Résumé du film : A l’occasion du mariage de sa soeur, Laura revient avec ses enfants dans son village natal au coeur d’un vignoble espagnol. Mais des évènements inattendus viennent bouleverser son séjour et font ressurgir un passé depuis trop longtemps enfoui. Note du film : 7,5/10 (par Véronique) Avis : Présenté en ouverture de la 71ème édition du Festival de Cannes, le dernier long-métrage d’Asghar Farhadi peine à faire l’unanimité. Redite ou coup de génie ? Tout dépend du point de vue où l’on se place. Pour notre part, l’exercice de style du réalisateur iranien nous a plutôt séduit et nous a emporté durant 2h12 de film dans un thriller dramatique au suspense constant et prenant ! Loin d’en être à son premier coup d’essai (dont certains se sont brillamment transformés et ont été récompensés par des Ours d’Or et d’Argent, des Oscars ou un César) Asghar Farhadi revient avec un nouveau long-métrage planté dans un décor exclusif au contraire de son intrigue plutôt conventionnelle. Après avoir installé sa caméra en Iran ou en France, le cinéaste se plonge dans les décors espagnols d’un petit village isolé, dignes des films de Pedro Almodovar ou Julio Medem pour aborder de multiples thématiques s’articulant autour d’une intrigue des plus plaisante. En effet, alors que la fête bat son plein au mariage de sa sœur, Laura (Penelope Cruz) constate que sa fille, adolescente, a disparu. Fugue, mauvaise blague, petite virée amoureuse ou disparition, personne ne semble se mettre d’accord. Jusqu’à ce que l’on découvre des coupures de presse évoquant un ancien kidnapping dans la chambre de la jeune fille. De liesse et ivresse nous passons à la détresse et au désarroi d’une famille en proie au chantage de parfaits inconnus. Mais est-ce vraiment le cas ? Ce qui nous marque dès la fin de la vision, c’est que l’on comprend que l’entièreté du film se concentre dans ses premières images, nous donnant une lecture floue de quelques éléments qui s’imbriquent et éclairent notre réflexion une fois le dénouement connu des spectateurs. Intelligent, cet angle montre que non seulement le scénariste et metteur en scène maîtrise son sujet de bout en bout mais joue avec les indices et l’attention de son public dès l’ouverture de son film. Le titre « Everybody knows » (« Todos lo saben ») est d’ailleurs l’ultime preuve que tout est dit et concentré en quelques mots. C’est sans doute la raison pour laquelle la surprise n’est pas non plus totale et les secrets (de polichinelle) amenés de façons presque superflues. Mais qu’importe, abstraction faite de l’histoire convenue et peu surprenante on se plait à évoluer dans cette enquête familiale où les reproches latents explosent au grand jour au lendemain d’une fête rassembleuse et fédératrice. On peut ainsi voir que, comme dans de nombreuses situations, les amitiés et les soutiens peuvent se faire et se défaire, chacun espérant trouver un intérêt propre, adoptant son point de vue ou se permettant un jugement (hâtif) dans une situation dramatique. Totalement ancrée dans l’univers espagnol et en même temps incroyablement universelle, l’histoire originale de Asghar Farhadi, nous emporte, ravageant tout sur son passage. Parfois longue (et lente) l’installation des étapes vers la vérité peut délaisser une partie du public, s’ennuyant de tourner en rond et avancer péniblement. Les autres prendront pleinement possession de cette atmosphère parfois pesante dans une famille bien pensante et à la fois jugeante. La tribu (menée par trois sœurs très différentes et des beaux-frères tout aussi opposés) est au bord de la crise mais chacun tente de sauver les meubles, scrutant les faits et gestes des uns, se permettant de remuer le passé des autres. La réussite et l’ego tiennent d’ailleurs une place de choix au centre de l’intrigue et chacun semble vouloir cacher les difficultés de sa vie, dans la peur de décevoir ou d’avouer que les rêves n’ont pas été concrétisés. La survie de l’affaire de la sœur aînée, la vieillesse du père de famille, ancien propriétaire foncier, la réussite de Pablo, le bonheur marital des uns, les échecs amoureux des autres viennent alimenter cette histoire banale au point de donner un reflet de la vie authentique, dans ce qu’elle a de plus désolant mais aussi de plus beau. Et en parlant de beauté, celle des images de José Luis Alcaine est remarquable et à souligner. Les plans rapprochés ou fixes, les visages torturés et les larmes de chagrin, les mouvements de joie, ce va-et-vient incessant dans une maison/hôtel bondée comme jamais nous font entrer au plus près de l’intrigue, embellissent et dynamisent la vie et les personnages du film. Cette vie n’aurait jamais été aussi juste sans la prestation impeccable de tous ses protagonistes. Il y a bien sûr le couple vedette Penelope Cruz et Javier Bardem mais également Ricardo Darín, touchant et proche du spectateur, le jeune Iván Chavero (qui nous avait déjà fait craquer dans le film d’horreur « Véronica »), la lumineuse Inma Cuesta, l’ambivalente Bárbara Lennie ou encore Eduard Fernández, Ramón Barea et José Angel Egido, autant d’excellents comédiens éclipsés par la présence médiatique du couple espagnol. Si « Everybody knows » n’est pas un grand film en soi, la prestation de ses acteurs, la maîtrise de son sujet et son atmosphère latine (qui nous est chère) sont parvenus à nous faire passer un excellent moment de cinéma et à nous faire vibrer tout au long de ses deux heures. Parce que thriller et drame peuvent encore se conjuguer et donner de jolis petits films assumés, nous recommandons à tous les curieux de découvrir, grâce à une nouvelle porte d’entrée, l’univers de Asghar Farhadi où amertume et solidarité s’associent sans jamais vraiment se mélanger. Date de sortie en Belgique : 16 mai 2018 Date de sortie en France : 9 mai 2018 Durée du film : 2h12 Genre : Drame/thriller
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