En compétition – 3 septembre 2017 (Véronique) Résumé du film : Un homme décède et son esprit, recouvert d'un drap blanc, revient hanter le pavillon de banlieue de son épouse éplorée, afin de tenter de la consoler. Mais il se rend vite compte qu'il n'a plus aucune emprise sur le monde qui l'entoure, qu'il ne peut être désormais que le témoin passif du temps qui passe, comme passe la vie de celle qu'il a tant aimée. Fantôme errant confronté aux questions profondes et ineffables du sens de la vie, il entreprend alors un voyage cosmique à travers la mémoire et à travers l'histoire. Avis : « Un film sur la solitude des morts/vivants rempli de poésie ». Si nous devions titrer notre article en quelques mots, voilà ce que nous écririons. Nous pourrions aussi le faire suivre de « notre Grand prix du festival » mais certains s’en offusqueraient peut-être. Qu’importe, nous assumons. Si nous n’avons pas vu l’entièreté des films de la compétition, il n’en reste pas moins que « A ghost story » nous a marqué au fer rouge, nous obsédant depuis quelques jours, remuant en nous de belles émotions, des questions, des interprétations, ouvrant une porte sur une multitude de peut-être et sur une fantaisie que chacun percevra selon son ressenti, son histoire, son passé. Chez nous, le film de David Lowery a fait mouche. Et pour preuve, en réécoutant le sublime thème du film, écouteurs vissés sur les oreilles, nous ressentons les mêmes émotions que lors de la vision. Ce clip efficace (que vous pouvez découvrir ici) est un merveilleux condensé de nombreuses scènes du film, rappelant le déroulement des faits, renforçant les sentiments naissants lors de notre découverte. Ceux de la solitude, de l’espoir, de l’attente. C’est que la bande son, toujours très douce, colle parfaitement au thème de Lowery et renforce les émotions de ses personnages. Certains extraits ne sont pas sans nous rappeler certaines sonorités que l’on retrouve chez Kieslowski ou Ingmar Bergman. Presque intemporel, le film évoque souvent la notion du temps qui passe. Excessivement lent, « A ghost story » pourrait faire fuir bien des gens. Non pas parce que les fantômes qui le hantent sont effrayants, que du contraire mais parce que la torpeur qu’a choisie Lowery pour nous emmener dans son univers est réelle, insistante. Parce que la longueur de certaines scènes est à l’image de la durée d’un deuil, infiniment… longue. Et pourtant, malgré ce rythme étiré et exagérément lent, nous nous sommes laissé emporter et avons laissé nos émotions profondes émerger, petit à petit, ne sachant pas trop comment ni pourquoi. Peut-être parce que nous y avons trouvé une poésie qui manque cruellement à certains autres métrages ? Peut-être que parce que pour une fois, l’image est véritablement au service du propos (Terrence Malick, si tu nous lis…) Mais quel est-il en fin de compte, ce propos ? Si chacun trouvera son explication, rationnelle ou non, fidèle à la démarche du réalisateur… ou pas, c’est que « A ghost story » ouvre de nombreuses portes, nous laissant voir ce que l’on veut bien y déceler. Et c’est sans doute là que se trouve toute la subtilité de la réussite de ce film. Avec sa photographie étonnante, David Lowery nous livre un exercice de style remarquable. Ses longs plans séquences, parfois pesants, surprennent. Son format, proche de la dia, nous permet de jeter un œil sur un instantané de vie qui s’étiole au fil du temps qui passe. Car le sujet du film est indéniablement l’absence. Celle des morts qui laissent un vide derrière eux, mais aussi celle qui est ressentie par ces âmes perdues, quand elles voient les vivants aller de l’avant alors qu’elles sont dans l’attente d’un « après ». Ne perdons pas de vue cette scène particulièrement touchante où un des fantômes se demande qui il attend, parce qu’il a oublié… Prisonnier, dans l’attente de la délivrance, ou du temps, il se raccroche à ce qu’il peut, au souvenir, comme d’autres s’accrochent à la découverte d’un bout de papier. La vie, elle, est représentée par ce jeune couple qui vient d’emménager dans une petite demeure sans prétention. Le formidable duo, interprété par Rooney Mara et Casey Affleck évolue dans cet univers fantastique avec une aisance incroyable. Lorsqu’il décède tragiquement, C (Casey Affleck) revient hanter le dernier lieu de vie qu’il a partagé avec sa petite amie, maison où il se sentait particulièrement bien. Et pour faire vivre ce fantôme, le réalisateur a eu l’ingénieuse idée de ne recourir qu’à un drap blanc, imagerie infantile du fantôme dans tout ce qu’il a de commun, rendant l’authenticité maximale. Mais le tour de force vient de cette capacité qu’à Casey Affleck de partager l’émotion de son personnage par les seules postures de désarrois qu’il exprime dès son « retour de la mort ». Fidèle compagnon, il erre dans la maison, jusqu’à se retrouver seul, ne s’attachant qu’à une petite empreinte laissée par son dernier amour. Exit le mémorable « Ghost », les effets spéciaux too much ou le pathos exacerbé qu’auraient livrés d’autres cinéastes sans doute maladroitement… la simplicité prend le dessus et cela fonctionne ! Film philosophique, introspectif et parfaitement maîtrisé, « A ghost story » mérite que l’on aille au-delà de la lenteur dont il est « victime ». Notre vie, notre futur, ne sont-ils pas emprunts de fantômes du passé ? Les fantômes de Lowery nous laissent, eux, une marque indélébile qui continue toujours de nous hanter… Durée du film : 1h27 Genre : Drame/Fantastique
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