Après avoir évoqué les droits de la femme, l’immigration et l’intégration, la réalisatrice franco-algérienne met en images une part de sa propre vie, ses questionnements, ses doutes et ses sentiments les plus intimes. Celle qui, comme ses héroïnes, a reçu de plein fouet une série de souvenirs d’enfance à l’annonce de l’hospitalisation de son père, a pris la judicieuse décision de nous offrir un regard pluriel sur une même situation. Une pour toutes et toutes pour une « Sœurs », c’est donc le récit de trois vies, de trois approches d’une double identité qu’il est difficile de porter. Il y a celle de Norah (Maïwenn), la sœur cadette et rebelle, marquée à vie par l’enlèvement paternel dont elle a été victime dans son enfance, et celles de ses deux sœurs plus âgées qui sont parvenues à se construire et à s’accepter. Zorah (Isabelle Adjani) et Djamila (Rachida Brakni) ont en effet pris part à la vie culturelle et politique de façon brillante et envieuse, l’une s’étant improvisée metteur en scène et l’autre responsable municipale. Si ces trois femmes nous font forcément penser aux différentes facettes de Yamina Benguigui, elles sont avant tout l’illustration de trois caractères bien distincts faisant corps quand il s’agit de se plonger dans le passé douloureux. Durant plus d’une heure trente, ce sont différentes luttes qui nous sont présentées : celles de trois sœurs qui ont beaucoup de difficultés à se parler, d’une mère et de ses filles qui cherchent à connaître la vérité sur la disparition de leur frère Rheda quand les parents se sont séparés. Mais c’est aussi celle d’une Algérie qui se prépare à grogner, à descendre dans la rue et à s’exprimer… « Sœurs » se tenant alors à la croisée de l’Histoire algérienne et celles des héroïnes que l’on a suivi dans un quotidien que beaucoup ont déjà partagé. Intelligemment illustrés à travers la mise en scène d’une pièce familiale controversée, le passé belliqueux et violent de cette tribu féminine mais aussi l’empreinte de souvenirs qu’il est difficile d’oublier, surgissent dans des flash backs et des réinterprétations qui nous permettent de comprendre ce que ces quatre femmes ont dû affronter. La difficulté de trouver sa place, de se sentir Française ou Algérienne dans un contexte particulier, d’avancer dans une vie remplie d’incertitudes, d’ombres, de doutes et non-dits infusent dans ce drame familial plutôt bien installé. Si on se laisse embarquer dans son récit qui prend tout son envol dans sa dernière partie, le film de Yasmina Benguigui recèle peut-être beaucoup trop d’informations et de points de vue pour que l’on puisse tout digérer. Après « ADN » de Maïwenn, voici venir un nouveau long-métrage qui évoquera l’importance de ses racines et la difficulté de se construire une propre identité quand l’Histoire, les traditions et le passé pèsent sur des vies qui ont été bouleversées par l’immigration, l’intégration et le vécu des générations qui nous ont précédé.
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