L'équipe du film "La bonne épouse"
Dans le cadre du Festival International du Film de Mons
– 7 mars 2020 -
Dans le cadre du Festival International du Film de Mons
– 7 mars 2020 -
Au lendemain de l’ouverture du Festival International du Film de Mons à laquelle l’équipe du film a participé, nous avons rencontré Yolande Moreau, Anamaria Vartolomei, Marie Zabukovec et Martin Provost afin d’échanger sur le film « La bonne épouse », l’époque et le sujet sur lesquels il est basé mais aussi le tournage, l’amitié et les projets qui font vivre la joyeuse communauté. Et c’est dans la bonne humeur, la décontraction et le rire que l’échange autour de « La bonne épouse » s’est réalisé.
Véronique : Merci à d’avoir répondu à notre invitation de si bon matin. C’est un plaisir pour moi de vous retrouver et de découvrir cette nouvelle histoire dans laquelle vous vous êtes tous embarquées. Ce récit incroyable repose d'ailleurs sur les souvenirs qu’une ancienne élève vous a racontés Martin Provost…
Martin Provost : Tout à fait! C’est une dame chez qui je suis allé dans le Cotentin qui m’a raconté sa vie et comment à l’âge de 15 ou 16 ans, elle avait décidé de faire l’école ménagère alors qu’elle aurait pu faire des études. Elle vivait dans un milieu très campagnard et comme toutes ses copines étaient allées dans cette école, elle les a suivies. Elle est incroyable parce qu’elle a aujourd’hui pas loin de 80 ans et vit avec ses animaux. |
Elle a quelque chose de très intègre et en même temps de très ancré dans la nature, ce qui lui donne un côté très concret, vraiment. Elle a les bénéfices de cette éducation et dès qu’elle m’a parlé de son vécu, de ses souvenirs, j’ai des images qui me sont venues…
Anamaria Vartolomei : Et tu lui as montré le film ?
Martin Provost : Non, pas encore mais je vais y aller. Je l’ai vue il y a trois ans mais plus depuis… D’ailleurs, elle s’appelle Albane
Anamaria Vartolomei : C’est dingue ! Ce serait génial de lui dire ce que tu as fait !
Véronique (à Anamaria) : C’est amusant parce que votre personnage s’appelle justement Albane. On ne le sait pas parce que durant tout le film, on vous appelle par vos noms de famille…
Martin Provost : Oui, parce que ça se passait comme ça à l’époque...
Yolande Moreau (à Martin Provost) : ...C’est amusant que tu ais gardé ce lien
Martin Provost : Oh, je crois qu’il y en a toujours. On met toujours de la vérité dans nos films. La nôtre mais aussi celle des autres...
Véronique : Ces écoles ménagères que vous présentez dans le film existent depuis longtemps déjà. La première a ouvert en 1873 mais je vous avoue que je n’en avais jamais entendu parler… Des manuels de savoir vivre et de la parfaite ménagère oui, mais les écoles… J’ai d’ailleurs trouvé celui-ci il y a quelques années. Il date de 1978… Avec le recul, on trouve cela amusant mais c’est tout de même effarant.
Yolande Moreau : Je peux le voir ? (Elle regarde l’ouvrage) Il paraît vraiment neuf. J’en ai un beaucoup plus vieux, tout jauni que j’ai trouvé aux puces. (A Martin Provost) Regarde, c’est la collection « Top », ça fait très année 1970 ça.
Martin Provost : C’est vrai ! Chez mes parents, j’avais le « Guide des jeunes ménages » dans le tiroir de la cuisine et c’est exactement l’imagerie qu’il y a dans le film. Tous les petits chapitres... Je crois que ma mère l’a encore et ça correspond à ce que transmettait ces écoles ménagères…
Yolande Moreau : Ecoutez, celle-ci est drôle (Lisant un extrait du guide) « Œil de biche n’est pas barbouillage ». C’est amusant comme tout. Le vôtre est plus nouveau que le mien mais c’est le même genre… Je suis étonnée que ce soit une édition de 1973. J’ai eu ma fille en 1972 et je me rappelle bien cette époque : j’écoutais les Beatles, j’avais des mini-jupes, je ne vivais pas du tout comme cela… ça me semble tellement dépassé ce qui est écrit-là !
Martin Provost : C’est sans doute parce que c’est l’héritage des anciens, ce n’est pas quelqu’un de jeune qui a dû écrire cela…
Yolande Moreau : L’héritage, ça perdure dans le temps… heureusement qu’on ne l’a pas trop gardé celui-là ! (rires)
Véronique : J’en lis des extraits de temps à autre et je m’étonne à chaque fois des conseils qu’on pouvait prodiguer aux jeunes femmes. Mettre une goutte de citron dans l’œil pour le rendre vif…
Marie Zabukovec : Ah oui, quand même ! Les choses ont bien changé depuis !
Anamaria Vartolomei : Et tu lui as montré le film ?
Martin Provost : Non, pas encore mais je vais y aller. Je l’ai vue il y a trois ans mais plus depuis… D’ailleurs, elle s’appelle Albane
Anamaria Vartolomei : C’est dingue ! Ce serait génial de lui dire ce que tu as fait !
Véronique (à Anamaria) : C’est amusant parce que votre personnage s’appelle justement Albane. On ne le sait pas parce que durant tout le film, on vous appelle par vos noms de famille…
Martin Provost : Oui, parce que ça se passait comme ça à l’époque...
Yolande Moreau (à Martin Provost) : ...C’est amusant que tu ais gardé ce lien
Martin Provost : Oh, je crois qu’il y en a toujours. On met toujours de la vérité dans nos films. La nôtre mais aussi celle des autres...
Véronique : Ces écoles ménagères que vous présentez dans le film existent depuis longtemps déjà. La première a ouvert en 1873 mais je vous avoue que je n’en avais jamais entendu parler… Des manuels de savoir vivre et de la parfaite ménagère oui, mais les écoles… J’ai d’ailleurs trouvé celui-ci il y a quelques années. Il date de 1978… Avec le recul, on trouve cela amusant mais c’est tout de même effarant.
Yolande Moreau : Je peux le voir ? (Elle regarde l’ouvrage) Il paraît vraiment neuf. J’en ai un beaucoup plus vieux, tout jauni que j’ai trouvé aux puces. (A Martin Provost) Regarde, c’est la collection « Top », ça fait très année 1970 ça.
Martin Provost : C’est vrai ! Chez mes parents, j’avais le « Guide des jeunes ménages » dans le tiroir de la cuisine et c’est exactement l’imagerie qu’il y a dans le film. Tous les petits chapitres... Je crois que ma mère l’a encore et ça correspond à ce que transmettait ces écoles ménagères…
Yolande Moreau : Ecoutez, celle-ci est drôle (Lisant un extrait du guide) « Œil de biche n’est pas barbouillage ». C’est amusant comme tout. Le vôtre est plus nouveau que le mien mais c’est le même genre… Je suis étonnée que ce soit une édition de 1973. J’ai eu ma fille en 1972 et je me rappelle bien cette époque : j’écoutais les Beatles, j’avais des mini-jupes, je ne vivais pas du tout comme cela… ça me semble tellement dépassé ce qui est écrit-là !
Martin Provost : C’est sans doute parce que c’est l’héritage des anciens, ce n’est pas quelqu’un de jeune qui a dû écrire cela…
Yolande Moreau : L’héritage, ça perdure dans le temps… heureusement qu’on ne l’a pas trop gardé celui-là ! (rires)
Véronique : J’en lis des extraits de temps à autre et je m’étonne à chaque fois des conseils qu’on pouvait prodiguer aux jeunes femmes. Mettre une goutte de citron dans l’œil pour le rendre vif…
Marie Zabukovec : Ah oui, quand même ! Les choses ont bien changé depuis !
Martin Provost : J’avais lu une autre astuce qui était de presser la peau des clémentines au-dessus de l’œil ouvert pour le rendre plus brillant… J’ai connu tout ça quand j’étais petit. C’est pour ça que tout ce qu’on a écrit dans les dialogues, dans les gestes, dans le quotidien de ces femmes et jeunes filles est totalement vrai ! Séverine (Werba, sa co-scénariste) a fait un gros travail de recherches autour de ces écoles et rien n’est faux dans tout ce que nous avons écrit. J’ai pour ma part rédigé l’essentiel des dialogues et quand je voyais ce qu’elle m’apportait, je trouvais cela absolument dingue ! Les réflexions sur les rousses par exemple étaient scandaleuses dans les années 60 et il parait que ça continue. Elles étaient discréditées, comparées au diable, on disait qu’elles sentaient mauvais…
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Marie Zabukovec : Ça n’a pas beaucoup changé tu sais…
Yolande Moreau : Oh non! D'ailleurs, c'’est vrai que tu n’as pas la même couleur de cheveux ici et dans le film…
Marie Zabukovec : … Oui, je suis carrément plus blonde dans le film mais tu n’es pas mal non plus dans le genre
Véronique : C’est vrai que la perruque blonde vous va plutôt bien
Yolande Moreau : Aaah, c’est gentil ! Je dois dire que je me trouve pas mal… Mais on finit toujours par me reconnaître de toute façon… A cause de mon cul (rires) !
Véronique : Vous avez été étonnées de découvrir de telles choses à la lecture du scénario ?
Marie Zabukovec : Totalement ! On a finalement vécu ce qui se faisait au temps de nos grands-parents ! Ma grand-mère a été au service de mon grand-père durant toute sa vie et aujourd’hui, elle le lui faire subir. Il faut dire qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer et qu’elle se souvient particulièrement de certains épisodes de sa vie… maintenant, les rôles sont inversés, c’est lui qui est à son service et je trouve ça plutôt drôle
Yolande Moreau : L’évolution des femmes a été considérable depuis ces années-là. Je ne sais pas si c’est mieux maintenant. A l’époque, les femmes n’avaient pas l’air malheureuses, si ?
Martin Provost : Non, je ne pense pas que les gens étaient malheureux mais on ne le sait pas quand on est asservi. On ne s’en rend pas compte parce que c’était très ancré. On s’amusait beaucoup, le monde était beaucoup plus drôle. Regardez un peu, il y a quelques années, il y avait Coluche, Reiser, … aujourd’hui l’humour n’est plus aussi libre… Chaque génération a ses frustrations mais aussi ses grandes libérations…
Véronique : La femme a pris sa place dans de nombreux domaines. Elle travaille, vit sa vie de façon indépendante et n’est plus une simple ménagère…
Yolande Moreau : Non et heureusement. On va vers un partage des tâches maintenant non ? Beaucoup d’hommes prennent en charge les enfants, durant les congés ou choisissent de ne pas travailler. Je vois la différence avec les jeunes hommes de maintenant, ils sont beaucoup plus investis qu’avant !
Martin Provost : Comme je le disais encore hier, je n’ai jamais vu mon père faire quoi que ce soit à la maison. Il arrivait du travail, il mettait ses pieds sous la table, il lisait son journal mais il ne levait pas le petit doigt. Son seul investissement à la maison se faisait à travers le bricolage. La charge mentale des femmes de l’époque n’était absolument pas reconnue !
Véronique : En cela, le rôle d’Edouard Baer montre justement qu’il existait déjà des hommes modernes…
Martin Provost : Totalement ! C’est un homme qui cuisine, qui reprise les chaussettes…Un homme qui explique à une femme qu’elle peut gérer les comptes du ménage, ce qui semblait impensable jusque là !
Véronique : On se doute des raisons qui vous ont poussée à rejoindre Martin Provost cette fois encore. J’imagine qu’il y a une sensibilité, une bienveillance commune qui vous incitent à collaborer à nouveau ensemble ?
Yolande Moreau : Oh non! D'ailleurs, c'’est vrai que tu n’as pas la même couleur de cheveux ici et dans le film…
Marie Zabukovec : … Oui, je suis carrément plus blonde dans le film mais tu n’es pas mal non plus dans le genre
Véronique : C’est vrai que la perruque blonde vous va plutôt bien
Yolande Moreau : Aaah, c’est gentil ! Je dois dire que je me trouve pas mal… Mais on finit toujours par me reconnaître de toute façon… A cause de mon cul (rires) !
Véronique : Vous avez été étonnées de découvrir de telles choses à la lecture du scénario ?
Marie Zabukovec : Totalement ! On a finalement vécu ce qui se faisait au temps de nos grands-parents ! Ma grand-mère a été au service de mon grand-père durant toute sa vie et aujourd’hui, elle le lui faire subir. Il faut dire qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer et qu’elle se souvient particulièrement de certains épisodes de sa vie… maintenant, les rôles sont inversés, c’est lui qui est à son service et je trouve ça plutôt drôle
Yolande Moreau : L’évolution des femmes a été considérable depuis ces années-là. Je ne sais pas si c’est mieux maintenant. A l’époque, les femmes n’avaient pas l’air malheureuses, si ?
Martin Provost : Non, je ne pense pas que les gens étaient malheureux mais on ne le sait pas quand on est asservi. On ne s’en rend pas compte parce que c’était très ancré. On s’amusait beaucoup, le monde était beaucoup plus drôle. Regardez un peu, il y a quelques années, il y avait Coluche, Reiser, … aujourd’hui l’humour n’est plus aussi libre… Chaque génération a ses frustrations mais aussi ses grandes libérations…
Véronique : La femme a pris sa place dans de nombreux domaines. Elle travaille, vit sa vie de façon indépendante et n’est plus une simple ménagère…
Yolande Moreau : Non et heureusement. On va vers un partage des tâches maintenant non ? Beaucoup d’hommes prennent en charge les enfants, durant les congés ou choisissent de ne pas travailler. Je vois la différence avec les jeunes hommes de maintenant, ils sont beaucoup plus investis qu’avant !
Martin Provost : Comme je le disais encore hier, je n’ai jamais vu mon père faire quoi que ce soit à la maison. Il arrivait du travail, il mettait ses pieds sous la table, il lisait son journal mais il ne levait pas le petit doigt. Son seul investissement à la maison se faisait à travers le bricolage. La charge mentale des femmes de l’époque n’était absolument pas reconnue !
Véronique : En cela, le rôle d’Edouard Baer montre justement qu’il existait déjà des hommes modernes…
Martin Provost : Totalement ! C’est un homme qui cuisine, qui reprise les chaussettes…Un homme qui explique à une femme qu’elle peut gérer les comptes du ménage, ce qui semblait impensable jusque là !
Véronique : On se doute des raisons qui vous ont poussée à rejoindre Martin Provost cette fois encore. J’imagine qu’il y a une sensibilité, une bienveillance commune qui vous incitent à collaborer à nouveau ensemble ?
Yolande Moreau : Oui et nous avons une histoire tous les deux (rires). J’étais ravie de recommencer parce que chaque rôle que m’a confié Martin était très différent. J’aime beaucoup le sujet et j’ai été très étonnée de voir combien il s’était lâché (rires). Il y a beaucoup d’humour alors que dans « Séraphine », pas du tout ! Comme je viens des Deschiens, le moindre petit truc qui aurait pu faire rire était craint alors que personnellement, j’aime beaucoup cela le tragi-comique. On a fait deux films très sérieux et cette fois, on a pu jouer sur des situations très drôles. Je n’aime pas être drôle pour être drôle et dans ce film, l’écriture de Martin a une certaine légèreté que j’ai beaucoup appréciée !
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Véronique : Et pour vous les filles, c’est Brigitte Moidon qui vous a fait passer le casting. Comment ça s’est passé concrètement ?
Marie Zabukovec : J’avais déjà rencontré Martin lors d’un stage mais il ne m’avait pas parlé du film, on s'est revu plus tard, après le casting...
Martin Provost : J’ai vu beaucoup de filles, elles ont passé des essais, on a regardé comment elles pouvaient fonctionner les unes avec les autres avant de décider de les prendre avec moi.
Véronique : Pourquoi les avoir choisies elles plutôt que d’autres ? Elles correspondaient davantage à l’image que vous aviez de vos personnages ?
Martin Provost : C’est sans doute l’intuition. Pourquoi je choisis ce thème plutôt qu’un autre, ce décor-ci, ce collaborateur-là, c’est ce qui fait le sel de ce qu’on est et de ce qu’on fait. Ce n’est pas explicable de façon rationnelle. Pour les jeunes filles, je n’avais pas de représentation précise. J’entends des voix, je vois des visages mais rien de bien précis…
Véronique : Alors que pour ceux de Yolande, Juliette Binoche et Noémie Lvovsky, c’était beaucoup plus précis…
Martin Provost : Oui ! En général, quand j’écris un film, c’est pour un acteur ou une actrice et ici encore, j’avais ces trois comédiennes en tête. Pour les jeunes, c’était plus compliqué parce que je ne les connais pas. C’était d’ailleurs ma peur d’avoir toute cette troupe-là parce qu’il y avait les quatre jeunes filles principales mais il y en avait quatorze autres. Je me suis demandé à de nombreuses reprises comment j’allais faire et ça s’est finalement très bien passé ! Ça a créé une ouverture et ça m’a donné l’envie d’écrire un scénario pour des jeunes…
Yolande Moreau : … Mais tu me laisseras quand même un petit rôle de vieille ? (rires)
Véronique : Et le résultat y est puisque l’on croit totalement au microcosme dans lequel on entre et qui existe déjà bien avant l’arrivée des spectateurs dans le récit. Vous vous êtes vues au préalable pour créer cette complicité entre jeunes filles ?
Anamaria Vartolomei : On s’est rencontrée quelques fois pour apprendre à nous connaître parce que ce n’était pas le cas. Je connaissais un peu Lily et Pauline (Taieb et Briand, ses camarades directes de jeu, ndlr) mais pas les autres. On a répété, on a surtout travaillé la danse et sa chorégraphie finale et on s’est en effet beaucoup vue durant des semaines et des mois …
Martin Provost : C’est-à-dire qu’on a répété sur la musique de Grégoire Hetzel tant pour la danse que pour l’appropriation des paroles…ça nous a demandé un temps fou. On a ensuite fait les répétitions avec Marion ce qui fait que quand on est arrivé avec Yolande, Juliette et Noémie, on a réglé les détails des déplacements de Yolande qui a des petits problèmes de genoux… Ça a été un plus parce qu’on a trouvé ce petit détail en plus qui est l’utilisation du triporteur et qui est finalement très drôle. Tout ce travail a créé des liens. Les petites, je les appelle ainsi même si elles sont loin de l’être, sont comme des abeilles dans une ruche. Elles étaient chez elles dans la maison et les liens étaient déjà créés quand on a commencé à tourner et je crois que ça change tout !
Marie Zabukovec : J’avais déjà rencontré Martin lors d’un stage mais il ne m’avait pas parlé du film, on s'est revu plus tard, après le casting...
Martin Provost : J’ai vu beaucoup de filles, elles ont passé des essais, on a regardé comment elles pouvaient fonctionner les unes avec les autres avant de décider de les prendre avec moi.
Véronique : Pourquoi les avoir choisies elles plutôt que d’autres ? Elles correspondaient davantage à l’image que vous aviez de vos personnages ?
Martin Provost : C’est sans doute l’intuition. Pourquoi je choisis ce thème plutôt qu’un autre, ce décor-ci, ce collaborateur-là, c’est ce qui fait le sel de ce qu’on est et de ce qu’on fait. Ce n’est pas explicable de façon rationnelle. Pour les jeunes filles, je n’avais pas de représentation précise. J’entends des voix, je vois des visages mais rien de bien précis…
Véronique : Alors que pour ceux de Yolande, Juliette Binoche et Noémie Lvovsky, c’était beaucoup plus précis…
Martin Provost : Oui ! En général, quand j’écris un film, c’est pour un acteur ou une actrice et ici encore, j’avais ces trois comédiennes en tête. Pour les jeunes, c’était plus compliqué parce que je ne les connais pas. C’était d’ailleurs ma peur d’avoir toute cette troupe-là parce qu’il y avait les quatre jeunes filles principales mais il y en avait quatorze autres. Je me suis demandé à de nombreuses reprises comment j’allais faire et ça s’est finalement très bien passé ! Ça a créé une ouverture et ça m’a donné l’envie d’écrire un scénario pour des jeunes…
Yolande Moreau : … Mais tu me laisseras quand même un petit rôle de vieille ? (rires)
Véronique : Et le résultat y est puisque l’on croit totalement au microcosme dans lequel on entre et qui existe déjà bien avant l’arrivée des spectateurs dans le récit. Vous vous êtes vues au préalable pour créer cette complicité entre jeunes filles ?
Anamaria Vartolomei : On s’est rencontrée quelques fois pour apprendre à nous connaître parce que ce n’était pas le cas. Je connaissais un peu Lily et Pauline (Taieb et Briand, ses camarades directes de jeu, ndlr) mais pas les autres. On a répété, on a surtout travaillé la danse et sa chorégraphie finale et on s’est en effet beaucoup vue durant des semaines et des mois …
Martin Provost : C’est-à-dire qu’on a répété sur la musique de Grégoire Hetzel tant pour la danse que pour l’appropriation des paroles…ça nous a demandé un temps fou. On a ensuite fait les répétitions avec Marion ce qui fait que quand on est arrivé avec Yolande, Juliette et Noémie, on a réglé les détails des déplacements de Yolande qui a des petits problèmes de genoux… Ça a été un plus parce qu’on a trouvé ce petit détail en plus qui est l’utilisation du triporteur et qui est finalement très drôle. Tout ce travail a créé des liens. Les petites, je les appelle ainsi même si elles sont loin de l’être, sont comme des abeilles dans une ruche. Elles étaient chez elles dans la maison et les liens étaient déjà créés quand on a commencé à tourner et je crois que ça change tout !
Véronique : Une maison incroyable dans laquelle se situe l’essentiel de votre action. Les décors sont incroyables, les salles de classe regorgent de détails, j’imagine que ça aide à entrer dans l’époque autant par les lieux que par les costumes et les multiples références à cette année dans laquelle vous êtes censées évoluer…
Martin Provost : Elle est incroyable ! Ce qui m’avait fasciné, c’est la scène qui ouvre le film, celle où on roule le store en bois. J’étais avec Guillaume Schiffman et on s’est dit ensemble : c’est le premier plan du film ! Quand on a la chance de trouver un décor pareil, c’est extraordinaire. La cuisine par exemple, elle était comme ça. Cette énorme cuisinière en fonte a été refaite mais elle était là. On a vraiment eu cette impression d’avoir trouvé le partenaire idéal parce que la maison en un à part entière. Véronique : Le film se déroule en 1967 et un vent de révolution souffle déjà depuis Paris. On peut dire qu’elle a pris plus d’ampleur grâce à la modernité des jeunes pensionnaires ? Yolande Moreau Je pense aussi qu’on prend conscience de ces changements annoncés grâce aux jeunes. L’histoire d’amour de Juliette, le fait que Lily se soit pendue, ça donne à réfléchir aux adultes. |
Martin Provost : C’était déjà évoqué dans le scénario. L’idée est que dans cette ruche, quelque chose implose et va mener à 1968. On en sent les prémisses, peut-être encore plus à travers le personnage de Marie qui transgresse les interdits… Notez que celui de Anamaria aussi. Elles transgressent les limites de la sexualité avec un homme ou une femme. En même temps, tout est en train de se déliter de l’intérieur. Le personnage de Yolande tombe amoureux pour la première fois mais du même homme que sa belle-sœur alors qu’elle était dans un rapport presque incestueux avec son frère… Autrefois, les frères décidaient pour leur sœur. Elles devaient demander la permission pour fleurter ou sortir en dehors de la maison…
Anamaria Vartolomei : C’est vrai ? Mais c’est complètement dingue !
Yolande Moreau : Ça existe encore dans certaines communautés maghrébines. J’ai un très bon ami comédien qui interdit à sa sœur de faire certaines choses ! C’est lui qui fait la loi.
Anamaria Vartolomei : Certainement ! On a toutes nos caractères et on refuse finalement les règles qui sont imposées parce qu’on ne les partage pas totalement.
Véronique : Si vous deviez garder un souvenir de tournage, de préparation, une anecdote ou un moment particulier de cette aventure, lequel garderiez-vous ?
Marie Zabukovec : Je me rappelle du fou rire qu’on a eu avec Juliette pour la scène de nuit. Un fou rire qui a duré jusque 5 heures du matin…
Martin Provost : … Et le père de Juliette était en train de mourir. Elle était épuisée ! C’était un tournage difficile pour elle parce qu’elle accompagnait son père qui était à l’hôpital. Deux ou trois jours plus tard, on tournait la scène de l’enterrement de Robert. Quand on tourne, on forme une espèce de matrice et on est tous des éléments que l’on soit acteur, technicien ou autre d’une seule et même chose, on entretient tous un lien avec elle. J’y pense tout le temps. Vous vous rendez compte qu’on tournait la scène d’un enterrement et que ce moment était extrêmement lié à ce que vivait Juliette dans sa vie privée. Dans un film, il y a toujours quelque chose à avoir avec ça. Si on arrive à faire cela avec un film, on touche à autre chose, à quelque chose d’universel…
Anamaria Vartolomei : Je suis entièrement d’accord avec ça ! Jusqu’ici, je n’avais pas de souvenir particulier mais maintenant que je réfléchis, la scène de la fuite dans l’escalier m’a marquée. Avec Pauline, on était tellement heureuse que nos personnages s’embrassent que ça nous a dépassé. A ce moment-là, on a oublié qu’on était nos personnages et on était très enthousiaste à l’idée qu’elle puisse avoir cette complicité. On sautillait partout, on était vraiment ravie pour elles. On recommençait la scène avec plaisir et Martin nous disait « C’est super, c’est parfait » et ça nous enjouait (rires)
Yolande Moreau : Les miens sont plus tournés vers la maison. J’y suis restée assez longtemps et j’ai un souvenir global heureux et harmonieux. Il faisait très beau et on était bien installé pour tourner-là. Je revois les jeunes filles courir dans ce très joli jardin, le linge qui pend… Toutes ces atmosphères liées au film et des images heureuses du matin dans la salle de maquillage, le côté bienveillant du tournage.
Marie Zabukovec (A Yolande Moreau) Un moment que j’ai beaucoup apprécié aussi dans le tournage, c’est au moment de la chorégraphie, quand tu étais dans la petite voiture (rires). Tu nous racontais tous tes souvenirs de jeunesse, que tu prenais ta petite voiture pour aller partout faire ton one-woman show… C’était très drôle
Yolande Moreau : Ah oui ? Je ne me rappelle pas l’avoir dit (rires)
Véronique : Un beau rappel de votre personnage du film « Quand la mer monte »
Yolande Moreau : C’est vrai ! J’étais sur les routes avec ma vieille DS, ça fait de magnifiques souvenirs !
Véronique : Notre petit moment ensemble touchant tout doucement à sa fin, je voulais évoquer avec vous vos projets futurs…
Yolande Moreau : Je reviens à Mons dans un mois pour mon spectacle et puis, j’écris aussi. J’ai des projets de films l’année prochaine avec Chad Chenouga (avec qui elle a tourné « De toute mes forces », ndlr) et Dominique Cabrera, des gens avec qui j’ai déjà travaillé et si j’arrive à tout faire et tourner mon film, c’est bien (rires)
Marie Zabukovec : Pour l’instant, je me retrouve au chômage mais je profite pleinement. Sinon, j’ai aussi tourné dans le film de Ludovic Bergery, « L’étreinte » dans lequel j’ai un petit rôle et qui est un très joli film. Il sort dans un mois et demi normalement mais il faut attendre de voir s’il sera pris à Cannes…
Anamaria Vartolomei : Pour ma part, il y a la sortie prochaine de « Just Kids » de Christophe Blanc et cet été je tournerai dans une série…
Martin Provost : Et pour moi, de l’écriture mais je n’en dis pas plus pour l’instant… Peut-être que j’écris pour ces trois-là (rires)
Anamaria Vartolomei : C’est vrai ? Mais c’est complètement dingue !
Yolande Moreau : Ça existe encore dans certaines communautés maghrébines. J’ai un très bon ami comédien qui interdit à sa sœur de faire certaines choses ! C’est lui qui fait la loi.
Anamaria Vartolomei : Certainement ! On a toutes nos caractères et on refuse finalement les règles qui sont imposées parce qu’on ne les partage pas totalement.
Véronique : Si vous deviez garder un souvenir de tournage, de préparation, une anecdote ou un moment particulier de cette aventure, lequel garderiez-vous ?
Marie Zabukovec : Je me rappelle du fou rire qu’on a eu avec Juliette pour la scène de nuit. Un fou rire qui a duré jusque 5 heures du matin…
Martin Provost : … Et le père de Juliette était en train de mourir. Elle était épuisée ! C’était un tournage difficile pour elle parce qu’elle accompagnait son père qui était à l’hôpital. Deux ou trois jours plus tard, on tournait la scène de l’enterrement de Robert. Quand on tourne, on forme une espèce de matrice et on est tous des éléments que l’on soit acteur, technicien ou autre d’une seule et même chose, on entretient tous un lien avec elle. J’y pense tout le temps. Vous vous rendez compte qu’on tournait la scène d’un enterrement et que ce moment était extrêmement lié à ce que vivait Juliette dans sa vie privée. Dans un film, il y a toujours quelque chose à avoir avec ça. Si on arrive à faire cela avec un film, on touche à autre chose, à quelque chose d’universel…
Anamaria Vartolomei : Je suis entièrement d’accord avec ça ! Jusqu’ici, je n’avais pas de souvenir particulier mais maintenant que je réfléchis, la scène de la fuite dans l’escalier m’a marquée. Avec Pauline, on était tellement heureuse que nos personnages s’embrassent que ça nous a dépassé. A ce moment-là, on a oublié qu’on était nos personnages et on était très enthousiaste à l’idée qu’elle puisse avoir cette complicité. On sautillait partout, on était vraiment ravie pour elles. On recommençait la scène avec plaisir et Martin nous disait « C’est super, c’est parfait » et ça nous enjouait (rires)
Yolande Moreau : Les miens sont plus tournés vers la maison. J’y suis restée assez longtemps et j’ai un souvenir global heureux et harmonieux. Il faisait très beau et on était bien installé pour tourner-là. Je revois les jeunes filles courir dans ce très joli jardin, le linge qui pend… Toutes ces atmosphères liées au film et des images heureuses du matin dans la salle de maquillage, le côté bienveillant du tournage.
Marie Zabukovec (A Yolande Moreau) Un moment que j’ai beaucoup apprécié aussi dans le tournage, c’est au moment de la chorégraphie, quand tu étais dans la petite voiture (rires). Tu nous racontais tous tes souvenirs de jeunesse, que tu prenais ta petite voiture pour aller partout faire ton one-woman show… C’était très drôle
Yolande Moreau : Ah oui ? Je ne me rappelle pas l’avoir dit (rires)
Véronique : Un beau rappel de votre personnage du film « Quand la mer monte »
Yolande Moreau : C’est vrai ! J’étais sur les routes avec ma vieille DS, ça fait de magnifiques souvenirs !
Véronique : Notre petit moment ensemble touchant tout doucement à sa fin, je voulais évoquer avec vous vos projets futurs…
Yolande Moreau : Je reviens à Mons dans un mois pour mon spectacle et puis, j’écris aussi. J’ai des projets de films l’année prochaine avec Chad Chenouga (avec qui elle a tourné « De toute mes forces », ndlr) et Dominique Cabrera, des gens avec qui j’ai déjà travaillé et si j’arrive à tout faire et tourner mon film, c’est bien (rires)
Marie Zabukovec : Pour l’instant, je me retrouve au chômage mais je profite pleinement. Sinon, j’ai aussi tourné dans le film de Ludovic Bergery, « L’étreinte » dans lequel j’ai un petit rôle et qui est un très joli film. Il sort dans un mois et demi normalement mais il faut attendre de voir s’il sera pris à Cannes…
Anamaria Vartolomei : Pour ma part, il y a la sortie prochaine de « Just Kids » de Christophe Blanc et cet été je tournerai dans une série…
Martin Provost : Et pour moi, de l’écriture mais je n’en dis pas plus pour l’instant… Peut-être que j’écris pour ces trois-là (rires)