« Nope » ne déroge pas à la règle et démontre une fois de plus que l’industrie cinématographique américaine permet à des jeunes auteurs de faire leur place au soleil et trouver le chemin de nos salles, aussi farfelues soient leurs histoires… Ce « Nope » est-il le sommet d’un chemin entamé il y a quelques années ou est-il en deçà de ce qu’on pouvait en espérer ? Retour sur quelques impressions après une phase de digestion recommandée… Ouvre les yeux Il y a réellement une part hypnotique dans le dernier long-métrage de Jordan Peele, une attraction qui attire le regard, nous fait scruter chacune de ses images avec une belle intensité, une fascination pour sa mise en scène et sa photographie exemplaire. « Nope », c’est un beau film, un hommage au septième art, au western, à la science-fiction, au suspense, c’est une master class cinéphile portée par un réalisateur plus que jamais engagé. Néanmoins, à force de vouloir dénoncer et se détacher de la grosse machinerie qu’est Hollywood (un des sujets largement abordés dans son métrage) et de vouloir s’affirmer comme un faiseur d’objets filmiques intrigants et indépendants, il perd une partie de son public qui, des heures ou des jours après sa vision, cherche encore à comprendre toutes les significations qui se sont insinuées durant la projection. Défendant depuis son premier film les minorités et les mettant superbement en scène dans ses trois réalisations, Jordan Peele a su mettre un coup de projecteur sur la place, trop restreinte encore, occupée par les Afro-Américains, les Asiatiques, les Latinos. L’exemple présenté par son héroïne (délicieuse Emerald jouée à la perfection par Keke Palmer) lors de sa collaboration sur un gros tournage hollywoodien en est la preuve vivante : « The horse in motion » réalisé par Eadweard Muybridge a marqué certains esprits mais personne n’est capable de citer le nom de son acteur… Ce fait repris et travesti dans le film pour appuyer son propos n’est qu’un exemple de faits divers parmi tant d’autres exploités dans ce « Nope » plutôt complexe si on prend la peine de d’établir des liens et l’analyser, un long-métrage qui mériterait plusieurs visions chez les courageux spectateurs qui voudraient en cerner tous les contours, les tenants et aboutissants et la compréhension globale de tout ce qui y est présenté. Porté de façon exceptionnelle par Daniel Kaluuya (qui retrouve son réalisateur cinq ans après leur première collaboration) « Nope » nous a quelque peu déçus. Bien sûr, on reconnait la qualité de ses images (essentiellement tournées en Imax et en pellicule), de son récit, de son interprétation, la beauté des effets spéciaux et l’ingéniosité de traiter de façon différente, les thématiques « extraterrestre », écologique et sociologique. Mais nous regrettons le manque de lecture raisonnée et raisonnable de son propos, l’appui trop insistant des sujets déjà exploités précédemment, le manque de sobriété et surtout, son manque de clarté. « Nope » est un beau et bon film, une histoire familiale prenante aux thématiques sous-jacentes intéressantes. Mais c’est aussi une expérience ciné éprouvante qui déconcerte et nous laisse par moments de côté, rendant sa complexité parfois trop difficile à cerner. Si on lui reconnait de nombreuses qualités, nous lui préférons largement « Get out » qui jaugeait de façon plus équilibrée les dénonciations sociétales, plaisirs cinéphiles et trouvailles admirables dans sa réalisation. Espérons que le prochain Jordan Peele sera un peu moralisateur et fouillé, et que l’on retrouvera son ingénieuse subtilité mise en scène avec plus de cohérence et de sobriété.
De même, durant un peu plus de 5’, nous trouvons un bonus dispensable sous la forme du « bêtisier ». Passé cela, nous pouvons entrer dans le vif du sujet. Les films de Jordan Peele demandent des clés de lecture afin d’en comprendre l’essence. Et ça tombe bien car la partie « Ombres : making of de Nope » (56’), se propose d’apporter quelques explications mêlées à la technique utilisée. Les décors, protagonistes et bien sûr les scènes fortes y ont une part importante ! Attention toutefois car le réalisateur se gardera bien de tout révéler puisqu’il préfère faire réfléchir le spectateur. Il s’agit, et de loin, du bonus le plus intéressant. Un autre bonus revient, lui, sur la créature au centre du film. Influencé par Rencontre du troisième type, le réalisateur Jordan Peele, avouera dans « Appelez-le Jean Jacket » (14’) qu’il se sent plus à l’aise de tourner des films ambitieux. Intéressant, nous apprenons que ce sont de célèbres photographies d’orchidées qui ont donné l’idée de l’esthétisme du monstre, mais aussi une méduse et même la robe blanche iconique de Marilyn Monroe dans Sept ans de réflexion. Tous ces éléments, et bien d’autres, participent à ce concept singulier. Bien sûr, l’équipe technique revient également sur les procédés utilisés pour le faire vivre à l’écran. Enfin, « le personnage mystérieux de Muybridge » renvoie à une triste réalité : bien que l’on connaisse le nom du cheval qui a inspiré le peintre français Degas dans ses études, on ne sait rien du ce jockey noir des années 1885-1886, pourtant héros du clip muet !
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