Résumé du film : « The lighthouse » raconte l'histoire hypnotique et hallucinatoire de deux gardiens de phare sur une île mystérieuse et reculée de Nouvelle-Angleterre dans les années 1890 Avis : Présenté au Film Fest Gent en ce début du mois d’octobre 2019, « The Lighthouse » est un film qui divisera le spectateur ! Alors que certains seront sensibles à l’esthétique particulière du film et au jeu des acteurs, d’autres s’insurgeront devant cette réactualisation du mythe de Prométhée. De notre côté, nous devons avouer que nous faisons partie de la première catégorie ! « The Lightouse » : jamais un phare n’avait été aussi bien filmé ! Quels sont les points communs entre « The Witch » sorti en 2016 et « The Lighthouse » ? Le réalisateur ? Vous avez raison ! Le cinéaste de 36 ans, Robert Eggers, est de nouveau aux commandes de ce duel psychologique. Mais la dernière ressemblance est plus difficile à établir. Dans les deux cas, le réalisateur semble vouloir transposer sur grand écran un mythe en jouant un maximum sur les codes. D’emblée, ce qui frappe avec « The Lighthouse », c’est le choix du format.Le 4/3 est employé avec beaucoup de pertinence pour renforcer la promiscuité entre les personnages, véritablement prisonniers de ce phare. Ne parlons même pas de l’échelle des plans qui permet de filmer les visages et les émotions tout comme cette île lointaine battue par les vents et la pluie. Nous ressentons en permanence une forme d’oppression et de solitude, échantillon de ce que doivent également ressentir les personnages. La mise en scène y est excellente et le soin a été mis sur la photographie qui flatte véritablement la rétine. D’ailleurs, le film est dans son ensemble, visuellement très beau et les images sont très fortes. L’utilisation du noir et blanc donne un cachet unique au film. A cela, nous devons aussi saluer le formidable travail sur le son (spatialisation et minimalisme lorsque la situation l’exige) qui permet de déstabiliser le spectateur et de jouer avec ses sens. Pattinson/Dafoe : Opposition de deux vraies personnalités Si notre impression du film est aussi bonne, c’est parce que, outre la direction artistique fabuleuse, le spectacle se passe aussi dans la confrontation permanente de ces gardiens de phare. Willem Dafoe est le personnage le plus expérimenté, et, en tant que tel, s’occupera de la lumière du phare. Très vite, nous mesurons son obsession pour sa tâche qu’il ne veut pas laisser à son jeune collègue. Tout naturellement, Robert Pattison devra s’occuper de toutes les tâches ingrates et lourdes à accomplir en nourrissant le désir d’entretenir la lumière. Le soir, les deux compères se retrouvent, mangent et boivent en chantant de veilles chansons de marins… comme pour oublier les difficultés de la journée. Réellement impressionnants dans leurs rôles, les comédiens sont investis comme jamais dans des jeux finalement assez complexes à jouer. Tous deux ont un passé et des failles que le réalisateurs nous propose de découvrir au fur et à mesure du récit. De ces failles naîtront la folie, les hallucinations et la paranoïa que l’alcool consolidera dans un destin tragique. Finalement, le scénario est assez simple sans être non plus simpliste. Il se proposera de présenter deux gardiens aux personnalités antagonistes dans un lieu isolé et très rude. A ce récit, se mêle les contes et légendes des marins que nos (anti)-héros chanteront de toutes leurs tripes. A travers les joutes verbales qu’ils se livreront, nous mesurons pour le réalisateur l’importance des mots comme vecteurs d’émotions. Pourtant, nous pouvons tout de même pointer un récit qui tourne en rond malgré une folie qui progresse. Cela pourra en refroidir certains. Tout comme la dernière scène assurément très choquante qui poussera la modernisation du mythe de Prométhée à son effroyable terme. Âmes sensibles s’abstenir… En conclusion, « The Lighthouse » est avant tout une expérience de cinéma magnifiée par une technique sans faille et de brillants comédiens. Le recours au noir et blanc et au format 4/3 donne une vraie identité à cette confrontation psychologique qui ne fera que monter vers un final cruel, à l’image du destin de Prométhée. Voilà un réalisateur qui va au bout de ses intentions, quitte à susciter de vives réactions. Durée du film: 1h49 Genre: Thriller psychologique
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Résumé du film : À la suite des attentats du 11 septembre, l'agent Daniel Jones (Adam Driver) se voit confier la délicate enquête sur les techniques d’interrogatoires de la CIA. Après plusieurs années d’enquête approfondie, il découvre l’existence de pratiques de torture immorales et cruelles que la CIA a longtemps tenté de passer sous silence. Mais la publication de ce rapport s’avère plus compliquée que prévu. La Maison blanche et la CIA mettent tout en œuvre pour étouffer les révélations de cette enquête. Avis : Avec son casting cinq étoiles et son scénario haletant, « The report » est assurément un des films incontournables de ce moment. L’impeccable Adam Driver brille encore de mille feux et nous guide dans les coulisses d’une affaire pour laquelle on se prend de passion de son générique d’ouverture à sa conclusion. Car si on craignait de découvrir un énième thriller politique aux informations confidentielles et difficilement compréhensibles, il n’en est rien. Le premier long-métrage de Scott Z. Burns est au contraire une réelle réussite et une formidable enquête au cœur du système (politique) américain. The torture report Porté brillamment par un Adam Driver toujours excellent et ultra convaincant, ce Dan Jones n’est pas seulement le guide d’exception de la trame scénaristique étoffée de Scott Z. Burns. C’est aussi un reflet très juste d’une commission qui aura passé près de cinq ans dans un sous-sol éclairé par une lumière artificielle, passé au crible de nombreux rapports trafiqués et rédigé près de 7000 pages d’un condensé aussi effrayant qu’accablant pour une CIA jamais ébranlée. Le manque d’éthique de l’agence de renseignements, ses méthodes d’interrogation musclées, douteuses et infructueuses, les manipulations mises en place pour justifier l’octroi d’un budget de près de 80 millions dollars interpellent, questionnent et effraient qui s’y intéresse un tant soit peu. A la croisée de « Spotlight » et de « Pentagon Papers », « The report » propose un angle efficace et conserve toute notre attention durant les deux heures à tel point que, même si l’on met un peu de temps à comprendre les rapports qui animent nos personnages et les enjeux d’une telle procédure colossale, on s’étonne de voir son générique arriver et de découvrir l’issue du long travail effectué. Six ans, c’est le temps qu’aura mis Dan Jones pour parcourir avec ses collaborateurs bipartites les nombreux documents relatifs aux interrogatoires post 11 septembre 2001. Illustrée par des flash-back bienvenus et parfaitement intégrés, l’intrigue se dénoue peu à peu, nous montrant combien Jim Mitchell, responsable des fameux interrogatoires, n’a non seulement jamais obtenus de résultats probants mais pire, ne disposait d’aucune qualification pour travailler comme il le faisait. Déjà utilisées en 1978, ces pratiques honteuses se sont révélées à nouveau infructueuses et auraient très probablement encore les grâces de la CIA si la sénatrice californienne Dianne Feinstein (époustouflante Annette Bening) ne s’était pas penchée sur leur cas. Véritable travail journalistique particulièrement bien écrit et formidablement dialogué, « The report » surfe sur la vague des films politiques dans la lignée des « Hommes du Président » et parvient à créer une tension grandissante où chaque membre du casting trouve sa place (de choix) et apporte sa pierre à un formidable édifice incroyablement stable malgré sa taille colossale. Et pourtant, qui aurait pu penser que passer deux heures dans les bureaux de la Maison Blanche ou dans les sous-sols d’un bureau déprimant et rebutant nous aurait à ce point passionné ? Dan Jones, au rapport. Mais la qualité du métrage ne vient pas que de son style inégalable. Son interprète principal y est pour beaucoup et c’est peu de dire qu’Adam Driver nous surprend à nouveau dans un rôle taillé sur mesure pour son impressionnante carrure. Membre du « US Select Committee on Intelligence » et chargé de rédiger un rapport sur les anomalies relevées dans les interrogatoires menés par la CIA après les attentats du 11 septembre 2001, Dan Jones a tout de l’Américain moyen. Si on sait peu de choses de sa propre vie (on le sait juste solitaire et célibataire), on s’attache pourtant très vite à cet « employé » en quête de vérité, fidèle à ses valeurs et impliqué malgré le détachement que demandait ce travail obsédant et éprouvant. Ses interventions judicieuses, ses trouvailles révélées au grand jour et son éthique irréprochable (alors que le moindre faux pas s’avèrerait préjudiciable) sont autant d’éléments qui rendent ce Dan Jones chaque minute un peu plus admirable. Défendant la cause de ces 119 détenus torturés pour un semblant de vérité, travaillant de nombreuses années avec la même conviction que celle-ci devait être réajustée, le protégé de la sénatrice Feinstein en impose par ses dialogues passionnés et ses répliques affutées. Soutenu par une série de politiques campés efficacement par Michael C. Hall (« Dexter »), Corey Stoll (« The strain ») ou encore Jon Hamm (« Mad Men »), ce jeune idéaliste désabusé n’a pas fini de nous marquer. Captivant de bout en bout, « The report » se vit plus qu’il ne se raconte. Impeccable dans son fond comme dans sa forme, le premier long-métrage de Scott Z. Burn fait partie de ceux dont on se souviendra longtemps et que l’on redécouvrira avec plaisir et enchantement. Durée du film : 2h00 Genre : Drame/thriller Résumé du film : En Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, Jojo « Rabbit » Betzler, âgé de 10 ans, est maltraité par ses camarades. Il se console avec son ami imaginaire, Adolf Hitler. Amoureux de la « nation », il voit sa vie remise en cause lorsqu'il découvre que sa mère, Rosie, cache une jeune fille juive, Elsa Korr. Avis : Présenté en avant-première au Film Fest Gent en octobre dernier, « Jojo Rabbit » figure parmi la liste des films 2020 que l’on attendait avec impatience. A la sortie de la projection, nous pouvons d’ores et déjà dire que nous n’avons pas été déçus. Porté par un casting quatre étoiles, le dernier long-métrage de Taika Waititi (« Thor : Ragnarok ») parvient à aborder avec une absurdité appréciable l’une des périodes les plus monstrueuses de notre Histoire. Adolf, un ami (imaginaire) qui vous veut du bien Comparé parfois à « La vie est belle » de Roberto Benigni ou « Le gamin au pyjama rayé » de Mark Herman pour son traitement allègre de l’horreur perpétrée durant la Seconde guerre mondiale, « Jojo Rabbit » allie en effet humour et drame dans un film familial savamment interprété. Décalé, absurde, drôle, tendre ou émouvant, le dernier long-métrage de Taika Waititi n’apporte pas que son lot de gags amusants et parvient même à faire taire nos rires dans quelques scènes mémorables bien loin de la satire amusante dans laquelle nous nous trouvons une bonne partie du métrage. L’entrainement dans les camps de la jeunesse hitlérienne, l’omniprésence de la Gestapo, les drames personnels vécus par Jojo (exceptionnel Roman Griffin Davis !) sont autant de moments clés dans un film qui ne se veut pas que léger. Petite escalator émotionnel mettant en marche nos sentiments les plus divers, « Jojo Rabbit » déconcerte autant qu’il amuse. S’il tourne bien sûr Hitler en ridicule, l’Adolf du film n’est finalement que la projection qu’en fait le jeune Johannes, petit garçon sans père et jeune fanatique de l’état militaire ainsi que de ses dirigeants austères. Cet ami imaginaire, est non seulement l’occasion parfaite d’illustrer les bouleversements du garçonnet de 10 ans mais constitue aussi le miroir de sa propre vie, de ses projections, de ses doutes et de ses questions. Omniprésent, intégré dans son quotidien insouciant, Hitler (incarné par Taika Waititi himself) a quelque chose d’exubérant, entre dans la caricature que l’on s’en fait mais s’en détache aussi allégrement. Et si sa présence rassurance aide le petit Jojo à accepter la trahison de sa mère (Scarlett Johansson qui trouve ici un nouveau rôle taillé à la mesure de son talent), il permet aussi à l’enfant d’entrer peu à peu dans les réalités d’un monde de moins en moins blanc et où la naïveté n’a plus sa place dans celui de cet enfant qui, par ses récentes expériences, est devenu un peu plus grand. En découvrant la présence d’Elsa dans les combles de sa maisonnée, ce sont toutes ses certitudes, toute sa haine envers les juifs qui sont ébranlées. Partagé entre le sentiment amoureux et la peur de voir sa vie basculer, Johannes doit faire preuve de détachement mais aussi d’humanité envers l’adolescente que sa mère a décidé de cacher. Le duo formé par Thomasin McKenzie (vue dans « Leave No Trace ») fonctionne et ouvre un deuxième pan de l’histoire de ce jeune Jojo avec une tendresse et une dérision peut-être plus adaptée ou plus fine que celle préalablement installée. Le monde impitoyable de Jojo Les couleurs chatoyantes du film, son ton sarcastique et désinvolte, sa bande originale décalée et les scènes enfantines délectables particulièrement drôles, le surjeu burlesque de ses comédiens (Sam Rockwell en fait des caisses et ça marche) viennent pigmenter et ensoleiller un sujet qui au final, se veut bien plus sombre qu’il n’y parait. Parfois trop caricatural que pour toucher au cœur, « Jojo Rabbit » nous permet d’aller à la rencontre de formidables jeunes acteurs (Roman Griffin Davis, Thomasin McKenzie ou encore le mignon Archie Yates), de s’offrir un joli petit divertissement ou un petit hommage à un cinéma qui s’est déjà positionné en son temps pour dénoncer les absurdités du fanatisme et du nazisme (on pense ici au formidable travail de Charlie Chaplin) et de parcourir, telle une bande dessinée pour enfants ou adolescents, l’histoire fantasque de Taika Waititi, librement adaptée du roman “Le ciel en cage” de la belgo-néo-zélandaise Christine Leunens. Un feel good movie un tantinet décevant mais qui parvient à dénoncer intelligemment et ironiquement l’absurdité de l’endoctrinement. Durée du film : 1h48 Genre : Comédie |