Note du film : 8/10 pour Stanley, 7,5/10 pour Sally Résumé : Wyoming, quelques années après la guerre de Sécession. Une diligence traverse un paysage enneigé. A son bord, John Ruth, un chasseur de primes et Daisy Domergue, une criminelle emmenée à l’échafaud. Sur la route, ils croisent le Major Marquis Warren et Chris Mannix, nouveau shérif de Red Rock. Tout ce petit monde fait un bout de voyage ensemble avant de faire escale dans une mercerie, espérant y trouver refuge et se protéger du blizzard menaçant. En poussant la porte du relais, ils se retrouvent face à quatre occupants : Bob, le tenancier, Oswaldo Mobray, Joe Gage et le Général Sanford Smithers. La neige bat son plein et les doutes naissent au cœur du refuge de fortune… Avis : Huit salopards… huit comme le nombre de longs-métrages réalisés par Quentin Tarantino. (On vous invite à faire un petit break et à essayer de trouver le titre de ses sept réalisations précédentes…c’est bon, vous avez trouvé ? ;-) ). Huit… soit la note que Stanley accorde à ce huit-clos époustouflant, oppressant et palpitant. On le savait en se rendant dans notre salle de cinéma préférée : en entrant dans l’univers des « Huit salopards », nous serions immergés dans un univers sombre, une intrigue aux multiples rebondissements et à la rencontre de personnages hors normes. On s’en doutait mais on n’imaginait pas que ce serait à ce point là. Au carrefour d’œuvres telles que « Reservoir dogs » (avec Michael Madsen et Tim Roth justement) et « Django Unchained » pour la violence qui s'en dégage, on ne peut que s’exclamer « Dieu que c’était bon ! » à la sortie de la projection. Avec sa dernière réalisation, Tarantino rend un bel hommage aux westerns purs et durs. Les décors, l’ambiance, les personnages, les répliques cinglantes ne sont pas sans rappeler les grands classiques du western spaghetti. D’ailleurs, on songe forcément à Sergio Leone, d’autant plus quand la bande originale est signée… Ennio Morricone himself. Mais il n’est pas le seul à signer les titres du film : les White Stripes, Roy Orbison et David Hess ajoutent leur petite touche musicale et équilibre le tout, tantôt de façon moderne, tantôt de façon plus « traditionnelle ». On sait combien la musique est importante pour le réalisateur qui la choisit toujours avant la prise de vue… Dès les premières minutes du générique, on frissonne à l’écoute du thème d’ouverture. Les grands noms défilent sous une écriture proche de celle des sixties et on comprend que Tarantino s’est fait plaisir et soigne son film jusqu’au bout des lettres… D’ailleurs, la réalisation en 70mm traduit la volonté du réalisateur d'imprimer avec authenticité sur pellicule un genre jadis extrêmement populaire en le rendant (paradoxalement) extrêmement moderne car totalement décomplexé d'une quelconque « morale ». Pour parfaire la dynamique de son scénario, qu’il a lui-même écrit et vu « fuiter » sur le net à son grand désarroi, Quentin Tarantino a décomposé son histoire en cinq chapitres distincts : Dernière escale à Red Rock ; Le fils de putois ; La mercerie de Minnie ; Les quatre passagers ; Homme noir, enfer blanc. Une voix off un peu rétro (et surprenante) viendra d’ailleurs se calquer sur quelques enchaînements et rafistolera le tout sous des faux airs de parodie. Cinq chapitres pour près de trois heures de film… La durée du film conséquente divisera l'opinion tout comme elle nous a divisé. Elle peut paraître un peu longue pour certains (Sally en fait partie et raboterait bien 30 minutes du film pour qu’il soit parfait), d’autres s’étonneront de voir la fin venir et en redemanderait bien encore (n’est-ce pas Stanley ?). Ces derniers savoureront ces 2h46 en s'imprégnant d'une ambiance (le chalet parfaitement reconstitué façon western crépusculaire), des joutes verbales ultra jouissives où l'humour côtoiera notre indignation devant un racisme et une monstruosité révélée. Pari risqué et étrangement réussi. Un tel scénario ne pouvait réellement s’épanouir qu’à travers des décors dignes de son intrigue. Tourné au cœur des Rocheuses, il fallait construire un environnement hostile et typique pour que l’immersion soit totale et c’est plutôt réussi ! Yohei Taneda a d’ailleurs fait un travail extraordinaire et nous plonge dans une mercerie ultra réaliste où chaque détail a sa place. De la boîte de conserve aux raquettes en bois en passant par les planches ajourées des fenêtres aux peaux de bête suspendues, tout est net et précis. Il en va de même pour les costumes de Courtney Hoffman, qui permettent d’identifier chaque personnage en un coup d’œil. Chapeau bas à l’équipe technique qui a du sacrément bosser pour offrir un tel résultat ! Ensuite, le film n’aurait pas été aussi abouti s’il n’était pas interprété par un casting de rêve. Les acteurs et leurs personnages ont d’ailleurs été fortement mis à l’honneur via une collection d’affiches très différentes les unes des autres. On a ainsi pu croiser le regard de tous les protagonistes à maintes reprises avant de les rencontrer dans le long-métrage. Raison pour laquelle ils nous semblaient presque tous familiers une fois les présentations réalisées. Les acteurs, excellents pour la plupart, jouent à l'unisson. La palme reviendra cependant à Kurt Russell qui nous livre ici sa meilleure prestation depuis... quelques temps déjà. Méconnaissable, apparaissant « vieux » il nous fera presque penser à Jeff Bridges. Sincère dans son jeu, il vous éblouira véritablement ! Dans cette fameuse équipe, on trouve également Samuel L. Jackson (qui tourne pour la 4ème fois avec Tarantino après « Pulp Fiction », « Jackie Brown » et « Django Unchained ») qui joue ce qu'on lui connaît. Jamais en difficulté, il remplira parfaitement le contrat. Tim Roth quant à lui divisera la rédaction. Stanley a aimé sa prestation même si elle lui rappelle le « jeu » de Christoph Waltz par sa verve et son cabotinage. Quant à Sally, elle émettra une petite réserve sur son jeu trop « clean » et moins profond que celui de ses partenaires. Preuve que là aussi, chacun aura sa perception des choses. Michael Madsen possède un rôle qui, à notre avis, est sous-exploité. Figure discrète, il ressemblera visuellement davantage aux cowboys tels que nous nous les imaginons. Notre palme va à l’étonnante et magistrale Jennifer Jason Leigh, seule figure féminine de la bande… et quelle figure ! Nous ne souhaitons pas vous en dire trop sur son personnage mais sachez qu’elle vous glacera le sang par ses regards sombres ou ses réactions de folie plus vraies que nature : incroyable !! En lice pour le Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle, on espère sincèrement que la profession ne s’y trompera pas et la récompensera telle qu’elle le mérite ! Belle découverte en la personne de Walton Goggins, qui incarne le nouveau Sheriff de Red Rock. Intelligent derrière ses airs de benêt, son personnage ne fera qu’évoluer tout au long du film et ne cessera de nous surprendre. Dans les seconds couteaux, qui n’en sont pas vraiment : Bruce Dern, acteur formidable et hautement convaincant (on l’avait adoré dans son rôle de vieux sénile dans l’excellent film « Nebraska ») et Demian Bichir qui accueille tout ce petit monde avec une hospitalité relative. Notre petit regret est de l’avoir vu en version française (notre cinéma de quartier ne proposant pas la version originale) car il y a fort à parier que tout ce petit monde a poussé l’interprétation jusque dans leur accent. Cependant, le doublage est plutôt bon et ne gâche en rien notre plaisir tant il est soigné. Vous l’aurez compris, nous sommes loin des films d'antan mettant en lumière la figure du juste, du chevalier blanc. Celui qui jadis se battait pour la veuve et l'orphelin et qui, jamais, ne déviait de la route. Nous le savons, Tarantino préfère les vilains, les cabossés, les tourmentés. Ici, les contours ne sont jamais dessinés. A l'instar de ce blizzard rendant prisonniers les protagonistes (et nous avec eux), nous ne se savons pas qui est le plus dangereux, le plus crapuleux, le plus violent. La seule certitude, au crépuscule de cette déferlante de violence, c'est qu'aucun des personnages n'est tout blanc. Tarantino oblige, l'injustice sera également présente comme étant un « code » du réalisateur… comme pour nous montrer que la vie peut l'être aussi. « Les huit salopards », (« The Hateful Eight » dans sa version originale) a été comparé à plusieurs reprises dans la presse aux « dix petits nègres » d’Agatha Christie.. . A raison car nous sommes dans l’expectative de découvrir qui sera la prochaine victime, qui appuiera sur la gâchette. Le sang gicle, les têtes explosent : on est bel et bien dans un film de Tarantino ! On passe de l’humour (noir) au cynisme avec une aisance presque déconcertante. Si on ne peut réprimer des rires et s’amuser des répliques cinglantes des différents protagonistes, on doit admettre qu’elles sont parfois « trash », racistes ou misogynes (aucune considération pour la seule femme « criminelle » présente), le langage très sudiste embaumera profondément le chalet de ce huit clos du mal … On trouve l’excuse que ce ton devait être usité à l’époque…oui mais quand même, en 2016, ça peut tout de même soulever quelques indignations. Même choses pour quelques scènes écoeurantes « borderline » qui marqueront l’esprit du spectateur et risquent de créer la polémique… Mais après tout, le film en lui-même ne la crée-t-elle pas déjà ? Âmes sensibles s’abstenir, « Les huit salopards » n’est pas à mettre entre toutes les mains. Les plus jeunes devront encore attendre quelques années avant de découvrir l’univers violent (physiquement et verbalement) du réalisateur américain. Violent (voire gore), emprunt d'une folie macabre et furieuse, la haine tapisse l'intérieur des principaux protagonistes et se révélera pour emporter tout sur son passage lors d'effusions de sang mémorables. Nommé dans deux catégories aux Golden Globes 2016 (Meilleure actrice dans un second rôle pour Jennifer Jason Leigh et meilleur scénario), le film ouvre l’année 2016 d’une bien belle façon ! Date de sortie en Belgique : 6 janvier 2016 Durée du film : 2h46 Genre : Western Titre original : The Hateful Eight
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