S’appuyant sur les codes chers au western et y parsemant de jolis brins d’humanité, le dernier long-métrage du réalisateur britannique est non seulement éblouissant par sa photographie, ses cadres et la splendeur des étendues arides, sauvages et désertiques traversées par un tandem attachant, mais l’est aussi par son interprétation et sa mise en scène où tension et altruisme se côtoient dans un monde en mouvement et rempli de dangers. Mon nom est Cigale Des années avant l’arrivée des « infos » dans les salles de cinéma, l’ouverture sur le monde se faisait au travers des séances de lecture où des voyageurs lettrés reprenaient le rôle de crieur public et permettaient aux habitants des quatre coins du pays de connaître les faits divers et autres avancées locales ou nationales contre quelques piécettes d’argent durement gagnées. En cela, le titre original « News of the world » révélait tout le sel du métier de notre héros du jour, le Capitaine Jefferson Kyle Kidd, vétéran de guerres qui l’ont profondément marqué et emmené sur les routes interminables des états confédérés, l’occasion de voir le monde nouveau à travers un regard qui se porte sur différents horizons. Inscrite dans le début des années 1870, l’histoire personnelle de notre Capitaine Kidd va prendre un nouveau tournant lorsqu’au détour d’un chemin sablonneux, le lecteur pacifiste va rencontrer la toute jeune Johanna, petite fille à la peau pâle, abandonnée des siens et témoin de rares violences. Commence alors une longue route qui emmènera ce duo improbable mais attendrissant sur 600 Km de traces traversant les grandes plaines arides et dures, à l’image du visage fermé de cette gamine qui ne demande qu’à être apprivoisée. Relativement convenu dans sa trame générale, « La mission » puise son énergie dans le jeu à nouveau incroyable de la petite Helena Zengel (découverte dans ce film coup de cœur « Benni – System crasher » où elle crevait déjà l’écran du haut de ses … 9 ans !) et la bonté désormais coutumière d’un Tom Hanks qu’on aime retrouver dans ce genre de rôle si bien dessiné. Evoquant furtivement les troubles de l’époque avec intelligence (l’abolition, la difficile consolidation de l’Union nationale, la déshumanisation des Indiens et la violence des exploitations de certaines régions) est aussi une magnifique illustration de l’acculturation, de la construction de repères et de l’importance de se rattacher à quelques reliques d’une vie passée pour ne pas totalement s’oublier. Qu’il s’agisse de celles de Jefferson ou de la jeune Johanna, les traces des souvenirs ne cessent de les hanter et l’apprivoisement de l’un et de l’autre permettra de reconstruire un avenir, que l’on espère lumineux, sur les ruines d’une violence dont ils ont été témoins, lumière qui donne un rare éclat à nos écrans, sublimant chaque scène, chaque décor traversé dans une photographie qui se fige dans notre mémoire cinéphile et éblouit le scénario équilibré d’un Luke Davies (« Lion », « My beautiful boy ») au sommet de son talent. La tension palpable et la réalisation sans faille de Paul Greengrass, le duo complémentaire formé par le chevronné Tom Hanks et la toute jeune Helena Zengel (qui se met à son niveau et n’est jamais effacée), la rudesse de la (sur)vie d’une nation en construction et la profonde humanité née de la crainte et la protection font de « La mission » une fascinante relecture du genre western moins sombre (et pourtant violente), teintée d’empathie mais surtout d’espoir.
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