Note du film : 8/10 (par Véronique) Résumé du film : Une incroyable histoire vraie : à 5 ans, Saroo se retrouve seul dans un train traversant l’Inde qui l’emmène malgré lui à des milliers de kilomètres de sa famille. Perdu, le petit garçon doit apprendre à survivre seul dans l’immense ville de Calcutta. Après des mois d’errance, il est recueilli dans un orphelinat et adopté par un couple d’Australiens 25 ans plus tard, Saroo est devenu un véritable Australien, mais il pense toujours à sa famille en Inde. Armé de quelques rares souvenirs et d’une inébranlable détermination, il commence à parcourir des photos satellites sur Google Earth, dans l’espoir de reconnaître son village. Mais peut-on imaginer retrouver une simple famille dans un pays d’un milliard d’habitants ? Avis : Cette semaine, nombreuses sont les sorties attendues et de grande qualité. Parmi elles, « Lion » de Garth Davis, film précédé d’une grande réputation. « Emouvant, touchant, incroyable » sont les mots qui sont revenus le plus souvent dans la bouche de ses spectateurs. S’il nous touche en effet droit au cœur, nous ne qualifierons pas « Lion » de chef d’œuvre mais de très bon film. La faute à cet engouement qui voudrait que l’on sorte de la salle les yeux rougis de larmes ? L’histoire est belle et désarmante, c’est un fait, mais la lenteur dont elle fait preuve prend parfois le dessus sur les émotions. Garth Davis signe ici son premier- long métrage et pour une première tentative, on doit dire que c’est plutôt réussi ! Hormis la lenteur parfois pensante que nous venons d’évoquer (et qui perd par moment l’attention des spectateurs), le film offre une aventure extraordinaire durant près de deux heures. Divisée en deux temps et deux lieux, l’intrigue nous emmènera dans l’Inde des années 80 et dans la nouvelle vie de Saroo, en Tasmanie, début des années 2010. Inspiré de la vraie vie de Saroo Brierley, le film raconte l’histoire d’un jeune garçon de 5 ans perdu à plus de mille kilomètres de chez lui. Débrouillard, il parviendra à survivre dans les rues sombres de Calcutta jusqu’à ce qu’il se fasse adopter par un couple d’Australiens (Nicole Kidman et David Wenham, déjà partenaires à l’écran dans « Australia »). Vingt-cinq ans après avoir quitté son village natal, Saroo se met en quête de le retrouver grâce à ses souvenirs et Google Earth. Dev Patel (Sonny dans « Indian Palace » ou encore Jamal dans « Slumdog millionnaire ») est ce Saroo adulte, habité en permanence par ses souvenirs et l’obsession de retrouver sa famille dont il a été séparé. L’acteur, qui s’est imprégné du rôle à tel point qu’on penserait que cette histoire est la sienne, n’a pas hésité à prendre l’accent australien et les émotions de son personnage à bras le corps pour offrir une prestation mémorable. Mais pour nous, le véritable acteur vedette du film n’est autre que Sunny Pawar, ce tout jeune comédien qui prête ses traits à Saroo enfant. Sa petite bouille et ses cheveux en bataille, son regard hagard lorsqu’il erre dans des lieux inconnus, sa détermination à survivre dans un Calcutta hostile et surpeuplé sont autant de choses qui marqueront au fer rouge la prestation du petit bonhomme. Incroyablement convaincant, le jeune indien est la vraie valeur ajoutée du film ! L’acteur débutant (qui porte bien son nom tant il est lumineux) nous guide dans ses pérégrinations, court tel un lion dans une ville qu’il ne connaît pas, apprivoisant des personnes ressources ou néfastes, mais trouvant toujours le moyen de se tirer d’affaire. Son énergie est étonnante et son jeu impeccable. Côté image, la reconstitution de l’époque et les scènes de vie dans Calcutta sont magnifiquement filmées. On se doute qu’il était pourtant loin d’être facile pour l’équipe du film de planter ses caméras dans une telle mégalopole où fourmillent chaque jour des millions d’indiens. Pourtant, Garth Davis et ses techniciens y sont parvenus et nous offre ainsi une photographie et une atmosphère prodigieuses. Avec toutes ses qualités, « Lion » est un très bon film, c’est vrai. Mais on s’étonne tout de même de voir autant d’éloges et d’étoiles pleuvoir ici et là. Non pas que nous ne sommes pas d’accord sur la qualité du film ou de son casting, mais parce que s’il est réussi, il ne nous a pas marqué autant que nous l’espérions. Ses 6 nominations aux Oscars joue la promotion à fond. Il en va de même pour les nombreuses citations vues ça et là sur les affiches : « Votre cœur explosera de bonheur », « Le parcours de Saroo va vous émouvoir aux larmes », passent encore. Mais pour ce qui est du « Nouveau Slumdog Millionnaire », on cherche encore... Ce n’est pas parce que l’intrigue se passe en Inde et qu’elle montre la détermination d’un personnage (interprété à nouveau par Dev Patel) qu’on se trouve dans le même registre, loin de là. « Lion » est très différent dans le fond comme dans la forme. Néanmoins, si on ne lui accorde pas les cinq étoiles souvent prodiguées par les grands médias, c’est sans doute parce que nous avons trouvé le rythme un peu trop lent et l’intrigue est un peu trop portée sur les émotions qu’elle pourrait susciter chez les spectateurs… A côté de cela, nous trouvons honorable que le film mette en avant le sort de milliers d’enfants perdus en Inde grâce à une action concrète de See- Saw Films et une sensibilisation sur le sujet. Date de sortie en Belgique : 22 février 2017 Durée du film : 1h58 Genre : Drame / Biopic
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Note du film : 7/10 (par Véronique) Résumé du film : Kevin a déjà révélé 23 personnalités, avec des attributs physiques différents pour chacune, à sa psychiatre dévouée, la docteure Fletcher, mais l’une d’elles reste enfouie au plus profond de lui. Elle va bientôt se manifester et prendre le pas sur toutes les autres. Poussé à kidnapper trois adolescentes, dont la jeune Casey, aussi déterminée que perspicace, Kevin devient dans son âme et sa chair, le foyer d’une guerre que se livrent ses multiples personnalités, alors que les divisions qui régnaient jusqu’alors dans son subconscient volent en éclats. Avis : Nombreux sont les fans de l’univers de M. Night Shyamalan. Après un retour remarqué avec l’étonnant film « The Visit », le réalisateur nous emmène dans un univers radicalement différent mais tout aussi innovant. Comme à chaque fois, le cinéaste signe un scénario original, tout droit sorti de son imagination prolifique. Cependant, pour le sujet de « Split », M. Night Shyamalan s’est inspiré de l’histoire de Billy Milligan, un violeur américain ayant sévi dans les années 70 et jugé non responsable de ses actes à cause de sa schizophrénie. Et c’est précisément cette thématique qui est au centre de l’histoire, grâce au jeu exceptionnel de son acteur principal. Si dès le départ, c’était Joaquin Phoenix qui été pressenti pour le rôle, c’est finalement James McAvoy qui se faufile dans la peau de Kevin. Il est certain que nous n’avons pas perdu au change ! Le britannique offre une prestation incroyable à couper le souffle, tant il habite avec brio les différents personnages qu’il incarne à lui tout seul! C’est d’ailleurs un des arguments qui poussera sans conteste une bonne partie des spectateurs à se rendre dans les salles car, à la vue de la bande annonce, on s’attend à assister une prestation magistrale, ce qui est réellement le cas ! Et en parlant de bande annonce, évitez de la regarder avant votre sortie ciné si vous voulez que la surprise soit totale. En effet, si elle plante formidablement le décor, elle révèle un peu trop l’intrigue générale et présente de nombreux rebondissements qui n’en seront plus une fois que vous l’aurez vue. Mais revenons sur la prestation de James McAvoy. Nous l’écrivions plus haut, à l’instar de « Identity », « Split » met en scène un personnage schizophrène victime des personnalités qui l’habitent, vingt-trois pour être précis. Kevin est atteint d’un trouble dissociatif de l'identité depuis un bon bout de temps et est suivi par une psychologue de renom, le docteur Fletcher (Betty Buckley, vue notamment dans « Phénomènes » du même réalisateur). Persuadée que quelque chose a changé dans les habitudes de Kevin, la spécialiste va tenter de percer le mystère que ce jeune homme troublé semble cacher. Ce qu’elle est loin d’imaginer, c’est que son patient retient contre leur gré, trois jeunes filles totalement paniquées par ce qu’elles sont en train de découvrir. Parmi elles, l’excellent Anya Taylor-Joy, dont nous suivons la carrière de près. Celle qui a tenu le rôle principal dans « Morgane » ou dans « The witch » donne la réplique à James McAvoy de façon très mature. Son physique particulier et son attitude détachée sont deux atouts majeurs dans l’interprétation de Casey. La jeune comédienne n’a pas à rougir face à son partenaire de prestige, que du contraire. Et pourtant, la tâche n’était pas aisée tant McAvoy assure ! Celui que l’on connaît sous les traits de Professeur Xavier (saga « X-Men ») marquera les esprits pour longtemps encore. Son visage, sa posture, sa voix se transforment radicalement d’un personnage à un autre. On reste admiratif de ces scènes dans lesquelles il bascule d’un sourire à un regard dur, signes trahissant son changement d’entité en quelques secondes à peine. Véritable transformiste, l’acteur passe d’un enfant de 9 ans à une femme rigide en deux temps trois mouvements. S’il est sensé être habité par vingt-trois personnalités, Kevin laisse cependant la place à un nombre restreint de personnages, nous permettant ainsi de suivre avec facilité son histoire personnelle et le but qu’il poursuit. Les 6 ou 7 individus qui se manifestent dans le film sont autant d’occasion de contempler le travail formidable qu’est celui de James McAvoy ... Bien moins fracassant que « Le sixième sens », « Incassable » ou « Le village », « Split » exploite en demi-teinte un sujet qui aurait pu l’être de façon plus profonde. La réalisation reste impeccable mais le rythme un peu lent. Bavard, le film use d’artifices peu utiles (comme par exemple, le changement de tenue de Kevin) pour nous faire comprendre que c’est un nouveau personnage qui a pris possession du corps de son héros. La subtilité et le jeu de James McAvoy auraient suffit et aurait peut-être dynamiser davantage la trame intelligente écrite par Shyamalan. Le suspense est au rendez-vous, comme à chacun de ses nouveaux films. Néanmoins, il n’est peut-être pas aussi consistant qu’on ne l’imaginait, même si le visuel (du générique) et la musique sont très travaillés pour accompagner au mieux l’intrigue. Fait exceptionnel, c’est n’est pas James Newton Howard qui signe la bande originale mais West Dylan Thordson, tout aussi talentueux mais un peu moins célèbre que le collaborateur musical habituel de l’univers de M. Night. Attendu, le dernier film de Shyamalan remplit largement le cahier des charges et permet à James McAvoy de montrer toute l’étendue de son talent. Si on est malgré tout un peu déçu par le manque de surprise de « Split », la dernière image soulèvera le cœur des fans de l’univers du réalisateur et permettra de nous faire sortir de la salle le sourire aux lèvres. Date de sortie en Belgique/France : 22 février 2017 Durée du film : 1h57 Genre : Thriller fantastique Note du film : 7/10 (par Véronique) Résumé du film : A bientôt 30 ans, Hélène a toujours l’air d’une adolescente. Elle est l'auteure de textes puissants à l’humour corrosif. Elle fait partie, comme elle le dit elle-même, d’un «lot mal calibré, ne rentrant nulle part». Visionnaire, sa poésie télépathe nous parle de son monde et du nôtre. Elle accompagne un metteur en scène qui adapte son œuvre au théâtre, elle dialogue avec un mathématicien... Pourtant Hélène ne peut pas parler ni tenir un stylo, elle n’a jamais appris à lire ni à écrire. C’est à ses 20 ans que sa mère découvre qu'elle peut communiquer en agençant des lettres plastifiées sur une feuille de papier. Un des nombreux mystères de celle qui se surnomme Babouillec… Avis : « Dernières nouvelles du cosmos » est un documentaire interpellant. Julie Bertuccelli a en effet fait le choix de nous présenter l’histoire d’Hélène, une jeune femme autiste étonnante. Incapable de communiquer par la plume ou la parole, Hélène écrit des poèmes denses et d’une extrême intelligence, avec des petits morceaux de papier. Où a-t-elle appris tout ce qu’elle sait : son vocabulaire riche, sa pensée philosophique voire métaphysique ? Personne ne le sait. Toujours est-il que durant près d’une heure trente, nous suivons un bout de vie de Babouillec (nom de plume d’Hélène), depuis le projet fou de mettre en scène ses écrits jusqu’à la première qui a eu lieu au Festival d’Avignon. Le handicap d’Hélène, ses réactions face à la vie, son mode de communication original, les relations qu’elle entretient avec ses proches, ses joies, ses questionnements sont autant de sujets qui alimentent le film de Julie. Détentrice du César de la meilleure première œuvre de fiction (pour « Depuis qu'Otar est parti... »), la cinéaste française revient à ce qui lui est le plus cher : le documentaire ! Si le sujet passionne et impressionne, la forme, elle, peut laisser sceptique. En effet, le reproche que l’on pourrait formuler à ce documentaire, c’est sa réalisation un peu trop scolaire, qui met bout à bout des séquences filmées à l’aide d’une seule caméra. Déterminée à mettre Hélène en valeur, Julie Bertuccelli est seule à faire le travail d’une équipe : elle filme, prend le son, scénarise… Parce qu’elle veut gagner la confiance d’Hélène, parce qu’elle veut qu’on soit au plus près d’elle. Si l’on comprend ce choix, on regrette cette forme parfois difficile à suivre (l’image ballotte, les coupures sont trop nettes), qui nous fait sortir à plusieurs reprises du propos pourtant intéressant des « Derniers nouvelles du Cosmos ». Présenté dans différents cinémas pour introduire des débats ou évoquer le travail de la réalisatrice, le documentaire sera dans nos salles ce 22 février et devra faire sa place entre les mastodontes qui côtoient l’affiche à ses côtés. Trouvera-t-il son public ? On lui souhaite car Hélène est une personnalité qu’il est étonnant de rencontrer. Date de sortie en Belgique : 22 février 2017 Durée du film : 1h25 Genre : Documentaire Note du film : 6,5/10 (par Véronique) Résumé du film : Lorsqu’il foule le sol algérien, Jamel, archéologue français d’origine algérienne, vient pour effectuer des fouilles sur les sublimes ruines romaines du village de Timgad. Le passé s’offre à lui, et le présent lui tombe dessus lorsqu’il est propulsé entraîneur de foot de l’équipe locale. Des gamins qui jonglent avec un quotidien chiche, qui n’ont ni maillot ni chaussure, mais dribblent avec talent. Entre vestiges antiques et plaies des luttes récentes, Jamel découvre sur ce terrain les racines tortueuses et les jeunes pousses d’une Algérie qui se rêve réconciliée…et championne de foot. Avis : Sorti en France il y a quelques temps déjà et présenté au FIFF 2016, « Timgad » est une jolie petite surprise qui égayera le quotidien de ses spectateurs. Perdu au milieu de grosses sorties attendues, le film recèle de jolies valeurs, une légèreté et une lumière qui fait du bien au moral. Et pourtant, à la lecture du résumé, nous ne savions pas véritablement ce que nous réservait le premier long-métrage de Fabrice Benchaouche. Si le sujet parait sérieux (et l’est dans le fond), le réalisateur a eu l’intelligence de proposer une comédie pétillante où plusieurs enjeux se croisent, notamment celui de l’équipe de foot locale. Mais contrairement à ce que l’on peut croire, ce n’est pas le seul sujet du film. A côté de la lutte pour une qualification importante, on entre dans le quotidien des habitants de Timgad, le « Pompéï algérien ». Il y a bien sûr les douze enfants nés la même nuit (une fille et onze garçons, futurs joueurs de l’équipe locale) mais aussi Mokhtar, l’instituteur (Sid Ahmed Agoumi), Larbi l’épicier (Lotfi Yahya Jedidi), Djamila la balafrée (Myriem Akheddiou) et Jamel, l’archéologue (Mounir Margoum). Tout ce petit microcosme se côtoie, s’apprécie ou se dispute nous livrant une vie quotidienne authentique où les espoirs, les rumeurs et les traîtrises sont un lot quotidien. Raison pour laquelle on s’attache facilement à chacun d’entre eux. Tout ce petit monde fonde ses espoirs sur les enfants du « 14 décembre » jeune équipe sportive qui rêve de se qualifier pour partir à Marseille. Pour y parvenir, Jamel, « l’ingénieur » (comme le surnomme gentiment les gens du village) va devenir leur coach et tenter coûte que coûte de leur donner les moyens de parvenir à leur but. Vous l’aurez compris, si l’intrigue se résume en quelques lignes et est plutôt convenue, il est bon de voir un film sans méchant, où seuls les espoirs et la fierté comptent. Rempli de lumière et plutôt bien réalisé, le film de Benchaouche fait mouche et promet un bon moment de divertissement. L’amitié (et les tendres chamailleries) entre l’instituteur et l’épicier, les prédictions de la guérisseuse/accoucheuse du village, les petits coups bas des uns et des autres sont autant de prétextes à de petits gags amusants et plaisants. Léger, le film se veut résolument positif ! On apprécie le mélange entre la langue arabe et le français, les petits clins d’œil au terrorisme ou à la religion, ce condensé de conte et de fiction (qui plaira aux petits comme aux grands). Bref, on passe un bon moment en famille devant un film intelligent et tendre en même temps. Date de sortie en Belgique : 22 février 2017 Durée du film : 1h41 Genre : Comédie dramatique Note du film : 9/10 (par Véronique et François) Résumé du film : Dans les années 1950 à Pittsburgh, Troy Maxson, ancien joueur de la Negro League de baseball, est devenu éboueur. Il vit aujourd'hui avec son épouse Rose, son fils Cory et son jeune frère Gabriel, ancien soldat handicapé suite à une blessure à la tête Avis : « Fences » est un film à ne pas manquer. Fort, extraordinairement réalisé, le dernier long-métrage de Denzel Washington est un petit bijou émotionnel. Durant plus de deux heures, nous suspendons le temps pour découvrir la vie d’une famille moyenne, évoluant dans une époque où il n’est pas facile de réaliser ses rêves. Adapté de la pièce de théâtre d’Auguste Wilson (portant le même nom) le sujet du film n’est pas totalement inconnu à Denzel Washington et Viola Davis car tous deux avaient déjà foulé les planches avec les rôles qui leur sont confiés ici. Mais pourquoi ce titre ? Le terme « Fences » désigne des barrières, des clôtures en anglais. Celles que certains construisent pour maintenir les gens en dehors, d’autres pour garder les gens auprès d’eux, comme le dit si bien le pitch du film. Ici, elles peuvent jouer les deux rôles tant la lecture du film est plurielle. Les vingt premières minutes sont d’ailleurs le reflet parfait de ce qui nous attend durant le reste du film. Rapides, intenses, les situations s’enchaînent, sans aucun temps mort, aucune possibilité de reprendre son souffle. On est très vite emporté dans un tourbillon de mots, d’expressions, de souvenirs et on entre dans le quotidien de cette famille en deux temps trois mouvements, une famille composée de personnalités très différentes et qui se retrouvent au sein de la maison familiale, pour partager leurs joies et leurs peines. Car derrière les apparences heureuses, se cachent énormément de fêlures. On assiste impuissant à l’éclatement en mille morceaux d’un quotidien ritualisé et ô combien rassurant. L’équilibre branlant du couple Troy- Rose s’effondre totalement, suite à une révélation douloureuse. Et c’est ce twist qui permettra à Violas Davis de nous offrir une prestation incroyable ! La claque est telle qu’on tremble, la gorge nouée, dans notre fauteuil rouge. Celle qui incarne une femme forte régissant la maisonnée comme un petit sergent, nous donne une leçon de cinéma dont on se souviendra longtemps ! Pas étonnant qu’elle ait été récompensée par un Golden Globes et un BAFTA pour son second rôle tellement dense…Et ces deux belles distinctions seront peut-être couplées à un Oscar, qui sait ? C’est tout ce qu’on lui souhaite ! Mais pourquoi le personnage de Rose est-il si emblématique alors qu’il est secondaire ? Parce qu’elle a reposé tous ses espoirs, tous ses instants de vie sur son mari, s’oubliant dans son rôle de femme et de mère. Parce que ses rêves et ses joies sont sincères, ses peines et sa colère l’habitent véritablement. L’actrice bouleverse, tout comme le film dans lequel elle évolue. Mais parlons à présent de Denzel Washington, qui porte ici la double casquette de comédien principal et de réalisateur. Avec « Fences », il signe son troisième long-métrage, après « Antwone Fisher » (2003) et « The Great Debaters » (2007). Excellent lui aussi, on constate très rapidement que la préparation à son rôle est énorme, tant dans l’attitude que dans l’accent. Son travail d’acting est tel qu’il en est presque méconnaissable. C’est que son personnage est loin d’être évident à interpréter. Cet éboueur, ex-joueur de baseball est dur. Il ne dit jamais à ses fils qu’il les aime ou qu’il est fier d’eux. Troy est pudique, tout en retenue, les non-dits sont nombreux et les sentiments positifs refoulés, seuls les reproches sont étalés. S’il ne tient pas le bon rôle et brise les rêves des autres, c’est peut-être parce qu’il n’a pas réalisé le sien complètement. La peur de voir réussir là où il a échoué est omniprésente, tout comme le besoin de donner l’éducation qu’il a reçue. Mais le film est aussi porté sur l’amitié, sur l’importance des valeurs, du poids de la culpabilité ou sur les responsabilités qui devraient être assumées. Et c’est grâce à une série de personnages que ces thématiques prennent sens. A côté de ce couple magistral, on part à la rencontre d’autres proches, tout aussi marquants. Monsieur Bono (Stephen Anderson) est hyper attachant, tout comme Gabriel (Mykelti Williamson), le frère handicapé de Troy. Les membres de la famille, les deux fils ou les amis instaurent tous une proximité avec le spectateur au point de faire de nous des témoins privilégiés de leur vie quotidienne. Ce film parle de la famille bien sûr mais aussi des fêlures du passé et du refus de voir le temps qui passe. Il évoque aussi l’évolution lente de la société à l’égard des noirs qui se battent au quotidien pour (sur)vivre dans une époque où il est difficile d’exister véritablement. La musique de Marcelo Zarvos sert d’ailleurs à merveille les différentes émotions rencontrées au fil de l’histoire. Filmé dans l’ordre chronologique (ce qui se fait de moins en moins souvent dans le 7ème art), le long-métrage de Denzel Washington est totalement réussi ! Parce que sa réalisation est excellente et son rythme parfait. Et pas seulement : l’époque des 50’s est superbement reconstituée : les rues, les quartiers fourmillants de vie, les mentalités de l’époque, tout est fidèlement retranscrit… on s’y croirait ! Avec son film rempli d’humanité et ses regards pénétrants Denzel Washington nous offre un très beau moment de cinéma ! La performance de Viola Davis (qui bouleverse tant son jeu est intense) y est sans doute pour quelque chose également. Si vous aimez l’époque des années 50, les drames maîtrisés et prenant au cœur, « Fences » est vraiment, un incontournable du moment ! Date de sortie en Belgique/ France : 22 février 2017 Durée du film : 2h19 Genre : Drame historique Note du film : 9/10 (par Véronique) Résumé du film : Guillaume Canet, 43 ans, est épanoui dans sa vie, il a tout pour être heureux.. Sur un tournage, une jolie comédienne de 20 ans va le stopper net dans son élan, en lui apprenant qu’il n’est pas très « Rock », qu’il ne l’a d’ailleurs jamais vraiment été, et pour l’achever, qu’il a beaucoup chuté dans la «liste» des acteurs qu’on aimerait bien se taper… Sa vie de famille avec Marion, son fils, sa maison de campagne, ses chevaux, lui donnent une image ringarde et plus vraiment sexy… Guillaume a compris qu’il y a urgence à tout changer. Et il va aller loin, très loin, sous le regard médusé et impuissant de son entourage. Avis : Impossible que vous soyez passés à côté du phénomène « Rock’n Roll ». Ses affiches, sa promotion aux quatre coins de la France (et même jusque chez nous, à Bruxelles, le mois dernier), ses échos de la presse ou des spectateurs français ont sans aucun doute dû vous parvenir au fil des derniers jours. Contrairement à d’autres comédies ultra- promues pour un pet de vent, « Rock’n Roll » dépote et vaut vraiment le déplacement ! On a beau chercher encore et encore dans notre mémoire, on ne se souvient plus depuis quand nous n’avions plus autant ri de bon coeur au cinéma ! De la première à la dernière minute, les gags et les répliques cinglantes s’enchaînent pour notre plus grand plaisir ! Car oui, Guillaume Canet renoue avec ce qu’il sait faire de mieux : écrire une comédie digne de ce nom. Plus barré encore que « Mon idole », son dernier film n’est pas seulement drôle, il est aussi extrêmement intelligent ! Autodérision, hommage, dénonciation du star-system qui veut des acteurs éternellement jeunes et « in », Canet a su piocher ça et là des idées de génie afin de nous servir une histoire dynamique qui ne fléchit jamais. Pour en arriver à ce résultat, l’acteur/réalisateur n’a pas hésité à donner de sa personne. Quarantenaire has been, papa cool, « Monsieur Cotillard » ne semble plus avoir la cote et vit dans l’ombre de sa compagne talentueuse et au top de sa carrière. « Un acteur dont on ne parle plus est un acteur mort... » les funérailles cinématographiques de Guillaume ne semblent plus très loin. Qu’à cela ne tienne, ce gendre idéal va puiser au fond de lui pour (re)devenir populaire… ou plutôt rock and roll ! Qui mieux que Marion Cotillard pouvait le soutenir dans ce formidable nouveau projet de film ? Après une petite baisse de régime (« Blod ties » n’a en effet pas fait l’unanimité auprès de la critique), Guillaume redevient le conquérant innovant, brillant metteur en scène de longs métrages mémorables. Fort d’une dernière expérience décevante, le cavalier sans peur et sans reproche remonte en selle pour offrir ce qui sera sans doute la comédie de l’année 2017 ! Et « Rock’n Roll » n’aurait sans doute pas été le même sans Marion ! Même les Cotillard-sceptiques devront admettre que dans ce registre, elle assure ! Responsable de nombreux de nos fous rires, l’actrice oscarisée n’a pas peur du ridicule et assume une prestation mémorable ! Et elle n’est pas la seule à entrer de plain-pied dans le délire de Canet : Yvan Attal (qui devient le frère d’Alain, le producteur, l’espace d’un film), Gilles Lellouche et Maxime Nucci font l’amitié de venir apporter leur french touch au scénario impeccable et loufoque de Guigui. Et que dire de Johnny Hallyday ? Quelle audace, quel régal ! Son rôle de papy rockeur est juste parfait et nous tire des larmes de rire que l’on verse avec plaisir à plusieurs reprises, à tel point que l’on se passerait ses scènes en boucle, tant son intervention est truculente ! Les apparitions fortuites de Kev’Adams et de Ben Foster (!), la musique de Demis Roussos, le tournage catastrophique où Guillaume partage l’affiche avec la brillante jeune actrice Camille Rowe-Pourcheresse et ses agissements scandaleux, … rien n’est à jeter, tout est à savourer ! Des scènes cultes, il y en a à la pelle ! Désireux de vous laisser la surprise, nous tairons tout ce qui nous a amusé mais nous pouvons vous assurer que « Rock’n Roll » entrera dans les annales ! Des rêves de Guillaume à sa triste réalité, tout est maîtrisé ! Oui l’acteur se met en avant dans une vie fictive, non il n’a pas peur du ridicule et re-non, il n’est pas égocentrique au point de faire un film de deux heures sur l’homme qu’il est vraiment… Il veut casser les codes, montrer que l’image que l’on a des gens n’est pas toujours celle qu’ils portent vraiment. Et ce, sans pour autant faire de cette comédie une autobiographie. Aucun problème de scénario (écrit par ailleurs avec ses complices Philippe Lefebvre et Rodolphe Lauga) ou de rythme, « Rock’n Roll » est le film presque parfait que l’on attendait ! C’est qu’il a dû prendre un plaisir fou à écrire et mettre en scène son film, tant cela se ressent à l’écran. Guillaume Canet est un génie, on le savait. Mais avec « Rock’n Roll » il est sorti tout puissant de sa lampe pour nous offrir une comédie excellente ! Sa filmographique presqu’ irréprochable s’agrandit un peu plus. A la sortie de la séance, nous n’avons qu’une chose à dire : « Merci » ! Merci de nous rendre les zygomatiques un peu douloureuses, merci de nous avoir fait autant rire ! Date de sortie en France : 15 février 2017 Date de sortie en Belgique : 22 février 2017-01-28 Durée du film : 2h03 Genre : Comédie Note du film : 7,5/10 (par Véronique) Résumé du film : À travers le regard et les souvenirs de son aîné, un jeune manchot se prépare à vivre son premier voyage… Répondant par instinct au mystérieux appel qui l’incite à rejoindre l’océan, découvrez les incroyables épreuves qu’il devra à son tour traverser pour accomplir son destin et assurer sa survie et celle de son espèce. Marchez avec lui dans les paysages éphémères de l’Antarctique, ressentez la morsure du vent et du froid qui l’attendent à chaque pas et plongez avec lui dans les fonds marins jusqu’alors inexplorés. Avis : Douze ans après « La marche de l’empereur », Luc Jacquet nous propose une nouvelle aventure en Antarctique, en compagnie d’un groupe de manchots empereurs récemment parents. Dans la même lignée que son précédent opus, le réalisateur nous présente à nouveau la vie d’un animal attachant et en proie à de nombreux risques. Survivre dans un environnement aussi hostile est loin d’être évident et encore plus lorsque notre oeuf vient seulement d’éclore ! Luc Jacquet est un passionné de son sujet, ça se sent à travers son film. Il dit d’ailleurs : « Côtoyer les empereurs, ce n’est pas juste les observer, c’est une rencontre. Nous sommes un prédateur, les animaux nous fuient. Les manchots, eux, nous tolèrent et mieux, ils sont curieux nous approchent. Ce sont vraiment des animaux singuliers ». Cette singularité, il la met en lumière d’une manière étonnante. Durant près d’une heure trente, on s’approche au plus près d’un groupe de manchots mâles, attendant leur femelle avec une faim tenaillante et surveillant leurs jeunes petits avides de découvertes. Car avec « L’empereur », c’est un groupe de poussins que l’on suit, depuis leur naissance jusqu’à la découverte de l’océan. La proximité de la colonie est telle que l’on peut scruter le duvet des petits danser sous le vent froid polaire. Comme dans le premier film consacré au peuple de l’Antarctique, Luc Jacquet évoque les stratégies de survie mises en place par les manchots, de la disposition en « tortue » pour partager leur chaleur corporelle, au passage compliqué de l’œuf de pattes à pattes sans que celui ne gèle sur la glace. Instructif, le film présente des images à couper le souffle sur un fond musical enchanteur, composé par Cyrille Aufort. Véritable invitation au voyage, les mélodies se calquent sur la trame générale avec une précision et passion. Et cette passion, on la retrouve également dans la voix reconnaissable entre toutes de Lambert Wilson. Celui qui a foulé le sol de l’Antarctique pour les besoins du film « L’Odyssée » de Jérôme Salle, n’a pas hésité une seule seconde à jouer les conteurs : « J’ai tout de suite dit oui lorsqu’on m’a proposé de faire la voix de l’Empereur, j’avais adoré la Marche de l’Empereur. Luc Jacquet est un personnage et captivant. On partage le même sentiment de paix qui règne là-bas, coupé du monde contemporain ». Et heureusement pour ses spectateurs, Luc Jacquet a su utiliser les techniques récentes les plus modernes pour filmer « l’infiniment grand espace blanc ». La photographie est sublime, le montage précis et le timing parfait. Rien ne détournera notre regard de l’écran et mis à part quelques redondances de l’épisode précédent, on ne trouve rien à redire sur l’exercice de style. Les amateurs de grands espaces blancs et de documentaires animaliers vont forcément trouver leur compte dans ce film magistral qu’est « L’empereur ». Et le voir en salles est quasiment indispensable si l’on veut que l’immersion soit totale. N’attendez donc pas sa sortie DVD pour suivre ces manchots depuis votre salon… rendez-vous dès le mercredi 15 février dans votre complexe ciné pour un voyage on ne peut plus singulier. Date de sortie en Belgique/France : 15 février 2017 Durée du film : 1h24 Genre : Documentaire Note du film : 4/10 (par Véronique) Résumé du film : Paris, fin des années 30. Kate et Laura Barlow, deux jeunes mediums américaines, finissent leur tournée mondiale. Fasciné par leur don, un célèbre producteur de cinéma, André Korben, les engage pour tourner dans un film follement ambitieux. Prise dans le tourbillon du cinéma, des expérimentations et des sentiments, cette nouvelle famille ne voit pas ce que l’Europe s’apprête à vivre. Avis : Sa bande annonce laissait entrevoir des images d’époque et une intrigue intéressante. Son casting avait de quoi séduire. Et pourtant, « Planétarium » nous a laissé totalement stoïques durant l’heure quarante de projection. Survolant trois sujets différents (le spiritisme, le cinéma des années 30 et la montée de l’antisémitisme), le film effleure sans jamais entrer en profondeur. C’est d’ailleurs le sentiment général que nous laisse le long-métrage : un manque de densité et une approximation dans sa réalisation. Quel message Rebecca Zlotowski voulait-elle faire passer ? Vers où voulait-elle nous emmener ? Nous ne le savons toujours pas. Toujours est-il que, si la photographie est intéressante, son dernier long métrage peine à nous convaincre et ce, pour plusieurs raisons : * Le rythme lent tout d’abord qui donnera une sensation de longueur à cette trame résumable en quelques lignes. Deux jeunes mediums véritablement douées se font remarquer par un cinéaste visionnaire mais excentrique. Le spiritisme ne pouvant être mis en images, il permettra aux deux jolis minois américains d’apparaître sur les écrans de cinéma français si ses mises en scène font mouche auprès de ses camarades cinéastes. * Les dialogues, souvent creux, ne prennent vie que grâce à l’accent délicat de nos deux comédiennes US. Le bon Emmanuel Salinger (André Korben dans le film), tente de convaincre dans son rôle de producteur enthousiaste et y arrive bon gré mal gré. S’ils essaient de donner vie à l’intrigue, les comédiens ne sont pas au sommet de leur art et cela s’en ressent. * La reconstitution générale, plutôt bien réussie, est cependant un peu trop moderne. En effet, l’histoire, censée se dérouler dans les années 30, est servie par une imagerie intéressante : voitures d’époques, hauts lieux de fêtes, costumes, café-théâtre intimiste, on pourrait s’y croire si la photographie ne se voulait pas résolument actuelle. La netteté et la lumière utilisées empêchent une immersion totale dans la période retranscrite. On assiste à une belle reconstitution, c’est indéniable, mais on reste beaucoup trop ancré dans un savoir-faire cinématographique de notre temps : le film aurait gagné à être tourné avec un grain plus authentique pour que l’effet soit optimal. * L’histoire, très (trop ?) prévisible laisse la place à peu de surprises. Hormis un petit twist final, on se laisse guider gentiment dans la vie des deux sœurs Barlow sans comprendre le but réel de l’intrigue, ou plutôt, des intrigues tant tout est entremêlé dans une construction fouillie et branlante. Les seuls arguments positifs que nous pouvons avancer, sont liés à l’excellent travail de costumes et de décors qui a été réalisé pour le film (la garde-robe de Natalie Portman est tout simplement sublime !) mais avouez tout de même que c’est un peu maigre comme atout non ? A celui-là, nous ajouterons le plaisir d’entendre les deux jeunes femmes jongler entre la langue de Shakespeare et un Français doté d’une jolie pointe d’accent on ne peut plus charmant. Impliquées dans leur rôle, Lily-Rose Depp et Natalie Portman tentent de donner du corps à leurs personnages graciles qui sombreront malheureusement bien vite dans l’oubli filmographique. Loin d’être un incontournable, le film n’a pas grand intérêt en soi et déçoit véritablement tous ceux qui auront pris la peine de s’y intéresser. Perdu dans une salve de sorties cinéma bien plus concluantes, « Planétarium » n’est, selon nous, pas un immanquable et mieux vaut vous épargner deux heures de votre précieux temps libre... Date de sortie en Belgique : 15 février 2017 Durée du film : 1h48 Genre : Drame Note du film : 8/10 (par Véronique) Résumé du film : Lorsque son ex-compagnon décède brusquement dans un accident de voiture, Alice se retrouve face à son fils de six ans qu’elle a abandonné à la maternité. Sa présence menace sa petite vie bien rangée d’escorte de luxe et fait ressurgir des émotions qu’elle avait réprimées. Le doute s’installe. Parviendra-t-elle cette fois, après toutes ces années, à devenir une mère pour cet enfant ? Avis : Avec « Le passé devant nous », nous ne savions pas à quoi nous attendre. La surprise a d’ailleurs été amplifiée par la découverte du sujet certes, mais aussi et surtout par celle de son actrice principale et de l’univers cinématographique de sa réalisatrice. A tel point qu’au terme de la projection, on se dit qu’on relancerait bien le film une nouvelle fois pour ressentir à nouveau les émotions sincères d’Evelyne Brochu, comédienne captivante et troublante par son regard et par son jeu bouleversant. Nathalie Teirlinck (une jeune réalisatrice belge de 32 ans) a en effet eu l’excellente idée de confier le rôle phare à l’actrice canadienne Evelyne Brochu, vue notamment dans « Tom à la ferme » de Xavier Dolan ou « Café de Flore » de Jean-Marc Vallée. Si dans la vie, Evelyne possède un accent chantant et dépaysant des contrées québecquoises, il n’en est rien dans le film. Sa voix douce et posée laisse transparaître une maîtrise des événements bouleversants de sa vie alors qu’à l’intérieur, elle est tiraillée entre la maladie de son père, l’arrivée de ce petit garçon de six ans (le formidable Zuri François) et la difficulté de (re)devenir une mère responsable et présente alors qu’elle travaille la nuit comme escort girl. Sans jamais tomber dans un étalage de sentiments surjoués, Nathalie et Evelyne ont su travailler de concert pour donner vie à un personnage fictif absolument pas caricaturé. Loin d’être évident, le rôle tenu par la jeune femme est dense et pluriel à la fois : fille, mère, femme et maîtresse d’un soir, Alice doit jongler avec tous ces aspects de sa personne en essayant de ne pas s’oublier et en acceptant d’aller vers l’autre, même s’il s’impose dans sa vie sans qu’elle n’ait vraiment eu le choix. Les deux jeunes femmes s’aiment, se respectent et se complètent formidablement pour offrir un drame sincère qui prend aux tripes pour peu que l’on s’abandonne à l’histoire qui se trame sous nos yeux, sans trop réfléchir, juste en se laissant prendre par la main qu’aurait bien aimé saisir le jeune Robin. Bien sûr, on pourrait trouver quelques longueurs et certains stratagèmes déjà utilisés dans d’autres long-métrages et le film n’est pas parfait. Mais la perfection ne lasse-t-elle pas ? Si la maladresse se met au service du scénario, ce n’est pas si dramatique que cela. Car, pour un premier long métrage, Nathalie Teirlinck se débrouille comme un chef pour nous offrir une histoire qui tient la route et qui offre des petits rebondissements émotionnels, nous touchant ainsi droit au cœur et nous prenant de tendresse pour cette mère de famille dans le déni (volontaire) et ce garçon en manque de repères et d’amour. Et c’était sans compter sur une photographie qui transcende les acteurs et met de la lumière dans les instants de joie, teintant de sombre les moments de solitude ou de fuite. « Le passé devant nous » est un drame touchant, avec un duo d’acteurs efficaces. Loin du « Demain tout commence » auquel il pourrait être comparé à tort, le film de Nathalie Teirlinck interpelle sur la capacité de se mettre entre parenthèses ou de bouleverser sa vie lorsque son passé nous rattrape. Il nous fera fondre devant ce petit garçon qui ne se rattache à son père que par un t-shirt portant encore son odeur et ne demandant qu’une chose : une présence amicale, un repère familial qu’il n’a plus. On sera pris d’empathie devant cette jeune femme que la vie a écorchée et qui n’a peut-être jamais véritablement appris à aimer. On entrera dans leur histoire commune, en toute discrétion et on en sortira ému. Bref, on vivra un instant de vie, on consacrera 1h40 de son temps sans regretter le déplacement. Date de sortie en Belgique : 8 février 2017 Durée du film : 1h50 Genre : Drame Note du film : 7,5/10 (8/10 pour Nathanaël, 12 ans et 7/10 pour Véronique) Résumé du film : Il en rêvait depuis « La Grande Aventure Lego » : Batman est enfin le héros de son propre film ! Mais la situation a bien changé à Gotham – et s'il veut sauver la ville des griffes du Joker, il lui faudra arrêter de jouer au justicier masqué et découvrir le travail d'équipe ! Peut-être pourra-t-il alors se décoincer un peu… Avis : Vous pensiez tout savoir ou avoir tout vu sur l’univers de Batman ? Détrompez-vous ! Avec « Lego Batman, le film », vous renouerez avec l’univers de l’homme chauve-souris dont vous vous êtes peut-être détourné après le désappointant « Batman V Superman ». En effet, le film d’animation regorge de touches d’humour bienvenues, de scènes dynamiques et de références aux comics comme aux films portant sur ce super héros… dans le seul but de vous faire passer 1h40 de petits plaisirs animés. Avec sa double lecture, petits et grands devraient chacun trouver un intérêt au long-métrage coloré. Néanmoins, si on veut être totalement honnêtes, on se doit d’écrire que, si le concept est sympathique et dynamique, le scénario, lui, pourrait lasser sur la durée. On pense le film fini ? Hop, on repart de plus belle. Ah, voilà le happy end… Et bien non, on vous en ressert un petit peu tout de même. Un peu longuet malgré un timing raisonnable, le film nous a laissé quelques fois en bas de la table de jeu. Bizarrement, la forme de ce métrage d’animation peinait à nous convaincre de nous rendre dans notre salle ciné. Un film entier en briques Légo animées ? Il faut le faire ! Et pourtant, nous avons plutôt apprécié l’expérience. Et si l’on découvre cette façon de faire sans être passé par la case « La Grande Aventure Lego », peu importe : on entre à pieds joints dans l’univers décalé des Légo movie dès le générique. D’ailleurs, les commentaires off de Batman durant le générique donnent tout de suite le ton : la licence, la production, Batman himself en prendront pour leur grade, mais toujours en finesse ! Cette dérision présente du début à la fin donne une légèreté au long-métrage et ravira les plus jeunes comme les adultes. Les dialogues sont drôles et efficaces, les références aux comics ET aux films omniprésentes… bref, on s’amuse! En effet, certains personnages ne sont pas sans rappeler ceux de la saga Burton (Poison Ivy ou le Pingouin en sont deux beaux exemples) et lorsque Alfred nous conte le parcours de Batman, on identifie aisément les autres métrages portant sur le Bat de Nolan à cet improbable épisode de 1966 ! Néanmoins, pour apprécier totalement l’exercice de style et les multiples clins d’oeil, il faut avoir une solide connaissance de l’univers DC Comics et c’est peut-être un autre petit point faible du film : risquer de perdre les néophytes. De manière générale, Chris McKay a plutôt fait du bon travail avec ce nouveau film « Lego ». Novice dans cet univers (bien qu’il maîtrise le savoir-faire propre au stop motion), il parvient à capter l’attention des plus jeunes, public cible de ce genre de divertissement. Il est d’ailleurs amusant de voir combien ils prennent un réel plaisir à suivre les aventures de ces petits objets animés sans jamais se détourner de l’écran. Peu importe s’ils reconnaissent ou non les autres (anti-) héros présentés dans cette épopée, l’action les cueille et les emporte dans un tourbillon de couleurs, flash et autres artifices qui feront briller leurs yeux un peu plus encore et ce, sur une bande-son qui dépote ! Quant à la trame de fond, elle est plutôt intelligente : le Joker, célèbre ennemi de Batman (mais pas le pire semble-t-il puisque la chauve-souris lui préfère Superman), se rend et fait comprendre à notre héros que s’il cesse de le traquer, lui et tous ses petits camarades, sa vie risque de devenir morne et triste. Car, on le comprend bien assez vite, dans le film comme dans la bande annonce, le véritable le sujet central, c’est la solitude de Batman et le manque de famille dans son quotidien. Fort heureusement pour lui, il fera la rencontre du jeune Dick Grayson et de la plantureuse Barbara Gordon, nous permettant ainsi d’assister à la genèse de Robin et Batgirl. En parlant de bande annonce, ne vous étonnez pas de découvrir une version française en bas de notre page. C’est un choix réfléchi car il y a de fortes chances que si vous vous rendez dans nos salles, ce sera accompagné d’enfants/adolescents. Voir un film familial en version originale, c’est plutôt risqué non ? Nous avons nous même opté pour une vision VF qui, en toute objectivité, fonctionne plutôt bien. Si outre-Atlantique, c’est Will Arnett (Batman), Zach Galifianakis (le Joker) Michael Cera (Robin), Ralph Fiennes (Alfred) et Rosario Dawson (Batgirl) qui s’y collent, chez nous, c’est respectivement Philippe Valmont, Xavier Fagnon, Rayane Bensetti, Stéphane Bern et Natoo qui prêtent leur voix aux personnages animés. En définitive, « Lego Batman, le film » est un bon divertissement. S’il ne figurait pas dans notre liste de prédilections, nous ne regrettons pas le déplacement et admettons sans effort que la dérision et l’humour présents dans le film, ses multiples références et son peps ont permis de plaider en la faveur d’un remake agréable estampillé Warner… Date de sortie en Belgique/France : 8 février 2017 Durée du film : 1h45 Genre : Animation Titre original: « The Lego Batman Movie » Note du film : 7,5/10 (par Véronique) Résumé du film : Monsieur Bout-de-Bois mène une vie paisible dans son arbre familial avec Madame Bout-de-Bois et leurs trois enfants. Lors de son footing matinal, il se fait attraper par un chien qui le prend pour un vulgaire bâton. Commence alors pour Monsieur Bout-de-Bois une série d’aventures qui l’entraîneront bien loin de chez lui. Avis : La sortie de « Monsieur bout de bois » en ce début de mois est l’occasion rêvée pour emmener les jeunes enfants en salles. Les œuvres estampillées « Le Parc Distribution » sont effet souvent de qualité et le dernier venu ne déroge pas à la règle. Comme pour « La chouette, entre veille et sommeil », la séance propose plusieurs courts métrages aux univers scénaristiques et artistiques variés. Le premier raconte l’histoire d’amitié entre une poule et une chenille. Réalisée en morceaux de feutre, l’animation présente une jolie histoire poétique qui séduira les petites têtes blondes et leurs parents. La suivante, est tout aussi divertissante bien que très différente. Basée sur la musique de « Casse-noisette », le court métrage s’appuie sur les notes pour compter les mésaventures d’un bûcheron. Derrière ses petits airs de « Pierre et le Loup », il propose une histoire comique qui fera rire les plus jeunes aux éclats par les gags cocasses et les réactions de ses protagonistes. Enfin, « Monsieur bout de bois », la star tant attendue. Réalisé par le belge Jeroen Jaspaert et Daniel Snaddonde façon impeccable, son histoire touchante et les aventures trépidantes de ce papa bâton, toute la petite famille s’embarque dans une vingtaine de minutes de pur plaisir. Vous l’aurez compris, « Monsieur bout de bois » est à voir avec un très jeune public (de 3 à 8 ans) et sera le prétexte idéal pour passer un court moment ciné en famille. Comme pour « Julius et le Père Noël » que nous vous avions proposé précédemment, les « Films du Préau » est un savant mélange d’histoire simple mais captivante, de valeurs et de support artistiques de qualité. Ici encore, avec sa quarantaine de minutes, le film ravira les enfants sans pour autant lasser leurs parents. Sortie en Belgique : 1 février 2017 Durée du film : 41 minutes Genre : Film d’animation Titre original : Stick Man Note du film : 8/10 (par Véronique) Résumé du film : 22 novembre 1963 : John F. Kennedy, 35ème président des États-Unis, vient d’être assassiné à Dallas. Confrontée à la violence de son deuil, sa veuve, Jacqueline Bouvier Kennedy, First Lady admirée pour son élégance et sa culture, tente d’en surmonter le traumatisme, décidée à mettre en lumière l’héritage politique du président et à célébrer l’homme qu’il fut. Avis : Autant l’écrire tout de suite et ne pas faire durer inutilement le suspense, « Jackie » est un film touchant et hautement performant ! Sans aucun doute grâce à la prestation tirée à quatre épingles de Natalie Portman, grande comédienne de notre temps, qui démontre une fois de plus l’immensité de son talent. Sans doute aussi par le choix scénaristique de Pablo Larraín de nous faire vivre les quatre jours de deuil de la Première Dame avec beaucoup de pudeur et de nous livrer les moments intimes de cette femme anéantie par le meurtre de son mari, sans les parasites habituels dont il aurait pu user. Pas de flash back pompeux, pas de pathos exacerbé, juste ce qu’il faut de mémoire pour entrer dans la vie du couple prestigieux, dans ses moments de gloire, dans sa complicité ou dans cette sombre journée de novembre 63. Et puis, il y a cette reconstitution presque documentaire de la visite de la Maison Blanche par Jackie herself, intégrée à la perfection dans l’histoire principale, afin de prendre le pouls, de comprendre un peu plus la personnalité visionnaire et incroyablement moderne de la jeune femme. Dans « Jackie », tout est soigné : la photographie impeccable, nous fait vivre l’année 63 comme si on y était, avec son grain, ses tons et son format 16 mm approprié ; les décors et les costumes fabuleux, si réalistes qu’ils nous trompent sans l’ombre d’un doute; les dialogues succincts mais toujours justes, à l’image de la réserve dont à fait preuve la jeune veuve lors de ce tragique événement ; la sobriété du scénario qui cerne le propos sans en dériver trop. En effet, Larraín aurait très bien pu faire le choix de nous montrer encore et encore les images (maintes fois vues !) de l’assassinat du Président. Il n’en est rien. Le réalisateur a l’intelligence de montrer sans insister, juste pour que l’on prenne un peu plus à cœur la douleur de Jackie, si tant est qu’il faille encore le faire tant la trame mise en place précédemment le fait de façon probante déjà. « Jackie » est un film empli de sobriété et ce choix possède un double tranchant : soit le spectateur passera 1h40 de plaisir cinématographique intense où le temps se suspendra et la rencontre avec cette femme de caractère le marquera au fer rouge. Soit, il peinera à accrocher à cette reconstitution historique et ne comprendra pas l’intérêt d’un tel sujet. Dans tous les cas, il y a de fortes chances qu’adepte ou pas de l’histoire, le public reconnaîtra le talent immense dont fera preuve son actrice principale : Natalie Portman. Pressentie pour l’Oscar de la meilleure actrice, la comédienne mériterait amplement de décrocher la précieuse statuette tant son interprétation est grandiose. Rien que pour son jeu, nous conseillons aux spectateurs de se frayer un chemin jusque dans leur complexe ciné préféré. Natalie Portman ne l’interprète pas, elle EST Jackie Kennedy. Et on doit bien le reconnaître, elle nous a une fois de plus littéralement bluffée ! A tel point que sa prestation effacerait presque celle de ses petits camarades de jeu, tout aussi investis qu’elle mais relayés au second plan par son charisme et son acting impressionnant : Peter Sarsgaard (Bobby), Beth Grant et John Carroll Lynch (le couple présidentiel Johnson), le danois Caspar Philllipson (JFK) ou encore Billy Crudup (le journaliste T. White) lui donnent la réplique et permettent de la mettre en lumière un peu plus encore. Mais prenons quelques lignes pour nous arrêter sur un rôle déterminant : celui du père Richard McSorley. Le prêtre qui recueille les confidences de Jackie Kennedy n’est autre que John Hurt, le grand comédien qui s’est éteint le 28 janvier dernier. Parmi toutes les personnes bienveillantes qui gravitent autour de la Première Dame, il est sans aucun doute le seul auprès duquel Jackie a pu livrer ses vrais sentiments, ses questionnements sans avoir peur de perdre la face. Dans ces instants de confidences, on mesure toute l’ampleur du drame de la frêle veuve qui, des jours durant, s’est efforcée de donner à son époux, les funérailles majestueuses qu’il méritait, sans prendre le temps de s’occuper de son propre deuil. « Il n’y a qu’un Camelot » (et il n’y en aurait jamais plus) résonnera dans nos cœurs de spectateurs longtemps encore. Larraín a marqué ses derniers temps cinématographiques de son empreinte avec un « Neruda » convaincant et un « Jackie » contemplatif et intelligent. Il faut croire que le metteur en scène chilien n’a jamais été aussi bon que dans ces biographies inattendues et pourtant si passionnantes ! Parce qu’il maîtrise le sujet mais aussi les ficelles d’une réalisation prodigieuse, le réalisateur nous entraîne dans les profondeurs d’un drame historique mais surtout personnel sur la pointe des pieds. Juste pour que l’on ait le temps d’entrer dans la vie d’une famille bouleversée et que l’on en ressorte comme on est venu, l’expérience ciné en plus. « Je n’ai jamais voulu être célèbre… je suis juste devenue une Kennedy »… Tout est dit ! Date de sortie en Belgique/France : 1 février 2017 Durée du film : 1h40 Genre : Biopic Note du film : 8,5/10 (par Véronique) Résumé du film : XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves. Avis : S’il ne sort que mi-février dans nos salles, « Silence » fait néanmoins l’objet de nombreuses avant-premières, à Paris ou dans notre plat pays. Très attendu, le dernier long-métrage de Martin Scorsese s’annonce comme un grand film et à raison ! Par sa thématique, son approche et son casting impeccable, le cinéaste nous offre un moment de cinéma philosophique mémorable. Comme toujours, un film estampillé « Scorsese » est forcément gage de qualité ! « Silence » est un titre qui interpelle et à la vision du film, on comprend que sa signification est plurielle. En effet, il évoque le silence de Dieu, envers qui les peuples récemment convertis et les prêtres catholiques se tournent (pour obtenir une réponse, un signe, une lueur d’espoir... en vain). Mais c’est aussi celui dont est témoin Rodrigues, le personnage principal du film, qui s’étonne du silence des chrétiens prisonniers et prêts à être exécutés sans broncher. Pourquoi contredire le destin et lutter pour sa foi alors que le paradis est un lieu meilleur, où on n’a pas faim, pas de douleurs, pas de travail dur ? Ce n’est donc pas tant la quête de nos deux prêtres pour retrouver leur maître à penser qui est au centre du film. La place prédominante est laissée à ce que représente la foi, permettant ainsi de s’interroger sur ce que l’on est prêt à endurer pour protéger nos convictions. Au contraire, n’est-il pas plus facile de délaisser ses croyances pour sauver sa vie ? Les Japonais, récemment convertis, ne sont-ils pas plus forts que les missionnaires prêts à bafouer leur religion? Un Inquisiteur dira d’ailleurs (très justement ?) : « Au Portugal, ta religion est ta vérité. Ici, c’est la mienne »… Ont-ils dès lors moins de scrupule à délaisser leurs dogmes religieux à mille lieues de chez eux ? Cette aventure quasiment biblique ne manquera d’ailleurs pas de nous rappeler quelques similitudes avec le parcours de Jésus. Si ce n’est pas le fils de Dieu qui réalise son chemin de croix, ici c’est Rodrigues, jeune père catholique qui est au centre de nos attentions. Sur sa route, il croisera Kichijiro, personnage presque iconique, qui nous fera tantôt penser à l’apôtre Pierre, tantôt à Judas. Mais il ne sera pas le seul à évoquer quelques aspects de la Passion du Christ: on en veut pour exemple, un subtil chant du coq qui fera tiquer les spectateurs attentifs. Nous en restons persuadés, plus qu’un drame historique, c’est bien une œuvre métaphysique qu’offre Martin Scorsese. A 74 ans et avec une vingtaine de films derrière lui, il parvient malgré tout à nous étonner encore et toujours! Grand réalisateur de notre temps, il ne joue jamais la carte de la facilité et abat ici une carte étonnante. « Taxi Driver », « Gangs of New York », « Shutter Island », « Le loup de Wall Street », autant de film différents, autant de réussites. Ce cinéaste de renom n’a pas fini de surprendre et nous livre ici une fresque historique et religieuse mémorable, où les émotions, la perdition, le doute mais aussi l’espoir jalonnent une histoire vraie inspirée du récit de Cristovão Ferreira. Exit Léonardo Di Caprio, un de ses comédiens fétiches. Il débroussaille la forêt japonaise pour faire place à un autre acteur contemporain remarquable : Andrew Garfield (« Tu ne tueras point », « 99 Homes »). Abandonné par un Dieu sourd aux suppliques et aveugle face aux tortures de son peuple, l’acteur sublime son personnage par une interprétation magistrale et digne des plus grands ! Car si l’affiche met en avant Liam Nesson (à l’affiche cet hiver de « Quelques minutes après minuit »), il n’est qu’un personnage secondaire, important plutôt absent. L’objet de toutes les attentions, c’est clairement Rodrigues (A. Garfield) et son acolyte Francisco porté par le grand et talentueux Adam Driver. Plus en retrait, ce dernier est totalement impliqué, tant mentalement que physiquement, pour faire vivre son personnage doutant par moment de sa foi. Long (il dure près de 2h40), le film est terriblement immersif. On pourrait reprocher à Scorsese son rythme lent, mais on ne se lasse pas de contempler ce Japon médiéval, les pratiques plus que douteuses de l’Inquisition et l’espoir qui naît des peuples opprimés pour un Dieu qu’ils viennent d’appréhender. Il soulève énormément de questions chez le spectateur qui ne se cantonne pas à ce rôle. Par notre proximité du personnage principal (envers lequel on a empathie bienveillante), par l’accaparement de ses découvertes, ses émotions et ses doutes, on réalise un travail introspectif sur notre propre foi ou notre vision agnostique, acceptant ou non les limites d’une religion et des ses répresseurs. Certaines scènes, violentes, déplairont au public sensible mais ne sont-elles pas simplement le reflet d’une pratique révoltante ? La reconstitution époustouflante de l’époque, la nature silencieuse et authentique, l’atmosphère inquiétante, brumeuse et désolée de la campagne japonaise appuient le propos du cinéaste, qui, on le sent, condamne les guerres de religion, les répressions et l’absence du libre arbitre dans certaines régions du monde. Ceux qui sont habitués au cinéma dynamique de Scorsese et qui s’attendent à trouver un film dans la même veine que ses précédents opus risqueraient de trouver le métrage un peu trop long. Avec « Silence », il revient en effet dans un cinéma plus spirituel, plus proche de « La Dernière tentation du Christ » ou de « Kundun ». D’ailleurs, ceux qui auront une lecture plus approfondie du sujet, prendront un plaisir incommensurable à suivre ces pères engagés dans un Japon d’autrefois où il n’était pas bon d’être catholique. Pour notre part, nous ne pouvons que vous recommander de faire partie du voyage et de vous faire votre propre opinion. Date de sortie en Belgique : 15 février 2017 Durée du film : 2h39 Genre : Drame |
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