L’écrivaine de la famille En s’ouvrant sur le premier entretien de Jo March venue demander à un rédacteur de journal de se faire publier, c’est tout l’univers de Louisa May Alcott qui se met à s’animer. Vibrant hommage au roman d’origine et à ses héroïnes très féminines, « Little Women » garde intact l’esprit de l’auteure tout en lui insufflant un réel vent de fraîcheur. Habitées par quatre grandes actrices, Meg, Jo, Beth et Amy se distinguent par leurs caractères, leurs goûts, leurs passions et leurs aspirations. Tout comme l’évoquait à l’époque la chanson de Claude Lombard les filles March ont chacune leur style et cela, la finesse d’écriture de Greta Gerwig, l’adaptation exemplaire du matériau d’origine et la qualité d’interprétation des quatre comédiennes principales le rendent particulièrement bien. Déterminée, rêveuse, Jo(séphine) n’a pas son pareil pour exprimer sur papier les histoires vécues par sa famille, récit qu’elle se plait à embellir et à raconter en attendant de le voir publié. Soutien indéfectible de sa petite sœur Beth, fragilisée par sa maladie, la romancière de la famille est le pilier qui la maintient droite tant bien que mal alors que leur père est parti faire la guerre en tant que volontaire dans l’armée de l’Union. Digne héritière de sa mère Mary, la jeune femme se sacrifie pour les autres, oubliant parfois de vivre pour elle, rêvant d’indépendance là où d’autres aspirent à vivre une belle romance. Soutenue par Meg, mère de deux enfants et mariée à un homme plus âgé épris mais désargenté, l’aînée a déjà fort à faire avec sa petite tribu. Des rêves plein la tête, la brunette n’a pourtant pas grand-chose pour les concrétiser mais ne perd pas pour autant son doux sourire qui s’illumine lorsqu’elle côtoie ses trois petites sœurs ou pousse la porte de leur maisonnée. Quant à Amy, jeune effarouchée partie pour Paris afin d’améliorer les techniques de son art pictural, elle est le parfait miroir de Jo, en moins mature mais tout aussi tenace, un reflet qui lui renvoie une image difficilement supportable d’elle-même et qui pourtant révèle les nombreux points communs qui définissent les deux jeunes filles. Essentiellement féminin, le film de Gerwig n’en oublie pas pour autant de donner de la place à quelques hommes venus perturber l’équilibre de la famille March ou au contraire, le stabiliser. Il y a bien sûr Teddy « Laurie » Laurence (Timothée Chalamet), le jeune voisin richissime, le professeur et critique littéraire Bhaer (Louis Garrel) qui encourage Jo dans ses essais ou encore John Brooke (James Norton) mais aussi quelques hommes de l’ombre, bienveillants, aimants et en retrait par qui pourtant, de nombreux pas seront faits en avant, des figures masculines qui semblent moins fortes que les femmes du titre, petites dans l’adjectif mais grandes par les actions. Des femmes que certains aimeraient voir mariées ou mortes mais qui n’ont justement jamais eu autant le besoin d’exister. Lady Gerwig Traitant de la liberté, de l’épanouissement personnel, de l’indépendance et de l’émancipation artistique et sociétale, « Les filles du Docteur March » se veut résolument moderne dans son traitement alors que son univers est quant à lui le parfait reflet d’une atmosphère d’antan. Les costumes et les décors nous font voyager dans ce XIXème tantôt sombre, tantôt coloré et donnent vie à un récit jamais dénaturé et au contraire, magnifié par le regard tendre et audacieux de notre jeune cinéaste pourtant déjà si expérimentée. Sa caméra à travers laquelle elle cristallise un univers pour lequel elle porte une infinie tendresse, Greta Gerwig la pose avec délicatesse dans la vie de chacune de ses héroïnes. Pour les faire vivre, il fallait des visages purs et malicieux de comédiennes capables du meilleur jeu. Saoirse Ronan, fidèle à Greta Gerwig (c’était elle sa « Lady Bird »), Emma Watson (à qui le film d’époque sied à merveille), Florence Pugh (fabuleuse « Lady McBeth » et impressionnante dans « Midsommar ») et Eliza Scanlen (que l’on découvre ici pour la première fois) conjuguent leur talent pour donner vie à la fratrie March de la plus belle des façons. Les souvenirs de ces jeunes filles, leurs chamailleries ou au contraire leur entraide inconditionnelle, les va-et-vient dans les épisodes familiaux qui se sont écoulés ces sept dernières années et qui nous permettent d’un peu mieux les cerner, font de ce film un métrage remplit de vie dans lequel on aime se balader. Supervisées par deux femmes fortes diamétralement opposées (Marmee March est une maman aimante et Tante March une femme austère et âpre), les fillettes vont non seulement s’épanouir dans leurs arts respectifs (la musique, la peinture et l’écriture) mais dans leur singularité et leurs choix de vie. La maison chaleureuse où l’on aime se réfugier, les soirées agitées que les sœurs apprécient partager, le retour au bercail synonyme de joies ou de peines mais aussi de solidarité familiale sont autant de lieux et de moments où la lumière du jour et les émotions vives des personnages se mettent à irradier, des instants qui donnent de l’ampleur aux drames ou au contraire, parviennent à nous faire vibrer. Manquant parfois de dynamique et de relief pour véritablement se démarquer et passionner sur la durée, « Les filles du Docteur March » version Gerwig séduit par la perfection de son interprétation et la beauté de sa réalisation. La proximité de ces sœurs que tout réunit et les émotions vraies livrées tout au long de son métrage, la sincérité d’un propos issu d’une œuvre littéraire scrupuleusement respectée et la belle lumière qui s’en dégage font de ce « Little Women » un film absolument appréciable. Date de sortie en Belgique : 12 février 2020 Durée du film : 2h15 Genre : Drame
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