En effet, le film, qui permet de réunir à l’écran l’impeccable (et implacable) Viola Davis et le très convaincant Chadwick Boseman, n’a pas son pareil pour nous emmener dans des interactions volubiles à ne plus en finir, échanges qui permettent de cerner les contours des conditions d’afro-américains venus s’installer dans le Chicago des années 1920… Attirée à coup d’articles alléchants et de promesses de vie meilleure, la communauté noire de l’époque traverse les USA pour trouver de quoi subsister dans le Nord où la réalité dépeinte de façon fallacieuse est bien loin de tout ce que ces braves volontaires avaient pu s’imaginer. Persécutée et sous-estimée, la population afro-américaine parvient cependant à s’exprimer à travers la musique jazzy, dont Ma Rainey est une figure de proue incontestée. Diva impatiente, exigeante et au caractère bien trempé, la chanteuse de blues se voit conviée à une session d’enregistrement qui marquera à jamais tous ceux qui y ont pris part, des musiciens au producteur de la maison de disque blanc, en passant par la petite amie de la chanteuse ou son adorable neveu. Respectant l’unité de temps et de lieu chère au théâtre, « Le blues de Ma Rainey » nous offre un huis clos tendu où des protagonistes bien différents se côtoient durant quelques heures. Levee (Chadwick Boseman) voit en cette session d’enregistrement, l’occasion de révéler tout son talent et de négocier le virage de sa propre carrière alors que le band de Ma préfère apaiser les tourments et les rêves de grandeur, attendant nonchalant l’arrivée de la diva… Problèmes techniques, manque de respect, tension et passion pour cette musique si parlante et évocatrice des tourments vécus par les afro-américains sont l’occasion de permettre à chacun de s’exprimer et livrer une part de son vécu, d’entrer dans l’intime et le passé d’êtres qui ont été marqués par ce qu’ils ont connu. Avec « Ma Rainey’s Black Bottom » (titre de sa version originale – « Black Bottom » étant l’un des succès de la chanteuse), August Wilson brosse à nouveau le portrait d’une époque par des situations et des mots criant de vérité, s’appuyant sur des figures fortes et sincères qui communiquent une belle humanité… Cette intelligence d’écriture et cet angle, nous l’avons d’ailleurs déjà découverte dans une très belle adaptation dans le « Fences » de Denzel Washington (dans lequel on retrouvait déjà... Viola Davis), film que l’on préfère à celui-ci, peut-être parce qu’il nous semblait plus facile de nous identifier à ses protagonistes. Très verbeux, le métrage de George C.Scott peut néanmoins s’avérer longuet pour qui n’apprécierait pas cet exercice de style et cette porte d’entrée dans un univers qui a pourtant de nombreuses qualités. Si on applaudit la performance de Viola Davis (nous regrettons néanmoins le playback très peu subtil utilisé lors des scènes de chant), celle de Chadwick Boseman et du casting masculin incarnant les musiciens attachants, nous regrettons l’empressement et l’enchaînement sans répit d’événements et d’incidents qui auraient pu prendre davantage leur temps…
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