Cette fois, nous retrouvons l’acteur aux côtés de Jules Lefebvre, jeune acteur prometteur (aperçu dans « Duelles » de Olivier Masset-Depasse) et Audrey Dana dans l’adaptation du roman du même nom. Inspiré du récit de Sorj Chalandon, « Profession du père » permet au réalisateur français de porter à l’écran un de ces thèmes de prédilection : la mystification et les situations dans lesquelles des personnages sont piégés par un autre qui leur raconte des histoires auxquelles ils finissent par croire aveuglément. Bien sûr, la douleur qui suit la découverte du mensonge est inextricable. Aussi, avec ce film, nous suivons l’enfance de l’auteur mais également une certaine transposition de celle du réalisateur, nous retrouvons quelques éléments personnels de l’écrivain et du réalisateur qui se mêlent pour tisser une belle toile de cinéma. Menteur, menteur Le jeune Jules Lefebvre, tout juste adolescent, incarne merveilleusement le petit Emile dans la France des années 60’ préoccupée par les conséquences de la guerre d’Algérie et la position de De Gaulle face à la question algérienne. Benoît Poelvoorde, qui incarne son père, est quand à lui effarant dans le rôle de ce mythomane qui, pour exister aux yeux de son enfant, va jusqu’à inventer les histoires les plus abracadabrantes et choquantes pour un si jeune enfant. Plus gros et étonnants les uns que les autres, ils fonctionnent particulièrement bien auprès de cet enfant encore naïf et admiratif de ce drôle de père, une figure paternelle tantôt aimante, tantôt sévère qui bouleverse les jeunes années d’un Emile qui cherche les repères pour se construire. De l’aveu même de Benoît Poelvoorde, la rencontre avec Jules est l’une de ses plus belles rencontres de cinéma et ce dernier ne tarit pas d’éloges sur son jeune partenaire de jeu. Pas étonnant dès lors que le duo fonctionne à merveille à l’écran et que le spectateur soit tour à tour amusé mais aussi très vite inquiété par la tournure que prennent les évènements. A travers « Profession du père », le réalisateur filme l’enfance avec une profonde humanité et fait songer à la démarche effectuée en son temps par François Truffaut, lui aussi, heureux de faire tourner les jeunes acteurs. Le plaisir du jeu est intact et transpire même à l’écran ! La réalisation, elle, retranscrit parfaitement l’imaginaire de l’enfant : de ses jeux à ses angoisses, tout est montré du point de vue de l’enfant. Parfois, la caméra s’en éloigne pour nous montrer ses interrogations ou le vide laissé par l’attitude souvent étrange de ce père (très) particulier. Audrey Dana, qui joue le rôle de la mère, est parfaite dans celui de l’épouse aimante mais soumise qui pardonne tout, même ce qui ne devrait pas l’être. A l’instar d’une femme battue, son jeu renvoie intelligemment aux stigmates laissés par une emprise psychologique pourtant étouffante. Bien que se présentant en grande partie sous la forme d’un huis clos (beaucoup de scènes se passent dans l’appartement familial), de beaux instantanés de vie se passent au dehors. Et certains d’entre eux révèlent le jeu fantastique d’un autre jeune acteur prometteur : Tom Levy. Son protagoniste, touchant de vérité, a dû coudre son appartenance pied-noir sur sa veste et la dignité qui se dégage de lui dans cette France d’après- guerre nous a serré le cœur. Pour toutes ces raisons, et d’autres que nous préférons taire ici, « Profession du père » mérite toute votre attention.
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