Interview avec Caroline Vigneaux et José Garcia
Dans le cadre de la promo du film « A fond » de Nicolas Benamou
Véronique et François – 14 décembre 2016
De passage à Bruxelles pour la promotion de leur dernier film « A fond », José Garcia et Caroline Vigneaux nous ont accueilli dans leur suite l’espace d’un instant. Attendus le soir même au White Cinema, ils nous ont accordé quelques minutes de leur temps pour répondre à quelques-uns de nos questions. Frétillant et enthousiaste à l’idée de nous parler du dernier film de Nicolas Benamou, José Garcia évoque les conditions exceptionnelles de tournage avec un engouement rare. A ses côtés, Caroline Vigneaux, qui fait ses premiers pas dans le monde du cinéma. Rencontre avec un duo complice et chaleureux: Comment vous êtes-vous retrouvés embarqués dans cette voiture ? Caroline Vigneaux : J’ai reçu le scénario et comme beaucoup de gens, j’avais une appréhension de me retrouver 1h30 dans une voiture. Juste en lisant le scénario, je me suis rendue compte qu’il se passait quelque chose toutes les cinq minutes, ce qui fait qu’il n’y a aucun moment où on s’ennuie. En plus, comme il est très bien écrit, ça monte crescendo jusqu’à un final dont on ne peut pas parler parce que ce serait tout dévoiler. J’ai trouvé ça vraiment merveilleux dans l’écriture et j’ai beaucoup rit en le lisant. |
Ensuite, il est réalisé par Nicolas Benamou - qui a fait « Baby Sitting » - et j’adore chez lui cette modernité qu’il apporte à la comédie, cette envie qu’il avait de faire une comédie et un film d’action, de mélanger ces deux genres pour donner aux spectateurs - et à nous aussi - des sensations en nous faisant passer de l’un à l’autre. C’est un peu comme quand vous prenez un grand huit, vous riez, vous avez peur, vous riez… je trouvais ce côté moderne hyper excitant et cerise sur le gâteau, j’allais rencontrer José Garcia, travailler avec lui, lui donner la réplique, être sa femme, enceinte de lui (même s’il a déjà deux enfants) et André Dussollier… Travailler avec deux des plus grands acteurs français, alors que c’est mon premier film, c’était merveilleux.
José Garcia : Du coup, ça lui a coûté 10 000 euros. Parce qu’en fait, quand on a fait le côté dégressif, on s’est dit « c’est un putain de cadeau mais il va bien falloir payer ». Pour moi, c’est tout ce que j’aime. Et puis j’allais jouer avec Caroline Vigneaux, une petite nouvelle et, lui apprendre le métier.
Sérieusement, pour moi, c’était pour Nicolas. On est toujours au service d’une histoire, que j’ai adorée et comme Caroline, je me suis bien marré. Mais, c’est le genre de film qu’on peut faire de façon différente.
La première, étant la plus pépère. Pour ce genre de comédie, si on se met dans le confort c'est-à-dire sur des fonds verts ou des fonds bleus avec un truc numérique, on est mort. Dans ma manière de travailler, aller tous les jours dans les studios comme Tom Cruise dans la « Guerre des Mondes », qui regarde toute la journée le truc vert, ce n’est pas possible.
La deuxième, étant pour moi la pire, c’est la solution la plus classique avec une caméra à l’épaule embarquée à la place de l’un ou de l’autre avec un petit côté « télévision vieille France » ou vieille Belgique, vous voyez ? (rires) un truc qui manquerait d’audace. La force de Nicolas, c’est que techniquement parlant c’est une pointure, c’est quelqu’un qui a bossé pendant huit mois pour trouver la solution la plus simple et en même temps la plus efficace par rapport à la vitesse et moi, ça faisait longtemps que j’attendais ça car j’adore les sports extrêmes.
José Garcia : Du coup, ça lui a coûté 10 000 euros. Parce qu’en fait, quand on a fait le côté dégressif, on s’est dit « c’est un putain de cadeau mais il va bien falloir payer ». Pour moi, c’est tout ce que j’aime. Et puis j’allais jouer avec Caroline Vigneaux, une petite nouvelle et, lui apprendre le métier.
Sérieusement, pour moi, c’était pour Nicolas. On est toujours au service d’une histoire, que j’ai adorée et comme Caroline, je me suis bien marré. Mais, c’est le genre de film qu’on peut faire de façon différente.
La première, étant la plus pépère. Pour ce genre de comédie, si on se met dans le confort c'est-à-dire sur des fonds verts ou des fonds bleus avec un truc numérique, on est mort. Dans ma manière de travailler, aller tous les jours dans les studios comme Tom Cruise dans la « Guerre des Mondes », qui regarde toute la journée le truc vert, ce n’est pas possible.
La deuxième, étant pour moi la pire, c’est la solution la plus classique avec une caméra à l’épaule embarquée à la place de l’un ou de l’autre avec un petit côté « télévision vieille France » ou vieille Belgique, vous voyez ? (rires) un truc qui manquerait d’audace. La force de Nicolas, c’est que techniquement parlant c’est une pointure, c’est quelqu’un qui a bossé pendant huit mois pour trouver la solution la plus simple et en même temps la plus efficace par rapport à la vitesse et moi, ça faisait longtemps que j’attendais ça car j’adore les sports extrêmes.
On est tous habitués à voir des trucs sur Internet, qui sont d’une efficacité redoutable. N’importe quel môme avec un téléphone est capable d’avoir des angles qu’on ne peut même pas avoir avec une caméra de cinéma. On est habitué à une transgression qui me plait énormément, parce que j’adore travailler dans l’instant et on regrettait presque ne pas avoir des caméras en téléphones portables mais ça va bientôt arriver. Le principe du numérique, de pouvoir être là, au sol et de faire des trucs, des plans… (il mime une caméra au sol pointant vers le haut) On est passé à autre chose d’absolument nouveau, qui fait que dans le cinéma européen, on est presque dans l’aire du pachyderme, on a beaucoup de mal à évoluer, surtout dans la comédie.
Le cinéma d’auteur s’apparente beaucoup à la peinture, il y a un travail sur le cadre, sur les coûts, sur la lenteur, sur l’approche, la distance à avoir pour que dans le regard, il faut qu’il y ait des choses qui se passent, il y a quelque chose dans la composition de presque graphique. Nous, dans la comédie, il y a le graphisme mais il y a surtout la rythmique et on est dans quelque chose qui est plus proche de la musique, du tempo et il n’y a rien de pire en comédie - à mon sens mais il n’y a que moi que ça engage - que d’avoir un truc à la Lully qui fasse « Boum… boum » (il fredonne un air et mime des coups de bâtons sur le sol) pour moi, c’est le confort, c’est tout ce que je déteste. J’aime l’audace, j’aime le risque...
Caroline Vigneau : ... « Whiplash » !
José Garcia : Ouais, j’aime quand on y va ! Je vous avouerais que souvent, cette espèce de frénésie que je peux avoir m’emmène à aller forcément vers de grands fracas, où je me rate allègrement, mais tant pis ! Quand ça marche, c’est comme quand vous êtes avec une vachette à Saint Jean de Luz : si elle vous attrape, vous êtes encornés et entraînés sur 150 mètres et quand ça passe vous vous dites, « yéééh, c’est magnifique » et je trouve que la comédie ne peut se vivre que comme ça. Nicolas avait travaillé pour qu’on soit dans cette configuration là. Ce film, c’est plus de l’ordre du cirque, du trapèze, que du cinéma classique.
Personne ne savait comment on allait pouvoir réaliser ce film. Nicolas nous avait dit : « On va être 200 sur cette autoroute, on va louer une autoroute». Quarante pilotes de précision, 200 voitures, 200 pilotes en tout, des régleurs de cascade comme David Julienne qui viennent de la dynastie Julienne, qui ont fait les « James Bond », qui a tout calculé, tout vu, des supers techniciens, le tout à distance, 105 Km d’autoroute. Et puis il y a nous, en train de répéter avec la pauvre Caroline qui est en train de prendre une charge de titan, André Dussollier, tout le monde… Personne ne sait comment on va pouvoir y arriver parce que David Julienne, il a l’habitude de tenir sur 5 ou 6 kilomètres maximum mais tenir une chorégraphie avec tous les pilotes de précision, qui ont une oreillette et qui jouent avec nous c’est autre chose.
On n’est jamais en huit clos puisqu’on est en interaction totale et in vivo, c'est-à-dire, que c’est la première fois que lorsqu’on dit « attention, y’a un type, un machin » on décale et que la machine vient vraiment devant vous avant de rebasculer. C’est du Wagner, « la Chevauchée des Valkyries », un grand orchestre philharmonique où Karajan, c’est Nicolas Benamou et nous, on est les solistes dans un grand orchestre. Je peux vous dire que là, l’écoute, le diapason, le moment où on donne la note et où on part tous dans la voiture pour que ça se mette en place,c’est très important. On a essuyé trois jours les plâtres, franchement, et puis les choses ont commencé à basculer dans la technicité.
Le cinéma d’auteur s’apparente beaucoup à la peinture, il y a un travail sur le cadre, sur les coûts, sur la lenteur, sur l’approche, la distance à avoir pour que dans le regard, il faut qu’il y ait des choses qui se passent, il y a quelque chose dans la composition de presque graphique. Nous, dans la comédie, il y a le graphisme mais il y a surtout la rythmique et on est dans quelque chose qui est plus proche de la musique, du tempo et il n’y a rien de pire en comédie - à mon sens mais il n’y a que moi que ça engage - que d’avoir un truc à la Lully qui fasse « Boum… boum » (il fredonne un air et mime des coups de bâtons sur le sol) pour moi, c’est le confort, c’est tout ce que je déteste. J’aime l’audace, j’aime le risque...
Caroline Vigneau : ... « Whiplash » !
José Garcia : Ouais, j’aime quand on y va ! Je vous avouerais que souvent, cette espèce de frénésie que je peux avoir m’emmène à aller forcément vers de grands fracas, où je me rate allègrement, mais tant pis ! Quand ça marche, c’est comme quand vous êtes avec une vachette à Saint Jean de Luz : si elle vous attrape, vous êtes encornés et entraînés sur 150 mètres et quand ça passe vous vous dites, « yéééh, c’est magnifique » et je trouve que la comédie ne peut se vivre que comme ça. Nicolas avait travaillé pour qu’on soit dans cette configuration là. Ce film, c’est plus de l’ordre du cirque, du trapèze, que du cinéma classique.
Personne ne savait comment on allait pouvoir réaliser ce film. Nicolas nous avait dit : « On va être 200 sur cette autoroute, on va louer une autoroute». Quarante pilotes de précision, 200 voitures, 200 pilotes en tout, des régleurs de cascade comme David Julienne qui viennent de la dynastie Julienne, qui ont fait les « James Bond », qui a tout calculé, tout vu, des supers techniciens, le tout à distance, 105 Km d’autoroute. Et puis il y a nous, en train de répéter avec la pauvre Caroline qui est en train de prendre une charge de titan, André Dussollier, tout le monde… Personne ne sait comment on va pouvoir y arriver parce que David Julienne, il a l’habitude de tenir sur 5 ou 6 kilomètres maximum mais tenir une chorégraphie avec tous les pilotes de précision, qui ont une oreillette et qui jouent avec nous c’est autre chose.
On n’est jamais en huit clos puisqu’on est en interaction totale et in vivo, c'est-à-dire, que c’est la première fois que lorsqu’on dit « attention, y’a un type, un machin » on décale et que la machine vient vraiment devant vous avant de rebasculer. C’est du Wagner, « la Chevauchée des Valkyries », un grand orchestre philharmonique où Karajan, c’est Nicolas Benamou et nous, on est les solistes dans un grand orchestre. Je peux vous dire que là, l’écoute, le diapason, le moment où on donne la note et où on part tous dans la voiture pour que ça se mette en place,c’est très important. On a essuyé trois jours les plâtres, franchement, et puis les choses ont commencé à basculer dans la technicité.
Comment faites-vous pour exister dans un habitacle assez restreint et en même temps, libérer votre jeu en respectant la place des autres, celle d’André Dussollier, de Caroline Vigneaux ?
José Garcia : On va comparer ça à l’idée de tourner autour d’une table. Quand on joue, généralement, on est jamais dans l’endroit où on est en train de jouer, notre imaginaire continue à avancer. Par exemple, dans une scène tragique ou comique, on a d’abord l’écoute parce plus ça va vite, plus on doit faire attention à ne pas couper la parole de l’autre, en déposant sa tasse par exemple. Quand on joue vite, on boit, et on dépose délicatement la tasse pendant que vous discutez sans que ça fasse de bruit. (Il mime ses explications) Ca, ça demande une écoute, une chorégraphie, une musicalité parfaite pour ne pas couper le son. Mais là, on était dans un habitacle, certes, mais on était tourné vers l’extérieur. |
On a quarante partenaires qui nous écoutent, on a Vincent Desagnat, on doit jouer avec des gens derrière qui ne nous entendent pas. On a été obligé de descendre notre volume sonore par rapport au bruit ambiant qu’on avait autour de nous parce qu’il n’y a que Caroline et moi qui nous entendions. On faisait des apartés, on discutait côte à côte mais André et les enfants n’entendaient pas. Il fallait qu’on joue pour qu’on nous entende comme vous nous entendez dans le film, mais quand on a ouvert les fenêtres, on essayait de ne pas hurler et de jouer sans en faire des caisses. Si on devait jouer comme on devait le faire dans la voiture, on aurait hurlé du début à la fin. Ca, c’était les contraintes.
Caroline Vigneaux : Le scénario était tellement bien écrit que les autres voitures écoutaient notre texte et à un mot clé, ils intervenaient, passaient devant, etc. C’est pour ça que Joséé parlait d’orchestre philharmonique. Avant de partir sur l’autoroute, les cascadeurs avaient des plans et venaient répéter tout ce qui allait se passer. Nous ensuite, on s’occupait de la comédie : on était dans la voiture, à l’arrêt, on vérifiait le texte avec Nicolas. Là, il y avait de place à l’improvisation, notamment avec José qui apportait beaucoup de choses, mais une fois que c’était callé, toutes les voitures démarraient, on montait à 10, 20, 30, 40, 100 et quand on arrivait à 130, à ce moment là, on disait « action » et tout devait bien se passer. Si un truc ne va pas, une caméra qui fonctionne pas, c’est foutu.
Vous l’avez bien vu, on n’a pas de technicien avec nous dans la voiture, il n’y a personne. On a embarqué les caméras et tout le système qui est normalement avec nous, ou autour de nous, est dans d’autres véhicules qui roulent à contresens sur les voies inverses et qui sont reliées par des réseaux. Dans ces véhicules, vous avez le réalisateur, ceux qui font le point, la lumière, le son et qui règlent tout à distance. Tout doit vraiment marcher : la technique, les cascades, la comédie, le texte.
José Garcia : En plus, ils doivent rouler à maximum cinquante mètres de nous, pour garder les bonnes distances : il y a tellement d’électronique avec les talkies. Ils sont reliés aux cascadeurs qui parlent trois langues (on a des gens de Macédoine, nos pilotes de précision qui sont partout à droite et à gauche pour nous toucher) même si on essaie souvent de parler anglais. Il faut régler les vitesses de tout le monde, pour que le type qui vient, qui se cale devant moi, qui me gêne, rétrograde à 90 Km/h. Il faut swinger, repasser devant lui et continuer à jouer à l’avant et à l’arrière.
Cette pression du réel, ça fait qu’on est plus performant ?
José Garcia : Oui, ça fait surtout que vous, vous le ressentez car vous êtes accrochés au siège.
Caroline Vigneaux : Pour moi, c’est mon premier film et je ne peux vous dire que ce qu’on m’a raconté. José et André ont souvent répété qu’il ne fallait pas que je m’habitude car ce n’était pas comme ça d’habitude. Ici, on n’allait pas faire quarante prises donc il fallait être bon dès la première. Nicolas disait qu’en regardant les rushes, certaines prises étaient quasiment identiques, tellement on les avait travaillées, respectées. Du coup, c’était bien parce qu’on était hyper concentré : il n’y a pas eu de fous rires, ou très peu, une fois ou deux, mais très peu par rapport à d’autres films.
José Garcia : On a des fous rires après, quand on a réussi la scène, alors là on raconte n’importe quoi. Je racontais une blague par jour à Caroline pour détendre un peu l’atmosphère. Ca a vite tourné vinaigre puisqu’au bout d’un moment, les blagues étaient de moins en moins bonne qualité alors quand j’ai vu qu’elle ne riait plus et que les machinos et les électros se bidonnaient, je me suis dit qu’il fallait arrêter.
Caroline Vigneaux : C’est vrai qu’en plus le réel amène de la sincérité. Il y a une scène avec le motard où, lors d’une prise, on a vraiment cru qu’on le percutait : les cris, la terreur que vous voyez sur nos visages c’est du vrai. La seule chose qu’il faut savoir faire, c’est que même si c’est sincère et qu’on le vit, il faut réussir à avoir peur dans le personnage qu’on est, ne pas en sortir alors qu’on vit des trucs réels. Comme je le disais tout à l’heure, c’est comme dans un grand huit, vous savez que vous allez avoir peur, vous savez les sensations que vous allez avoir mais malgré tout vous la vivez. Je n’ai jamais frotté de rail sur l’autoroute à 130 Km/h, c’est la première fois…
C’est un sacré baptême du feu, il faut avoir confiance en la personne qui conduit…
José Garcia : Elle a fait Verdun, la Somme, les Dardanelles, alors… (rires)
C’est une fameuse entrée en matière, on a jamais fait ce genre de comédie en France, rarement aux Etats-Unis…
Caroline Vigneaux : Le scénario était tellement bien écrit que les autres voitures écoutaient notre texte et à un mot clé, ils intervenaient, passaient devant, etc. C’est pour ça que Joséé parlait d’orchestre philharmonique. Avant de partir sur l’autoroute, les cascadeurs avaient des plans et venaient répéter tout ce qui allait se passer. Nous ensuite, on s’occupait de la comédie : on était dans la voiture, à l’arrêt, on vérifiait le texte avec Nicolas. Là, il y avait de place à l’improvisation, notamment avec José qui apportait beaucoup de choses, mais une fois que c’était callé, toutes les voitures démarraient, on montait à 10, 20, 30, 40, 100 et quand on arrivait à 130, à ce moment là, on disait « action » et tout devait bien se passer. Si un truc ne va pas, une caméra qui fonctionne pas, c’est foutu.
Vous l’avez bien vu, on n’a pas de technicien avec nous dans la voiture, il n’y a personne. On a embarqué les caméras et tout le système qui est normalement avec nous, ou autour de nous, est dans d’autres véhicules qui roulent à contresens sur les voies inverses et qui sont reliées par des réseaux. Dans ces véhicules, vous avez le réalisateur, ceux qui font le point, la lumière, le son et qui règlent tout à distance. Tout doit vraiment marcher : la technique, les cascades, la comédie, le texte.
José Garcia : En plus, ils doivent rouler à maximum cinquante mètres de nous, pour garder les bonnes distances : il y a tellement d’électronique avec les talkies. Ils sont reliés aux cascadeurs qui parlent trois langues (on a des gens de Macédoine, nos pilotes de précision qui sont partout à droite et à gauche pour nous toucher) même si on essaie souvent de parler anglais. Il faut régler les vitesses de tout le monde, pour que le type qui vient, qui se cale devant moi, qui me gêne, rétrograde à 90 Km/h. Il faut swinger, repasser devant lui et continuer à jouer à l’avant et à l’arrière.
Cette pression du réel, ça fait qu’on est plus performant ?
José Garcia : Oui, ça fait surtout que vous, vous le ressentez car vous êtes accrochés au siège.
Caroline Vigneaux : Pour moi, c’est mon premier film et je ne peux vous dire que ce qu’on m’a raconté. José et André ont souvent répété qu’il ne fallait pas que je m’habitude car ce n’était pas comme ça d’habitude. Ici, on n’allait pas faire quarante prises donc il fallait être bon dès la première. Nicolas disait qu’en regardant les rushes, certaines prises étaient quasiment identiques, tellement on les avait travaillées, respectées. Du coup, c’était bien parce qu’on était hyper concentré : il n’y a pas eu de fous rires, ou très peu, une fois ou deux, mais très peu par rapport à d’autres films.
José Garcia : On a des fous rires après, quand on a réussi la scène, alors là on raconte n’importe quoi. Je racontais une blague par jour à Caroline pour détendre un peu l’atmosphère. Ca a vite tourné vinaigre puisqu’au bout d’un moment, les blagues étaient de moins en moins bonne qualité alors quand j’ai vu qu’elle ne riait plus et que les machinos et les électros se bidonnaient, je me suis dit qu’il fallait arrêter.
Caroline Vigneaux : C’est vrai qu’en plus le réel amène de la sincérité. Il y a une scène avec le motard où, lors d’une prise, on a vraiment cru qu’on le percutait : les cris, la terreur que vous voyez sur nos visages c’est du vrai. La seule chose qu’il faut savoir faire, c’est que même si c’est sincère et qu’on le vit, il faut réussir à avoir peur dans le personnage qu’on est, ne pas en sortir alors qu’on vit des trucs réels. Comme je le disais tout à l’heure, c’est comme dans un grand huit, vous savez que vous allez avoir peur, vous savez les sensations que vous allez avoir mais malgré tout vous la vivez. Je n’ai jamais frotté de rail sur l’autoroute à 130 Km/h, c’est la première fois…
C’est un sacré baptême du feu, il faut avoir confiance en la personne qui conduit…
José Garcia : Elle a fait Verdun, la Somme, les Dardanelles, alors… (rires)
C’est une fameuse entrée en matière, on a jamais fait ce genre de comédie en France, rarement aux Etats-Unis…
Caroline Vigneaux : « Mad Max » ils l’ont fait en vrai !
José Garcia : « Mad Max » ils l’ont fait en vrai mais aux Etats-Unis, ce sont des configurations à trois ou quatre voies. Vous ne pouvez pas avoir la même sensation de vitesse ou de danger que sur deux- trois voies. Et puis, aux USA, ils ne roulent pas aussi vite que nous. Maintenant on commence à arriver à 130 Km/h mais même dans « Speed » - parce qu’on nous dit que « A fond », c’est un « Speed » à la française - ils sont à 65 miles, c’est à peine 110 Km/h. Nous on était à 130 et c’était comme si on tournait à 160. |
Comme vous le dites, on passe de la comédie à des moments plus intenses, comment vous avez géré ce passage tout en gardant une image d’ensemble ?
José Garcia : L’intensité, elle est là du début à la fin, parce qu’il a fallu quand même qu’on apprivoise tout ça. On a beau avoir toute l’expérience du monde, il a fallu qu’on redéfinisse complètement ce qu’on devait jouer, ce qu’on devait faire et après, tous les jours, il y a un challenge
Caroline Vigneaux : Une cascade, un truc,…
José Garcia : L’être humain est très bien foutu, c'est-à-dire qu’on s’habitue à tout. Au bout d’un moment, on roulait à 130 Km/h. Rrouler et le filer à André Dussollier, c’est devenu un truc plutôt banal. Au bout de trois jours, on avait tous pris le pli de la contrainte, sauf que cette tension qu’on voit tous les jours, fait que vous êtes bourré d’adrénaline à 5h du matin, vous êtes à bloc. André Dussollier tournait autour de la voiture en courant- je l’ai jamais vu autant courir- il courait dans un sens puis dans l’autre pendant qu’on parlait. Après, on montait dans la voiture, les enfants arrivaient électriques, Caroline elle était « waaah » en train de bouger comme ça et moi j’étais à cran : tout le monde est surexcité.
José Garcia : L’intensité, elle est là du début à la fin, parce qu’il a fallu quand même qu’on apprivoise tout ça. On a beau avoir toute l’expérience du monde, il a fallu qu’on redéfinisse complètement ce qu’on devait jouer, ce qu’on devait faire et après, tous les jours, il y a un challenge
Caroline Vigneaux : Une cascade, un truc,…
José Garcia : L’être humain est très bien foutu, c'est-à-dire qu’on s’habitue à tout. Au bout d’un moment, on roulait à 130 Km/h. Rrouler et le filer à André Dussollier, c’est devenu un truc plutôt banal. Au bout de trois jours, on avait tous pris le pli de la contrainte, sauf que cette tension qu’on voit tous les jours, fait que vous êtes bourré d’adrénaline à 5h du matin, vous êtes à bloc. André Dussollier tournait autour de la voiture en courant- je l’ai jamais vu autant courir- il courait dans un sens puis dans l’autre pendant qu’on parlait. Après, on montait dans la voiture, les enfants arrivaient électriques, Caroline elle était « waaah » en train de bouger comme ça et moi j’étais à cran : tout le monde est surexcité.
l y a presqu’un début de prière quand David Julienne et Christophe Marceau viennent nous donner les consignes de sécurité, avec tout le monde : on est en train d’écouter ce qui se passe puis, quand il a fini, c’est comme au cirque, le « Cirque du Soleil », on monte dans les bagnoles et on part. On va essayer de la réussir dès le premier coup, donc y’a une adrénaline qui s’installe, qui procure énormément de jubilation et on a envie d’en découdre, de joue. On est dans l’essence même du jeu. On est tellement à l’écoute de ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur qu’on n’est pas concentré sur notre petite personne, on est concentré sur l’écoute, le jeu, le texte qu’il faut sortir au bon moment, il n’y a pas une seconde de trop.
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Caroline surveille le côté droit pour voir si on ne va pas taper les rails de sécurité. Pour donner un exemple, Vincent Desagnat venait de passer avec Ingrid Donnadieu son permis de moto. On part avec Vincent et Ingrid, ils arrivent, on roule, on ouvre les fenêtres et lui (il vient de passer son permis), il nous dit « attention, si vous affabulez… », en nous montrant du doigt mais en faisant ça, il a perdu l’équilibre et il est venu vers la portière. A un moment, il doit jouer le reste de la scène, il arrive à bloquer la vitesse, ce qui est le plus difficile. Il arriver à maintenir la même vitesse, sans accélérer et sans freiner, et à tenir la distance. Il était bloqué à 110 et il était fou de joie mais à un moment, il commence à me parler et tout à coup, Nicolas nous appelle dans la voiture et il nous dit « Attention, dis lui d’avancer, on ne le voit pas ». A 110 Km/h, il était à la même vitesse que nous, sauf qu’il est caché, la caméra est de l’autre côté. En fait, il fallait qu’il soit à 108 pour être dans le cadre, à 110, on voyait que son cul ! Tout est comme ça et ça, quand on a fini la scène, que tout est dedans, on est à 10 mètres du sol mais on doit se contenir aussi parce que si on entre dans une euphorie…
Caroline Vigneaux : … On pourrait donner la sensation de surjouer.
Caroline Vigneaux : … On pourrait donner la sensation de surjouer.
José Garcia : Et le danger c’est aussi que, quand on a les fenêtres ouvertes, on est obligé de parler assez fort pour que Vincent nous entende et que tout le monde entende dans la voiture, mais le problème, c’est qu’on est surdosé par rapport à la caméra. Donc, obligé de contrôler nos visages, de descendre le son pour que ce soit assez audible mais sans jouer comme on devrait le faire parce que vous, au premier rang, vous auriez l’impression qu’on en a fait des caisses. C’est ça qui est très difficile : réussir à garder un contrôle là-dessus alors que nous, on est comme dans une soufflerie. Mais bon, on s’est bien marré, la vie nous parait chiante maintenant.
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Justement, quel serait le prochain gros défi ? Sortir de la zone de confort et faire quelque chose de radicalement différent ?
José Garcia : Là, je suis jamais dans la zone de confort, c’est le gros souci. Notre plus gros défi maintenant, c’est le 21 décembre. De nos jours, faire du cinéma, c’est un défi permanent : y’a 25 films qui sortent le même jour, les gens ont tellement de choses à faire, les moyens de tout le monde sont descendus tellement bas qu’il faut choisir, s’occuper de la famille. Se lever un mercredi matin, prendre ses affaires, traverser toutes les choses que vous avez à faire et puis arriver dans une salle pour venir nous voir, c’est ça le défi, c’est un truc de fou. C’est pour ça qu’on est admiratif et gorgé d’amour pour les gens qui vont au cinéma, de se dire qu’avec tout ce qu’on peut faire dans la journée, on se réunit encore une salle de cinéma, c’est grand !
José Garcia : Là, je suis jamais dans la zone de confort, c’est le gros souci. Notre plus gros défi maintenant, c’est le 21 décembre. De nos jours, faire du cinéma, c’est un défi permanent : y’a 25 films qui sortent le même jour, les gens ont tellement de choses à faire, les moyens de tout le monde sont descendus tellement bas qu’il faut choisir, s’occuper de la famille. Se lever un mercredi matin, prendre ses affaires, traverser toutes les choses que vous avez à faire et puis arriver dans une salle pour venir nous voir, c’est ça le défi, c’est un truc de fou. C’est pour ça qu’on est admiratif et gorgé d’amour pour les gens qui vont au cinéma, de se dire qu’avec tout ce qu’on peut faire dans la journée, on se réunit encore une salle de cinéma, c’est grand !