Note du film : 8,5/10 (par Véronique) Résumé du film : XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves. Avis : S’il ne sort que mi-février dans nos salles, « Silence » fait néanmoins l’objet de nombreuses avant-premières, à Paris ou dans notre plat pays. Très attendu, le dernier long-métrage de Martin Scorsese s’annonce comme un grand film et à raison ! Par sa thématique, son approche et son casting impeccable, le cinéaste nous offre un moment de cinéma philosophique mémorable. Comme toujours, un film estampillé « Scorsese » est forcément gage de qualité ! « Silence » est un titre qui interpelle et à la vision du film, on comprend que sa signification est plurielle. En effet, il évoque le silence de Dieu, envers qui les peuples récemment convertis et les prêtres catholiques se tournent (pour obtenir une réponse, un signe, une lueur d’espoir... en vain). Mais c’est aussi celui dont est témoin Rodrigues, le personnage principal du film, qui s’étonne du silence des chrétiens prisonniers et prêts à être exécutés sans broncher. Pourquoi contredire le destin et lutter pour sa foi alors que le paradis est un lieu meilleur, où on n’a pas faim, pas de douleurs, pas de travail dur ? Ce n’est donc pas tant la quête de nos deux prêtres pour retrouver leur maître à penser qui est au centre du film. La place prédominante est laissée à ce que représente la foi, permettant ainsi de s’interroger sur ce que l’on est prêt à endurer pour protéger nos convictions. Au contraire, n’est-il pas plus facile de délaisser ses croyances pour sauver sa vie ? Les Japonais, récemment convertis, ne sont-ils pas plus forts que les missionnaires prêts à bafouer leur religion? Un Inquisiteur dira d’ailleurs (très justement ?) : « Au Portugal, ta religion est ta vérité. Ici, c’est la mienne »… Ont-ils dès lors moins de scrupule à délaisser leurs dogmes religieux à mille lieues de chez eux ? Cette aventure quasiment biblique ne manquera d’ailleurs pas de nous rappeler quelques similitudes avec le parcours de Jésus. Si ce n’est pas le fils de Dieu qui réalise son chemin de croix, ici c’est Rodrigues, jeune père catholique qui est au centre de nos attentions. Sur sa route, il croisera Kichijiro, personnage presque iconique, qui nous fera tantôt penser à l’apôtre Pierre, tantôt à Judas. Mais il ne sera pas le seul à évoquer quelques aspects de la Passion du Christ: on en veut pour exemple, un subtil chant du coq qui fera tiquer les spectateurs attentifs. Nous en restons persuadés, plus qu’un drame historique, c’est bien une œuvre métaphysique qu’offre Martin Scorsese. A 74 ans et avec une vingtaine de films derrière lui, il parvient malgré tout à nous étonner encore et toujours! Grand réalisateur de notre temps, il ne joue jamais la carte de la facilité et abat ici une carte étonnante. « Taxi Driver », « Gangs of New York », « Shutter Island », « Le loup de Wall Street », autant de film différents, autant de réussites. Ce cinéaste de renom n’a pas fini de surprendre et nous livre ici une fresque historique et religieuse mémorable, où les émotions, la perdition, le doute mais aussi l’espoir jalonnent une histoire vraie inspirée du récit de Cristovão Ferreira. Exit Léonardo Di Caprio, un de ses comédiens fétiches. Il débroussaille la forêt japonaise pour faire place à un autre acteur contemporain remarquable : Andrew Garfield (« Tu ne tueras point », « 99 Homes »). Abandonné par un Dieu sourd aux suppliques et aveugle face aux tortures de son peuple, l’acteur sublime son personnage par une interprétation magistrale et digne des plus grands ! Car si l’affiche met en avant Liam Nesson (à l’affiche cet hiver de « Quelques minutes après minuit »), il n’est qu’un personnage secondaire, important plutôt absent. L’objet de toutes les attentions, c’est clairement Rodrigues (A. Garfield) et son acolyte Francisco porté par le grand et talentueux Adam Driver. Plus en retrait, ce dernier est totalement impliqué, tant mentalement que physiquement, pour faire vivre son personnage doutant par moment de sa foi. Long (il dure près de 2h40), le film est terriblement immersif. On pourrait reprocher à Scorsese son rythme lent, mais on ne se lasse pas de contempler ce Japon médiéval, les pratiques plus que douteuses de l’Inquisition et l’espoir qui naît des peuples opprimés pour un Dieu qu’ils viennent d’appréhender. Il soulève énormément de questions chez le spectateur qui ne se cantonne pas à ce rôle. Par notre proximité du personnage principal (envers lequel on a empathie bienveillante), par l’accaparement de ses découvertes, ses émotions et ses doutes, on réalise un travail introspectif sur notre propre foi ou notre vision agnostique, acceptant ou non les limites d’une religion et des ses répresseurs. Certaines scènes, violentes, déplairont au public sensible mais ne sont-elles pas simplement le reflet d’une pratique révoltante ? La reconstitution époustouflante de l’époque, la nature silencieuse et authentique, l’atmosphère inquiétante, brumeuse et désolée de la campagne japonaise appuient le propos du cinéaste, qui, on le sent, condamne les guerres de religion, les répressions et l’absence du libre arbitre dans certaines régions du monde. Ceux qui sont habitués au cinéma dynamique de Scorsese et qui s’attendent à trouver un film dans la même veine que ses précédents opus risqueraient de trouver le métrage un peu trop long. Avec « Silence », il revient en effet dans un cinéma plus spirituel, plus proche de « La Dernière tentation du Christ » ou de « Kundun ». D’ailleurs, ceux qui auront une lecture plus approfondie du sujet, prendront un plaisir incommensurable à suivre ces pères engagés dans un Japon d’autrefois où il n’était pas bon d’être catholique. Pour notre part, nous ne pouvons que vous recommander de faire partie du voyage et de vous faire votre propre opinion. Date de sortie en Belgique : 15 février 2017 Durée du film : 2h39 Genre : Drame
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