Interview de Claude Lelouch
Dans le cadre de l'avant première de "Les plus belles années d'une vie" au BRIFF
29 juin 2019
Dans le cadre de l'avant première de "Les plus belles années d'une vie" au BRIFF
29 juin 2019
Claude Lelouch, c’est toute une histoire… du cinéma. Depuis plus de cinquante ans, le cinéaste français filme la vie à travers l’œil de sa caméra. Nous l’avons rencontré lors de son passage au Brussels International Film Festival (BRIFF) alors qu’il venait présenter « Les plus belles années d’une vie ». Une rencontre autour d’une table ronde qui nous a permis de mesurer combien Claude Lelouch aimait décidément beaucoup la vie.
Il y a 53 ans, vous montiez les marches de l’Ancien Palais des Festivals. Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez à nouveau foulé le tapis rouge des années après ?
Il y a 53 ans, vous montiez les marches de l’Ancien Palais des Festivals. Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez à nouveau foulé le tapis rouge des années après ?
Claude Lelouch : Je crois que je n’arrivais pas à croire que ce miracle puisse avoir lieu une deuxième fois. C'est vrai que ce film a changé la vie de tous ceux qui l’ont fait : Jean-Louis (Trintignant), Anouck (Aimée), Francis Lai, Pierre Barouh, Nicole Croisille… Et ça a aussi changé la vie de ceux l’ont vu. Ce film a fait le tour du monde plusieurs fois, il a été vu presque par un milliard de gens ! Ce film ne nous appartient plus et je me suis dit que s’il a une telle importance, c'est qu'on a raconté quelque chose d'important. C’était intéressant de pouvoir aller au bout de cette histoire, de faire un épilogue et d’essayer de faire un bilan. Vous savez, je ne me suis jamais ennuyé. Je ne sais pas qui a rempli mon agenda à ma naissance mais j’ai l’impression de n’avoir jamais arrêté une seule seconde.
J’avais envie de faire un film sur le vécu d’une vie, un film solaire, optimiste. Ce n’est qu’après avoir vécu une vie qu’on peut en parler. Il faut du temps pour parler du temps qui passe et c’est pour cela qu’on accorde autant d’importances aux paroles. Au dernier moment de notre vie, on a envie de parler des choses qu’on a plus ou moins comprises… J’ai très vite compris que le présent était important et que c’était la seule chose qui nous appartenait alors je l’ai toujours dégusté. C’est du présent que j’ai tiré tout le plaisir. J’avais envie de montrer que le présent est passionnant, même à 80 an, que l’amour n’a pas d’âge et qu’on peut aimer de mille et une façons. |
C’est un truc qui n’est pas réservé aux jeunes et il est peut-être encore plus fort pour ceux qui savent de quoi ils parlent. Je voulais faire un film qui montre que cet homme et cette femme vivent les plus beaux moments de leur vie alors qu’ils pensaient qu’il ne leur restait plus rien. C’est positif et ça correspond à ma nature. Les plus belles années de ma vie, je suis en train de les vivre !
Je ne me suis jamais amusé que maintenant : mon égo a rétréci et si des gens n’aiment pas mes films, je m’en fous alors qu’avant ça me faisait mal. Je souffre moins qu’avant des critiques ou des jaloux. C’est ma force. Il y a une phrase d’Albert Cohen qui disait « tout le monde se fout de tout le monde, et nos petites misères sont une île déserte », c’est un peu vrai. Il faut relativiser tout ça et prendre les choses du bon côté, être positif. Aujourd’hui, je m’amuse de plus en plus. Je viens de finir un film par portable alors que je n’aurais sans doute pas eu ce culot il y a 20 ans, il n’y a plus rien qui peut m’arrêter, enfin si… la lettre de licenciement va forcément arriver un jour ou l’autre mais en même temps on le sait depuis sa naissance qu'on va vers ce mystère. La vie est un grand mystère qui nous emmène vers ce que des imbéciles appellent la mort. Ce grand mystère, autant y aller en chantant, en se disant que peut-être, il va y avoir une bonne surprise !
En parlant du film, vos acteurs ont-ils suivi le scénario ou avez-vous laissé une part d’improvisation par rapport à leur vécu ?
Claude Lelouch : J’avais envie que ce soit un film spontané et pas un film joué. Je pense que s’ils avaient joué ce film on aurait été dans un truc trop fabriqué et je ne voulais pas de cela. Les dialogues étaient très écrits mais je leur soufflais, ils n’ont pas eu le temps de les préparer, de les mettre en place. Je ne voulais pas qu’ils jouent mais qu’ils restent dans la spontanéité. Souvent, ils les découvraient en les disant et ça a créé une spontanéité qui fait le charme du film. Cette fameuse scène de retrouvailles, qui dure vingt minutes dans le film, on l’a tournée en 40 minutes, le temps de faire deux fois la prise, sans couper la caméra. Je pense qu’à l’âge qu’ils ont, je n’aurais pas obtenu tout ce que j’ai obtenu si on avait fait un film fatiguant, il fallait aller très vite. On a tourné le film en dix jours. J’ai 50 ans de cinéma, une expérience du métier, il fallait avoir tout cela comme bagage pour jouer avec ça, même si en même temps, on avait très peur… On a tourné cette première scène dans la journée et le soir, je leur ai dit que c’était gagné même si on ne tournait pas le lendemain. Jean-Louis me disait tous les soirs qu’il allait peut-être mourir la nuit. Je lui ai dit qu’on avait déjà un bon court-métrage de 20 minutes et qu’après ça, on verra (rires).
Ils ont été facile à convaincre de participer à ce nouveau projet ?
Je ne me suis jamais amusé que maintenant : mon égo a rétréci et si des gens n’aiment pas mes films, je m’en fous alors qu’avant ça me faisait mal. Je souffre moins qu’avant des critiques ou des jaloux. C’est ma force. Il y a une phrase d’Albert Cohen qui disait « tout le monde se fout de tout le monde, et nos petites misères sont une île déserte », c’est un peu vrai. Il faut relativiser tout ça et prendre les choses du bon côté, être positif. Aujourd’hui, je m’amuse de plus en plus. Je viens de finir un film par portable alors que je n’aurais sans doute pas eu ce culot il y a 20 ans, il n’y a plus rien qui peut m’arrêter, enfin si… la lettre de licenciement va forcément arriver un jour ou l’autre mais en même temps on le sait depuis sa naissance qu'on va vers ce mystère. La vie est un grand mystère qui nous emmène vers ce que des imbéciles appellent la mort. Ce grand mystère, autant y aller en chantant, en se disant que peut-être, il va y avoir une bonne surprise !
En parlant du film, vos acteurs ont-ils suivi le scénario ou avez-vous laissé une part d’improvisation par rapport à leur vécu ?
Claude Lelouch : J’avais envie que ce soit un film spontané et pas un film joué. Je pense que s’ils avaient joué ce film on aurait été dans un truc trop fabriqué et je ne voulais pas de cela. Les dialogues étaient très écrits mais je leur soufflais, ils n’ont pas eu le temps de les préparer, de les mettre en place. Je ne voulais pas qu’ils jouent mais qu’ils restent dans la spontanéité. Souvent, ils les découvraient en les disant et ça a créé une spontanéité qui fait le charme du film. Cette fameuse scène de retrouvailles, qui dure vingt minutes dans le film, on l’a tournée en 40 minutes, le temps de faire deux fois la prise, sans couper la caméra. Je pense qu’à l’âge qu’ils ont, je n’aurais pas obtenu tout ce que j’ai obtenu si on avait fait un film fatiguant, il fallait aller très vite. On a tourné le film en dix jours. J’ai 50 ans de cinéma, une expérience du métier, il fallait avoir tout cela comme bagage pour jouer avec ça, même si en même temps, on avait très peur… On a tourné cette première scène dans la journée et le soir, je leur ai dit que c’était gagné même si on ne tournait pas le lendemain. Jean-Louis me disait tous les soirs qu’il allait peut-être mourir la nuit. Je lui ai dit qu’on avait déjà un bon court-métrage de 20 minutes et qu’après ça, on verra (rires).
Ils ont été facile à convaincre de participer à ce nouveau projet ?
Claude Lelouch : oui parce qu’on a tous du métier. Jean Louis a une centaine de films à son actif, Anouck une soixantaine, moi j’en ai 50, on est tous des vieux routiers mais ce n’est pas le métier qui nous a permis de le faire, c’est la spontanéité. A un moment donné, on n’avait peur de rien et je leur avais promis que si le film ne nous plaisait pas à tous les trois, on ne le sortait pas. On n’allait pas faire un film de plus, on voulait faire LE film impossible et c’est pour cela qu’il est intéressant. Il y avait mille raisons de ne pas le faire et c’est pour cela qu’on l’a fait. On n’a trouvé aucun financier, les assurances ne nous ont pas assurés et c’est parce que c’était le film de tous les risques que c’était passionnant à faire.
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Ça a été plus difficile à faire que « Un homme et une femme, 20 ans après » ?
Claude Lelouch : On s’est trompé avec « 20 ans après », c’est venu trop tôt. Je ne savais pas qu’il fallait attendre 53 ans pour que ça marche… Ce qu’on a raté avec le deuxième, on l’a réussi avec le troisième sans doute parce que c’est un film sur le temps qui passe. On a réussi et raté des choses, c’est la vie. La vie est une alternance de joies et de drames, de hauts et de bas et il faut vivre avec ça. Je ne me suis pas trop posé de questions dans la vie, et heureusement que parfois, les journalistes m’en posent… Je suis un fonceur, un homme d’action, et c’est cette vie, cette action que j’ai envie de filmer et de transmettre. Je ne suis rien d’autre qu’un reporter de la vie. Mes films sont une chronique des années que j’ai eu la chance de vivre ! J’ai filmé des hommes et des femmes qui m’ont plus intéressé que d’autres. Il n’y a pas de vrai héros ni de vrai salaud dans mes films, juste des hommes et des femmes qui selon les jours, peuvent être l’un ou l’autre.
J’aime le genre humain avec ses contradictions, ses paradoxes, ses défauts. On s’améliore avec le temps qui passe mais l’égo reste le gros défaut du genre humain. Les misères de l’humanité viennent toutes de là : on est jaloux, on se réjouit du malheur des autres parce que ça nous rassure. Il y a plus de gens aux enterrements qu’aux mariages peut-être parce qu’on se sent immortel. Notre conscience, notre intelligence qui nous disent qu’on est immortel mais notre inconscient qu’on est là pour très longtemps et c’est lui que j’ai envie d’écouter.
Pour la musique du film, vous avez collaboré avec Calogero. Comment cela s’est passé ?
Claude Lelouch : C’est un cadeau que m’ont fait Francis Lai et ma femme. Ma femme est très fan de Calogero, Francis aussi. Je ne le connais pas plus que cela et un jour, il est venu me demander de faire son clip, ce que je n’avais plus fait depuis 50 ans. Comme le garçon était sympathique, j’ai écouté sa chanson. Je l’ai appréciée, on a fait connaissance et quand Francis Lai, m’a proposé un orchestrateur pour les deux thèmes de mon film, on a pensé à Calogero. Didier Barbelivien, Francis et moi, on est allé le voir et finalement, je trouve qu’on a bien fait car l’amour qu’on portait pour lui s’en ressent beaucoup dans les musiques du film.
La musique c’est ce qui parle le plus au cœur des gens. C’est comme mes films : je ne fais pas des films qui parlent pas à la matière grise des gens mais à leur cœur. Cette part d’irrationnelle est tellement importante que je pense que la musique parle à tout ce qu’on ne connait pas, au mystère de la vie, à l’inconscient qui lui, en sait beaucoup. C’est pour cela que je mets beaucoup de musique dans mes films et le dernier, celui que j’ai fait avec mon portable, est entièrement musical.
« La vertu des impondérables », votre dernier film a été tourné avec votre smartphone. On pourrait penser que c’est un bon candidat pour Neflix. Que pensez-vous de cette plateforme?
Claude Lelouch : Je pense que Netflix est là pour nourrir nos habitudes mais ce n’est pas bien pour la grande aventure du cinéma. Un film, ça doit se voir sur grand écran. Netflix est réducteur, il suffit de voir le film de Cuarón : il est totalement différent sur petit et sur grand écran. Quand les gens seront lassés de voir des films sur des petits écrans, ils reviendront aux grands mais en attendant, je ne ferai pas de film pour Netflix car je fais du cinéma qui s’apprécie sur grand écran. Netflix, c’est bien pour les séries ou pour les gens qui ne sont pas exigeants en matière d’écriture cinématographique, pour le très grand public. Je suis bien conscient qu’il faut faire des films pour tout le monde, que certains n’ont pas eu la chance de faire des études, d’aller à l’école et Netflix leur permet d’avoir un accès au cinéma. Mais ça va aussi leur permettre de devenir exigeant à force de voir des films. Je regrette que de grands réalisateurs se fassent acheter par Netflix, je ne trouve pas ça bien. J’espère que Cuarón, les frères Cohen, tous ces cinéastes vont vite faire marche arrière et comprendre qu’ils sont faits pour le grand écran
Pour ma part, je veux justement montrer que les films tournés avec une si petite machine sont faits pour être projetés sur des écrans de 300 m². Soderbergh a fait un film avec son portable, plus ancien et moins défini que celui que j’ai utilisé. J’ai eu de la chance d’en utiliser un très performant et pour vous dire, les spécialistes à qui j’ai montré quelques images du film ont pensé que je l’avais tourné avec du 35mm voire du 70mm (rires). Je suis en train de le finir et je pense pouvoir commencer à le montrer d’ici un bon mois… Cet objet m’a donné envie de filmer le monde, tout ce que je voyais et de partager mes observations avec le plus grand nombre… ou le plus petit parce que ça ne marche pas à chaque fois…
Quelle est l’importance de l’échec dans le processus de création ?
Claude Lelouch : L’échec, c’est quelque chose de fondamental. Tout ce que j’ai réussi dans la vie, je l’ai d’abord râté. La vraie monnaie de la vie, c’est la souffrance. L’argent fait les fins de mois mais ne permet pas d’apprendre l’essentiel. La souffrance, psychique ou physique, fait qu’à un moment donné, on apprécie les choses. J’ai fait 50 films mais je suis retourné 50 fois à l’école. Le film que je viens faire avec mon portable ne me donne qu’une envie : en faire un autre pour voir si j’ai bien compris. On va à l’école toute notre vie, elle nous apprend les choses, simplement, avec des gens qui sont à notre hauteur, à notre niveau. On a tous le droit de développer ce qu’on sait faire et c’est pour cela que j’ai peur des écoles. Mon père a eu l’intelligence de voir que j’étais nul en classe et il m’a offert une caméra. Ma vie a commencé à ce moment-là. J’étais fait pour rencontrer la femme de ma vie… qui est une caméra.
Cette générosité du cinéma, on la retrouve dans les ateliers que vous avez mis en place à Beaune. C’était un projet important, celui de transmettre ?
Claude Lelouch : On s’est trompé avec « 20 ans après », c’est venu trop tôt. Je ne savais pas qu’il fallait attendre 53 ans pour que ça marche… Ce qu’on a raté avec le deuxième, on l’a réussi avec le troisième sans doute parce que c’est un film sur le temps qui passe. On a réussi et raté des choses, c’est la vie. La vie est une alternance de joies et de drames, de hauts et de bas et il faut vivre avec ça. Je ne me suis pas trop posé de questions dans la vie, et heureusement que parfois, les journalistes m’en posent… Je suis un fonceur, un homme d’action, et c’est cette vie, cette action que j’ai envie de filmer et de transmettre. Je ne suis rien d’autre qu’un reporter de la vie. Mes films sont une chronique des années que j’ai eu la chance de vivre ! J’ai filmé des hommes et des femmes qui m’ont plus intéressé que d’autres. Il n’y a pas de vrai héros ni de vrai salaud dans mes films, juste des hommes et des femmes qui selon les jours, peuvent être l’un ou l’autre.
J’aime le genre humain avec ses contradictions, ses paradoxes, ses défauts. On s’améliore avec le temps qui passe mais l’égo reste le gros défaut du genre humain. Les misères de l’humanité viennent toutes de là : on est jaloux, on se réjouit du malheur des autres parce que ça nous rassure. Il y a plus de gens aux enterrements qu’aux mariages peut-être parce qu’on se sent immortel. Notre conscience, notre intelligence qui nous disent qu’on est immortel mais notre inconscient qu’on est là pour très longtemps et c’est lui que j’ai envie d’écouter.
Pour la musique du film, vous avez collaboré avec Calogero. Comment cela s’est passé ?
Claude Lelouch : C’est un cadeau que m’ont fait Francis Lai et ma femme. Ma femme est très fan de Calogero, Francis aussi. Je ne le connais pas plus que cela et un jour, il est venu me demander de faire son clip, ce que je n’avais plus fait depuis 50 ans. Comme le garçon était sympathique, j’ai écouté sa chanson. Je l’ai appréciée, on a fait connaissance et quand Francis Lai, m’a proposé un orchestrateur pour les deux thèmes de mon film, on a pensé à Calogero. Didier Barbelivien, Francis et moi, on est allé le voir et finalement, je trouve qu’on a bien fait car l’amour qu’on portait pour lui s’en ressent beaucoup dans les musiques du film.
La musique c’est ce qui parle le plus au cœur des gens. C’est comme mes films : je ne fais pas des films qui parlent pas à la matière grise des gens mais à leur cœur. Cette part d’irrationnelle est tellement importante que je pense que la musique parle à tout ce qu’on ne connait pas, au mystère de la vie, à l’inconscient qui lui, en sait beaucoup. C’est pour cela que je mets beaucoup de musique dans mes films et le dernier, celui que j’ai fait avec mon portable, est entièrement musical.
« La vertu des impondérables », votre dernier film a été tourné avec votre smartphone. On pourrait penser que c’est un bon candidat pour Neflix. Que pensez-vous de cette plateforme?
Claude Lelouch : Je pense que Netflix est là pour nourrir nos habitudes mais ce n’est pas bien pour la grande aventure du cinéma. Un film, ça doit se voir sur grand écran. Netflix est réducteur, il suffit de voir le film de Cuarón : il est totalement différent sur petit et sur grand écran. Quand les gens seront lassés de voir des films sur des petits écrans, ils reviendront aux grands mais en attendant, je ne ferai pas de film pour Netflix car je fais du cinéma qui s’apprécie sur grand écran. Netflix, c’est bien pour les séries ou pour les gens qui ne sont pas exigeants en matière d’écriture cinématographique, pour le très grand public. Je suis bien conscient qu’il faut faire des films pour tout le monde, que certains n’ont pas eu la chance de faire des études, d’aller à l’école et Netflix leur permet d’avoir un accès au cinéma. Mais ça va aussi leur permettre de devenir exigeant à force de voir des films. Je regrette que de grands réalisateurs se fassent acheter par Netflix, je ne trouve pas ça bien. J’espère que Cuarón, les frères Cohen, tous ces cinéastes vont vite faire marche arrière et comprendre qu’ils sont faits pour le grand écran
Pour ma part, je veux justement montrer que les films tournés avec une si petite machine sont faits pour être projetés sur des écrans de 300 m². Soderbergh a fait un film avec son portable, plus ancien et moins défini que celui que j’ai utilisé. J’ai eu de la chance d’en utiliser un très performant et pour vous dire, les spécialistes à qui j’ai montré quelques images du film ont pensé que je l’avais tourné avec du 35mm voire du 70mm (rires). Je suis en train de le finir et je pense pouvoir commencer à le montrer d’ici un bon mois… Cet objet m’a donné envie de filmer le monde, tout ce que je voyais et de partager mes observations avec le plus grand nombre… ou le plus petit parce que ça ne marche pas à chaque fois…
Quelle est l’importance de l’échec dans le processus de création ?
Claude Lelouch : L’échec, c’est quelque chose de fondamental. Tout ce que j’ai réussi dans la vie, je l’ai d’abord râté. La vraie monnaie de la vie, c’est la souffrance. L’argent fait les fins de mois mais ne permet pas d’apprendre l’essentiel. La souffrance, psychique ou physique, fait qu’à un moment donné, on apprécie les choses. J’ai fait 50 films mais je suis retourné 50 fois à l’école. Le film que je viens faire avec mon portable ne me donne qu’une envie : en faire un autre pour voir si j’ai bien compris. On va à l’école toute notre vie, elle nous apprend les choses, simplement, avec des gens qui sont à notre hauteur, à notre niveau. On a tous le droit de développer ce qu’on sait faire et c’est pour cela que j’ai peur des écoles. Mon père a eu l’intelligence de voir que j’étais nul en classe et il m’a offert une caméra. Ma vie a commencé à ce moment-là. J’étais fait pour rencontrer la femme de ma vie… qui est une caméra.
Cette générosité du cinéma, on la retrouve dans les ateliers que vous avez mis en place à Beaune. C’était un projet important, celui de transmettre ?
Claude Lelouch : Oui ! C’est la chose qui m’amuse le plus en ce moment. J’ai créé les ateliers parce que je ne crois pas qu’on puisse apprendre le cinéma. Il faut le faire. Je sélectionne des hommes et des femmes qui ont la passion du cinéma et je les fais participer à mes films. Ils assistent au tournage, à l’écriture, à toutes les étapes de sa fabrication. Le cinéma, c’est comme l’amour, on l’apprend en le faisant. On ne peut pas le faire à la manière de Brigitte Bardot ou de Maryline Monroe. Les écoles du cinéma c’est la même chose, on apprend à filmer à la manière de Fellini ou d’autres mais pour moi, on ne peut fabriquer un cinéaste qu’en faisant des films. A leur arrivée, je leur donne une caméra dans les mains et je leur dis maintenant, faites des films. Les ateliers ce n’est pas une école mais un endroit où je donne la possibilité à des fous de cinéma de faire des films sans diplôme et sans argent.
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Ce qui est formidable, c’est que ceux qui ont assisté aux deux premières sessions ont tous du boulot alors que je ne délivre aucun de diplôme. Apparemment, il suffit qu’ils disent qu’ils sortent des ateliers de Lelouch pour qu’ils aient du boulot (rires). C’est pour moi le plus beau des Oscars.
Justement, comment avez-vous perçu cette consécration en recevant un Oscar ?
Claude Lelouch : C’est formidable les récompenses parce que ça réconforte les imbéciles. Les méfiants ne se méfient plus après un Oscar et une Palme d’Or. Ils croient enfin en vous, à ce que vous disiez déjà des années avant. C’est comme les légions d’honneur, les décorations, ça rassure les gens qui n’ont pas d’avis et ne sont pas capables de reconnaître qu’avant, vous étiez déjà quelqu’un de formidable.
Vous êtes revenu il y a peu du Festival de Tokyo. Comment les Asiatiques perçoivent-ils « Les plus belles années d’une vie » ?
Claude Lelouch : Très bien mais eux, ils le voient comme un film unique. Les Chinois qui ont vu « Les plus belles années d’une vie » ne savaient pas qu’il y avait « Un homme et une femme » et ils pensaient que c’étaient des rajeunissements ou des vieillissements extrêmement bien faits (rires). Ils pensent que c’est du cinéma américain avec des trucages mais je n’aime pas cela les trucages, j’adore le cinéma vérité. Les jeunes ont adoré ce que disait le film parce que c’était ce qu’aurait pu leur dire un sage qui leur aurait parlé de la vie. En Europe, ce sont surtout des personnes aux cheveux blancs qui viennent voir ce genre de film, sans doute parce que les jeunes ont l’impression de voir un film de vieux cons… Vous savez, j’ai fait ce film pour mes enfants : je voulais leur expliquer des choses qu’on ne peut expliquer qu’à cet âge-là. Le message est difficile à faire passer mais j’aurais essayé.
Justement, comment avez-vous perçu cette consécration en recevant un Oscar ?
Claude Lelouch : C’est formidable les récompenses parce que ça réconforte les imbéciles. Les méfiants ne se méfient plus après un Oscar et une Palme d’Or. Ils croient enfin en vous, à ce que vous disiez déjà des années avant. C’est comme les légions d’honneur, les décorations, ça rassure les gens qui n’ont pas d’avis et ne sont pas capables de reconnaître qu’avant, vous étiez déjà quelqu’un de formidable.
Vous êtes revenu il y a peu du Festival de Tokyo. Comment les Asiatiques perçoivent-ils « Les plus belles années d’une vie » ?
Claude Lelouch : Très bien mais eux, ils le voient comme un film unique. Les Chinois qui ont vu « Les plus belles années d’une vie » ne savaient pas qu’il y avait « Un homme et une femme » et ils pensaient que c’étaient des rajeunissements ou des vieillissements extrêmement bien faits (rires). Ils pensent que c’est du cinéma américain avec des trucages mais je n’aime pas cela les trucages, j’adore le cinéma vérité. Les jeunes ont adoré ce que disait le film parce que c’était ce qu’aurait pu leur dire un sage qui leur aurait parlé de la vie. En Europe, ce sont surtout des personnes aux cheveux blancs qui viennent voir ce genre de film, sans doute parce que les jeunes ont l’impression de voir un film de vieux cons… Vous savez, j’ai fait ce film pour mes enfants : je voulais leur expliquer des choses qu’on ne peut expliquer qu’à cet âge-là. Le message est difficile à faire passer mais j’aurais essayé.