Un tiens vous mieux que deux tu l’auras Pour son nouveau long-métrage, le réalisateur danois Michael Noer (à qui on doit le remake de « Papillon » avec Rami Malek et Charlie Hunnam) choisit de nous emmener dans un thriller dramatique sombre, où le destin de chacun est fixé par une poignée de mains. Jens (impressionnant Jesper Christensen, vu dans « Casino Royale » et « Quantum of Solace ») est un agriculteur vieillissant, qui vit dans une relative misère économique et travaille sans relâche dans des champs qui n’offrent plus qu’une terre prête à être mise en jachère. A la tête d’une famille éphémère composée de Signe, sa fille, et de ses neveux Mads et Peder, le vieil homme tente vainement de garder un peu de fierté et retarde le moment où il sera relégué parmi les mendiants et les nécessiteux de sa paroisse. Contraint de vendre le peu de ressources qui lui restent, Jens voit une opportunité inespérée se présenter à lui lorsqu’un riche suédois vient lui demander de lui céder une parcelle de champs… Mais en plus de vendre ses terres, sa misérable ferme, ses bêtes et sa main d’œuvre, Jens vend son âme et une part de ce qu’il était lorsqu’il propose aussi sa fille en mariage. Planté dans la campagne danoise de 1850 détrempée par la pluie et les larmes de certains de ses protagonistes, « Before the frost » captive les spectateurs d’entrée de jeu. Ses paysages aux couleurs bruegéliennes, dans les tons marrons, oranges et blancs, sont le parfait reflet de la misère et la décrépitude d’une campagne où la population ne fait que survivre. Sa colorimétrie terne sublime le drame familial que l’on n’imaginait pas découvrir derrière l’austérité de son affiche et nous renvoie sans cesse à la noirceur d’une époque, d’un personnage où l’on faisait bonne figure à défaut de pouvoir faire face. Malgré son obscurité évidente et sa détresse humaine latente, l’intrigue ne cesse de rebondir par les changements de propositions, d’états d’âme ou de situations de ses personnages principaux et secondaires, des héros communs qui s’unissent pour donner vie à une triste vision teintée par moments de brèves lueurs d’espoirs. C’est que la vie à cette époque n’était pas seulement rude dans ses démonstrations affectives ou dans son quotidien de labeur. Elle était aussi dénuée de joie, de passion, d’affirmations et seuls les aînés ou les propriétaires fonciers, l’église et sa hiérarchie tant redoutée avaient le droit de regard sur l’avenir des familles qui habitaient ces bien tristes contrées. Jamais misérabiliste, « Før Frosten » a une force de caractère indéniable et passe maître dans l’art d’insuffler un suspense implacable dans un film d’époque que l’on a pu voir de maintes fois déjà. Proche de ses personnages dont les portraits sont peints à la manière d’un Van Gogh borin, « Before the frost » est un savant mélange de genres tendant tantôt vers le drame, tantôt vers le thriller et versant dans le film d’époque dans ce qu’il a de plus brut et de plus réaliste à la fois. Permettant à Clara Rosager, Elliott Crosset Hove ou encore Magnus Krepper de se faire une place dans notre paysage cinématographique, le film de Michael Noer offre une fresque magnifique bien que défaitiste d’une campagne morne et bien loin de toute révolution agricole. Jamais pompeux, le métrage se révèle chaque fois un peu plus sous l’œil terriblement efficace de Sturla Brandth Grovlen et à travers une photographie d’une rare virtuosité où chaque petit élément vient s’imbriquer sur la toile de fond comme dans son histoire principale. Captivant par son intrigue, ses intentions et sa distribution totalement impliquée, « Before the frost » est l’une des premières belles surprises de l’année. Date de sortie en Belgique : 8 janvier 2019 Durée du film : 1h40 Genre : Drame Titre original: Før Frosten
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