Agréables ou irritantes (selon votre degré de tolérance envers le style grotesque), ces expériences cinématographiques ont le mérite de nous proposer un autre ton, une autre approche de la comédie, une vision moins conventionnelle et un univers loufoque dans lequel on croise des personnages hauts en couleur. « Perdrix » de Erwan Le Duc fait partie de ceux-là. Basée dans les Vosges et au cœur d’un petit village pittoresque où les vacanciers feraient bien escale, l’intrigue de « Perdrix » est plutôt simple. Juliette, femme qui migre au gré de ses envies, se fait voler sa voiture par une nudiste extrémiste lors d’une pause sur une aire d’autoroute peu fréquentée. A bord de son véhicule se trouve toute sa vie écrite dans des centaines de petits calepins numérotés. Bien décidée à retrouver ses « carnets de correspondance avec elle-même », Juliette débarque dans la gendarmerie locale où travaille Pierre Perdrix, un célibataire endurci allocentré. Elle est débridée, il est introverti. Cette rencontre improbable va peut-être permettre à ces deux êtres que tout oppose de découvrir le véritable sens du mot « aimer »… Si on regrette les caricatures extrêmes de chaque protagoniste du film et le manque d'empathie qui en découle, il faut malgré tout admettre que le côté burlesque du film et du casting est totalement assumé. Maud Wyler, que l’on découvre ici, rejoint la courte liste des comédiennes capables d’incarner de folles personnalités : Clotilde Hesm (dans « Diane a les épaules »), Laetitia Dosc, India Hair, Monia Chokri, Valérie Donzelli en sont quelques beaux exemples. Comédie absurde dans la lignée de « Tous les soleils » ou « Notre Dame », dans lesquels l’amour et l’omniprésence des familles occupent une place centrale, « Perdrix » à ce petit quelque chose de gentiment barré qui le distingue des autres comédies de l’année. Pour autant, difficile de totalement y adhérer tant les pistes empruntées sont parfois trop extravagantes ou un peu risquées et ce, malgré un casting impeccable dans lequel on retrouve un Swann Arlaud et une Fanny Ardant à contre-emploi et un duo père/fille criant de vérité (Nicolas Maury et Patience Muchenbach). Tantôt drôle, tantôt tendre, « Perdrix » nous rappelle qu’il n’existe pas d’amour conventionnel. Qu’il peut frapper à la porte de tout un chacun ou nous perdre lorsque la vie fait son chemin. Le poète allemand Novalis, évoqué dans le film, disait : « Au premier baiser un univers nouveau s'ouvrira devant toi et la vie, de ses mille rayons, pénétrera ton coeur extasié » Cette seule citation résume à elle-seule l’idée du premier film d’un Erwan Le Duc fort inspiré. Date de sortie en VOD : 2 juin 2020 Durée du film : 1h39 Genre : Comédie
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C’est que, en abandonnant son mari et ses enfants pour commencer une nouvelle vie à Stockholm, Alice (efficace Ane Dahl Torp) a créé une fracture, un fossé entre son noyau familial et son besoin de liberté. Interdite de visite et écartée de sa progéniture, la jeune femme tente en vain de vivre sereinement son quotidien. Jusqu’à ce qu’un soir, son fils Vincent, âgé de 8 ans, l’appelle en pleurs pour lui dire qu'il ne veut plus rester chez son père. Paniquée, la mère démissionnaire mais toujours protectrice se met en route et compte bien récupérer ses enfants coûte que coûte. Les retrouvailles, aussi froides que le climat qui réside dans le petit village suédois où vit sa famille, ne se passe pas comme prévu. Rejetée, brimée, accablée, Alice est partagée entre le souhait de respecter les règles d’un jugement trop sévère et les enfreindre pour s’accorder une parenthèse avec ses deux enfants. Dans la précipitation, elle parvient à convaincre Elina et Vincent de lui accorder une semaine de vacances à Ténérife, pour s’amuser et se retrouver… Commence alors une aventure où chaque membre du trio doit avancer avec ses failles, ses peines ou ses douleurs, tenter de garder le bateau à flot et empêcher la confiance fragile de s’étioler au gré des déceptions et des maladresses d’une mère qui ne sait comment aimer. Plutôt bien amenées, la psychologie des personnages, leur histoire familiale et leurs difficultés de vivre ensemble font le sel d’un drame dans lequel on entre rapidement et où notre cœur ne cesse de battre vraiment, que ce soit de peur devant les agissements irrationnels d’Alice, de joie lorsqu’elle obtient enfin un regard, une accolade ou un moment de partage avec ses enfants ou de tristesse de deviner que cette situation ne peut durer éternellement. L’osmose qui se crée entre les trois acteurs principaux (Ane Dahl Torp trouve notamment en face d’elle Tintin Poggats Sarri, une jeune comédienne qui nous bluffe par son jeu réaliste et déconcertant), la dynamique d’une histoire qui se déroule très vite et la puissance des sentiments distillés au fil d’un parcours de parent combattant, tout concorde pour faire de « Charter » un film actuel plutôt réussi, à tel point qu’on l’on oublie les petits moments de flottement au profit d’autres jolis moments. Peu bavard (on ne sait d’ailleurs pas grand-chose du passé commun des protagonistes) et moderne, le nouveau long-métrage de Amanda Kernell démontre une fois de plus qu’on ne nait pas parent mais qu’on le devient, que la vie permet à chacun d’exprimer ses valeurs familiales en se dépassant, se rachetant ou fuyant face à ce rôle parfois trop imposant. Date de sortie en VOD : 27 mai 2020 Durée du film : 1h37 Genre : Drame
Cash, le nouveau long-métrage de Antoine Desrosières est une sorte d’étude de la société adolescente, de ses codes, ses erreurs mais aussi de sa force de caractère. Presque documentaire, « A genoux les gars » aurait pu verser dans le drame et présenter une descente aux enfers dont il est difficile de s’extriquer. Mais au lieu de cela, il fait le choix de mettre en avant une Yasmina têtue et déterminée à se tirer d’affaire. Parfois drôle souvent grave, le film oscille entre légèreté et dialogues un peu creux et propos dense et douloureux. Son casting, totalement inconnu, évolue d’ailleurs avec une admirable authenticité dans cette histoire on ne peut plus actuelle, Souad Arsane la première. Cette Yasmina tantôt agaçante tantôt touchante pourrait être n’importe quelle jeune fille féministe des banlieues, une adolescente au langage familier et au quotidien criant de vérité. Nécessaire, le film parlera sans doute beaucoup plus aux adolescents qu’à leurs parents et se met à la hauteur de leurs yeux évoquant leurs sujets de discussions sans filtre ni tabou et en leur faisant prendre conscience de la gravité d’une situation qui peut vite dégénérer. Pression morale, besoin d’exister, mensonges et défis acceptés, la limite entre le tolérable et l’indignité est bien mince à tel point qu’il est facile de basculer. La réalisation de Antoine Desrosières, elle, reste linéaire et ne vrille jamais, garde son cap et son ton pubère. Un langage qui peut déranger mais au-delà duquel il faut pouvoir passer pour apprécier pleinement les intentions et le message que le film est venu nous délivrer. Date de sortie en VOD : 19 mai 2020 Durée du film : 1h38 Genre : Comédie
Divisées en deux groupes, les épouses et les filles (que l’on dissocie par la couleur de leur tenue) se nourrissent de la parole de leur messie, accepte son courroux et ses précieux conseils sans jamais les remettre en question. Séduisant et charismatique, le jeune homme (glaçant Michiel Huisman – « Game of Thrones », « The haunting of Hill House »), distribue les faveurs et les sourires au gré de ses envies ou humeurs sans jamais susciter de convoitise entre ses favorites. Le silence des brebis et des agneaux Extrêmement toxique, le Berger est parvenu à créer une communauté coupée du monde, de la modernité des besoins ou du sentiment de liberté, un clan exclusivement féminin vivant en totale autarcie et où aucun autre « bélier » ne peut venir s’immiscer, qu’il soit adulte ou nouveau-né. Contemplatif, lent et finalement peu original dans ce qu’il tente de proposer, « The other lamb » puise sa force dans son tandem de choc interprété par Michiel Huisman et Raffey Cassidy (vue dans le film « Mise à mort du cerf sacré ») dont les regards ou silences en disent long. Admirative de son leader, Selah va peu à peu s’en détacher et tenter de s'en libérer. Aidée dans sa remise en question par une épouse « répudiée », la jeune fille comprend que sa maturité et sa puberté ne sont pas qu’une étape importante de sa propre vie… elles représentent aussi un changement de statut potentiel et une opportunité de refuser d’entrer dans la nouvelle case qui pourrait devenir la sienne. Très réussi dans sa photographie léchée et son atmosphère inquiétante, « The other lamb » ne semble néanmoins ne pas avoir grand-chose à dire. Dénonçant la domination masculine qui brime la mini-société mise en place par des règles impossibles à renverser, le film de Małgorzata Szumowska permet par ailleurs de démontrer que la jeunesse (et son esprit critique) peut parvenir à tout faire changer pour peu qu’elle s’en donne les moyens et accepte d’ouvrir les yeux sur une réalité imposée. Parfois très lent, souvent latent, le dernier long-métrage de la réalisatrice polonaise offre néanmoins quelques ouvertures que l’on peut interpréter comme des mirages ou une réalité refoulée, appartenant au futur ou au passé. Pas totalement inintéressant, le métrage ne manque pas d’identité et de bonnes idées. Mais peut-être est-il à réserver à un public averti et sensibilisé à l’histoire qu’il s’apprête à traverser. Date de sortie en VOD : 13 mai 2020 Durée du film : 1h36 Genre : Drame
Thea, jeune étudiante apparemment bien dans sa peau, quitte son entrainement de handball et rentre chez elle, accompagnée d’une amie avec qui elle échange des banalités. La soirée se déroule comme n’importe quelle autre de l’année jusqu’à ce qu’un drame vienne la frapper. Tout va alors très vite, jusqu’à un dénouement peu explicite mais qui vient mettre un point final à cette intrigue tournée en temps réel. Prenant malgré son rythme parfois lent, « Blind spot » n’est pas un film hautement marquant. Ce qui le rend atypique, c’est son choix de réalisation, son cadre, son temps et ses espaces. Ses plans rapprochés, la proximité d’une intimité et le détachement de ce qui va peut-être arriver. Parfois poussif (dans son dernier tiers), il parvient néanmoins à garder une sincérité presque documentaire, une démarche extraordinaire. Porté avec conviction par un casting limité, le premier long-métrage de Tuva Novotny nous fait vivre l’enfer vécu par ses personnages principaux, ressentir leurs émotions sans jamais nous laisser sur le bas-côté. Témoins privilégiés, nous nous sentons impuissants face à cette dure réalité, preuve que la mise en scène d’un banal fait divers peut nous impliquer et nous emporter malgré son approche très terre à terre. Date de sortie en VOD : 8 mai 2020 Durée du film : 1h38 Genre : Drame Titre original : Blindsone
Mais en vain… Nous avons beau avoir résisté et laissé sa chance à ce « Pinocchio » version 2020, nous avons capitulé et très peu apprécié ce conte destiné aux adultes et subit le métrage jusqu’à son long générique de fin. Grandiose Geppetto Spectacle de marionnettes géant, « Pinocchio » de Garrone nous aurait probablement plus séduit s’il s’était uniquement concentré sur la figure de Geppetto (oui, on sait, c’est un comble). Roberto Benigni, qui été déjà entré dans cet univers près de 20 ans plus tôt, crève l’écran dans ce nouveau rôle taillé sur mesure pour son immense talent. Touchant, le comédien n’interprète pas un vieil homme pauvre qui peine à avancer dans sa vie, il l’est ! Donnant le peu qu’il a pour choyer son petit garçon de bois, Geppetto a certes une belle place sur notre écran mais il aurait mérité d’être encore plus présent et ainsi pallier à de sérieux manquements. En effet, comme on le sait, le petit garçon étourdi, crédule et obstiné va s’entêter à aller de l’avant là où il aurait mieux fait de retrouver son cher parent. Bien plus fidèle au récit initial, ce « Pinocchio » est loin de l’image matraquée par Disney en son temps et ce n’est que tant mieux. Matteo Garrone, qui avait su mettre en exergue la noirceur et la détresse humaine dans son précédent métrage, parvient à concilier classique de la littérature et nouveau souffle cinématographique. Mais à force de souffler sur les braises d’effets spéciaux que l’on peine à regarder, son tableau devient un immense brasier qui finit par nous aveugler. Risibles ou grossiers, les personnages fantastiques proposés au fil de son intrigue s’intègrent difficilement à l’univers artistique fabuleux proposé par le chef opérateur Nicolai Brüel. Monstrueux et grotesques, le grillon vert, le renard et le chat, l’escargot ou encore les marionnettes de Monsieur Mange-Feu nous font penser à ces personnages de « L’Histoire sans fin » (sorti dans les années 80) sauf que depuis, en matière d’effets spéciaux, on est supposé avoir fait un sacré chemin. En plus des dialogues creux, ces personnages fabuleux n'ont plus cette magie qui leur était propre ou les défauts qui étaient à eux, ils sont devenus inintéressants et parfois agaçants. Nostalgie d’une époque ou problèmes de budget, nous ne savons pas ce qui a poussé Garrone à user de tels stratagèmes répulsifs. Par contre, nous saluons les performances impeccables de Sir Benigni, Paolo Graziosi ou encore Gigi Proietti qui assurent dans leurs rôles et sauvent l’honneur du jeu d’acteurs. Mais quid de Pinocchio nous direz-vous ? Là aussi, nous avons de grandes réticences sur le visuel employé pour donner vie au petit pantin de bois. Si Federico Ielapi (8 ans !) se donne corps et âme pour faire vivre le célèbre personnage toscan, nous émettons les mêmes griefs en matière d’effets spéciaux bien trop poussés que pour que l’on puisse totalement l’apprécier. Heureusement, la jolie frimousse du vrai petit garçon de Geppetto viendra un peu sauver la mise, mais un peu tard peut-être... Bien plus fidèle à son récit, sublimé par la musique de Dario Marianelli, ce « Pinocchio » nouveau nous a laissé de marbre et ne nous a permis de nous laisser emporter dans ce conte maintes fois racontés. Mi-figue, mi-raisin, nous devons admettre que certains adhéreront sans doute beaucoup plus que nous à cet univers loin d’être enfantin. Soigné par moments, excessif à d’autres, nous n’avons pas été touché par la plupart des personnages présentés ni par celle de son héros principal grugé, pendu, délaissé et aimé. Et pourtant, nous savons combien Matteo Garrone peut proposer des films de qualité, des atmosphères prenantes et des émotions diverses et variées. Dispensable (même si Roberto Benigni tient à nouveau un grand rôle), ce « Pinocchio » sera vite vu, vite oublié… Pour notre part, nous avons plusieurs fois été tenté d’appuyer sur le bouton stop, c’est dire si on l’a moyennement apprécié… Date de sortie sur Amazon Prime Video: 4 mai 2020 Date sortie en salle initialement prévue: 8 avril 2020 Durée du film : 2h05 Genre : Fantastique
Les regards croisés, des modèles peints à ceux des plus heureux spectateurs privilégiés sont chargés d’Histoire, de secrets mais aussi d’émotions palpables et mis en image de façon pudique et admirable. Aussi riche dans sa forme que dans son fond, ce documentaire fait le pari de nous présenter de nouvelles facettes d’un art que l’on pense connaître relativement bien, de nous entrainer dans des histoires singulières où engouement médiatique, compétition pour la reconnaissance et la possession mais aussi plaisir de partager ses connaissances d’un peintre hautement estimé s’animent à travers différents destins. Au fil des récits proposés, nous errons dans le salon d’un château anglais où un duc s’extasie devant un précieux portrait acquis il y a des dizaines d’années mais aussi dans les couloirs de la galerie Jan Six, basé à Amsterdam ou encore dans les allées d’expositions éphémères rendues possibles par la générosité du couple Kaplan. Qu’ils soient Français, Hollandais ou Anglais, les différents intervenants partagent tous la même passion pour la peinture typique d’un maître qui a œuvré il y a plus de 400 ans. Passionnant, le documentaire l’est aussi par sa mise en scène dans laquelle viennent s’insérer quelques touches de suspense et des petits rebondissements. La difficulté de trouver de nouveaux Rembrandt et l’excitation d’en mettre un à jour, les tractations entre particuliers et acquéreurs privés ou publics et l’inauguration de l’expo Rembrandt au Louvre parisien ou d’Abu Dhabi, la tristesse de se séparer d’une œuvre et la satisfaction de l’offrir au public nous font prendre conscience de l’importance qu’ont ces tableaux uniques. S’il y a des vérités historiques, émotionnelles et scientifiques, il y aussi celle de Oeke Hoogendijk qui se révèle dans un très joli documentaire instructif et dynamique ! Date de sortie en VOD : 5 mai 2020 Durée du film : 1h37 Genre : Documentaire |