Interview de Bas Devos
Dans le cadre de la sortie du film "Ghost Tropic "
- 21 décembre 2019 -
Dans le cadre de la sortie du film "Ghost Tropic "
- 21 décembre 2019 -
Préselectionné pour les Magritte 2020 avec « Hell Hole » (sorti en mars dernier) et bientôt dans nos salles avec « Ghost Tropic », Bas Devos est un réalisateur belge passionné et passionnant. A l’aube d’une nouvelle année qui ouvrira ses portes avec son dernier long-métrage, le cinéaste flamand a accepté de nous rencontrer pour parler de son travail, de sa vision de notre cinéma et de ses rêves en toute décontraction. Une rencontre riche d’enseignements.
Véronique : « Hell Hole » et « Ghost Tropic », vos deux derniers longs-métrages, sont des films très différents mais qui ont chacun le souhait de laisser du temps au temps, de permettre aux personnages de faire leur cheminement… Des films très contemplatifs, très réalistes et aussi très interpellants.
Bas Devos : Je crois que la forme d’un film rend déjà compte du contenu du film. Le silence, le temps que je donne, l’espace que je montre deviennent des vrais contenus et permettent de faire un film qui n’est plus une vague qui nous emmène mais qui nous conscientise sur le fait qu’on regarde un film tout en laissant de la place à nos propres pensées. S’il ne se passe rien sur l’image, ce n’est pas grave, ça nous permet de réfléchir au son de la ville, à ce qu’on voit… ça ouvre une porte et le film commence à exister entre l’écran et le spectateur. Ce choix, ce mouvement particulier, je le trouve peu au cinéma : on est entouré d’images qui nous parlent « trop », avec une voix dominante et même si c’est quelque chose que je veux voir ou acheter, je sens que cette dominance des images est trop présente. |
Avec « Ghost Tropic », je veux désarmer mes propres images et donner du temps, créer un silence et donc permettre à nos pensées de devenir une partie du film.
Véronique : Cette démarche me fait penser à un de mes films coup de cœur il y a deux ans : « A Ghost Story » de David Lowery. Vous l’avez vu ?
Bas Devos : Oui, tout à fait. Je n’ai pas pensé à ce film en faisant le mien mais il y a quelque chose de… commun, c’est vrai !
Véronique : La forme surtout ! Le choix d’un quatre tiers, l’importance de la latence, une certaine lenteur qui permet de se projeter et d’y mettre ce qu’on a envie d’y mettre… Ce n’est bien sûr pas le même sujet, mais il y a une démarche identique non ?
Bas Devos : Oui, je comprends la comparaison. Au niveau du choix du format, je l’avais déjà utilisé, notamment pour « Violet » mais pour des raisons différentes. Ici, j’avais le souhait de littéralement entourer cette petite figure par la nuit. Et parce qu’on a filmé en 16mm, la nuit devient vraiment tangible, tu vois le matériel du film qui sort. La nuit et le noir bougent. En 4/3, ça montre encore mieux cela, ça me permet d’aller d’un close up qui remplit l’image plutôt qu’un scope qui prend l’espace visible à côté. Ici, si on filme son visage, on voit cette dame qui est entourée par le noir partout, sur les côtés, en haut. On se recentre sur le personnage et ça te rapproche d’elle tout en laissant une place à la nuit. Ça ouvre aussi sur plus d’espace invisible et on peut imaginer les choses, les rendre visibles par le son et non plus par l’image.
Véronique : Votre film est très photographique en tout cas…
Bas Devos : Merci ! C’est parce que je veux avoir une démarche de plaisir dans mon travail. J’aime réimaginer la façon dont on regarde les choses, et en tant que cinématographe tenter des choses un peu moins formelles.
Véronique : Cette démarche me fait penser à un de mes films coup de cœur il y a deux ans : « A Ghost Story » de David Lowery. Vous l’avez vu ?
Bas Devos : Oui, tout à fait. Je n’ai pas pensé à ce film en faisant le mien mais il y a quelque chose de… commun, c’est vrai !
Véronique : La forme surtout ! Le choix d’un quatre tiers, l’importance de la latence, une certaine lenteur qui permet de se projeter et d’y mettre ce qu’on a envie d’y mettre… Ce n’est bien sûr pas le même sujet, mais il y a une démarche identique non ?
Bas Devos : Oui, je comprends la comparaison. Au niveau du choix du format, je l’avais déjà utilisé, notamment pour « Violet » mais pour des raisons différentes. Ici, j’avais le souhait de littéralement entourer cette petite figure par la nuit. Et parce qu’on a filmé en 16mm, la nuit devient vraiment tangible, tu vois le matériel du film qui sort. La nuit et le noir bougent. En 4/3, ça montre encore mieux cela, ça me permet d’aller d’un close up qui remplit l’image plutôt qu’un scope qui prend l’espace visible à côté. Ici, si on filme son visage, on voit cette dame qui est entourée par le noir partout, sur les côtés, en haut. On se recentre sur le personnage et ça te rapproche d’elle tout en laissant une place à la nuit. Ça ouvre aussi sur plus d’espace invisible et on peut imaginer les choses, les rendre visibles par le son et non plus par l’image.
Véronique : Votre film est très photographique en tout cas…
Bas Devos : Merci ! C’est parce que je veux avoir une démarche de plaisir dans mon travail. J’aime réimaginer la façon dont on regarde les choses, et en tant que cinématographe tenter des choses un peu moins formelles.
Véronique : Votre film, qui se déroule dans le monde de la nuit, nous permet de découvrir, à travers les pérégrinations de Khadija, tous ceux qui vivent la nuit, leur métier ou la réalité de leur vie. Elle est notre guide, notre regard sur la vie qui se déroule quand tous les autres sont endormis…
Bas Devos : J’avais envie de mettre en images cette simple idée de créer une balade extraordinaire dans le sens où elle décide de s’ouvrir si elle veut rentrer chez elle. Elle doit surpasser une méfiance présente chez beaucoup d’entre nous, peut-être à cause de tout ce qu’on dit, de ce qu’on connait. Une méfiance contreproductive finalement. Cette décision, qui n’est pas naïve, nous emmène dans des endroits où normalement, on ne va pas. |
Véronique : Khadija va à leur rencontre mais on se rend compte, au début du film, qu’elle est seule ou en tout cas, qu’elle ne sait pas compter sur sa famille ou ses amis pour l’aider à rentrer chez elle…
Bas Devos : Oui. Ça aussi, je pense que c’était une des idées importantes. Je ne suis pas sûre qu’elle est seule dans sa vie : elle vit avec sa fille, s’entend bien avec ses collègues, mais à part ça, on ne sait pas grand-chose d’elle. On comprend pendant cette nuit, qu’elle est une femme forte qui prend son espace et qui a une présence physique modeste. Elle existe, demande d’être vue et en même temps, elle voit les autres. Ces actes montrent qu’elle est extrêmement humaine et que peut-être, par cette ouverture, elle ne sera jamais seule. Il y a une espérance dans cette démarche. Si notre regard surpasse cette méfiance, peut être illogique, on ne sera jamais vraiment seul. Surtout dans une ville complexe et hyper diverse comme Bruxelles. Indirectement, je pose aussi ces questions : comment sortir de notre bulle ? Comment faire la connexion entre nous tous ? Comment partager une histoire commune ? Pour le savoir, il faut qu’on se surpasse et qu’on aille vers les autres, et c’est ça que fait Khadija.
Véronique : Dans votre film, on note un seul changement de regard. Durant quelques instants, on délaisse celui de Khadija pour se poser sur celui de sa fille. Pourquoi avoir fait ce choix-là ?
Bas Devos : Oui. Ça aussi, je pense que c’était une des idées importantes. Je ne suis pas sûre qu’elle est seule dans sa vie : elle vit avec sa fille, s’entend bien avec ses collègues, mais à part ça, on ne sait pas grand-chose d’elle. On comprend pendant cette nuit, qu’elle est une femme forte qui prend son espace et qui a une présence physique modeste. Elle existe, demande d’être vue et en même temps, elle voit les autres. Ces actes montrent qu’elle est extrêmement humaine et que peut-être, par cette ouverture, elle ne sera jamais seule. Il y a une espérance dans cette démarche. Si notre regard surpasse cette méfiance, peut être illogique, on ne sera jamais vraiment seul. Surtout dans une ville complexe et hyper diverse comme Bruxelles. Indirectement, je pose aussi ces questions : comment sortir de notre bulle ? Comment faire la connexion entre nous tous ? Comment partager une histoire commune ? Pour le savoir, il faut qu’on se surpasse et qu’on aille vers les autres, et c’est ça que fait Khadija.
Véronique : Dans votre film, on note un seul changement de regard. Durant quelques instants, on délaisse celui de Khadija pour se poser sur celui de sa fille. Pourquoi avoir fait ce choix-là ?
Bas Devos : J’avais cette idée qu’on était avec elle et son regard dominant tout au long de la nuit. Après tout, on est attaché au regard subjectif d’une femme d’un certain âge avec un background maghrébin durant la plupart de cette nuit alors que c’est une personne que d’ordinaire on ne verrait pas. Ce n’est pas une image « courante ». C’est aussi la raison pour laquelle je voulais la rendre visible car on la croise chaque jour mais on la voit peu à la télévision ou dans les films. Je pensais donc intéressant de la perdre à un moment donné, la faire disparaître au profit d’une fille, la sienne. Au moment où on la retrouve, on est soulagé. On ressent la même émotion qu’elle qui voit sa fille, qui s’en sent proche un instant. On est devenu proche d’elle et on est heureux de la retrouver.
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C’est pareil pour l’image du salon au début. On ne voit pas cette petite dame mais on l’entend. On n’est pas avec elle mais on la retrouve, on fait la connexion avec son espace. Quand on la voit pour la première fois, on commence à sentir, à comprendre les choses… Je ne sais pas si c’est ce que ressent le spectateur mais c’est ce que j’ai voulu dire…
Véronique : Justement, puisque vous parlez de cette scène du salon j’aimerais qu’on s’y attarde un petit peu. On la retrouve en ouverture et en clôture, ou presque, mais de façon différente. D’une part on a le crépuscule, de l’autre l’aube… Il y a donc une sorte d’effet « miroir » entre les deux…
Bas Devos : C’est un petit peu l’idée oui ! Je sentais que c’était logique et en même temps, trop évident. J’ai créé une sorte de coda à la fin du film mais je sentais aussi que ça le fermait trop, ça le rendait un peu trop parfait. Dans l’écriture, j’avais déjà pensé à la scène supplémentaire parce que l’ellipse dont on parle maintenant me semblait trop propre. Ça fermait littéralement le film alors que je ne voulais pas que ce soit le cas. L’imagination est ouverte avec cette fin. J’ai voulu une force, une vague mystérieuse qui permette au spectateur de prendre le temps de savoir ce qu’il a vu et pourquoi il voit cela après la balade d’une femme âgée… Chacun y met sa propre idée.
Véronique : … Jusque là, on était en effet dans ce que j’appelle les « cinquante nuances de nuit » alors que cette dernière scène nous en sort totalement
Bas Devos : (Rires). C’est vraiment une réponse nulle de dire que j’ai voulu faire une image pour que le spectateur s’interroge mais c’est un peu cela quand même. J’ai une idée bien sûr de sa signification, mais je voulais créer une image qui ouvre quelque chose qui vient de se fermer. C’est une image rêvée, à l’opposé de ce qu’on vient de voir. Dans cette optique, je sentais déjà que la narration ne devait pas vraiment se fermer mais au contraire, ouvrir une réflexion.
Véronique : Votre film montre aussi qu’une ville aussi dynamique que Bruxelles peut avoir, comme Los Angeles, Paris ou n’importe quelle autre métropole, un visage différent la nuit. On n’y vit pas nous, mais on imagine que c’est le cas… Le jour, c’est la ville des touristes, des travailleurs alors que la nuit, c’est un autre monde qui s’agite
Bas Devos : Ou peut-être que les villes ont mille et un visages différents, non ? J’aurais finalement pu faire cent films différents sur Bruxelles. Pour moi, si la nuit rend les choses plus visibles, c’est parce qu’il y a moins de gens. Ce n’est habité que par les gens qui travaillent ou sortent la nuit. C’est une ville qui tourne 24h/24. Tous ces gens sont rendus invisibles par les va et vient de la journée mais la nuit, ils apparaissent. Prenons l’exemple ici : on est dans un café et il y a des gens qui entrent et qui sortent, du bruit, de l’animation. Ce soir, il restera peut-être la femme derrière le bar, celui qui vient s’asseoir parce qu’il a finit de travailler tard ou celui qui ne veut ou peut pas rentrer chez lui. On ne les aurait peut-être pas vu autant si on était passé ici dans la journée. La nuit, ça devient hyper visible : il y a les gens qui sortent et ceux qui bossent, ceux qui alimentent un autre système économique. Tu n’imagines peut-être pas toujours que la nuit, derrière le comptoir d’un hôtel, il y quelqu’un qui sommeille à l’accueil dans l’attente de voir débarquer un type qui a trop bu ou qui arrive à 4h du matin. Lui, il va se lever et lui ouvrir la porte. J’ai une compassion énorme pour eux. Dans mon monde imaginaire et idéalisé, j’aimerais que tout cela ne soit pas nécessaire mais que la nuit, tout le monde dorme et que le vrai chef soit le sommeil.
Véronique : L’intrigue de « Ghost Tropic » se déroule durant une seule nuit mais combien en avez-vous consacrées pour votre tournage ?
Véronique : Justement, puisque vous parlez de cette scène du salon j’aimerais qu’on s’y attarde un petit peu. On la retrouve en ouverture et en clôture, ou presque, mais de façon différente. D’une part on a le crépuscule, de l’autre l’aube… Il y a donc une sorte d’effet « miroir » entre les deux…
Bas Devos : C’est un petit peu l’idée oui ! Je sentais que c’était logique et en même temps, trop évident. J’ai créé une sorte de coda à la fin du film mais je sentais aussi que ça le fermait trop, ça le rendait un peu trop parfait. Dans l’écriture, j’avais déjà pensé à la scène supplémentaire parce que l’ellipse dont on parle maintenant me semblait trop propre. Ça fermait littéralement le film alors que je ne voulais pas que ce soit le cas. L’imagination est ouverte avec cette fin. J’ai voulu une force, une vague mystérieuse qui permette au spectateur de prendre le temps de savoir ce qu’il a vu et pourquoi il voit cela après la balade d’une femme âgée… Chacun y met sa propre idée.
Véronique : … Jusque là, on était en effet dans ce que j’appelle les « cinquante nuances de nuit » alors que cette dernière scène nous en sort totalement
Bas Devos : (Rires). C’est vraiment une réponse nulle de dire que j’ai voulu faire une image pour que le spectateur s’interroge mais c’est un peu cela quand même. J’ai une idée bien sûr de sa signification, mais je voulais créer une image qui ouvre quelque chose qui vient de se fermer. C’est une image rêvée, à l’opposé de ce qu’on vient de voir. Dans cette optique, je sentais déjà que la narration ne devait pas vraiment se fermer mais au contraire, ouvrir une réflexion.
Véronique : Votre film montre aussi qu’une ville aussi dynamique que Bruxelles peut avoir, comme Los Angeles, Paris ou n’importe quelle autre métropole, un visage différent la nuit. On n’y vit pas nous, mais on imagine que c’est le cas… Le jour, c’est la ville des touristes, des travailleurs alors que la nuit, c’est un autre monde qui s’agite
Bas Devos : Ou peut-être que les villes ont mille et un visages différents, non ? J’aurais finalement pu faire cent films différents sur Bruxelles. Pour moi, si la nuit rend les choses plus visibles, c’est parce qu’il y a moins de gens. Ce n’est habité que par les gens qui travaillent ou sortent la nuit. C’est une ville qui tourne 24h/24. Tous ces gens sont rendus invisibles par les va et vient de la journée mais la nuit, ils apparaissent. Prenons l’exemple ici : on est dans un café et il y a des gens qui entrent et qui sortent, du bruit, de l’animation. Ce soir, il restera peut-être la femme derrière le bar, celui qui vient s’asseoir parce qu’il a finit de travailler tard ou celui qui ne veut ou peut pas rentrer chez lui. On ne les aurait peut-être pas vu autant si on était passé ici dans la journée. La nuit, ça devient hyper visible : il y a les gens qui sortent et ceux qui bossent, ceux qui alimentent un autre système économique. Tu n’imagines peut-être pas toujours que la nuit, derrière le comptoir d’un hôtel, il y quelqu’un qui sommeille à l’accueil dans l’attente de voir débarquer un type qui a trop bu ou qui arrive à 4h du matin. Lui, il va se lever et lui ouvrir la porte. J’ai une compassion énorme pour eux. Dans mon monde imaginaire et idéalisé, j’aimerais que tout cela ne soit pas nécessaire mais que la nuit, tout le monde dorme et que le vrai chef soit le sommeil.
Véronique : L’intrigue de « Ghost Tropic » se déroule durant une seule nuit mais combien en avez-vous consacrées pour votre tournage ?
Bas Devos : On a tourné pendant 15 nuits. Le tournage était court car d’ordinaire, on filme durant sept semaines. Ici, on a bossé beaucoup mais c’était faisable de le faire dans ce petit délai car l’histoire est très linéaire et fragmentée. Chaque image se présente comme des questions : que vois-tu ? Pourquoi ? Tout est lisible à première vue : je dois prendre le bus et je vais là, j’ai besoin d’argent, je vais ici. L’écriture et le tournage s’inscrivaient tous les deux dans la même logique et ça nous a forcément aidé à monter le film après.
Véronique : Vos films sont souvent présentés dans des festivals. Je pense à Berlin, Cannes par exemple. C’est important pour un film de faire sa vie dans ce genre d’événement j’imagine. |
Bas Devos : Oui et pour plusieurs raisons. Pour toucher un public mais aussi parce que cela permet ensuite d’être vendu à l’étranger. Le film va sortir le même jour que nous en France et plus tard aux Etats-Unis, au Mexique, en Suède, … Ça donne plus une visibilité et ça génère des spectateurs.
C’est difficile parce que le marché du film ne remarque par toujours mes films parmi les autres plus spectaculaires alors que les festivals aident en créant un public plus curieux. Cinq mois après Cannes, on a fait près de 30 festivals, c’est pas mal non ? Enfin, si je devais donner une réponse courte à votre question, je dirais tout simplement « oui ! » (Rires)
Véronique : Vous pensez que les spectateurs belges sont encore frileux par rapport à notre cinéma ?
Bas Devos : On est parfois déçu de voir que sur notre territoire, nos films existent peu ou au contraire, attirent les spectateurs parce qu’ils ont déjà vécu ailleurs. Parfois, on a des films qui fonctionnent très bien ici mais pas dans d’autres pays parce que l’histoire est trop locale et ne s’exporte pas bien… Mon plus grand rêve serait que les gens viennent voir mon film à sa sortie en Belgique et c’est pour ça que je dis dans chaque interview : « Il faut aller voir Ghost Tropic ! » (rires )
C’est difficile parce que le marché du film ne remarque par toujours mes films parmi les autres plus spectaculaires alors que les festivals aident en créant un public plus curieux. Cinq mois après Cannes, on a fait près de 30 festivals, c’est pas mal non ? Enfin, si je devais donner une réponse courte à votre question, je dirais tout simplement « oui ! » (Rires)
Véronique : Vous pensez que les spectateurs belges sont encore frileux par rapport à notre cinéma ?
Bas Devos : On est parfois déçu de voir que sur notre territoire, nos films existent peu ou au contraire, attirent les spectateurs parce qu’ils ont déjà vécu ailleurs. Parfois, on a des films qui fonctionnent très bien ici mais pas dans d’autres pays parce que l’histoire est trop locale et ne s’exporte pas bien… Mon plus grand rêve serait que les gens viennent voir mon film à sa sortie en Belgique et c’est pour ça que je dis dans chaque interview : « Il faut aller voir Ghost Tropic ! » (rires )
Véronique : Votre réponse soulève des questions intéressantes mais dérangeantes. Comment se fait-il qu’on n’ait pas tous cette fierté du cinéma belge ? Si on connait la plupart de nos cinéastes belges, c’est parce qu’ils ont été récompensés à l’étranger, à Cannes ou dans d’autres festivals… Comment peut-on éduquer les spectateurs belges à aller voir ce qui se fait chez nous en salles ?
Bas Devos : C’est une très bonne question et si j’avais la réponse, on serait dans une autre réalité (rires). Je ne veux pas entrer dans un discours négatif et au contraire, je voudrais rester positif. Avec le marché tel qu’il est, je pense que c’est à moi d’aller à la rencontre des gens avec mon film. Peut-être que je devrais prendre mon film sous le bras, avec du matériel pour le projeter et aller dans les maisons des communautés ou les maisons de jeunesse pour leur montrer. Je devrais dire : « J’apporte tout, vous amener des gens et on le regarde tous ensemble » et peut-être que là, ça fonctionnerait. C’est mon boulot à moi ça : montrer mon film. Mais à côté, il faudrait un réseau plus fin ou plus élargi qui éduque les gens au cinéma. Je réfléchis mais en Flandre, je ne pense pas qu’on ait une vraie critique du cinéma. On n’a plus de programme télévisé qui parle du cinéma… Il y a bien des journalistes au sens large mais pas vraiment de gens pointus pour parler du cinéma au public. Peut-être qu’il faudrait développer ça. Notre gouvernement a sans doute un rôle à jouer là-dedans parce que ça ne peut pas se développer de façon autonome…
Véronique : … Un gouvernement qui a sucré 60% des subsides de la culture. Vous pensez qu’il serait prêt à faire cette démarche-là ?
Bas Devos : C’est un sujet sensible mais vous avez raison… Les jeunes créateurs de théâtre, les artistes vont beaucoup souffrir de cela mais pour l’instant, le cinéma survit encore. On a reçu un tout petit peu plus d’argent et il y a surtout une vraie solidarité qui existe autour de nos projets, c’est pourquoi je crois que ce rêve n’est pas impossible. L’éducation, la culture, la santé sont fortement touchés par un discours économique de plus en plus dur et ça alimente la méfiance dont on a parlé au tout début de notre interview. Tout est lié. On a la nécessité de continuer de répondre à ce discours de dureté, de mettre en lumière la réalité et d’aller vers les gens avec des sujets, des films qui ont pour but de les questionner. En tout cas, c’est pour ça que je fais aussi ce métier.
Bas Devos : C’est une très bonne question et si j’avais la réponse, on serait dans une autre réalité (rires). Je ne veux pas entrer dans un discours négatif et au contraire, je voudrais rester positif. Avec le marché tel qu’il est, je pense que c’est à moi d’aller à la rencontre des gens avec mon film. Peut-être que je devrais prendre mon film sous le bras, avec du matériel pour le projeter et aller dans les maisons des communautés ou les maisons de jeunesse pour leur montrer. Je devrais dire : « J’apporte tout, vous amener des gens et on le regarde tous ensemble » et peut-être que là, ça fonctionnerait. C’est mon boulot à moi ça : montrer mon film. Mais à côté, il faudrait un réseau plus fin ou plus élargi qui éduque les gens au cinéma. Je réfléchis mais en Flandre, je ne pense pas qu’on ait une vraie critique du cinéma. On n’a plus de programme télévisé qui parle du cinéma… Il y a bien des journalistes au sens large mais pas vraiment de gens pointus pour parler du cinéma au public. Peut-être qu’il faudrait développer ça. Notre gouvernement a sans doute un rôle à jouer là-dedans parce que ça ne peut pas se développer de façon autonome…
Véronique : … Un gouvernement qui a sucré 60% des subsides de la culture. Vous pensez qu’il serait prêt à faire cette démarche-là ?
Bas Devos : C’est un sujet sensible mais vous avez raison… Les jeunes créateurs de théâtre, les artistes vont beaucoup souffrir de cela mais pour l’instant, le cinéma survit encore. On a reçu un tout petit peu plus d’argent et il y a surtout une vraie solidarité qui existe autour de nos projets, c’est pourquoi je crois que ce rêve n’est pas impossible. L’éducation, la culture, la santé sont fortement touchés par un discours économique de plus en plus dur et ça alimente la méfiance dont on a parlé au tout début de notre interview. Tout est lié. On a la nécessité de continuer de répondre à ce discours de dureté, de mettre en lumière la réalité et d’aller vers les gens avec des sujets, des films qui ont pour but de les questionner. En tout cas, c’est pour ça que je fais aussi ce métier.