Avec « Madre », le cinéaste espagnol nous emporte dans un genre nouveau, dans un film douloureux où l’espoir qui surgit d’un rien prendra peu à peu une ampleur considérable, nous entraînant sur les chemins tortueux d’une intrigue dont on ne devine jamais la fin. Son atmosphère tendue et son jeu d’acteurs sublimant un scénario impromptu que l’on suit le cœur battant, « Madre » est pourtant bien plus lumineux que certains de ses métrages et est assurément l’un des films les plus marquants d’une carrière que l’on apprécie découvrir au fil des ans. La mort silencieuse d’une mère En ouvrant son dernier film par les images de son court métrage du même nom sorti en 2017, Rodrigo Sorogoyen plante le solide décor d’une histoire qui se déroulera 10 ans plus tard à mille lieues de cet appartement madrilène où la tension grandit et le ventre se noue sous le choc d’un appel inattendu. Nous coupant le souffle et les jambes, l’interprétation magistrale de Marta Nieto nous cloue à notre fauteuil et nous assomme par ce que l’on vient de vivre aux côtés d’une mère dont la souffrance communicative fait exploser sa vie entière, la laissant en ruines et errante dans les brefs souvenirs qui la relient à son enfant… Cette Elena, on la retrouve les cheveux grisonnants, les traits marqués par la douleur et l’incompréhension, sur la plage des Landes d’où Ivan l’avait appelée, paniqué et abandonné. Ses yeux fixant la ligne d’horizon d’une large étendue de sable où marchent quelques touristes et jeunes adolescents, Elena se raccroche à la présence spectrale d’un enfant dont elle a perdu toutes traces. Et sur cette plage, elle croise le regard de Jean, un jeune français qui ressemble étrangement à son fils disparu... Enfermée depuis trop longtemps dans ses pensées et un mutisme paralysant, la jeune femme n’est plus que l’ombre d’elle-même, une silhouette fine et fragile qui s’appuie sur quelques rocs pour rester debout, avançant tant bien que mal dans une vie qui a perdu le goût du bonheur et qui n’a que comme seul point de repère un lieu qui a scellé à jamais son destin de mère. Intriguée par le jeune homme, Elena semble se reconnecter enfin à son esprit et à son cœur, à la lumière d’une renaissance qui insuffle un peu de vie dans le néant de son quotidien, rythmé par des habitudes rassurantes qui ne lui apportent finalement rien. Incapable de vivre loin de cette plage, dernier point d’ancrage avec celui qui lui a été arraché, Elena ne peut à présent plus imaginer sa vie sans son nouvel ami, parfait objet de projection d’un fantasme maternel qui lui a été enlevé. Aussi angoissant que « Sous le sable » d’Ozon, « Madre » n’est pas un film sombre mais bien un métrage rempli d’espoir. Mystérieux sur ses intentions, grave dans son approche et sa construction, le film de Sorogoyen joue sans cesse sur l’ambiguïté, nous perd pour mieux nous retrouver et fonctionne sur la durée. Sa réalisation affûtée (on appréciera ses changements de focales), sa narration bien pensée et le jeu parfait de Marta Nieto font de ce mélodrame un film incontournable dans la filmographie du réalisateur, un film qui marque tant par son sujet que pour son jeu d’acteurs. Date de sortie en Belgique/France : 22 juillet 2020 Durée du film : 2h09 Genre : Drame
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