Gagarine Forever S’ouvrant sur des images d’archives montrant l’inauguration de la cité d’Ivry par Youri Gagarine et l’alignement de rangées de bâtiments à l’architecture très froide de l’ère communiste, « Gagarine » pourrait faire penser à de nombreux autres films de banlieues qui ont déferlé dans nos salles depuis de nombreuses années. Mais s’arrêter à cette idée serait contreproductive car Fanny Liatard et Jeremy Trouilh ont bien des choses à nous dire et à nous montrer dans ce magnifique film où l’empreinte du passé et l’abandon des cités auraient pu anéantir les rêves d’une jeunesse qui a été sacrifiée. Et pourtant, Youri, Diana, Houssam et les autres refusent de voir la fatalité et agissent au quotidien pour garder droites et solides une cité et une communauté menacées par une destruction organisée. Durant une heure trente qui passe à la vitesse de la lumière, on côtoie Youri (incroyable Alseni Bathily), un jeune qui, constatant le déclin des logements qu’il fréquente depuis qu’il est tout petit, passe sont temps à réparer les couloirs, les ascenseurs et les appartements environnants. Débrouillard, il a pourtant une vie très compliquée et, à l’image des lieux qui ternissent au fil des années, se voit abandonné par les gens qu’il a toujours aimé. Mais la rencontre de Diana (la toujours impressionnante Lyna Khoudri qui nous avait bluffé dans le mémorable « Papicha » de Mounia Meddour), va lui donner l’opportunité de découvrir une autre part de sa réalité et de partager les affres d’un quotidien qui l’a profondément marqué. Au fil du film, on ouvre les yeux sur les échecs politiques et sociaux, sur l’impérativité de donner les moyens à ces jeunes, à ces parents, à de petits enfants ou à ces adolescents de se créer un avenir rassurant ou du moins, de leur permettre de vivre décemment. Si la fatalité plane au-dessus de cette communauté qui est bien loin de ce que certains médias partagent dans leur JT, ils sont quelques-uns à vouloir combattre pour leur avenir et leurs libertés, à ne faire qu’un avec les lieux qu’ils ont habités et qui gardent les traces de leurs vies, de leurs premiers pas à leurs larmes versées lorsque les colosses de béton et acier finiront par s’effondrer. Parmi eux, on retrouve Youri qui, à défaut de s’évader de cette cité d’où il ne parvient pas à s’extriquer, construit sa propre capsule astronomique pour se préserver du monde extérieur qui n’a cessé de le décevoir et de l’abandonner. Poétique et sublime, « Gagarine » est une illustration parfaite de la jeunesse d’aujourd’hui, de combats menés pour la (sur)vie, un drame qui dresse la liste accablante des manquements de cette France qui n’a pas réussi l’intégration qu’elle avait promise jadis… Mais c’est aussi un film fort magnifiquement réalisé qui touche par les individualités qu’il présente avec une empathie, une solidarité et une humanité que beaucoup peuvent envier. La fantastique fable sociale de Fanny Liatard et Jeremy Trouilh reste dans notre cœur et dans notre esprit des jours et des mois après l’avoir vécue et pleinement ressentie et fait d’ores et déjà partie des films coup de coeur de cette année qui réussissent le pari difficile d’informer et illustrer sans jamais juger !
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♥ : Coup de coeur ★★★★: Excellent film ★★★: Très bon film ★★: Bon film ★: Passable ○: On en parle? |