En compétition – Jeudi 6 septembre 2018 – (par Véronique) – PRIX DE LA CRITIQUE Résumé du film : Encore trois jours avant que la liberté conditionnelle de Collin ne prenne fin. En attendant de retrouver une vie normale, il travaille comme déménageur avec Miles, son meilleur ami, dans la ville d'Oakland en pleine mutation. Mais lorsque Collin est témoin d'une terrible bavure policière, c'est un véritable électrochoc pour le jeune homme. Il n'aura alors plus d'autres choix que de se remettre en question pour prendre un nouveau départ. Avis : Prix de la Critique du 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, « Blindspotting » est le premier long métrage de Carlos López Estrada, dont la spécialisation jusqu’ici était les spots publicitaires et les clips vidéo. Fort de son expérience dans ce domaine, le réalisateur mexicano-américain nous propose un drame profond rythmé derrière des allures de comédie potache. En effet, le duo formé par Daveed Diggs (Collin) et Rafael Casal (Miles) qui nous faisait sourire dans la première partie du film va bien vite nous faire déchanter et nous emmener vers une réflexion sur l’amitié, la responsabilité et la difficulté de garder une ligne de conduite exemplaire lorsqu’on est mal accompagné. L’angle mort évoqué par le titre du film a d’ailleurs plus d’une symbolique dans le métrage de Carlos López Estrada. Ce n’est pas seulement le courant psychologique étudié par Val, l’ex -petite amie de Collin, (et qui consiste à voir deux choses différentes selon notre angle de vue, à l’instar du vase et des deux visages de profil qui se font face). C’est aussi la perception que chacun peut avoir d’une même réalité, tout comme nous le montre dès le début, le générique d’ouverture. Les images qui défilent telle une mosaïque des réalités bien américaines et de la ville de Oakland nous montrent des enfants qui jouent, des peintures murales, des danses dans les bars ou encore des magasins, confrontant le luxe et la misère, la couleur et les tons grisâtres de certains quartiers. Mais c’est également l’opposition qui s’installe peu à peu entre Collin et Miles, deux amis de longue date, qui ont finalement de moins en moins de points communs. Alors que Collin veut se mettre au vert le temps de sa période de probation et éviter un retour en prison, Miles continue de chercher les embrouilles. Mais ce qu’il semble oublier, c’est combien son inconscience pourrait coûter cher à son ami noir, pour qui chaque sortie en rue est la possibilité d’un contrôle, d’une arrestation et d’un retour vers la case prison. Teinté d’humour (la scène d’ouverture vaut le détour à elle seule), « Blindspotting » est également un drame qui amène à la réflexion, qui dépeint une société américaine où la police est encore toute puissante et les minorités peu considérées. Cela, on le perçoit un peu plus encore après les quatre coups de feu mortels auxquels assiste Collin alors qu’il est de retour chez lui, quelques minutes après son couvre-feu. Doit-il dénoncer les faits et risquer d’être condamné pour ne pas avoir respecter le timing ou au contraire, se réfugier dans le mutisme le plus complet et s’éviter des ennuis? Ce tiraillement, Collin le ressent au quotidien par des visions lui rappelant régulièrement son cas de conscience. Basé sur le passé de ses acteurs principaux, « Blindspotting » n’est pas seulement en partie biographique. C’est également une fresque d’un Oakland divisé entre quartiers riches et pseudo ghettos, entre lesquels évoluent une population disparate. Le statut de déménageurs de Collin et Davis est une façon de le mesurer à petite échelle. Moins appuyée que dans « 99 Homes » qui a également fait les beaux jours du Festival de Deauville, cette thématique traduit la paupérisation dans laquelle s’enfoncent les classes sociales les moins privilégiées d’une Amérique qui ne fait plus autant rêver. Son rêve de liberté, Collin l’alimente chaque jour, préférant les jus détox aux pétards bien chargés de ses amis, les soirées pénardes dans sa maison d’accueil aux bagarres de fin de soirée trop arrosées. Mais le destin n’est-il pas toujours tracé pour ces anciens délinquants prêts à tout pour se racheter ? Peut-on totalement ignorer ses démons, surtout quand ils sont incarnés par son ami de toujours ? Plutôt bien réalisé, un tantinet trop long mais s’appuyant sur une dynamique certaine (empruntée à son passif dans le monde du clip vidéo ?), « Blindspotting » n’est pas dénué d’humour et d’interrogations, ce qui fait de lui un premier long-métrage globalement réussi. Date de sortie en France : 3 octobre 2018 Durée du film : 1h35 Genre : Drame
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