Bien que le point de vue dominant soit celui du patron d’entreprise (magistral Vincent Lindon), les employés, véritable moteur de l’entreprise ne sont pas en reste. Mais là où « En guerre » se centrait sur l’annonce du plan social et la mobilisation désespérée des employés ; et que « La Loi du marché » prenait le parti de montrer le quotidien des salariés dont on ne voulait plus, « Un autre monde » éclaire une autre facette du même prisme avec brio. Cette trilogie du travail met en lumière une même réalité avec des points de vue sensiblement différents mais pourtant tragiques : celui des licenciements, de la productivité à outrance et des conséquences humaines dévastatrices (psychologique, sociale) qui en découlent. De film en film, Stéphane Brizé construit une fresque profondément humaine où des destins se croisent et se brisent, où des réalités s’affrontent et où des dommages collatéraux détricotent des vies… Avec cette conclusion, nous avons l’impression de découvrir une toile beaucoup plus grande et d’assembler les pièces d’un même puzzle. Chaque film éclaire le précédent et participe à un tout cohérent où la machinerie du travail broie sans vergogne. Mais contrairement aux deux films précédents, « Un autre monde » se veut plus romanesque et plus fictionnel car le point de vue est ici central - celui du patron et du père de famille- et n’est plus isolé ou confidentiel- jadis avec le travailleur anonyme, énième maillon de la chaine… Un Homme derrière la fonction… Mais parfaitement épaulé Comment être le simple exécutant d’instances qui paraissent inaccessibles et inhumaines ? Comment dégager suffisamment de marge de manœuvre lorsqu’on n’est qu’un rouage- certes important, d’une machinerie beaucoup plus grande ? Comment trouver du sens dans une fonction dont on n’est pas libre et qui demande d’exécuter des décisions dont on sait qu’elles ne sont pas les bonnes ? C’est avec ce constat que doit vivre Philippe Lemesle (Vincent Lindon). Devant faire face à de nombreux problèmes, il ne pourra même pas se reposer sur Anne (Sandrine Kiberlain), avec qui il est sur le point de divorcer. Car oui, le travail demande de grands sacrifices… Quant à leurs enfants, l’une vit de l’autre côté de l’Atlantique et l’autre (formidable Anthony Bajon) doit suivre une thérapie pour guérir de troubles comportementaux. Même la journaliste Marie Drucker est parfaite dans le rôle du bras armé d’un système dont elle comprend fort bien les rouages et dont elle veut en contrôler le mouvement… Le film dépasse, et de loin, notre simple intérêt, tellement nous sommes pris par cette formidable tragédie humaine. Et si le film nous semble tellement réel, c’est grâce à ses dialogues et situations criantes de vérité. Mais ça, Stéphane Brizé en avait déjà l’habitude !
Durée du film : 1h37
Genre : Drame Date de sortie en Belgique : 23 février 2022 Date de sortie en France : 16 février 2022 De Stéphan Brizé – Avec Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain, Anthony Bajon et Marie Drucker
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Avis : Epuré et totalement immersif, « Le chêne » est un très joli documentaire dans lequel nous suivons de très près la vie des animaux de la forêt à travers les quatre saisons. Installées dans le sous-sol racinaire, sur les branches ou à quelques pas du grand chêne pédonculaire, cette occasion rêvée nous permet de suivre l’évolution d’insectes, petits et grands mammifères parmi lesquels un écureuil roux, des balanins, geais, ragondins, renards ou encore un petit groupe de mulots. S’adressant aux petits comme aux grands, le magnifique documentaire de Michel Seydoux et Laurent Charbonnier prend le parti de ne pas utiliser de voix off, laissant les images, les sons et les musiques faire leur travail, en douceur, magnifiant les scènes étonnantes et bluffantes dans un ballet de prises de vue exceptionnelles. Roi de la forêt, le chêne accueille une série d’habitants évoluant à chacun des étages, des animaux devenus des personnages à part entière, survivant à l’attaque de prédateur, trouvant quelques astuces pour faire face au froid de l’hiver et (re)découvrant les couleurs chatoyantes de l’automne et ses productions nourricières.
Durée du film : 1h20
Genre : Documentaire Date de sortie en Belgique/France : 23 février 2022 De Michel Seyoux et Laurent Charbonnier
Fidèle au ton du récit initial, le film de Desagnat plante son décor dans le milieu du cinéma dit d’« humour » plutôt que dans celui de la bande dessinée dont est issu Fabcaro mais cela ne gâche en rien le plaisir coupable que l’on découvre page après page ou minute après minute dans le long-métrage produit, entre autres, par Apollo Films. Irrévérencieux et drôles, les propos dénoncés dans le livre comme dans le film sont d’une justesse qui prête à sourire, démontrant avec malice et gags enchaînés l’absurdité de notre société de consommation, de la désinformation, du complotisme, des procédures policières mais évoquent également les petites dérives quotidiennes qui rongent peu à peu notre vie automatisée. Relativement respectueux du matériau d’origine (on regrette néanmoins l’arrivée du personnage de Benjamin, incarné par Ramzy Bedia, et qui n’apporte pas grand-chose de plus au film), « Zaï Zaï zaï zaï» se regarde comme une comédie absurde et décomplexée, comme un film de potes (dans lequel on retrouve d’ailleurs quelques congénères de François Desagnat), un film grinçant dont la teneur fonctionne peut-être davantage à l’écrit qu’à l’oral mais dont on apprécie découvrir la retranscription à l’écran. Aussi, on apprécie les quelques petites libertés prises par Desagnat (les Renault impersonnelles qui arpentent les routes du film, la complicité qui réside entre Fabrice et Fabienne, formidables Jean-Paul Rouve et Julie Depardieu) et on finit par trouver l’adaptation pas si inintéressante que cela.
Durée du film : 1h22
Genre : Comédie Date de sortie en Belgique/France : 23 février 2022 De François Desagnat – Avec Jean-Paul Rouve, Julie Depardieu, Ramzy Bedia, Yolande Moreau
S’il délaisse la pipe le temps de cet épisode cinématographique, le commissaire Jules Maigret a tous les autres traits habituels qui permettent de cerner les contours de ce pachyderme à l’écoute habile et aux résolutions d’enquêtes étonnantes et peu habituelles. Incarné à la perfection par un Gérard Depardieu touchant et taillé pour ce rôle, notre héros semble toutefois en retrait et laisse la place aux scènes de témoignages, de vie, de meurtre pour mieux nous permettre de nous faire notre propre idée et de tenter de dénouer le fil qui s’était entremêlé. Plutôt évidente, l’issue de cette nouvelle affaire n’est pas le sujet principal du film de Patrice Leconte mais un prétexte pour pousser la porte du domicile de Maigret, de trifouiller sa mémoire, (re)découvrir ses méthodes et surtout, découvrir un peu plus l’homme qui se cache sous son chapeau et son traditionnel imperméable. Parfois lent, le film est victime d’un petit ventre mou qui perdra probablement une partie de son public avide d’enquête policière tonitruante et haletante. Ici, c’est davantage la psychologie des personnages et le fond de leur âme qui intéressent le cinéaste, l’atmosphère d’une époque qui lui permet de nous replonger dans le Paris des années 50, un Paris plus terne dans lequel certains personnages secondaires évoluent comme des ombres.
Durée du film : 1h28
Genre : Policier Date de sortie en Belgique/France : 23 février 2022 De Patrice Leconte – Avec Gérard Depardieu, Jade Labeste, Mélanie Bernier, Anne Loiret, Clara Antoons et Pierre Moure
Visuellement très réussi, cette réinterprétation libre d’une histoire que nous connaissons sur le bout des doigts mêle habilement un lyrisme coloré lorsque l’héroïne évolue dans le monde virtuel mais aussi de nombreux éléments propres à la science-fiction. Quant à la partie consacrée au monde réel, le soin apporté aux graphismes de la ville, des maisons et plus largement des décors est saisissant. L’histoire, proche d’un conte 2.0, décrit le parcours initiatique d’une adolescente mal dans sa peau qui connait un succès retentissant dans le monde virtuel où elle est adulée en tant que chanteuse par 5 milliards de followers. Vous l’aurez-compris, en toile de fond, on trouve aussi la recherche de la confiance en soi. Mais si l’histoire de Belle et de la Bête est extrêmement convaincante, le scénario va plus loin et touche à des thèmes plus sombres encore comme le deuil, la maltraitance des enfants ou une certaine dérive des réseaux sociaux. Tous ces éléments scénaristiques participent à soigner le fond autant que la forme de ce film d’animation somptueux. D’ailleurs, de grands noms de l’animation ont participé à l’aventure. Alors que Jin Kim opérait déjà chez Disney, Tomm Moore, le réalisateur du « Chant de la mer » et du « Peuple loup », a également contribué au film. A la fois très mature dans son approche et terriblement beau, « Belle » réinterprète le conte d’une fort belle façon. Bien sûr, on ne saurait trop vous conseiller de le regarder en VO sous-titré.
Durée du film : 2h01
Genre : Animation Date de sortie en Belgique : 16 février 2022 Titre original : 竜とそばかすの姫, Ryū to sobakasu no hime De Mamoru Hosoda – Avec les voix de Kaho Nakamura et Takeru Satoh en VO et de Louane et Florent Dorin en VF
Avis : Très joli film d’animation familial, « Hopper et le hamster des ténèbres » est l’un de nos coups de cœur issus des studios belges N’Wave ("Robinson Crusoé", "Bigfoot junior", "Royal Corgi" ou très récemment, l'avatar de Stromae vu en ouverture de la Cérémonie des Victoires de la Musique) mené par son inépuisable créateur visionnaire Ben Stassen. Sorte de Indiana Jones animalier, le long-métrage est truffé de références au héros de Steven Spielberg ou à « Wonder Woman » mais aussi aux films d’aventure comme on les aime et dans lesquels on se laisse embarquer sans rechigner. Magnifiquement réalisé, « Hopper et le hamster des ténèbres » nous fait traverser les mers, les sables mouvants, les montagnes glaciaires, les déserts et les forêts d’eucalyptus aux côtés du très attachant lapin-poulet Hopper et ses deux compagnons de route, Meg la moufette et Archie son valet tortue. Drôle, dynamique et enjoué, le dernier né des studios N’Wave nous offre une aventure haute en couleurs sur un petit fond d’acceptation de soi, d’ode à la tolérance et à la différence. C’est que Hopper n’est pas un lapin comme les autres. Trouvé lors d’une expédition menée par son oncle machiavélique Harold et son père adoptif Arthur, le petit orphelin n’a jamais eu qu’une obsession : devenir un aventurier émérite comme le sont les membres de sa famille adoptive. Mais comment exceller quand on dissimule ce qu’on est vraiment, que l’on a honte de nos particularités et qu’elles nous empêchent de nous surpasser ?
Durée du film : 1h31
Genre : Animation Date de sortie en Belgique/France : 16 février 2022 De Ben Stassen et Benjamin Mousquet
Il aura fallu du temps pour que vienne sur nos écrans cette adaptation. Annoncée pour la première fois en 2010, le projet sera sans cesse reporté et transformé- jusqu’à son réalisateur ou ses acteurs. Finalement, peu d’éléments des débuts nous sont parvenus mais ce qui nous est donné à voir est extrêmement réjouissant ! Tout d’abord, parce que le réalisateur Ruben Fleischer (« Bienvenue à Zombieland ») nous livre un film extrêmement rythmé qui se suit avec un plaisir certain ! La caméra s’emballe tant les scènes d’action- tirées des quatre épisodes vidéoludiques- sont gigantesques. Les cascades se font en plein vol, le héros distribue les tatanes et tourbillonne dans les airs, passant d’obstacle en obstacles avec dextérité et… surréalisme. Car oui, vous pourriez tiquer devant l’invraisemblance constante des scènes d’action. Pourtant, elles participent à un certain plaisir coupable du spectateur car le film sait se montrer généreux jusqu’à dans les interactions des acteurs principaux qui prennent manifestement plaisir à participer à cette audacieuse aventure ! Nathan Drake reunion Dès les premières minutes, le film installe des trajectoires de vie singulières où le passé hante le présent des personnages principaux. Alors que l’œil avisé pourrait trouver Tom Holland trop jeune dans le rôle titre, on ne peut contester sa gouille qui fait songer, sous certains aspects, à Indiana Jones. Les bons mots fusent et beaucoup de situations font esquisser un sourire tant elles sont drôles et insouciantes ! A ses côtés, le héros en devenir peut compter sur Mark Wahlberg parfait dans le rôle du mentor, mais aussi sur le personnage féminin interprété par Sophia Taylor Ali. Enfin, que serait un bon film d’action sans un beau méchant ? Et cela tombe bien car Antonio Banderas est parfait dans ce rôle, mais ça, vous vous en doutiez, pas vrai ? Drôle, bien écrit, extrêmement rythmé et porté par des acteurs confirmés, Uncharted coche bien toutes les cases même si on ne compte pas les invraisemblances. Pourtant, ce défaut est largement contrebalancé par la bonne humeur qui traverse l’écran, les décors souvent bien réels et l’histoire des protagonistes qui ont une belle densité…
Durée du film : 1h56
Genre : Action, aventure Date de sortie en Belgique/France : 16 février 2022 De Ruben Fleischer – Avec Tom Holland, Sophia Taylor Ali, Mark Wahlberg et Antonio Banderas
C’est que, pour son nouveau long-métrage, Thomas Gilou (le réalisateur de la trilogie « La vérité si je mens ») a convoqué un joli casting hétéroclite (Kev Adams, Jarry, Gérard Depardieu, Mylène Demongeot, Marthe Villalonga, Daniel Prévost, Firmine Richard, …) qui se rencontre pour le meilleur et pour le rire dans une maison de retraite peu ordinaire et à l'image de ses pensionnaires... L’élément déclencheur ? La condamnation de Milann, jeune adulte paumé et orphelin, à 300 heures de travaux généraux aux Mimosa, maison de retraite trois étoiles où une fameuse clique de retraités coulent des jours apparemment heureux en attendant leur dernier voyage. Oui mais voilà, Milann a beaucoup de mal avec les aîné(e)s et travailler à leur côté pourrait être une fameuse galère s’il n’était pas aidé de Marion (Manda Touré) et Alban (Jarry), deux infirmiers bienveillants et positifs. S’il ne s’agit pas de LA comédie de l’année, « Maison de retraire » reste néanmoins un film joyeux, positif et lumineux où philosophie de vie et gags s’enchaînent dans une heure trente de film qui nous entraîne vers un final émouvant et totalement surprenant. Permettant à des générations d’acteurs de se croiser sous la caméra altruiste d’un Thomas Gilou inspiré (Kev Adams y est pour beaucoup grâce à sa sobriété et son apport dans l’écriture du métrage), son film est une vraie bouffée d’air frais en ces temps de grisaille où l’actualité (et notamment le scandale lié à Orpea) mine notre moral et nous renvoie à un individualisme croissant.
Durée du film : 1h37
Genre : Comédie Date de sortie en Belgique/France : 16 février 2022 De Thomas Gilou – Avec Kev Adams, Gérard Depardieu, Mylène Demongeot, Firmine Richard, Daniel Prévost, Jean-Luc Bideau, Marthe Villalonga, Lilian Royère, Jarry, Manda Touré, Antoine Duléry
En effet, tout dans le film réalisé par Kenneth Branagh piétine l’œuvre de génie d’une Agatha Christie qui offre avec finesse une histoire haletante à la psychologie détaillée, aux rebondissements et situations étonnantes, ce que rejette en bloc cette adaptation très légèrement inspirée de son matériau d’origine. Comme pour « Le crime de l’Orient-Express » (qui nous avait divisé à l’époque), l’intrigue souffre de paresse, d’aménagements improbables, de suppressions de personnages et de transferts sur d’autres, de scènes coupées et d’autres trop appuyées, rendant le tout à l’opposé de ce que son autrice aurait voulu communiquer. Les hasards du roman de Christie n’en sont pas ici, les personnages sont horripilants, dépeints à travers des caractères et attitudes anachroniques, pire, devenus défenseurs de cause qui n’existaient pas dans les années 30 où il a été édité. A force de vouloir dépoussiérer l’histoire originale et de la ponctuer de discours politiques et sociétaux, d’amourettes dispensables et malvenues, de vouloir la rendre comique (et osons l’écrire : « lourde ») ou de simplifier son déroulement, la vision apportée par le scénariste Michael Green en devient risible, irrespectueuse, inintéressante, pompante et assommante. Que reste-t-il du matériau d’origine ? Le lieu (et encore !), quelques dialogues et personnages présents dans le roman et une enquête menée par un Hercule Poirot devenu l’ombre de lui-même, marqué par un Amour qu’on ne lui connait pas et rendu antipathique par ses attitudes et ses choix. Mais à part cela ? Même son casting semble mal choisi, peu harmonisé, leurs jeux et dialogues sonnant aussi creux qu’une urne funéraire en toc.
Durée du film : 2h07
Genre : Comédie policière Date de sortie en Belgique/France : 9 février 2022 De Kenneth Branagh – Avec Kenneth Branagh, Gal Gadot, Emma Mackey,Annette Bening, Tom Bateman, Russell Brand, Ali Fazal, Dawn French, Armie Hammer, Rose Leslie, Dawn French, Sophie Okonedo et Letitia Wright
Si la différence d’âge est en permanence au cœur du récit, « Les jeunes amants » ne se cantonne pas à mettre en avant une histoire d’amour naissante et dévorante. Il évoque aussi les dommages collatéraux, le regard des autres, l’insinuation de la maladie dans une relation bancale mais vitale. Ce nouveau rôle, taillé sur mesure pour Fanny Ardant, lui permet d’exploiter un registre dans lequel nous l’avons peu vue. Face à elle, Melvil Poupaud très altruiste et déterminé à l’aider dans sa reconquête de femme et dans sa fragilité. Résolument optimiste, « Les jeunes amants » ne juge pas, ne condamne pas, ne fait que brosser deux portraits de personnes vulnérables et ordinaires, deux adultes qui assument un choix critiquable mais sont peu critiqués.
Durée du film : 1h52
Genre : Drame romantique Date de sortie en Belgique : 9 février 2022 Date de sortie en France : 2 février 2022 De Carine Tardieu – Avec Fanny Ardant, Melvil Poupaud, Cécile de France, Sharif Andoura
Nous entrainant au cœur des années 1960 où avorter est un délit majeur pour la mère comme pour ses aides, le film d’Audrey Diwan nous questionne sur la place de la (jeune) femme dans la société, le poids du regard des autres, le choix de poursuivre ses projets sans tenir compte de la vie qui grandit dans le corps d’une étudiante déterminée à réussir envers et contre tous/tout. D’une grande pudeur et d’une fabuleuse intensité, « L’événement » (adapté du roman d’Annie Ernaux) nous prend aux tripes, nous couple le souffle, nous fait croire à l’espoir et déjoue chacune de nos projections par un rebondissement inattendu. Puissant, le long-métrage d’Audrey Diwan montre et dit tout, nous inclus totalement dans la vie de cette jeune Anne qui n’a rien vu venir… et n’a d’autres choix d’avancer dans son projet fou, fut-ce au péril de sa propre vie. Tourné en 1.37 pour donner un côté réaliste bienvenu, ce film bouleversant sur la condition de la femme, la dureté de la vie pré - mai 68 où les libertés restrictives pouvaient fortement jouer sur le mental, l’avenir et la santé des jeunes filles à de nombreux arguments cinématographiques, sociétaux et psychologiques pour toucher son large public. Pas étonnant dès lors de savoir que le film concourt aux César dans quatre catégories de choix : Meilleur film, Meilleure réalisation, Meilleur espoir féminin et Meilleure adaptation.
Durée du film : 1h40
Genre : Drame Date de sortie en Belgique : 2 février 2022 De Audrey Diwan – Avec Anamaria Vartolomei ,Luana Bajrami, Sandrine Bonnaire, Louise Chevilotte
Toujours suivre le plan ! Lorsqu’on y pense, c’est fou de penser que deux ans seulement avant la naissance de Venus et de Serena, leur père, Richard Williams, était tombé sur un match de tennis à la télévision. Dans celui-ci, la joueuse Virginia Ruzici était repartie avec la coquette somme de 40.000 dollars. Et dans la tête de Richard il n’en fallait pas plus pour se mettre à rêver. Annonçant à sa femme qu’ils auraient deux filles championnes de tennis, le plan était déjà en gestation. « La méthode Williams » est donc l’œuvre d’un jeune réalisateur- Reinaldo Marcus Green- qui, pour son scénario, s’est appuyé sur des faits et a été aidé par Isha Price, la sœur de Venus et de Serena (Isha est également productrice exécutive du film) qui a raconté tout naturellement un bon nombre d’anecdotes pour que le film gagne en sincérité. Pas étonnant dès lors que tout dans ce film respire l’honnêteté. S’éloignant volontairement du pur film tennistique, « La Méthode Williams » est avant tout un film sur la famille et les valeurs fondamentales telles que l’honneur, le courage, la modestie et le dépassement de soi. « Will » Williams Toute la difficulté d’un tel projet est de ne pas trahir ou même travestir la réalité. Et, bien qu’on imagine sans peine que la famille Williams ait eu un sacré droit de regard, encore fallait-il trouver les acteurs qui conviennent. Ca tombe bien car c’est un des nombreux atouts du film ! Dans le rôle du père, je demande Will Smith ! On ne présente plus cet acteur talentueux. Déjà dans le poignant « A la poursuite du bonheur », l’acteur caméléon avait su nous émouvoir et même nous toucher en plein cœur. Comme pour le long-métrage de Reinaldo Marcus Green, nous avons l’impression que l’acteur aborde chacun des biopics dans lesquels il joue avec un profond respect pour les personnes qu’il incarne. La transformation physique est saisissante et passe par un phrasé différent, une posture voutée, une « lourdeur » dans le mouvement et même une certaine fatigue dans le regard. Oui, tous ces éléments participent à un processus de transformation réellement fascinant ! L’acteur est tout simplement parfait dans son rôle et dans ses yeux dans lesquels on sent un passé qu’il n’a certes pas connu personnellement mais qu’il semble tellement bien comprendre. Cela fait franchement plaisir de revoir l’acteur au top ! Et que serait le film sans de sacrées actrices pour camper les sœurs sportives les plus connues au monde ? A ce petit jeu, Saniyya Sidney et Demi Singleton sont parfaites dans leurs rôles de Venus et de Serena ! Pour se préparer, elles ont rencontré leurs modèles pour travailler un peu plus sur la psyché de ces guerrières des courts qui ont fait rêver toutes les petites filles issues de la communauté afro-américaine. De ces échanges, une certaine vérité transpire à l’écran. Quand on vous disait que le film est avant tout honnête… Bien sûr, le reste du casting est loin de démériter! Alors que la mère Williams est incarnée à l’écran de façon extrêmement convaincante par Aunjanue Ellis, l’acteur Tony Goldwyn est parfait dans son rôle de découvreur de talents. Mais la cerise sur le gâteau de ce très beau casting revient sans hésitation à John Bernthal que l’on prend plaisir à revoir avec une belle moustache pour l’occasion ! Car n’oublions pas que le film se passe dans les années 90 et qu’un véritable soin a été apporté aux décors naturels privilégiés ici mais aussi aux costumes. Ah… ce petit short de tennis si caractéristique de l’époque ! N’en jetons plus, vous l’aurez compris, « La Méthode Williams » est une excellente surprise ! Moins sportif que familial, le film est à la fois émouvant et terriblement prenant.
Durée du film : 2h24
Genre : Biopic Date de sortie en Belgique : 2 février 2022 Titre original : King Richard De Reinaldo Marcus Green – Avec Will Smith, Saniyya Sidney, Demi Singleton, John Bernthal, Aunjanue Ellis et Tony Goldwyn
Dans son dernier film, on retrouve toute une série de clins d’œil à sa propre filmographie (« Camping Cosmos »), à sa vie, à son amour pour le théâtre et les grands classiques mais pas que… Il y a beaucoup de lui dans « La dernière tentation des Belges », un peu de nous, de l’humour et du drame, un mélange qui peut certes déconcerter mais qui s’inscrit sans aucun problème dans la lignée de ce qu’il avait déjà proposée ces trente dernières années. En plantant sa caméra dans sur les plateaux et dans les vallées de chez nous, Jan Bucquoy sublime les décors dans lesquels son intrigue place, alternant les plans entre les scènes d’un théâtre dans lequel se joue la vie de ses personnages, leur passé et leurs confidences mais aussi les grands espaces où ses héros respirent, trinquent ou font des projets d’avenir. La photographie de Michel Baudour est d’une beauté incroyable et se laisse contempler comme un magnifique livre d’images de notre terroir. Film à « sketches » découpé en différents chapitres, « La dernière tentation des Belges » peut déstabiliser par son ton, ses propositions, son jeu et ses caricatures. Il surprend par son choix de casting qui fait se rencontrer une comédienne débutante ultra convaincante (bravo Alice Dutoit pour cette performance toute en nuances) et un acteur flamand confirmé Wim Willaert, toujours aussi décalé. Tantôt touchant, tantôt surprenant, le dernier long-métrage de Jan Bucquoy s’imbrique, quelques années après ses autres propositions déconcertantes, dans son cinéma qui n’a nul pareil… Si on peut comprendre qu’il déplaise à ceux qui ne sont pas habitués avec son ton et son univers, on ne peut qu’acquiescer son choix d’aborder la thématique du suicide sous un angle est intéressant, parfois touchant et dramatiquement drôle. S’il tient d’ordinaire un rôle dans son propre cinéma, Jan Bucquoy a cette fois, laissé la place à Wim Willaert, s’effaçant pour laisser place à un conte animé, une fable qu’il a écrite mais qu’il prend plaisir à « simplement » animer. Il n’en oublie pas pour autant de continuer sa lancée « politique » et « sociétale » déjantée et nous offre, par ses dialogues imaginaires et ses saynètes, un film plus intime, plus personnel et sans tabous mais avec une vraie constante : son traditionnel contre-pied toujours totalement assumé.
Durée du film : 1h15 Genre : Comédie dramatique Date de sortie en Belgique : 2 février 2022 De Jan Bucquoy – Avec Alice Dutoit, Wim Willaert, Alex Vizorek |
Légende
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