Interview de Thierry Klifa
Dans le cadre de l'avant première de "Tout nous sépare"
FIFF de Namur - 30 septembre 2017
Dans le cadre de l'avant première de "Tout nous sépare"
FIFF de Namur - 30 septembre 2017
Thierry Klifa était de passage au Festival International du Film Francophone de Namur en octobre dernier pour la présentation en avant-première de son film « Tout nous sépare ». Peu avant les séances publiques, le réalisateur nous a accordé un peu de son temps pour évoquer son parcours, son dernier long métrage mais aussi les acteurs avec qui il travaille régulièrement.
Véronique : Vous venez du milieu du journalisme, et plus précisément du magazine « Studio » pour lequel vous avez travaillé de nombreuses années. A présent, on vous retrouve derrière les caméras des plateaux de cinéma. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à changer de métier ? Thierry Klifa : En fait, j’ai toujours rêvé de faire du cinéma. J’ai commencé à aller au cinéma à l’âge de cinq ans avec ma grand-mère. Nous avions un pacte elle et moi : on allait voir un film pour enfants puis un film pour adultes. Ensuite, quand j’avais 16 au 17 ans, le hasard a fait j’ai eu la chance de rencontrer Patrick Bruel. Nous avons discuté cinéma toute la nuit et il m'a dit qu’un jour, je ferais du cinéma |
A cette époque, je faisais des études de lettres et je suivais également des cours d’écriture de scénario tout en faisant des petits boulots à côté. Je voulais déjà travailler et surtout, je voulais faire du cinéma. J’ai demandé à Patrick s’il connaissait des gens alors, il m’a présenté à quelques collaborateurs du magazine Studio dont Marc Esposito avec qui il jouait au poker. Je les ai rencontrer pour faire un stage chez eux lorsque j’avais 21 ou 22 ans mais plutôt que de le faire, ils ont décidé de me tester sur deux papiers : un sur « Green Card » de Peter Weir et un autre sur Patrick. Ils ont trouvé cela intéressant, m’ont rappelé trois semaines après pour que j’aille voir deux films et ils ont publié mes critiques. C’était la première fois que mon travail était partagé.
Quand je suis rentré à Studio, j’ai tout de suite dit que je n’y resterais pas longtemps parce que mon rêve était de faire des films. Ils ont ri car apparemment, beaucoup de journalistes leur disaient ce genre de choses mais pour ma part, c’était une réalité. Durant dix ans, j’ai appris beaucoup de choses sur le monde du cinéma, j’ai pu rencontrer énormément de metteurs en scène et un tas de gens que j’admirais depuis l’enfance. Je me suis spécialisé dans le cinéma français et très vite j’ai rencontré ceux dont j’appréciais le travail depuis toujours. Je suis allé sur les tournages de Claude Sautet, d’Alain Resnais, de Claude Chabrol et j’ai rencontré des acteurs et des actrices que j’aimais. Quand je me suis senti prêt, j’ai écrit un scénario de court métrage que j’ai tourné en 2001 avec Danielle Darrieux, Sandrine Kiberlain et Michaël Cohen. Il a suffisamment plu pour que je puisse ensuite passer à la mise en scène d’un long ce qui fait que pendant un an, j’étais à la fois journaliste et écrivain de mon scénario. Par contre, je ne rédigeais plus de critiques parce que je trouvais qu’on ne pouvait pas être juge et parti…
Pour résumer tout cela, je dirais que j’ai toujours voulu raconter des histoires. Je suis né dans le cinéma, j’ai baigné dedans… c’est toute ma vie !
Véronique : Justement, comment choisissez-vous les histoires que vous voulez nous raconter ?
Thierry Klifa : C’est très mystérieux. Je me rends compte qu’il y a des sujets qui reviennent régulièrement, comme celui de la transmission ou de la filiation. Il y a aussi souvent des personnes qui n’ont a priori rien à faire ensemble et qui finalement vont se découvrir des affinités. Je cherche toujours à me renouveler même si ces thèmes sont récurrents. D’ailleurs là, j’avais très envie de me frotter au film noir et d’écrire un rôle de guerrière pour Catherine Deneuve, un rôle de femme forte comme ceux des héroïnes des années 1950 que portaient Joan Crawford, Bette Davis, Barbara Stanwyck, Joan Bennett. Je me suis interrogé sur ce que ferait une héroïne d’aujourd’hui face à la voyoucratie, quelle serait sa réaction si sa fille était en péril.
François : Diane Kruger, qui joue la fille de Catherine Deneuve, lui demande d’ailleurs comment elle fait pour être aussi forte. Sa mère lui répond qu’elle ne l’est pas, qu’elle s’adapte à la vie…
Thierry Klifa : C’est ça, elle s’adapte. Ce que j’aime ce sont les personnages « jusqu’au-boutistes » et cette femme là ferait tout pour sa fille. Elle est déchirée par ce qui se passe mais elle n’a pas le choix, elle ne fait que défendre sa famille et les personnes qui y entrent.
Quand je suis rentré à Studio, j’ai tout de suite dit que je n’y resterais pas longtemps parce que mon rêve était de faire des films. Ils ont ri car apparemment, beaucoup de journalistes leur disaient ce genre de choses mais pour ma part, c’était une réalité. Durant dix ans, j’ai appris beaucoup de choses sur le monde du cinéma, j’ai pu rencontrer énormément de metteurs en scène et un tas de gens que j’admirais depuis l’enfance. Je me suis spécialisé dans le cinéma français et très vite j’ai rencontré ceux dont j’appréciais le travail depuis toujours. Je suis allé sur les tournages de Claude Sautet, d’Alain Resnais, de Claude Chabrol et j’ai rencontré des acteurs et des actrices que j’aimais. Quand je me suis senti prêt, j’ai écrit un scénario de court métrage que j’ai tourné en 2001 avec Danielle Darrieux, Sandrine Kiberlain et Michaël Cohen. Il a suffisamment plu pour que je puisse ensuite passer à la mise en scène d’un long ce qui fait que pendant un an, j’étais à la fois journaliste et écrivain de mon scénario. Par contre, je ne rédigeais plus de critiques parce que je trouvais qu’on ne pouvait pas être juge et parti…
Pour résumer tout cela, je dirais que j’ai toujours voulu raconter des histoires. Je suis né dans le cinéma, j’ai baigné dedans… c’est toute ma vie !
Véronique : Justement, comment choisissez-vous les histoires que vous voulez nous raconter ?
Thierry Klifa : C’est très mystérieux. Je me rends compte qu’il y a des sujets qui reviennent régulièrement, comme celui de la transmission ou de la filiation. Il y a aussi souvent des personnes qui n’ont a priori rien à faire ensemble et qui finalement vont se découvrir des affinités. Je cherche toujours à me renouveler même si ces thèmes sont récurrents. D’ailleurs là, j’avais très envie de me frotter au film noir et d’écrire un rôle de guerrière pour Catherine Deneuve, un rôle de femme forte comme ceux des héroïnes des années 1950 que portaient Joan Crawford, Bette Davis, Barbara Stanwyck, Joan Bennett. Je me suis interrogé sur ce que ferait une héroïne d’aujourd’hui face à la voyoucratie, quelle serait sa réaction si sa fille était en péril.
François : Diane Kruger, qui joue la fille de Catherine Deneuve, lui demande d’ailleurs comment elle fait pour être aussi forte. Sa mère lui répond qu’elle ne l’est pas, qu’elle s’adapte à la vie…
Thierry Klifa : C’est ça, elle s’adapte. Ce que j’aime ce sont les personnages « jusqu’au-boutistes » et cette femme là ferait tout pour sa fille. Elle est déchirée par ce qui se passe mais elle n’a pas le choix, elle ne fait que défendre sa famille et les personnes qui y entrent.
Véronique: Sur « Tout nous sépare », vous avez travaillé avec Cédric Anger alors que jusqu’ici, c’était Christopher Thompson qui écrivait vos films. Le changement de scénariste est dû au changement d’univers ?
Thierry Klifa : Christopher est un ami proche depuis 25 ans, il fait partie intégrante de ma vie. C’est d’ailleurs le premier a qui j’ai montré le film. Changer de scénariste correspond à cette idée de me renouveler. J’avais beaucoup aimé le scénario qu’il avait écrit pour « L’homme qui aimait trop », le film d’André Téchiné et j’adore « La prochaine fois je viserai le cœur ». Je savais qu’il avait les moyens de m’emmener sur les chemins de la noirceur et de la violence. Nous étions déjà très proches, on aime le même cinéma et même si on ne fait pas du tout les mêmes films, notre dvdthèque idéale est quasiment la même. Il dit que je suis plus sentimental que lui et moi je dis qu’il est moins sentimental que moi, ça résume tout (rires). |
Il a un humour noir qui me fait beaucoup rire et il a d’ailleurs un côté trivial pour aborder l’écriture. Cédric est quelqu’un de très pudique, qui a pas mal d’angoisses mais qui n’est jamais découragé par ce qu’il fait. Il pense toujours que par le travail, on va y arriver et il a totalement raison. Moi qui suis quelqu’un d’impatient et nerveux, j’ai besoin d’avoir des gens comme ça autour de moi. Ca m’a fait beaucoup de bien d’écrire avec lui.
Véronique: Vous êtes relativement fidèle dans vos choix de comédiens ou dans ceux des équipes techniques qui travaillent sur vos film. Vous avez ainsi l’impression de tourner en famille ?
Véronique: Vous êtes relativement fidèle dans vos choix de comédiens ou dans ceux des équipes techniques qui travaillent sur vos film. Vous avez ainsi l’impression de tourner en famille ?
Thierry Klifa : Je ne pense pas que faire des films est quelque chose de rassurant mais que c’est plutôt un projet angoissant, qui vous hante ou qui vous fragilise. C’est d’ailleurs toujours un risque de travailler avec des gens qu’on aime beaucoup puisqu’on remet tout en jeu. J’aime travailler avec ces comédiens-là parce qu’ils sont éblouissants et extraordinaires, ce sont des acteurs avec qui j’ai encore des choses à partager. J’ai fait plusieurs films avec Géraldine (Pailhas, ndlr) ouCatherine Deneuve, ce sont des femmes qui m’inspirent toujours. J’aime en effet travailler en famille, avec certains de mes techniciens et l’idée de retrouver les gens. On passe beaucoup de temps ensemble et on s’aime de plus en plus. Je le fais toujours parce que c’est bien pour le film et non pas parce que ça me rassurerait. Je pourrais d’ailleurs travailler avec quelqu’un que je n’apprécie pas plus que cela dans la vie, avec qui je ne partage pas les mêmes idées, tant que cela sert le film, c’est ce qui est important. Travailler avec des amis, ça permet d’aller plus vite ou plus loin, on ne doit pas autant se parler ou se dire les choses.
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Véronique: Quand vous écrivez vos futurs films, vous pensez à eux ?
Thierry Klifa : Oui, bien sûr ! Ce sont des sources d’inspiration pour moi. Je n’avais jamais travaillé avec Diane (Kruger, ndlr) jusqu’ici et c’est une vraie source d’inspiration. J’adorerais retravailler avec elle. J’aimais l’actrice et maintenant j’apprécie la femme. Ça m’a beaucoup, beaucoup plu de travailler avec elle.
Véronique: Dans vos remerciements du générique de fin, il y a un nom qui m’a interpellé, celui de Benjamin Biolay. C’est étonnant, vous pouvez nous en dire plus ?
Thierry Klifa : Vous l’avez vu ? C’est surprenant (Il rit). A un moment donné, il était question qu’il me prête une chanson pour le film mais finalement, nous ne l’avons pas intégrée. C’était une vraie envie de ma part mais ça n’entrait pas dans la scène où je voulais l’insérer. Par contre, je suis un fan absolu de Benjamin Biolay, c’est un artiste que j’adore ! J’aimerais tellement travailler avec lui d’une manière ou d’une autre. C’et un acteur que je trouve merveilleux !
Véronique: Dans les nouveaux venus, on trouve aussi Nekfeu. Comment la rencontre s’est-elle faite ?
Thierry Klifa : Oui, bien sûr ! Ce sont des sources d’inspiration pour moi. Je n’avais jamais travaillé avec Diane (Kruger, ndlr) jusqu’ici et c’est une vraie source d’inspiration. J’adorerais retravailler avec elle. J’aimais l’actrice et maintenant j’apprécie la femme. Ça m’a beaucoup, beaucoup plu de travailler avec elle.
Véronique: Dans vos remerciements du générique de fin, il y a un nom qui m’a interpellé, celui de Benjamin Biolay. C’est étonnant, vous pouvez nous en dire plus ?
Thierry Klifa : Vous l’avez vu ? C’est surprenant (Il rit). A un moment donné, il était question qu’il me prête une chanson pour le film mais finalement, nous ne l’avons pas intégrée. C’était une vraie envie de ma part mais ça n’entrait pas dans la scène où je voulais l’insérer. Par contre, je suis un fan absolu de Benjamin Biolay, c’est un artiste que j’adore ! J’aimerais tellement travailler avec lui d’une manière ou d’une autre. C’et un acteur que je trouve merveilleux !
Véronique: Dans les nouveaux venus, on trouve aussi Nekfeu. Comment la rencontre s’est-elle faite ?
Thierry Klifa : Au départ, l’idée était de prendre un acteur qui n’était pas connu. Comme j’aime mélanger les familles, je veux retrouver des comédiens mais aussi en découvrir d’autres. Je trouve toujours intéressante l’idée de faire tourner des acteurs confirmés avec des débutants. Pour « Tout nous sépare », je suis tombée sur une couverture des Inrockuptibles où Ken (Samaras, alias Nekfeu, ndlr) était avec Virginie Despentes où je trouvais qu’il avait une figure très intéressante. Je le connaissais de nom, je savais un peu ce qu’il faisait mais le dialogue qu’il avait avec Despentes, que j’aime beaucoup, était très instructif. J’ai demandé à le rencontrer, on a pris un café ensemble et je lui ai donné mon scénario. On lui avait déjà proposé beaucoup de choses mais le cinéma n’était pas une nécessité pour lui et il n’accrochait pas aux divers projets.
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Trois jours après notre rencontre, il m’a envoyé un texto me disant qu’il avait lu le scénario deux fois et qu’il était très intéressé. On a fait des essais ensemble pour être sûr de notre désir à tous les deux. Il était très préoccupé car il ne voulait pas paraître ridicule et de mon côté, même si j’avais la conviction qu’il serait bon, je ne pouvais en être certain qu’une fois confronté au travail. Dès les essais il était très juste et puisqu’il était un peu vert avant le tournage, je lui ai présenté une coach qui lui a appris les rudiments du métier. Après cela, il était prêt. La première scène qu’il a tournée était celle où il menace Catherine et à la fin de la journée, elle est venue me voir et m’a dit que ça allait être très bien.
François : D’autant que le personnage de Ken Samaras a une vraie sincérité et en même temps, une fragilité dans un monde brutal…
François : D’autant que le personnage de Ken Samaras a une vraie sincérité et en même temps, une fragilité dans un monde brutal…
Thierry Klifa : Oui exactement ! Le scénario le prévoyait mais c’est Ken qui a apporté toutes ces nuances. Il disait tout à l’heure, dans une autre interview, que ce qui l’avait touché dans le scénario, c’était l’attachement qu’avait Ben, son personnage, pour son chien. C’est vrai qu’on imagine ce garçon assez cynique ou peu sensible, mais il a tout suite cerné le personnage. Peut-être parce qu’il ressemblait à ce qu’il aurait pu être à la fin de l’adolescence… En tout cas, il a tout de suite capté qui il était et il est parvenu à le traduire. Catherine était très heureuse de travailler avec lui parce qu’elle a senti une vraie proposition et qu’elle avait du répondant en face d’elle : elle sait très bien ce qu’elle dégage et combien elle peut être impressionnante mais elle était dans la bienveillance et dans l’échange. Il était à la hauteur des trois personnages principaux : Michael Cohen, Sébastien Houbani et Catherine, même si c’était différent.
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Véronique: On apprécie toujours connaître la cinéphilie des personnalités que l’on rencontre. Si vous deviez choisir trois films coup de cœur que vous aimeriez nous montrer, lesquels proposeriez-vous ?
Thierry Klifa : Trois, mais c’est épouvantable ! (Rires)
Véronique: Vous êtes privilégié: habituellement, on en demande un… (Rires)
Thierry Klifa : Il y en a tant ! Quel enfer ! Vous m’avez dit trois mais je négocie pour six… (rires) Il y aurait : « Il était une fois en Amérique », « Tendre passion », « La femme d’à côté », « Hôtel des Amériques », « Les demoiselles de Rochefort » et « César et Rosalie ». Demain, je vous proposerai tout autre chose (rires). Et je rajoute aussi « A bout de souffle ». Ça en fait sept ! Mais je peux aller jusqu’à dix ou vingt. Vous avez encore un peu de temps ? (Rires)
Thierry Klifa : Trois, mais c’est épouvantable ! (Rires)
Véronique: Vous êtes privilégié: habituellement, on en demande un… (Rires)
Thierry Klifa : Il y en a tant ! Quel enfer ! Vous m’avez dit trois mais je négocie pour six… (rires) Il y aurait : « Il était une fois en Amérique », « Tendre passion », « La femme d’à côté », « Hôtel des Amériques », « Les demoiselles de Rochefort » et « César et Rosalie ». Demain, je vous proposerai tout autre chose (rires). Et je rajoute aussi « A bout de souffle ». Ça en fait sept ! Mais je peux aller jusqu’à dix ou vingt. Vous avez encore un peu de temps ? (Rires)