En compétition - vendredi 7 septembre (par Véronique) Résumé du film : Tom a quinze ans. Elle habite clandestinement avec son père dans la forêt qui borde Portland, dans l'Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle. Expulsés soudainement de leur refuge, les deux solitaires se voient offrir un toit, une scolarité et un travail. Alors que son père éprouve des difficultés à s'adapter, Tom découvre avec curiosité cette nouvelle vie. Le temps est-il venu pour elle de choisir entre l'amour filial et ce monde qui l'appelle ? Avis : « Leave no trace », le quatrième long métrage de Debra Granik, s’intéresse à ces Américains invisibles de la société, ceux qui se terrent dans les grandeurs de la nature, refusant de se nourrir au sein de la mère patrie. Véritable bouffée d’oxygène dans la compétition officielle de l’édition 2018 du Festival du Cinéma Américain de Deauville, « Leave no trace » interpelle et nous laisse songeur quant au sort de certains citoyens qui refusent d’entrer à nouveau dans les rangs et ne demandent qu’une chose : vivre, simplement. Jamais sans ma fille Ben Foster a déjà une belle longue carrière derrière lui. «Comancheria », « Inferno », « The program » ou encore « Galveston » sont autant d’exemples qui viennent jalonner sa filmographie hétéroclite. Mais étonnamment, aucun cinéaste ne lui avait encore confié de rôle de père jusqu’ici. Avec « Leave no trace », c’est à présent chose faite. Mais ce papa est loin d’être ordinaire : ancien vétéran, Will s’efforce de garder une distance de sécurité entre sa fille et lui, au même titre qu’avec la société qu’il refuse formellement de réintégrer. Cette distanciation affective, on la perçoit dans chaque situation du film. Le père et la fille se chuchotent des banalités, mettent en place un système de survie mais n’échangent jamais de réels gestes d’affection. Séparés après que leur habitat précaire ait été découvert dans un parc public, le tandem se retrouve et se met insidieusement d’accord pour rejoindre la case départ. Car si Will refuse de se fondre dans la masse, sa fille Tom, elle, ne rêve que d’une chose : un toit sous lequel se (re)poser. Campée par la touchante Thomasin McKenzie (« Le hobbit »), la jeune fille s’adapte à chaque situation, voulue ou non. Aimant la nature autant que les contacts humains, l’adolescente met de côté ses envies de stabilité pour suivre son père dans son choix de vie. Les frêles amitiés qu’elle partage, les échanges bienveillants qu’elle entretient avec d’autres adultes ne sont que des moments éphémères qui nourrissent cette jeune fille en soif de sociabilité. Et c’est justement cette bienveillance et cette absence de jugement qui nous ont marquées dans le film de Debra Granik. Impuissants face à l’appel de cette nature apaisante, personne ne se met en travers du chemin de Will et Tom, si ce n’est l’envie profonde de changement chez l’adolescente. Quand autarcie rime avec survie. Souvent comparé à « Captain Fantastic », qui avait fait beaucoup de bruit lors de sa sortie en festivals et en salles, « Leave no trace » n’a pourtant pas grand-chose en commun. La raison qui poussait la famille Cash à s’extraire de la société de consommation dans le film de Matt Ross ne se retrouve pas ici. Dans « Leave no trace », les deux héros utilisent justement cette société de consommation pour se nourrir, Will revendant les pilules (post-traumatiques) distribuées par l’état pour acheter de la nourriture et des outils. Si l’absence d’une mère est un dénominateur commun aux deux métrages, la différence majeure des deux thématiques résident dans l’acception pour les uns ou le rejet d’une autre de cette opposition à une de -société marginalisant ceux qui n’entrent pas dans ses codes. Ici, l’éducation est bien moins contraignante et la critique de la société reléguée au second plan. Ce qui occupe la majeure partie de cette bonne heure trente, c’est la relation pudique qui unit deux êtres silencieux, dont les regards profonds parlent pour eux. Par son sujet traité toute en délicatesse, « Leave no trace » nous interroge et nous poursuit quelques heures après sa vision. Le besoin vital de Will de fuir les communautés et de vivre reclus dans cette nature apaisante nous touche. Si on comprend son choix et décelons les blessures psychologiques laissées par un combat auquel il a pris part des années auparavant, nous nous questionnons sur la force égoïste de l’imposer à sa propre fille. Une adolescente qui, malgré son évolution en autarcie, réussi à établir des contacts sincères avec cette société accueillante où même les êtres invisibles et les marginaux pourraient trouver leur place. Et si « Leave no trace » était une métaphore de cette société américaine aussi clivante qu’accueillante ? Date de sortie en France : 19 septembre 2018 Durée du film : 1h47 Genre : Drame
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