiance sans que je fasse des essais. On a bu un café, il m’a demandé de lire son scénario, il a rencontré d’autres acteurs mais on a fini par travailler ensemble. Tout ça, je pense, c’est grâce au film de Christophe Barratier. |
Ce qui frustrant quand on est comédien, que l’on n’écrit pas soi-même ou qu’on n’est pas instigateur de projets, c’est qu’on est dépendant du désir des autres ; quand on a une fenêtre de tir, il faut s’amuser et faire du mieux que l'on peut, répondre au maximum aux attentes du réalisateur. Si le résultat qui en découle est vu et qu’il plait, ça peut nous rapporter du travail par la suite.
Gérard Pautonnier : Même s’il n’est pas vu, nous en tant que réalisateur, on regarde tous les films des acteurs, c’est une vraie carte d’identité. Si ça marche, c’est mieux, mais moi, que ça marche ou pas, je vais chercher loin dans les films faits par mes comédiens. On a beau dire qu’on a juste bu un café, le réalisateur a réfléchi avant de proposer le rôle. En amont, il y a un vrai boulot parce que c’est lourd de conséquences. On doit être fier du film qu’on fait, d’être allé au maximum.
Arthur Dupont : C’est ça que je trouve génial, c’est qu’on se donne au maximum pour un projet qu’on a vu sur le papier, dont on a discuté avec le metteur en scène. On donne tout pour que le réalisateur ait ce dont il a rêvé, sur son petit combo, son petit écran et puis plus tard sur le grand écran de la salle de cinéma. On donne tout pour être pleinement satisfait et pour que le contrat qu’on a passé soit atteint. A ma place d’acteur, j’ai plein de challenges et c’est hyper gratifiant quand au final, on regarde le metteur en scène après une prise et qu’il dit que c’est ce qu’il attendait. A l’intérieur de ça, on a des partenaires avec qui on échange ou que l’on observe parfois, et qu’on gratifie quand la scène semblait réussie. Je trouve ça rare, dans la vie, d’avoir ces petits moments-là avec d’autres où on est fier d’avoir donné le maximum et d’être satisfait de ce qu’on a fait. C’est galvanisant comme ambiance sur les tournages. Sur le plateau, Gérard se met aussi à notre place pour pouvoir nous donner les meilleures directions, pour qu’on accède à ce qu’il veut.
Gérard Pautonnier : Je dirais même qu’on est des créateurs d’espaces de jeu pour que les acteurs s’y expriment le mieux possible. On veut tirer le meilleur d’eux et ce n’est pas de la flagornerie de les mettre à l’aise, c’est de la logique. Jean-Pierre Bacri m’a d’ailleurs appris à dire à mes acteurs quand c’était bien, parce que je ne le disais pas assez et qu’ils ont besoin de l’entendre.
François : C’est un travail véritablement humain. Même si le metteur en scène à une vision d’ensemble, il faut diriger chacun individuellement, ce qui ne doit pas être évident…
Gérard Pautonnier : Pour « Grand froid », on a beaucoup travaillé la direction d’acteurs en amont. On a fait des lectures, on a discuté des personnages, c’était déjà très écrit. Sur le tournage, on a juste dû essayer des choses, temporiser certains états. C’est vrai que les trois comédiens principaux ont des façons de travailler très différentes et c’est à nous de le prendre en compte. Avec Bacri et Arthur, je les laissais partir dans leur jeu parce qu’il y avait une espèce de synergie qui marchait très bien. Mais parfois, je dois aussi dire stop, on se recadre car je dois faire attention à faire plaisir aux comédiens, au preneur du son, au chef opérateur… Cette capacité d’adaptation, elle doit se faire par rapport à tous les autres. On doit nous, s’adapter au travail de l’équipe, mais l’équipe doit aussi s’adapter à la vision qu’on a nous, en tant que réalisateur.
Arthur Dupont : On doit tous être à l’écoute des autres, c’est un vrai travail d’équipe. C’est ténu parce qu on travaille dans l’humain. On doit se focaliser sur le scénario mais aussi tenir compte des décors, de la fatigue du jour et tâcher d’être toujours disponible pour aller dans une même direction.
Véronique : Puisque vous évoquez le scénario, j’imagine que vous avez été surpris de découvrir ce qui allait se produire vers la fin de l’histoire. En tant que lecteur, vous avez été choqué de découvrir cette scène ?
Arthur Dupont : Evidemment ! Le twist est vraiment surprenant !
Gérard Pautonnier : Jean-Pierre (Bacri, ndlr) aussi a été très surpris. Il a du mal à tuer quelqu’un. C’est quelque chose qu’il n’avait jamais fait dans un film. Quand on regarde sa carrière, on se rend compte qu’il n’a jamais fait cela physiquement. Je ne voulais pas que le geste soit prémédité non plus. Ce n’est pas un crime puisqu’il n’y a pas vraiment réfléchit. C’est dur aussi pour Eddy (Arthur Dupont, ndl) qui le voit justement vivant, alors que Georges (Jean-Pierre Bacri, ndlr) le voyait mort tout le temps. C’est quelqu’un qui n’a pas accepté ce revirement de situation alors que l’autre le ramène à la vie.
Véronique : Il y a d’ailleurs une très belle scène avant ce drame où on voit le « mort » jouer à la corde à sauter avec l’ombre des éoliennes et le regard d’Eddy qui en dit long sur la joie de le voir véritablement vivant, peut-être plus qu’il ne l’a jamais été ? On est dans l’empathie d’Eddy qui éprouve de la joie à le voir aussi heureux…
Gérard Pautonnier : Vous avez dit deux choses très justes. Vous êtes dans le regard d’Eddy et pas dans celui du mort puisqu’on le voit peu. On n’a pas le temps de le matérialiser et on a d’ailleurs tout fait pour : on ne lui donnait pas plus de vie que ça, on ne sait pas de quoi il est mort. Et les éoliennes, ça représente le retour à l’enfance. Il recommence à jouer avec n’importe quoi, avec tout ce qu’il trouve. C’était une scène importante pour moi. Et puis, on ne voulait pas que le geste de Georges soit jugé ou critiqué, on voulait qu’il y ait un doute. On aime ce personnage aussi… c’était tout l’enjeu de cette scène.
Gérard Pautonnier : Même s’il n’est pas vu, nous en tant que réalisateur, on regarde tous les films des acteurs, c’est une vraie carte d’identité. Si ça marche, c’est mieux, mais moi, que ça marche ou pas, je vais chercher loin dans les films faits par mes comédiens. On a beau dire qu’on a juste bu un café, le réalisateur a réfléchi avant de proposer le rôle. En amont, il y a un vrai boulot parce que c’est lourd de conséquences. On doit être fier du film qu’on fait, d’être allé au maximum.
Arthur Dupont : C’est ça que je trouve génial, c’est qu’on se donne au maximum pour un projet qu’on a vu sur le papier, dont on a discuté avec le metteur en scène. On donne tout pour que le réalisateur ait ce dont il a rêvé, sur son petit combo, son petit écran et puis plus tard sur le grand écran de la salle de cinéma. On donne tout pour être pleinement satisfait et pour que le contrat qu’on a passé soit atteint. A ma place d’acteur, j’ai plein de challenges et c’est hyper gratifiant quand au final, on regarde le metteur en scène après une prise et qu’il dit que c’est ce qu’il attendait. A l’intérieur de ça, on a des partenaires avec qui on échange ou que l’on observe parfois, et qu’on gratifie quand la scène semblait réussie. Je trouve ça rare, dans la vie, d’avoir ces petits moments-là avec d’autres où on est fier d’avoir donné le maximum et d’être satisfait de ce qu’on a fait. C’est galvanisant comme ambiance sur les tournages. Sur le plateau, Gérard se met aussi à notre place pour pouvoir nous donner les meilleures directions, pour qu’on accède à ce qu’il veut.
Gérard Pautonnier : Je dirais même qu’on est des créateurs d’espaces de jeu pour que les acteurs s’y expriment le mieux possible. On veut tirer le meilleur d’eux et ce n’est pas de la flagornerie de les mettre à l’aise, c’est de la logique. Jean-Pierre Bacri m’a d’ailleurs appris à dire à mes acteurs quand c’était bien, parce que je ne le disais pas assez et qu’ils ont besoin de l’entendre.
François : C’est un travail véritablement humain. Même si le metteur en scène à une vision d’ensemble, il faut diriger chacun individuellement, ce qui ne doit pas être évident…
Gérard Pautonnier : Pour « Grand froid », on a beaucoup travaillé la direction d’acteurs en amont. On a fait des lectures, on a discuté des personnages, c’était déjà très écrit. Sur le tournage, on a juste dû essayer des choses, temporiser certains états. C’est vrai que les trois comédiens principaux ont des façons de travailler très différentes et c’est à nous de le prendre en compte. Avec Bacri et Arthur, je les laissais partir dans leur jeu parce qu’il y avait une espèce de synergie qui marchait très bien. Mais parfois, je dois aussi dire stop, on se recadre car je dois faire attention à faire plaisir aux comédiens, au preneur du son, au chef opérateur… Cette capacité d’adaptation, elle doit se faire par rapport à tous les autres. On doit nous, s’adapter au travail de l’équipe, mais l’équipe doit aussi s’adapter à la vision qu’on a nous, en tant que réalisateur.
Arthur Dupont : On doit tous être à l’écoute des autres, c’est un vrai travail d’équipe. C’est ténu parce qu on travaille dans l’humain. On doit se focaliser sur le scénario mais aussi tenir compte des décors, de la fatigue du jour et tâcher d’être toujours disponible pour aller dans une même direction.
Véronique : Puisque vous évoquez le scénario, j’imagine que vous avez été surpris de découvrir ce qui allait se produire vers la fin de l’histoire. En tant que lecteur, vous avez été choqué de découvrir cette scène ?
Arthur Dupont : Evidemment ! Le twist est vraiment surprenant !
Gérard Pautonnier : Jean-Pierre (Bacri, ndlr) aussi a été très surpris. Il a du mal à tuer quelqu’un. C’est quelque chose qu’il n’avait jamais fait dans un film. Quand on regarde sa carrière, on se rend compte qu’il n’a jamais fait cela physiquement. Je ne voulais pas que le geste soit prémédité non plus. Ce n’est pas un crime puisqu’il n’y a pas vraiment réfléchit. C’est dur aussi pour Eddy (Arthur Dupont, ndl) qui le voit justement vivant, alors que Georges (Jean-Pierre Bacri, ndlr) le voyait mort tout le temps. C’est quelqu’un qui n’a pas accepté ce revirement de situation alors que l’autre le ramène à la vie.
Véronique : Il y a d’ailleurs une très belle scène avant ce drame où on voit le « mort » jouer à la corde à sauter avec l’ombre des éoliennes et le regard d’Eddy qui en dit long sur la joie de le voir véritablement vivant, peut-être plus qu’il ne l’a jamais été ? On est dans l’empathie d’Eddy qui éprouve de la joie à le voir aussi heureux…
Gérard Pautonnier : Vous avez dit deux choses très justes. Vous êtes dans le regard d’Eddy et pas dans celui du mort puisqu’on le voit peu. On n’a pas le temps de le matérialiser et on a d’ailleurs tout fait pour : on ne lui donnait pas plus de vie que ça, on ne sait pas de quoi il est mort. Et les éoliennes, ça représente le retour à l’enfance. Il recommence à jouer avec n’importe quoi, avec tout ce qu’il trouve. C’était une scène importante pour moi. Et puis, on ne voulait pas que le geste de Georges soit jugé ou critiqué, on voulait qu’il y ait un doute. On aime ce personnage aussi… c’était tout l’enjeu de cette scène.
Véronique : Si vous avez conservé le personnage de Georges, beaucoup de choses ont été modifiées par rapport au roman. Eddy s’appelle à la base Molo, les entreprises de pompes funèbres ne sont pas Sweck mais Ganglion et fils. Pourquoi ces changements ?
Gérard Pautonnier : Le nom Molo m’énervait prodigieusement parce que ça lui donnait un côté mou. Je ne voulais pas lui donner cet aspect là. Je me suis battu parce que je ne voulais pas que les comédiens aient cette idée du personnage. Quand on lit le scénario, le nom apparaît à chaque réplique et même si on ne prononce le nom d’Eddy que quelques fois dans le film, on le voit en permanence et je trouve que psychologiquement, ça ne collait pas au personnage d’Arthur. Arthur Dupont : Surtout que Molo, ça ne donne pas envie de jouer autrement qu’avec un aspect mou. Ca fait un peu trop cool. Gérard Pautonnier : C’est vrai que j’ai mis du temps à sortir ce personnage de là et lui donner un côté plus enfantin, plus émerveillé. C’est effectivement un accident qu’il travaille dans l’entreprise des pompes funèbres, il le fait avec joie, ce n’est pas un glandeur. Les gens sont attirés par lui d’ailleurs. |
Véronique : Dans le roman, l’intrigue se passe durant la canicule alors qu’ici, vous avez opté pour un rude hiver. Le tournage s’est d’ailleurs fait en Pologne. Les conditions n’étaient pas trop difficiles ?
Arthur Dupont : Pas tant que cela parce qu’on a eu de la neige durant une seule semaine.
Gérard Pautonnier : Le lac n’a pas gelé, on a dû tourner sur une piste d’un héliport et retoucher le tout après. On arrivait le matin, tout était vert… Ca a changé la donne sur le plan de travail et sur un premier film, ce n’est vraiment pas marrant. On a tourné dans un tout autre sens, on a eu quelques difficultés : les hôtels n’étaient pas prévus pour nos équipes et elles devaient parfois faire deux ou trois heures de route le matin. Quand certains étaient à l’hôtel, d’autres étaient sur le terrain où il y avait le lac où on tournait. Ca a été vraiment compliqué. Pour la scène des éoliennes, il n’y avait pas de neige, le cimetière en avait parfois puis tout avait fondu
Véronique : Votre film dédramatise beaucoup la mort, dès le début. A titre personnel, est-ce que la mort a quelque chose de sacré ou c’est facile d’en rire parce qu’après tout, on peut rire de tout ?
Gérard Pautonnier : La mort n’a jamais gêné. Elle est tellement évidente pour tout le monde puisqu’elle va nous arriver à tous. Je ne l’anticipe pas mais je n’ai aucun problème avec la mort.
Arthur Dupont : Je ne pense pas qu’on la banalise non plus puisqu’on ne s’en fout pas. C’est un événement unique dans une vie. On ne sait pas quand ça arrivera et ça reste un grand mystère pour tous mais il ne faut pas non plus rendre ça tabou non plus. Si c’est tabou, c’est qu’on ne veut pas le voir alors que ça va nous arriver, c’est une certitude, il ne faut pas se mentir à soi même. On peut en rire, sans la rabaisser, sans s’en moquer. On peut en parler car ça désamorce peut-être toute l’angoisse qu’on peut avoir là-dessus. En rire ensemble c’est important, en sachant qu’on est tous concerné par la même chose, quelle que soit notre origine ou notre communauté, c’est universel !
Gérard Pautonnier : Ce qui est particulier, c’est qu’il y a des morts partout, dans des tas de films, dans beaucoup de séries et ça ne pose pas de problème. Là, il n’y a pas vraiment de mort, enfin pas dans le sens où on est habitué de le voir…
Arthur Dupont : … Et je ne suis pas sûr que dans de certaines séries ou certains films, on se préoccupe vraiment de savoir si la mort est un problème ou non.
Gérard Pautonnier : Vous prenez « Section de recherches » où il y a un mort à tous les épisodes, on n' a jamais dit au réalisateur, c’est trash ou c’est dégueulasse...
Arthur Dupont : … Parce qu’il y a une enquête, parce que c’est à la mode. Parce qu’on est juste dans du policier.
Gérard Pautonnier : Et puis il faut voir aussi comment c’est traité. Ca peut-être poétique, ça peut montrer comment des gens se cherchent à travers un événement ou un métier. « Grand froid » c’est avant tout un film sur la vie où chaque personnage à ses problèmes du quotidien, sans qu’on ne le voit vraiment. On a bien une petite idée de leur vie, à travers des objets lorsqu’on voit la photo de la femme de Georges, l’épingle à cheveux laissé par Eddy, la femme au fond du verre ou les textos du prêtre. On laisse les gens imaginer ce qu’ils veulent. Je n’ai pas plus de morts que les autres, elle est peut-être mieux traitée que les autres dans le sens où ce n’est pas juste un artifice. On assume le milieu des pompes funèbres et on en fait une comédie. Le retour à la vie du mort met en cause plein de choses, nos certitudes, les rouages de la vie de chaque personnage. On aimerait tous qu’un de nos proches revienne à la vie, mais on espère juste que dans le coin, il n’y aura pas un gars comme le personnage de Bacri… (rires).
Arthur Dupont : Pas tant que cela parce qu’on a eu de la neige durant une seule semaine.
Gérard Pautonnier : Le lac n’a pas gelé, on a dû tourner sur une piste d’un héliport et retoucher le tout après. On arrivait le matin, tout était vert… Ca a changé la donne sur le plan de travail et sur un premier film, ce n’est vraiment pas marrant. On a tourné dans un tout autre sens, on a eu quelques difficultés : les hôtels n’étaient pas prévus pour nos équipes et elles devaient parfois faire deux ou trois heures de route le matin. Quand certains étaient à l’hôtel, d’autres étaient sur le terrain où il y avait le lac où on tournait. Ca a été vraiment compliqué. Pour la scène des éoliennes, il n’y avait pas de neige, le cimetière en avait parfois puis tout avait fondu
Véronique : Votre film dédramatise beaucoup la mort, dès le début. A titre personnel, est-ce que la mort a quelque chose de sacré ou c’est facile d’en rire parce qu’après tout, on peut rire de tout ?
Gérard Pautonnier : La mort n’a jamais gêné. Elle est tellement évidente pour tout le monde puisqu’elle va nous arriver à tous. Je ne l’anticipe pas mais je n’ai aucun problème avec la mort.
Arthur Dupont : Je ne pense pas qu’on la banalise non plus puisqu’on ne s’en fout pas. C’est un événement unique dans une vie. On ne sait pas quand ça arrivera et ça reste un grand mystère pour tous mais il ne faut pas non plus rendre ça tabou non plus. Si c’est tabou, c’est qu’on ne veut pas le voir alors que ça va nous arriver, c’est une certitude, il ne faut pas se mentir à soi même. On peut en rire, sans la rabaisser, sans s’en moquer. On peut en parler car ça désamorce peut-être toute l’angoisse qu’on peut avoir là-dessus. En rire ensemble c’est important, en sachant qu’on est tous concerné par la même chose, quelle que soit notre origine ou notre communauté, c’est universel !
Gérard Pautonnier : Ce qui est particulier, c’est qu’il y a des morts partout, dans des tas de films, dans beaucoup de séries et ça ne pose pas de problème. Là, il n’y a pas vraiment de mort, enfin pas dans le sens où on est habitué de le voir…
Arthur Dupont : … Et je ne suis pas sûr que dans de certaines séries ou certains films, on se préoccupe vraiment de savoir si la mort est un problème ou non.
Gérard Pautonnier : Vous prenez « Section de recherches » où il y a un mort à tous les épisodes, on n' a jamais dit au réalisateur, c’est trash ou c’est dégueulasse...
Arthur Dupont : … Parce qu’il y a une enquête, parce que c’est à la mode. Parce qu’on est juste dans du policier.
Gérard Pautonnier : Et puis il faut voir aussi comment c’est traité. Ca peut-être poétique, ça peut montrer comment des gens se cherchent à travers un événement ou un métier. « Grand froid » c’est avant tout un film sur la vie où chaque personnage à ses problèmes du quotidien, sans qu’on ne le voit vraiment. On a bien une petite idée de leur vie, à travers des objets lorsqu’on voit la photo de la femme de Georges, l’épingle à cheveux laissé par Eddy, la femme au fond du verre ou les textos du prêtre. On laisse les gens imaginer ce qu’ils veulent. Je n’ai pas plus de morts que les autres, elle est peut-être mieux traitée que les autres dans le sens où ce n’est pas juste un artifice. On assume le milieu des pompes funèbres et on en fait une comédie. Le retour à la vie du mort met en cause plein de choses, nos certitudes, les rouages de la vie de chaque personnage. On aimerait tous qu’un de nos proches revienne à la vie, mais on espère juste que dans le coin, il n’y aura pas un gars comme le personnage de Bacri… (rires).