Et si on y ajoute une mise en abîme du cinéma à ce casting de haut vol, il semble dès lors difficile de s’arrêter là et de ne pas pousser la porte de notre cinéma… Plus d’un an après sa Palme d’Or reçue pour "Une affaire de famille", Hirokazu Kore-eda installe sa caméra et son sujet de prédilection dans l’hexagone : les relations familiales, ses joies et ses tourments. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on a apprécié suivre la rencontre entre deux grandes dames du cinéma français et sa petite balade dans le crépuscule d’une idole quelques journées d’automne. Sonate d’automne Si le film de Kore-eda aurait tout aussi bien pu s’intituler « Les vérités », c’est parce que celles présentées dans son dernier long-métrage sont nombreuses et difficiles à révéler. Celles de l’immense comédienne Fabienne Dangeville (magnifique Catherine Deneuve) sont manuscrites dans des mémoires fraîchement publiées et mises en doute par sa propre fille Lumir à qui elle avait promis de faire lire son essai avant sa mise sous presse. Celle qui a peu de souvenirs de tendresse maternelle et de soutien affectueux a d’ailleurs choisi de se tracer une route éloignée de cette empruntée par sa mère. Géographiquement (puisque celle-ci s’est installée à New York) et professionnellement (Lumir a refusé d’être comédienne), la jeune femme n’a pourtant jamais quitté l’univers qui la fascinait tant lorsqu’elle était enfant. Devenue scénariste, mariée à un comédien de série peu bancable, Lumir a toujours privilégié la famille et fuit celle qui s’est enfermée dans une armure et feint depuis longtemps ses réels sentiments. Mais lire la vérité fantasmée de sa mère, la retrouver dans la demeure familiale (qu’elle surnomme tendrement la prison) et se replonger dans la nostalgie d’antan, c’est faire un pas en avant et ouvrir la porte de son cœur et de celui de ses parents. En contemplant à distance les retrouvailles austères d’une fille et de sa mère et en partageant quelques jours d’une vie marquée par les fantômes et la nostalgie, Kore-eda nous permet de mesurer combien la filiation qui relie Fabienne et Lumir n’est pas uniquement celle du sang. Ces deux femmes fortes qui se cachent derrière une distanciation préventive partagent pourtant tant de choses et les mêmes douloureux non-dits. Marquées par la perte d’un être cher, lien indéfectible qui les unissait, les deux femmes ne se sont finalement jamais dit le font de leur pensée et ont peut-être trop longtemps soufferts de cette absence de sincérité. Heureusement, le dernier tournage de Fabienne (un film de science-fiction où la difficulté de se voir vieillir se fait fortement sentir) et la publication de son autobiographie vont être l’occasion rêvée de passer du temps en famille et de s’abandonner. Porté par deux actrices fabuleuses d’une sincérité qui émeut, « La vérité » questionne sur l’ego des comédiennes, l’envie d’être éternelle, la difficulté de distinguer jeu et réalité, de se livrer au sein même de sa famille ou de se révéler avec sincérité… Catherine Deneuve, qui nous revient enfin dans un rôle fort et magnifiquement interprété, jouerait-elle d’ailleurs le reflet d’elle-même ? Solaire, l’actrice fait graviter autour d’elle un petit monde qui parvient à s’imposer sans se télescoper. Qu’il s’agisse de la tendre et toujours majestueuse Juliette Binoche ou du plus effacé mais toujours efficace Ethan Hawke ou encore de Manon Clavel, comédienne anonyme qui gagne à être connue et Christian Crahay, le chevalier servant doux dingue, tous accordent la partition de cette sonate d’automne qui n’est pas sans nous rappeler, en substance, le métrage du génial Ingmar Bergman. Si toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, celle de Hirokazu Kore-eda a, malgré quelques lenteurs et moments de latence, su nous émerveiller. Par la douceur de ses images, ses huis-clos confortables, ses dialogues sincères et son mélange comico-dramatique, le réalisateur japonais est parvenu à nous prendre par la main et à nous montrer que même si certaines retrouvailles semblent forcées, elles sont toujours l’occasion de retrouver ce qu’on avait trop longtemps négligé. "La poésie est indispensable au cinéma, qu'elle traite de la violence ou de la banalité du quotidien", phrase prononcée par Fabienne résume à elle-seule tout le génie de Kore-eda, un réalisateur qui en distille depuis quelques années et le fait plutôt bien! Date de sortie en Belgique : 26 février 2020 Durée du film : 1h48 Genre : Drame
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Le film est un formidable plaidoyer contre le mensonge et l’empoisonnement perpétré par DuPont auprès de plus de 70.000 personnes vivant autour du site d’enfouissement des produits chimiques nécessaires à la fabrication du Teflon. Le film de Todd Haynes (« Le Musée des Merveilles », « Carol »), est inspiré par un article du New York Times rédigé par Nathaniel Rich. Bien que cette poursuite judiciaire remonte à la fin des années 90, l’empoisonnement à grande échelle trouve son origine dans l’essor de notre société de consommation où des matériaux comme le plastique, les tissus et le revêtement de nos poêles ont longtemps été sacralisés. Un film nécessaire ancré dans son temps Cela fait quelques années maintenant que le cinéma américain se sert de sa formidable propension à toucher l’opinion publique pour nous livrer des films nécessaires sur des sujets parfois méconnus. Le réalisateur Todd Haynes joue habilement sur le registre des grands paradoxes de notre société pour titiller judicieusement notre conscience. Alors que nous n’ayons jamais autant parlé du challenge que représente l’environnement, le président Donald Trump s’amuse à détricoter ce que son prédécesseur Barack Obama avait essayé d’établir. Et bien que les décideurs de notre société occidentale sont censés développer davantage de transparence et lutter en faveur des idéaux démocratiques, notre foi est constamment mise à l’épreuve par des malversations éhontées provenant de dirigeants, ou comme c’est le cas ici, de multinationales peu scrupuleuse de la santé de la population. Belle critique du capitalisme dans ce qu’il a de plus déshumanisé, « Dark Waters » est le reflet cinématographique d’une terrible injustice. Robert Bilott, ce faux Don Quichotte Si la société Dupont à l’origine du Teflon ne vous dit rien, sachez que celle-ci s’est vue obligée par la justice américaine à payer 16,5 millions de dollars d’amende pour la dissimulation d’informations sur la toxicité de composés chimiques utilisés dans les ustensiles de cuisine. Par la suite, trois cents millions de dollars ont dû être reversés aux 60.000 habitants situés aux abords des usines et qui se sont constitués partie civile. Enfin, en 2017, l’avocat Bob Bilott a obtenu 671 millions de dollars par Dupont pour ses clients. Mark Ruffalo est à la fois l’acteur principal mais aussi le producteur du film. Et c’est tout naturellement lui qui a proposé à Todd Haynes de réaliser ce film engagé. Pour ceux qui le connaissent, l’acteur apparait méconnaissable à l’écran. Enrobé et se tenant plus vouté que d’ordinaire, Mark Ruffalo joue à merveille un homme patient fidèle aux valeurs qu’il défend. Dans l’œil de sa caméra, le réalisateur nous retranscrit cette captivante affaire avec ce qu’il faut de pédagogie pour nous expliquer clairement les tenants et les aboutissants de cette grande affaire. Cependant, nous avons eu l’impression que le réalisateur prend parfois trop le temps pour nous révéler ce dont nous nous doutions déjà ! Tourné dans des décors naturels avec des comédiens non professionnels castés sur place, le réalisateur a le sens du détail pour nous livrer un film précis. Il parvient même à mêler des éléments du thriller ! Parfois, la caméra est placée à hauteur d’épaule pour avancer au rythme du héros et nous transcrire l’inquiétude que ce dernier éprouve. Parfois, celle-ci montera pour nous dépeindre la tâche ardue de cet avocat solitaire noyé dans ses dossiers. Aux côtés de l’acteur, nous déplorons le rôle de son épouse incarnée par Anne Hathaway dont le seul et unique intérêt est de nous rappeler constamment que l’avocat ne vit que pour son affaire au détriment de sa propre famille. Elle échoppe donc du mauvais rôle qui finit par nous irriter… preuve du jeu de l’actrice. Heureusement, nous pouvons compter sur l’interprétation solide de Tim Robbins, celle tout en justesse de Bill Camp, et enfin celle, assez drôle, de Bill Pullman qui, pour l’occasion, a pris un sérieux coup de vieux ! Avec « Dark Waters », Todd Haynes s’essaie avec talent au cinéma de vérité. Voici un film nécessaire à une époque où il est facile d’endormir les consciences par les privilèges du confort et de la modernité. De notre côté, nous nous interrogeons encore sur les poêles que nous allons garder ! Date de sortie en Belgique : 26 février 2020 Durée du film : 2h06 Genre : Drame/Biopic
Le Retour du Roi Après un générique réalisé aux petits oignons qui fait penser à celui de « James Bond » version rock and roll, nous sommes directement pris en charge par le réalisateur qui pose les bases de son histoire de « The Gentlemen ». Bien que trop rapide dans ses débuts tant les personnages présentés sont nombreux, le récit gagne en clarté à mesure que l’intrigue avance. Fidèle à ses bonnes veilles habitudes, le réalisateur nous revient avec un film de truands, mais cette fois, aux apparats de dandys ! La violence s’exerce avec une classe folle par les protagonistes principaux habillés en costumes parfaitement taillés et de belles cravates surmontées de gilets en laine qui leur confèrent un look d’hommes d’affaires parfaitement fréquentables… et pourtant ! L’histoire se veut, comme souvent chez le réalisateur, un peu confuse au début. Matthew McConaughey incarne le très influent Mickey Pearson, un dealer spécialisé dans le cannabis qui détient un marché considérable. Etant parti de rien, il a peu à peu monté les marches du succès en se battant pour s’imposer. Sa réussite est indiscutable car il a su gérer « sa petite entreprise » avec génie, en s’adaptant aux lois du pays pour se renforcer ! Ses hommes lui sont dévoués et il peut compter sur l’amour de sa vie, sa femme (Michelle Dockery), pour le guider. Évoluant dans un monde où les plus faibles sont mangés, Mickey se fait un ennemi influent (Eddie Marsan), un magnat de la presse frustré par un ancien affront qu’il a subit. Ajoutons à cela l'enquête d'un détective aux dents longues adepte du chantage (Hugh Grant, magnifique) alors que Mickey fait savoir qu’il prend sa retraite et voilà son empire menacé par d’autres lions aux dents longues qui n’attendent que le départ du roi. Carré d’As pour une main gagnante ! A l’instar de l’excellent Matthew McConaughey qui semble prendre un plaisir évident, le réalisateur nous livre de fabuleux portraits variés allant du lord anglais à celle de l’entraîneur d’une salle de sport (surprenant et décalé Colin Farrell) entouré de ses élèves frappadingues ou d’un détective privé dont chacune des apparitions à l’écran procure du bonheur, tant les regards, les bons mots et l’humour fusent ! Et que dire du rôle de l’homme de main de confiance de Mickey joué avec conviction par Charlie Hunnam ? Le casting est tout bonnement exceptionnel et le réalisateur nous offre une galerie de personnages aussi décalés qu’attachants. Mais les deux véritables surprises proviennent de Hugh Grant dont le personnage de détective vénal est hilarant ! Il en va de même pour Colin Farrell dont la tenue de training et ses lunettes carrées tranchent avec les autres personnages. Mais c’est indubitablement sa verve et son aplomb qui font tout le sel de ce personnage étonnant ! Joyeuses retrouvailles A bien des égards, on pourrait considérer ce « The Gentlemen » comme étant le fils spirituel de « Snatch » et de « RockNrolla ». Comme pour ses aînés, Guy Ritchie adopte la fameuse histoire à tiroirs pour nous livrer une histoire complexe au premier abord mais intrigante à suivre ! C'est peut-être d'ailleurs là son petit défaut: les nombreux flash-back racontés par le personnage de Hugh Grant se veulent peut-être trop démonstratifs que pour ne pas casser le rythme. Néanmoins, on reconnait immédiatement la patte du réalisateur habitué aux ralentis, aux faux semblants, et à ces fameux bons mots qui amènent une absurdité délicieuse ! Étrangement, « The gentlemen » apparaît comme étant un polar d’action… sans trop d’action ! Tout l’intérêt est à aller chercher du côté des joutes entre ces gangsters qui évoluent dans les hautes sphères mais aussi dans les fameuses zones d’ombre d’un récit raconté avec brio ! Véritable bonne surprise signée Guy Ritchie, son « Gentlemen » nous a convaincu grâce à un scénario finement écrit, une bande originale délicieuse, un humour ravageur communicatif et un casting de rêve ! Quel plaisir de replonger dans un bon polar déjanté… Il n’y a pas de doute, le génie du réalisateur nous avait manqué ! Date de sortie en Belgique : 26 février 2020 Date de sortie en France : 5 février 2020 Durée du film : 1h53 Genre : Policier/action
Et pourtant, autant le confesser tout de suite, nous craignons de découvrir sur notre grande toile un film borderline dans lequel les têtes d’affiche pousseraient le curseur de la caricature un peu trop loin… mais il n’en est rien. Si Florence Foresti reste fidèle à elle-même et nous ravit par son sarcasme et son personnage drolatique et pourri jusqu’à la moelle, Michael Youn et Alban Ivanov nous surprennent agréablement et apportent, avec leur tandem de bras cassés, un peu de douceur dans un monde de brutes. Bien sûr, on savait qu’Alban Ivanov, était capable du meilleur comme du rire (« Inséparables », « Walter » et « La vie scolaire » en sont quelques beaux exemples) mais la grande surprise vient d’un Michael Youn apaisé ou assagi, moins tête à claque et surtout plus touchant. Véritables têtes de proue, les trois comédiens aguerris donnent du corps et de l’esprit à l’intrigue originale d’un Olivier Van Hoofstadt toujours très inspiré. Les répliques fusent, les situations cocasses s’enchaînent, ce qui fait le sel du cinéma du bruxellois vient donner de la saveur à une comédie que l’on n’attendait peut-être pas. Et ce n’est pas tout : le trio de choc autour duquel tourne l’essentiel de l’intrigue est accompagné d’un casting hétéroclite dans lequel on croise aussi bien des comédiens confirmés (comme François Berléand, Corinne Maserio, Sarah Suco et Daniel Prévost) ou plus débutants (Kody Kim et Laura Laune déjà bien présents sur les petits écrans), des personnalités très différentes qui emboitent le pas sans encombre et viennent compléter le tableau absurde peint à quatre mains par Olivier Van Hoofstadt (« Dikkenek », « Go fast ») et Mourad Dhoir. Certes les répliques sont moins cultes et marqueront peut-être moins la conscience collective mais « Lucky » se veut peut-être plus universel et toujours non-conventionnel. Le plaisir coupable que constitue le film fonctionne à merveille et l’on se replongerait bien dans une tranche de vie de ces pieds nickelés que l’on a suivi sans rechigner. Oui, l’idée de base est toute bête et le scénario pourrait sembler peu épais mais les différentes articulations, les rencontres et les relations qu’entretiennent chaque personnage entre eux viennent dynamiser un concept original noir jaune rouge bien plus fun qu’il n’y parait. Tendancieux, irrévérencieux, totalement assumé et décalé, « Lucky » est assurément LA comédie belge à ne pas louper. Pour son casting généreux, son côté fun et ses situations amusantes mais aussi pour soutenir l’audace d’un cinéaste un peu trop absent mais d’une générosité humaine et comique sans précédent. Date de sortie en Belgique/France : 26 février 2020 Durée du film : 1h40 Genre : Comédie
Loin d’être un must en la matière, le dernier film de William Brent Bell joue sur les atmosphères inquiétantes et les secrets du manoir Heelshire plus que sur les jumpscare et artifices du monde de l’épouvante, permettant à tout un chacun d’entrer dans le film, que vous ayez vu le premier métrage ou non. La poupée qui fait non C’est d’ailleurs l’un des principaux reproches que l’on pourrait faire au film de Bell : ne s’appuyer que partiellement sur l’histoire le précédant et créer de toutes pièces une intrigue nouvelle n’ayant pour point commun que les noms de lieux, les règles du petit garçon maléfique et quelques rappels tardifs du premier opus. Si certaines applaudiront ce choix, d’autres risqueraient le bien condamner, reprochant à cette nouvelle direction évoquée de montrer que cette fois, nous sommes bien en présence d’une poupée maléfique, devenue un parfait médium entre à l’origine du mal et les drames qui se sont joués dans un lieu où la folie est née et ses nouvelles victimes. Pour garantir un minimum de surprises, le scénario de Stacey Meneart s’appuie alors sur l’apparition de nouveaux protagonistes, de nouvelles recherches sur les drames qui ont touché Heelshire Mansion mais retombe bien vite sur les sentiers battus maintes fois empruntés par les intrigues de ce style, allant jusqu’à créer un twist un peu bâclé, rajouté à l’arrache en bout de course de crainte d’être oublié. Mais ne crachons pas non plus totalement dans la soupe. Si le film de William Brent Bell est un peu plan plan et trop contextualisé dans sa première partie, la réalisation dont il fait preuve est plutôt bien maîtrisée. La tension monte crescendo, la succession des scènes se fait sans encombre et les angles de vue choisit créent une dynamique bienvenue conférant ainsi du relief à une histoire au calme plat. La complexité du personnage de Brahms et sa force mentale et physique lui apportent quelque chose d’inquiétant et pourrait être efficace si elle n’était pas noyée dans une série de suspicions et réticences de la part Jude et sa famille. Et puisqu’on en est à évoquer les protagonistes du film, notons dans le casting de ce « The boy 2 », la présence d’acteurs issus du petit écran et à la carrière cinématographique plutôt discrète : Katie Holmes (Dawson) et Owain Yeoman (The Mentalist) mais aussi le tout jeune Christopher Convery, plutôt convaincant, et Ralph Ineson reconnaissable entre tous, un quatuor qui fonctionne plutôt bien et dont les caractères clairement établis permettent de comprendre leur réactions et approches des événements qui vont tour à tour les tourmenter. Ni bon ni mauvais, ce «The boy : la malédiction de Brahms » convoque quelques belles idées (celle de la poupée utilisée pour exprimer son traumatisme ou la vengeance de Brahms) mais aussi quelques banalités qui rendent le film un peu trop formaté. Annonciateur d’une suite et nouvel angle d’une histoire pourtant déjà bien installée, ce deuxième opus est à voir si vous êtes amateurs de longs-métrages de la même veine, tout en gardant à l’esprit que loin de révolutionner le genre, le film de Bell est malgré tout gentiment réussi. C’est dit. Date de sortie en Belgique/France : 26 février 2020 Durée du film : 1h26 Genre : Thriller/ « Horreur » Titre original : Brahms : The boy II
En partant ainsi sur les sentiers de la nature environnante, notre craquant petit compagnon de route, certes maladroit, va affronter quelques dangers, découvrir son identité, l’entraide lorsqu’il est en difficulté mais aussi la curiosité de l’enfance et à surmonter les obstacles d’une longue errance. D’une douceur appréciable et d’une jolie tendresse pour ses petits personnages, le film de Julien Bisaro est délicat, coloré et captivant. Agrémenté d’une belle traduction des sentiments de son jeune héros, le court-métrage ouvre les portes d’un monde plus grand dans lequel il est parfois difficile d’évoluer. Accessible pour les enfants dès l’âge de 4 ans, ce petit film d’animation se déguste comme un petit bonbon. Accompagné de deux autres courts tout aussi appréciables (« L’oiseau et la baleine » de Carol Freeman nous présente les aventures d’une baleine et d’un perroquet et séduit par ses couleurs pastel et son making of présenté au générique alors que son prédécesseur - Le Nid de Sonja Rohleder - donne le ton et enthousiasme par sa musique qui enchante les jeunes spectateurs), « l’Odyssée de Choum » est une mignonne petite pioche qui arrive à point pour ce congé un peu gris et maussade. Envie de chaleur, de couleurs et de douceur ? Le film de Julien Bisaro est à savourer dans nos salles depuis mercredi dernier ! Date de sortie en Belgique : 26 février 2020 Durée du film : 38 minutes Genre : Animation
Si l’on espérait découvrir une relecture bien plus fidèle au riche terreau de base, le film estampillé Century Fox Studios (et donc Disney par qui a été racheté la boîte) persiste à n’être qu’une maigre adaptation des folles aventures de Buck, un chien contraint à découvrir le Grand Nord et à se mettre à l’écoute de son instinct. Néanmoins, si nous sommes tentés de crier au scandale devant tant de légèreté, on doit admettre que le métrage, dans son ensemble, est plutôt bien maîtrisé… Basique instinct Traité pour la première fois du point de vue de son narrateur canin, « L’appel de la forêt » de Chris Sanders nous fait découvrir comment Buck, le sympathique chien d’un juge californien se retrouve confronté à la dureté du froid, de l’attelage et de la vie en meute. Fier et courageux, le mastodonte va ainsi, au fil des semaines, des mois et des années, comprendre combien sa vie prospère d’antan dans laquelle il coulait des jours heureux n’est plus qu’un maigre souvenir et qu’une seule chose compte à présent : survivre ! Si ses pérégrinations sont largement simplifiées et ses aventures écourtées, notre chien va néanmoins nous emmener dans un périple haletant où ses rencontres, ses amitiés et ses batailles enthousiasmeront les petits comme les grands. Et pour que la sauce prenne, quoi de plus normal que de faire appel à une série de visages aimables que l’on prendrait plaisir à retrouver ici. Après Clark Gable et Charlton Heston, c’est autour de Harrison Ford de prêter ses traits à John Thornton, le dernier propriétaire de Buck. L’acteur de 77 ans, qui n’a rien perdu de sa superbe, remplit le contrat sans non plus y croire vraiment. Sa petite barbe blanche et sa solitude portée en bandoulière, sa bienveillance et ses douleurs internes fendent le cœur de nombreux spectateurs heureux de voir une complicité naître entre un chien débonnaire et un sympathique grand-père. Réalisé en images de synthèse (on ne comprend toujours pas ce choix alors qu’un vrai chien aurait sans doute mieux fait l’affaire), Buck attendrit les foules et obtient les faveurs des enfants et de leurs parents, volant ainsi la vedette à ses comparses de jeux faits de chair et d’os parmi lesquels on retrouve également Dan Stevens, Omar Sy ou encore Bradley Whitford. Un appel peu retentissant Passionnant et maîtrisé techniquement, « L’appel de la forêt » remplit aisément le cahier des charges des films tous publics dans lesquels on s’embarque facilement. Film d’aventure dans la veine de « L’incroyable voyage » ou d’un certain « Croc Blanc », celui de Chris Sanders aurait bien pu faire mouche si l’aspect numérique de ses animaux et le scénario n’avaient pas été si décevants. Mais la note aurait pu être bien plus sévère si on se positionnait davantage du côté des inconditionnels de Jack London dont nous faisons partie. Pour qui connait un tant soit peu son œuvre, on sait que chacun de ses récits de vie (qu’ils aient été vécus ou totalement fictifs) est habité par de réelles valeurs, des réflexions et des descriptions qui nous tiennent véritablement à cœur. Aussi, quand on découvre sur notre écran le mélange improbable réécrit par Michael Green, on crierait presqu’au scandale. La brutalité de la vie de chien de traîneaux, les relations compliquées avec les mushers du Grand nord et les compagnons de traits, le caractère bien trempé de Buck et sa fierté mal placée, la difficulté d’apprivoiser de nouveaux maîtres et celle de tenir le coup dans un travail aussi fastidieux que le sien, la rage et la mort de ses compagnons de route, le bonheur de découvrir une nature démesurée et celle de partir en déroute ont été sacrifiés sur l’autel d’un scénario familial où tout ce qui faisait le sel du récit de Jack London est tombé dans l’oubli. Et ce n’est pas tout ! Comme si sabrer dans une histoire riches en rebondissements et ressentiments ne suffisait pas à dénaturer le récit de base, il a fallu que les différents protagonistes présentés à l’écran deviennent des fusions approximatives de ceux rencontrés dans le livre : François (devenu Françoise est une cyno-américaine sympathique ?!) et Perrault (incarné par Omar Sy - alors que son pendant littéraire n’est pas afro-américain et son successeur dans le bouquin un métisse irlandais -) sont de gentils maîtres bienveillants et non de rustres propriétaires. Hal, Mercédès et Charles trois demeurés en quête d’or prennent la place d’une fratrie tout aussi niaise mais bien moins caricaturale et, cerise sur le gâteau, John Thornton est ici un père endeuillé et solitaire et non plus le vaillant voyageur parti sur les routes en bonne compagnie… Et que dire du final du film ? Exit les Amérindiens et l’effet de surprise cher au livre. Qui dit film familial dit conclusion dramatique en demi-teinte et raccourci scénaristique totalement prévisible. Le final choisit par Michael Green finit, tel un dernier coup d’estocade, par mettre à genoux les lecteurs en colère et totalement déçus par l’irrespect d’une histoire qui avait pourtant tant à transmettre. « L’appel de la forêt », métrage félon qui s’inspire, comme bien souvent, d’une œuvre qui le dépasse totalement, est un film qui ne parvient pas à la cheville de l’univers littéraire si riche d’un Jack London qui nous a tant offert en son temps. Correct dans sa mise en scène, adapté à un public familial et relativement efficace dans son traitement en surface, le dernier long-métrage de Chris Sanders n’a finalement de « L’appel de la forêt » que le nom, quelques-uns de ses éléments mais aussi un gros, gros manque d’inspiration. Amateurs de l’œuvre originelle ? Replongez-vous dans les lignes du fabuleux Jack London et passez votre chemin. Quant aux autres, réjouissez-vous de ne pas connaître le classique dont le film est issu et si vous appréciez le périple, n’hésitez pas ensuite à entrer dans un vrai récit de vie où la nature profonde de ses héros se révèle à mesure qu’ils s’en approprient les contours et se libèrent, aidés par leur instinct. Date de sortie en Belgique/France : 19 février 2020 Durée du film : 1h40 Genre : Aventure/Famille Titre original : The Call of the Wild
C’est l’histoire d’un hérisson avec des gants et des baskets La première bande annonce a été diffusée en avril 2019 et il n’a pas fallu longtemps à la toile pour s’enflammer ! La faute à un character design complètement loupé (non, Sonic n’est pas un grand humanoïde avec une tête de hérisson) et des problèmes liés à la perspective. Aussi, les fans de la mascotte de Sega se sont mis en colère et l’ont fait savoir. Mais ce qui est inédit, c’est que Jeff Fowler a décidé d’écouter les fans afin de retravailler le design du personnage et d’aller à la rencontre des souhaits du public. Sonic Team Comme la bande annonce le suggérait, Jim Carrey en fait des caisses dans le rôle du Dr Robotnik. Si vous êtes allergiques à l’acteur, ce n’est pas ce film qui vous réconciliera avec le comédien. Pour les autres, ils retrouveront les mimiques du célèbre acteur qui cabotine dans chacune de ses scènes. Le célèbre docteur, fort de sa technologie novatrice, n’aura de cesse de trouver l’origine de cette formidable onde énergétique émise par Sonic et qui a provoqué une coupure de courant généralisée. Afin d’échapper aux griffes du docteur, Sonic pourra compter sur l’aide du Shérif Tom Wachowski (joué par le toujours doué James Marsden). Finalement, le seul carton rouge revient à Tika Sumpter, la petite amie de Tom dans le film, qui a la fâcheuse tendance à surjouer au point de nous avoir sacrément irrité. Du jeu vidéo au film Pour des raisons que nous avons encore du mal a expliquer, le film « Sonic » fait penser à certains films des années 90 (vous vous souvenez des "Tortues Ninjas" au cinéma ?) Serait-ce dû à son coté déluré ? Ou encore à sa naïveté ? Ou peut-être à son humour particulier ? Il s’agit probablement d’un mélange de tous ces éléments. La formule fonctionne assez bien car le film semble pensé pour les fans. De nombreuses références sont présentes sans pour autant laisser de côté ceux qui ne connaissent pas le jeu vidéo. Jeff Fowler a cherché a insuffler un peu de l’esprit des épisodes estampillés Sega dans son film. Un peu à l’image de ces scènes où Sonic est à même de créer un portail dimensionnel en utilisant ses fameux anneaux dorés, l'occasion de se faire plaisir avec les lieux traversés. On salue aussi son générique de fin original, véritable clin d'oeil au design de l'univers vidéo ludique qui constitue par ailleurs une ouverture vers une suite éventuelle. Les effets spéciaux, très visibles, sont aussi dans l’esprit de l’univers du hérisson bleu, qui pour l’occasion dévoile une grande sensibilité puisqu’il est en quête d’amitié. Nous le disions, l’humour est particulier à tel point que nous n’avons pas toujours su à qui il s’adressait. Oscillant constamment, il s’adressera aux petits et aux grands sans toujours le faire avec beaucoup de finesse. Film familial par excellence, "Sonic" est un pop corn movie sympathique duquel on sort soulagé tant nous craignions voir nos souvenirs d'enfance (et les nombreuses heures passées scotchés devant nos télés) totalement déformés. Non exempt de défauts, ce "Sonic" nouveau parvient à nous distraire et à nous amuser pour peu que l'on accepte son côté too much et totalement déjanté. Et malgré nos réticences, son réalisateur rend son héros reconnaissable et porte à l'écran un univers fidèle au rythme constant. Et bien que Jim Carrey cabotine à outrance, nous passons un bon moment et c’est bien là l’essentiel, non? Date de sortie en Belgique: 19 février 2020 Date de sortie en France: 12 février 2020 Durée du film: 1h39 Genre: Aventure Titre original: Sonic the Hedgehog
Le paradis (ou l’enfer) blanc En Islande, il y a un proverbe qui dit que certains jours sont si blancs que la terre rencontre le ciel et que les morts peuvent alors communiquer avec ceux qui vivent encore… Le film de Hlynur Palmason s’ouvre sur celui-là. Très vite, on comprend combien cette phrase est adaptée au propos tenu par ce « White, white day » où les ombres d’une épouse défunte planent sur la vie de son mari survivant. Canalisant péniblement sa douleur dans la mise sur pied d’une maison destinée à sa fille et sa petite-fille, l’ancien policier a cependant bien du mal à avancer dans sa vie devenue vide depuis quelques années. Alors, quand il découvre une boite dans laquelle sont distillées quelques étranges révélations, l’idée de mettre en lumière la vérité tourne en véritable obsession. Persuadé que sa femme le trompait avec un collègue plus jeune, Ingimundur va s’armer de sa colère et de son esprit de déduction pour mener l’enquête avec rage et désolation. Habité par la colère et la folie post-traumatique, le personnage campé par le très convaincant Ingvar E. Sigurðsson traverse les fameuses étapes du deuil dans un ordre aléatoire qui semblent le faire tourner en rond. Seule bouffée d’air frais dans ce tourbillon de douleurs, de révélations et de vengeance, les sorties effectuées avec sa petite fille Salka (Ída Mekkín Hlynsdóttir) joyeux soleil au caractère bien trempé, qui illumine son quotidien et montre que derrière les nuages se trouvent toujours un cœur à côté duquel il est possible de se réchauffer. Les saisons passent, le temps s’égrène et à chaque jour sa drôle de réaction. Tantôt complice, tantôt rageur, ce grand-père vengeur (mais pas masqué), avance à pas de loups vers un final explosif à l’image de son cri de douleur où résonne toute sa peine, libération qui exulte tout ce qui a trop longtemps été contenu et qui permet alors à ce drôle de personnage bourru de se remettre en selle pour aller de l’avant et retrouver ainsi une stabilité perdue. Date de sortie en Belgique : 19 février 2020 Durée du film : 1h44 Genre : Drame Titre original : Hvítur, Hvítur Dagur
« Nightmare Island » ou le cauchemar éveillé de ses spectateurs. S’il y a bien un Monsieur Roarke, un Tattoo et une île fantastique dans le film de Jeff Wadlow, la comparaison avec la série s’arrête là. Financé par Blumhouse et revisité pour devenir un pseudo thriller où l’angoisse aurait dû être au rendez-vous, « Nightmare Island » est sans conteste l’un de navets horrifiques vite vu, vite régurgité de ce début d’année. Plat, mal interprété, ridicule dans son scénario autant que dans ses idées, le film n’a absolument aucun intérêt en lui-même si ce n’est d’attirer des adolescents en soif de frissons et remplir les tiroirs caisses de la célèbre maison de productions. Son casting à la plastique parfaite et au sourire Steradent, ses légers clins d’œil à la série télévisée d’antan, son ton voulu sérieux ou son réel manque d’enjeux font du nouveau long-métrage de Wadlow un supplice à vivre duquel on aimerait sortir au plus vite. Ni drôle ni angoissant, le film s’appuie sur le même postulat que la mythique « Ile fantastique » : permettre à ses invités de concrétiser leurs rêves les plus fous. Ici, Monsieur Roarke (Michael Pena qui prend, dernièrement, un malin plaisir à donner de sérieux coups de canif à sa filmographie bourrée de blockbusters de maigres qualités) et son assistante Julia accueillent à bras ouverts cinq jeunes américains curieux de voir leurs plus chers souhaits se réaliser. Mais bien vite, les vacances paradisiaques tournent au cauchemar et les rêveurs d’un jour deviennent la proie d’une vengeance qui les dépasse. Sorte de « Souviens-toi l’été dernier 2 » (mais où chaque hôte semble pourtant ne rien partager avec les autres invités), ce « Fantasy Island » soporifique dont les fondements sont aussi stables que des sables mouvants n’a d’ambitieux que son affiche. Lourd et pathétique, on ne peut même pas dire que le film de Jeff Wadlow lorgne du côté de la série b tant les moyens déployés sont colossaux et le résultat en deçà de toute balourdise. Nanar ou plantage total, le constat reste sans appel. Loin de mériter la dépense de vos précieux deniers, « Nightmare Island » est une destination vers laquelle il vous mieux ne pas vous aventurer. Date de sortie en Belgique : 19 février 2020 Date de sortie en France : 12 février 2020 Durée du film : 1h50 Genre : Thriller Titre original : Fantasy Island
En passant des cases du magazine Pom d’Api au grand écran en passant par la petite lucarne, notre super héros de 6 ans a conquis le cœur de nombreux petits bouts de chou adeptes des aventures de SamSam et de ses joyeux camarades. Désireux de rendre hommage à l’univers de Serge Bloch, le scénariste Alexandre Révérend et le réalisateur Tanguy de Kermel entraînent donc nos petites têtes blondes dans une épopée en 3D qui ne peut que les passionner. Sam Sam, qui est n’a toujours pas découvert son pouvoir, est moqué par ses petits camarades avec qui il aime passer du temps. S’il a beaucoup de mal à contrer les « pipis au lit » et à se séparer de son compagnon de route SamDoudou, Sam Sam met tout en œuvre pour tenter de sortir de l’enfance et de devenir un super héros. Son salut ? L’arrivée de Méga dans sa vie, une nouvelle élève venue de la planète March et fille du dictateur Marchel 1er, un homme aigri qui déteste les enfants et voudraient ne plus voir fouler le sol de son royaume. Un bonhomme ronchon que les super héros affronteront unis dans l’adversité, une belle façon de montrer que les méchants n’en sont pas vraiment et que nous avons tous en nous les ressources pour les contrer ou s’en moquer. Court et efficace, « SamSam » n’est pas qu’une histoire joliment illustrée et servie avec brio par un 3D de qualité. C’est aussi une belle opportunité d’aborder la difficulté de s’intégrer, de grandir, d’obtenir son super-pouvoir, d’être accepté comme on est, avec ses origines et le poids de sa famille. C’est comprendre qu’il n’y a rien de plus fabuleux que l’innocence de l’enfance et les rires qui la caractérise. Des rires qui rempliront très certainement nos salles, remplies de vie par la présence des jeunes cinéphiles en herbe. Adaptation réussie d’un univers chromatique très sympathique, « SamSam » est une aventure galactique remplie de tendresse pour ses héros en culottes courtes, un film original qui se réfère à l’univers de la bande dessinée et en tire le meilleur pour divertir son public enthousiasmé. Date de sortie en Belgique : 19 février 2020 Durée du film : 1h19 Genre : Animation
Cinéaste de l’authenticité, le jeune canadien nous a ravi, en quelques années, de films de qualité. Si nous n’avons pas pu découvrir son dernier long métrage (Ma vie avec John F. Donovan), sa filmographie a toujours éveillé en nous des sentiments sincères et une réelle empathie pour ses héros et ses sujets traités. Sa finesse d’écriture, son sens de la mise en scène et de la rythmique font que de chacune des plongées dans son univers, une quête des sentiments enfouis dans ses métrages comme dans nos propres vies. Avec « Matthias et Maxime », Dolan revient à ses premières amours, livre une part de lui-même et éveille une partie de la nôtre, nous marque au fer rouge en évoquant l’essentiel : l’amitié vraie, le partage, le soutien indéfectible de ceux qui sont petit à petit devenus une vraie famille de cœur. Lumineux, son film obtient les faveurs d’un automne qui nourrit joliment une série de plans que l’on contemple avec quiétude et infinie tendresse ou celles de soirées animées qui rappellent celles de nos propres jeunesses. Et parce qu’il est exempt de démonstrations futiles, son métrage se savoure de bout en bout et finit par nous faire un bien fou. Gabriel, Xavier et les autres Amis depuis de longues dates et complices à l’écran, Gabriel d’Almeida Freitas et Xavier Dolan prêtent leurs traits à Matthias et Maxime, deux potes qui ont tout traversé ensemble, ont grandi côte à côte et ne sont jamais quittés. L’un vit une existence pépère et une relation de couple stable alors que l’autre gère une mère colérique dont les dures paroles glissent sur la carapace de son indifférence. Mais derrière cette armure se cache un garçon fragile, affectueux et en souffrance, un ami fidèle qui vit par les rires de sa bande et les rencontres qui le nourrissent et le font se sentir aimé. Aussi, lorsqu’une amie exubérante demande à Matthias et Maxime de la dépanner pour le tournage de son court métrage, les deux copains, un peu réticents, acceptent de relever le pari. Mais le baiser échanger furtivement devient objet de troubles chez les deux amis d’enfance. Non pas qu’ils ressentent une quelconque attirance, mais parce qu’ils découvrent que leurs sentiments sont sans doute plus forts que ceux qu’ils ne se sont jamais avoués. S’ensuit une série de questionnement, d’interprétations et de dissensions, de tensions mais aussi de distances qui rassurent et mettent à rude épreuve l’amitié pure que chacun a toujours nourrie, chérie et alimentée. Occultant la souffrance de Maxime pour mieux cacher sa propre fragilité, Matthias va changer. Et avec lui, c’est tout l’équilibre d’un groupe soudé qui se voit ébranlé. Film choral dans lequel on évolue avec délice, « Matthias et Maxime » permet à chacun de trouver sa place et d’exister. Il y a certes les rôles phare de Gabriel d’Almeida Freitas et Xavier Dolan, mais aussi tous ceux qui gravitent autour de ce tandem efficace et d’une belle sincérité. Terriblement touchants, les deux compères font battre nos cœurs, de bonheur mais aussi de douleurs et parviennent, sans en faire des tonnes, à nous impliquer et nous interroger sur cet événement que l’on aurait pu nous aussi difficilement gérer. Toujours soignés, incisifs et d’une ingénieuse efficacité, les dialogues spontanés de Dolan bétonnent une histoire simple (mais loin d’être simpliste) et rendent sa structure d’une solidité exemplaire, preuve incontestable que le jeune trentenaire est décidément un cinéaste surdoué. Hyperactif ou tout simplement passionné, on ne compte plus les rôles tenus dans l’ombre ou la lumière des caméras par ce jeune artiste engagé mais ce qu’on lui préfère, c’est le rôle de narrateur dont il nous a, aujourd’hui encore, formidablement comblé. Nombreux sont ses films à nous émouvoir, nous questionner, nous ouvrir sur d’autres réalités mais ceux qu’on lui préfère sont ceux où transparaissent un peu de ce qu’il est ou a été. « Matthias et Maxime » fait partie de ceux qu’on prend plaisir à voir et redécouvrir, un petit bijou qui brille dans son fond comme dans sa forme et que l’on aime contempler comme s’il avait appartenu à notre propre passé. Un film comme on les aime et qu’on n’a pas vu passer, un métrage pour lequel on ne peut que le remercier. Date de sortie en Belgique : 12 février 2020 Durée du film : 1h59 Genre : Drame
L’écrivaine de la famille En s’ouvrant sur le premier entretien de Jo March venue demander à un rédacteur de journal de se faire publier, c’est tout l’univers de Louisa May Alcott qui se met à s’animer. Vibrant hommage au roman d’origine et à ses héroïnes très féminines, « Little Women » garde intact l’esprit de l’auteure tout en lui insufflant un réel vent de fraîcheur. Habitées par quatre grandes actrices, Meg, Jo, Beth et Amy se distinguent par leurs caractères, leurs goûts, leurs passions et leurs aspirations. Tout comme l’évoquait à l’époque la chanson de Claude Lombard les filles March ont chacune leur style et cela, la finesse d’écriture de Greta Gerwig, l’adaptation exemplaire du matériau d’origine et la qualité d’interprétation des quatre comédiennes principales le rendent particulièrement bien. Déterminée, rêveuse, Jo(séphine) n’a pas son pareil pour exprimer sur papier les histoires vécues par sa famille, récit qu’elle se plait à embellir et à raconter en attendant de le voir publié. Soutien indéfectible de sa petite sœur Beth, fragilisée par sa maladie, la romancière de la famille est le pilier qui la maintient droite tant bien que mal alors que leur père est parti faire la guerre en tant que volontaire dans l’armée de l’Union. Digne héritière de sa mère Mary, la jeune femme se sacrifie pour les autres, oubliant parfois de vivre pour elle, rêvant d’indépendance là où d’autres aspirent à vivre une belle romance. Soutenue par Meg, mère de deux enfants et mariée à un homme plus âgé épris mais désargenté, l’aînée a déjà fort à faire avec sa petite tribu. Des rêves plein la tête, la brunette n’a pourtant pas grand-chose pour les concrétiser mais ne perd pas pour autant son doux sourire qui s’illumine lorsqu’elle côtoie ses trois petites sœurs ou pousse la porte de leur maisonnée. Quant à Amy, jeune effarouchée partie pour Paris afin d’améliorer les techniques de son art pictural, elle est le parfait miroir de Jo, en moins mature mais tout aussi tenace, un reflet qui lui renvoie une image difficilement supportable d’elle-même et qui pourtant révèle les nombreux points communs qui définissent les deux jeunes filles. Essentiellement féminin, le film de Gerwig n’en oublie pas pour autant de donner de la place à quelques hommes venus perturber l’équilibre de la famille March ou au contraire, le stabiliser. Il y a bien sûr Teddy « Laurie » Laurence (Timothée Chalamet), le jeune voisin richissime, le professeur et critique littéraire Bhaer (Louis Garrel) qui encourage Jo dans ses essais ou encore John Brooke (James Norton) mais aussi quelques hommes de l’ombre, bienveillants, aimants et en retrait par qui pourtant, de nombreux pas seront faits en avant, des figures masculines qui semblent moins fortes que les femmes du titre, petites dans l’adjectif mais grandes par les actions. Des femmes que certains aimeraient voir mariées ou mortes mais qui n’ont justement jamais eu autant le besoin d’exister. Lady Gerwig Traitant de la liberté, de l’épanouissement personnel, de l’indépendance et de l’émancipation artistique et sociétale, « Les filles du Docteur March » se veut résolument moderne dans son traitement alors que son univers est quant à lui le parfait reflet d’une atmosphère d’antan. Les costumes et les décors nous font voyager dans ce XIXème tantôt sombre, tantôt coloré et donnent vie à un récit jamais dénaturé et au contraire, magnifié par le regard tendre et audacieux de notre jeune cinéaste pourtant déjà si expérimentée. Sa caméra à travers laquelle elle cristallise un univers pour lequel elle porte une infinie tendresse, Greta Gerwig la pose avec délicatesse dans la vie de chacune de ses héroïnes. Pour les faire vivre, il fallait des visages purs et malicieux de comédiennes capables du meilleur jeu. Saoirse Ronan, fidèle à Greta Gerwig (c’était elle sa « Lady Bird »), Emma Watson (à qui le film d’époque sied à merveille), Florence Pugh (fabuleuse « Lady McBeth » et impressionnante dans « Midsommar ») et Eliza Scanlen (que l’on découvre ici pour la première fois) conjuguent leur talent pour donner vie à la fratrie March de la plus belle des façons. Les souvenirs de ces jeunes filles, leurs chamailleries ou au contraire leur entraide inconditionnelle, les va-et-vient dans les épisodes familiaux qui se sont écoulés ces sept dernières années et qui nous permettent d’un peu mieux les cerner, font de ce film un métrage remplit de vie dans lequel on aime se balader. Supervisées par deux femmes fortes diamétralement opposées (Marmee March est une maman aimante et Tante March une femme austère et âpre), les fillettes vont non seulement s’épanouir dans leurs arts respectifs (la musique, la peinture et l’écriture) mais dans leur singularité et leurs choix de vie. La maison chaleureuse où l’on aime se réfugier, les soirées agitées que les sœurs apprécient partager, le retour au bercail synonyme de joies ou de peines mais aussi de solidarité familiale sont autant de lieux et de moments où la lumière du jour et les émotions vives des personnages se mettent à irradier, des instants qui donnent de l’ampleur aux drames ou au contraire, parviennent à nous faire vibrer. Manquant parfois de dynamique et de relief pour véritablement se démarquer et passionner sur la durée, « Les filles du Docteur March » version Gerwig séduit par la perfection de son interprétation et la beauté de sa réalisation. La proximité de ces sœurs que tout réunit et les émotions vraies livrées tout au long de son métrage, la sincérité d’un propos issu d’une œuvre littéraire scrupuleusement respectée et la belle lumière qui s’en dégage font de ce « Little Women » un film absolument appréciable. Date de sortie en Belgique : 12 février 2020 Durée du film : 2h15 Genre : Drame
Cette fois, le grand cinéaste de bientôt 90 ans s’attèle à nous présenter l’histoire de Richard Jewell, un héros qui n’en avait pas l’étoffe et qui a été conspué après avoir été encensé par ses concitoyens et les médias nationaux. Porté par un casting 4 étoiles dont on apprécie hautement l’incroyable performance, « Le cas Richard Jewell » marque les esprits et dénonce quelques dérives d’une société ultra médiatique dans un réel parti pris. Richard Jewell, un héros qui vous veut du bien. Richard Jewell. Ce nom ne vous dira peut-être pas grand-chose, pas plus que celui de Eric Rudolph, véritable auteur de l’attentat à la bombe commis à Atlanta le 27 juillet 1996. Alors que la foule danse sur le rythme des groupes qui se succèdent sur l’imposante scène du Parc Centennial, un homme à l’allure banale fait les cent pas, guettant le moindre mouvement suspect et rendant service aux forces de l’ordre présentes sur place. Lorsqu’il découvre un sac à dos inquiétant posé sous un banc, Richard sent au plus profond de lui-même que le drame est à deux doigts de se produire. Son intuition et son sens de l’observation auront raison des réticences des agents de sécurité puisque quelques minutes seulement après avoir évacué les lieux, une bombe à clou explose, tuant deux personnes et faisant une centaine de blessés. Richard, trentenaire bedonnant naïf et zélé, toujours très (voire trop) impliqué dans les postes qui lui sont confiés, a depuis longtemps entretenu le rêve de faire partie de la police d’Atlanta. Ce jeune américain, parfaite caricature du flic vu à la télé, parade la tête haute parmi les foules ou les campus sur lesquels il a travaillé, abusant de son autorité et jouant les gros bras face à tous ceux qui auraient le malheur de s’y frotter. Surprotégé par sa maman chez qui il a établi ses quartiers, Richard est couvé, adulé, encouragé dans ses travers a priori sans conséquences importantes. Dès lors, lorsque Richard parvient, par un des plus grands hasards, à limiter les dégâts d’un attentat qui aurait pu s’avérer dramatique, il devient en quelques heures seulement le héros dont l’Amérique (et sa mère) avait toujours rêvé. Mais après avoir goûté à la célébrité, à la liesse et à la fierté du devoir accompli, Jewell est relégué au rang de suspect. Comment un agent aux allures de benêt peut-il avoir senti poindre la menace et pas les agents dépêchés sur place ? Et s’il était responsable de cet odieux acte hautement condamnable ? Si cet événement était l’occasion rêvée de devenir un héros fantasmé depuis de nombreuses années ? Son seul crime ? Ne pas entrer dans le moule du héros tel qu’on peut se l’imaginer ! De sauveur à suspect, il n’y a qu’un pas, Richard Jewell le comprendra. Il aura fallu 83 jours pour faire de sa vie pépère un véritable enfer, un cercle vicieux l’enfonçant toujours plus bas et dont il semblait impossible de sortir tant tout cela lui a créé de nombreux embarras. Un brûlot contre la presse et l’influence désastreuse des médias Banal et on ne peut plus ordinaire, Richard Jewell a toujours joué de chance dans ses petits malheurs. La rencontre avec son futur avocat (Watson Bryant interprété par l’excellentissime Sam Rockwell) en est une. S’il adore collecter les armes, faire du zèle et jouer les caïds de bac à sable, le trentenaire débonnaire n’a pas grand-chose à se reprocher, si ce n’est de ne pas coller à l’idée que se faisait une frange de notre société. Parmi elle, quelques agents du FBI déterminés à prouver que Jewell n’est pas le héros que tous semblent avoir encensé. Interrogatoires douteux, perquisitions outrancières, intimidations et pressions se succèdent dans une enquête qui n’a finalement aucune raison d’être puisqu’aucune ombre de preuve ne relie Jewell à l’attentat qu’il a tenté d’éviter. Pourtant, Tom Shaw (efficace Jon Hamm qu’on adore détester ici) ne veut rien lâcher et compte bien prouver que ce héros ne mérite pas les louanges qui lui sont consacrées. Tout droit sorti de l’imaginaire de Bill Ray, scénariste du film, Hamm incarne à la perfection la méfiance de certaines instances qui conduiraient bien Jewell à la potence. Parce que la première enquête se montre infructueuse et qu’il faut bien trouver un coupable à cette horrible manigance (Eric Rudolph, l’auteur des faits n’ayant été arrêté que 7 ans plus tard et condamné à la prison à vie en 2005 !) toutes les tactiques sont bonnes pour se donner bonne conscience et livrer un agneau sur l’autel de la justice. Et comme si cela ne semblait pas suffire, une fuite vers la presse va jeter le feu aux poudres et faire de la vie de Jewell mère et fils, un cauchemar éveillé. Journaliste à l’Atlanta Journal-Constitution, Kathy Scruggs (constante Olivia Wilde) est, ce que l’on pourrait dire, une ambitieuse reporter prête à tout pour obtenir le scoop de sa vie. Lorsqu’elle obtient l’information selon laquelle Richard Jewell serait le suspect numéro 1 dans l’affaire de l’attentat d’Atlanta, elle y voit l’occasion rêvée de faire exploser une bombe médiatique et d’en récolter tous les lauriers. Innocent, jamais arrêté ni mis en examen (faute de preuves), Richard Jewell va devenir le paria de la société et sera relégué en quelques heures à peine sur le banc des accusés. Harcelé par les médias jours et nuits, condamné à se réfugier dans l’appartement familial où il est impossible de trouver la moindre tranquillité, jugé pour un acte qu’il n’a jamais envisagé de commettre, Jewell va durant près de 3 mois, faire l’objet de vives critiques et des plus grandes théories fumeuses. Et face à ce constat, on ne peut que remercier les réseaux sociaux de n’être apparus que plus tard car on image déjà le désastre que cela aurait pu être si on avait donné la voix à tribunal populaire… Un nouvelle prise de position totalement assumée On le savait engagé et très affirmé dans ses propos et ses pensées, Clint Eastwood profite ici d’un sujet authentique pour dénoncer les pratiques peu éthiques de certains médias ou de certains agents du FBI. Pointés du doigt et jugés à travers sa caméra, ces anti-Jewell se prennent une volée de bois vert qu’on n’avait pas vu arriver. Corrosif, le point de vue de papy Clint sur ces hommes et ces femmes qui ont statué sur le cas du jeune Richard, n’épargne personne, peu importe si cela s’est avéré juste ou non. L’arroseur est à présent arrosé et on se préoccupe peu du bien-fondé de la démarche : « Le cas Richard Jewell » use des mêmes manières et des mêmes raccourcis que ceux qui y ont sont jugés et en deviendraient presque une caricature saugrenue. Bien sûr, le savoir-faire en matière de cinéma reste maîtrisé de bout en bout et fait de son quarantième film (!), un long-métrage de grande qualité mais on regrette cette prise de position un peu grossière et indigne du cinéaste chevronné. Reste que si l’on peut critiquer son manque de classe et son discours un peu trop moralisateur ou mordant, « Le cas Richard Jewell » n’en reste pas moins un film rythmé qui nous tient en haleine durant plus de deux heures, un métrage où les émotions se succèdent et font mouche grâce à l’interprétation impeccable de ses principaux acteurs. La mention spéciale est d’ailleurs accordée à Kathy Bates, touchante Barbara Jewell, nominée aux Golden Globes pour le Meilleur Second Rôle féminin et qui aurait mérité de remporter ce prix tant sa prestation a transpercé notre carapace pour atteindre notre petit cœur tout mou. Et puis, comment ne pas évoquer le tandem délicieux formé par Paul Walter Hauser (vu dans « BlackKklansman ») et Sam Rockwell ? Leur association mérite à elle seule une nouvelle vision du film tant leur complicité crève l’écran, amuse et attendrit, pimente le film et l’embellit. Leur rencontre et leur soutien mutuel dans la joie et les tracas, la bienveillance de l’avocat et les maladresses émouvantes d’un citoyen lambda, chacun de leur face à face est un petit régal dont on ne lasse pas. Fiction biographique savamment amenée, « Le cas Richard Jewell » montre que Papy Clint est reparti sur sa bonne lancée. Après « La Mule » qui nous avait déjà enchanté, voici un nouveau coup de projecteur sur un American Hero commun qui aura le mérite d’avoir été réhabilité et très justement interprété. Un homme somme toute ordinaire qui nous aura permis de faire un bout de chemin sur la route d’un monde (im)parfait et impitoyable et qui aura été mis en lumière par un cinéaste qui a encore de l’énergie sous le coude et des idées plein la tête. Date de sortie en Belgique : 12 février 2020 Date de sortie en France : 19 février 2020 Durée du film : 2h10 Genre : Drame / Biopic Titre original : Richard Jewell
Sa liberté de ton et son regard amusant sur la société tunisienne en pleine mutation, le regard pétillant d’une Golshifteh Farahani qui crève l’écran et ses joyeuses directions qui nous surprennent de temps en temps font de ce film moderne un petit plaisir universel. La Tunisie en psychanalyse Revenue au pays pour installer son cabinet de psychanalyse, Selma ne s’attend pas à recevoir un accueil aussi froid. Ses voisins sceptiques et sa famille honteuse de la voir pratiquer un tel métier, ses patients envahissants et pas toujours très renseignés, une police zélée qui rend les choses encore plus compliquées, nombreuses sont les barrières qui se dressent sur la route de notre jeune trentenaire déterminée. Gagnant la confiance des uns et attisant la méfiance des autres, recevant le peuple tunisien, parfait reflet de sa diversité, dans une toute petite pièce aux allures de salon de thé, Selma va peu à peu comprendre que même si le peuple s’est soulevé il y a peu, rien n’a finalement véritablement changé. Psychanalyse d’un pays en mutation où les libertés individuelles ne sont pas encore totalement acceptées, « Un divan à Tunis dresse l’état des lieux d’une nation en plein bouleversement socio-culturel et économique: son administration corrompue et sa police intrusive, le besoin d’émancipation des femmes et le poids de la religion, les identités sexuelles refoulées et les cicatrices d’un régime totalitaire dont l’ombre semble encre planer, chaque patient, chaque citoyen croisé apporte sa petite touche au portrait d’un pays qui ne semble pas encore prêt à tout accepter. Considérée comme une immigrée ou une Parisienne hautaine et déplacée, Selma a fort à faire pour s’imposer et rappeler à ce microcosme méditerranéen qu’elle a ses racines ancrées dans la cité. Femme libérée, la jeune psy n’a pourtant pas grand-chose à gagner par ce retour au pays si ce n’est celle de se rapprocher d’une identité qu’elle semble avoir un peu trop longtemps négligée. Film lumineux dans lequel Golshifteh Farahani évolue avec aisance et élégance, « Un divan à Tunis » est rempli de fraicheur, d’humanité et de bienveillance qu’il est plaisant de contempler. Tantôt drôle tantôt plus critique, le récit original de Manele Labidi suit les traces d’autres cinéastes du monde qui ont, de façon subtile, pudique ou plus révélatrice mis leurs films aux services de comédies ou drames de ce même acabit. On pense ainsi à « Beyond the Moutains and Hills », « Trois visages », « L’insulte » ou « Prendre le large », des films qui, à travers des regards humains et des histoires singulières, dépeignent les évolutions et les traditions de sociétés entières. Qu’ils soient boulanger, coiffeuse, employée dans un ministère, femme au foyer, jeune étudiante, imam ou ouvrier, les personnages qui se succèdent sur le canapé marron de la jeune Selma sont tous représentatifs d’une Tunisie aux mille visages mais qui ont pourtant un point commun des plus appréciables : celui de se battre pour devenir les êtres qu’ils ont rêver d’être dès leur plus jeune âge. Avec son premier métrage plein de belles intentions, Manele Labidi leur rend le plus doux des hommages et çà, ce n’est pas négligeable. Date de sortie en Belgique/France : 12 février 2020 Durée du film : 1h28 Genre : Comédie dramatique
Avis : Cela fait quelques années à présent que le cinéma accorde une place de choix aux scandales politiques et éthiques à travers des biographies ou des fictions menées de front par des réalisateurs désireux de balayer devant la porte d’une démocratie bafouée par des dirigeants ou des personnages haut placés. « Vice », « Pentagons Papers », « The Report », « Scandale », « Spotlight » en sont quelques exemples. Avec « Official Secrets », c’est au tour de Gavin Hood (le réalisateur de « Eye in the sky » ou « Wolverine ») de se positionner sur l’un des plus gros dossiers du début du siècle : la guerre en Irak menée de front par les USA et le Royaume-Uni. Martin Bright and the Gun S’éloignant totalement des films d’espionnage où action et séduction sont au rendez-vous, « Official Secrets » nous renvoie quelques années en arrière, en 2002, moment où Katherine Gun (Keira Knightley), traductrice employée par le GCHQ (l’unité de surveillance des services secrets britanniques) reçoit un email pour le moins étonnant : Frank Koza demande au GCHQ de mettre sur écoute des représentants de petits pays membres de l’ONU et de lui fournir des discussions incriminantes permettant de mettre la pression sur ces délégués réticents à l’idée de voter pour une guerre en Irak. Opposée à cette idée et critique envers les décisions d’un Tony Blair peu apprécié, Katherine est partagée entre son professionnalisme et ses valeurs personnelles. Consciente que cette demande est hautement critiquable et honteuse, la traductrice d’une vingtaine d’années est tiraillée par ces questions cruciales : comment peut-on être au courant de tels agissements et laisser faire ? Divulguer à la presse une telle manœuvre n’empêchera-t-elle pas cette guerre de se concrétiser et d’épargner de nombreuses vies dispersées dans le monde entier ? Son choix, Katherine Gun ne le regrettera pas. Mais en agissant contre son employeur et son gouvernement, la jeune femme met son propre univers en danger et s’expose à une série de représailles qu’elle n’avait sans doute pas imaginées. Après « Eye in the sky » porté avec brio par Helen Mirren, c’est au tour de Keira Knightley de d’œuvrer avec efficacité sous l’œil précis de Gavin Hood. Efficace film d’espionnage, « Official secrets » souffre de quelques moments de relâche dans un récit haletant où mensonges et vérités se font face par le biais de média interposés et se noient au milieu des tractations et manipulations passées sous silence sous la pression de la loi. Son récit, Gavin Hood l’a co-écrit avec le couple Bernstein et lui donne forme à travers une série de personnages pro ou anti-guerre. Il y a certes Katherine Gun, à l’origine de la fuite, mais aussi les journalistes Ed Vulliamy (toujours excellent Rhys Ifans) et Martin Bright (Matt Smith), la plume à travers laquelle le scandale éclatât, l’éditeur prudent Roger Alton (Conleth Hill) mais aussi Ben Emmerson, l’avocat issu de Liberty (Ralph Fiennes) bien décidé à faire la lumière sur cette affaire et défendre sa cliente pour qui il semble avoir beaucoup de respect. Les droits humains, celui d’avoir un jugement équitable, la nécessité de prévenir le peuple britannique de ce qui se trame dans les coulisses d’un pouvoir abusif, la défense de ses propres valeurs au détriment de son confort de vie, nombreux sont les sujets qui s’inscrivent en filagramme entre les lignes d’une histoire dont on ne connaissait rien. Drame d’espionnage plutôt bien ficelé malgré quelques petits passages à vide dispensables, « Official secrets » glace le sang et démontre, une fois de plus, combien les hautes instances ont toujours œuvré dans l’ombre pour leurs intérêts propres, sans tenir compte de la vie de nombreux citoyens du monde. Peu importe si l’Irak avait en effet des armes de destruction massive ou si cela n’était qu’un prétexte pour mener la guerre dans ces contrées, n’en déplaise aux membres de l’ONU, Blair et Bush l’avait déjà décidé et rien ni personne, pas même la voix de la vérité, ne semblait à même de pouvoir l’éviter. Interpellant, haletant, « Official secrets » fait partie de ces films d’espionnage plus terre à terre mais aussi plus réalistes, un film qui montre que les agents secrets (et les super-héros) peuvent aussi être des hommes et des femmes travaillant dans des bureaux. Mais aussi combien la politique telle qu’on l’idéalise ou la fantasme a aussi de sacrés examens de conscience à effectuer, des introspections ou des failles que des cinéastes ont le talent d’imager ou le courage de dénoncer. Date de sortie en Belgique : 5 février 2020 Durée du film : 1h52 Genre : Thriller/espionnage
Coloré, pop, solide et décomplexé, le long-métrage de Cathy Yan négocie largement le virage entamé par le décevant « Suicide Squad » de David Yate sans non plus totalement s’en détacher. Spin off de qualité, « Birds of prey » est la bonne surprise de ce début d’année. « Derrière chaque homme se trouve une fille badass » Cet homme, c’est « J », « poussin », celui qui a fait chavirer le cœur du Dr Harleen Quinzel, devenue Harley Quinn par amour pour son Joker. Jeté aux oubliettes et totalement absent des rues de Gotham City dans la version de notre chère Cathy, son ombre plane pourtant sur le cœur de notre joyeuse midinette à couettes, en pleine crise existentielle post rupture et en quête, comme le nom du titre en version originale l’indique, d’émancipation. Son château de cartes effondré et les vils coups bas du tandem de choc n’étant plus que des bribes de souvenirs, notre écervelée préférée s’expose à de nombreuses représailles et doit faire preuve de ténacité face aux ennemis et aux difficultés que sa nouvelle vie va lui apporter. Mais qu’importe le défi, Harley Quinn a plus d’un tour dans son sac et fonce tête baissée dans une nouvelle aventure étourdissante où bastons, humour, décalage et action sont légion. A l’image de ses cartouches de paillettes et de fumigènes colorés, l’histoire fantabuleuse que notre héroïne décide de nous livrer entre dans le moule du cartoon et de ses croquis colorés avec une aisance et un esthétisme qui ne cesse d’émerveiller son public médusé. Exit les rues sombres et crasseuses de Gotham, Harley Quinn nous entraîne dans son Chinatown où l’air fleure bon les sandwiches œufs/fromage/bacon et où la mode décontractée aurait fait surkiffer Warhol et ses adeptes de la Factory. De son appart surréaliste aux docks embrumés en passant par une fête foraine où on aurait aimé se balader, l’univers d’Harley Quinn est à l’image de son personnage principal : déjanté ! Si la menace de Black Mask (Ewan McGregor décidemment très à l’aise dans les superproductions de cet acabit) pèse sur notre attachiante Harley, ce petit détail n’est là que pour nous rappeler que rien ne s’acquiert sans effort et que sa liberté, Miss Quinn va la payer au prix fort. Accompagnée dans sa quête par trois autres héroïnes en devenir (Black Canary, Huntress et Renee Montoya, les Birds of Prey du titre) et de la toute jeune pickpocket Cassandra Cain, Harley Quinn enchaîne les missions risquées sans jamais se décourager. Girlpower ! Si le film repose essentiellement sur la prouesse d’une Margot Robbie toujours plus surprenante et bluffante (ici comme dans « Moi, Tonya ») son scénario, ses dialogues, sa réalisation et sa bande originale viennent conforter les premières bonnes impressions d’un film qui aurait pu s’avérer casse-gueule. Le pari est relevé et ce « Birds of Prey » s’avère être un film d’action mené avec panache et dérision. Si on lui préfère nettement (et comme toujours) la version originale, c’est que le doublage français risque bien d’altérer l’interprétation sans faille de Margot Robbie, dans ses présentations en voix off comme dans celles faites face caméra. Introduite avec malice et humour, l’intrigue du film est riche et ne manque pas de mêler plusieurs histoires a priori indépendantes avant de se voir connectées dans un ensemble judicieux mis en lumière par un jeu de va et vient conté par notre narratrice de premier choix, dont la folie manque cependant parfois d’un tantinet d’audace. Côté réalisation, rien à redire : tout s’articule de façon fluide. La violence est certes au rendez-vous et l’hommage à l’univers tarantinesque appuyé, « Birds of prey » n’en reste pas moins un film grand public aux contours comics magnifiquement dessinés. Les décors sont grandioses et les scènes d’action (dont certaines sont totalement hallucinantes et chorégraphiées à la perfection) lisibles à l’écran et le feu d’artifice proposé de grande qualité. Petit bémol cependant… Si on apprécie pleinement les petits clins d’œil aux tubes It's a Man's Man's Man's World de James Brown et Diamonds are a girl’s best friend de Marilyn Monroe ou que l’on se délecte des morceaux pop et rock d’une playlist originale bien achalandée, on regrette que la partition du génial Daniel Pemberton (auteur de la bande originale de « Brooklyn Affairs» ) soit reléguée au second plan, rendant par moment le film un peu trop bruyant et prégnant que pour l’apprécier pleinement. Totalement décomplexé, ultra coloré et savamment maîtrisé, « Birds of prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn » de Cathy Yan n’est pas qu’un film féministe estampillé DC Comics. C’est un pop corn movie des plus appréciables où rayonne une Margot Robbie au sommet de sa forme et de son art. Un incontournable qui réhabilite d’une bien belle façon ce que « Suicide Squad » avait rendu abscons … Date de sortie en Belgique/France : 5 février 2020 Durée du film : 1h49 Genre : Action/aventure Titre original : Birds of Prey (And the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn)
Ici, ce ne sont pas 8 mais 10 personnages centraux qui occupent le devant de la scène, dix figures très dessinées derrière lesquelles avancent deux personnages secondaires un peu moins exploités. Véritable dédale d’intrigues et de rebondissements, le nouveau long métrage de Régis Roinsard empruntent certes quelques gros raccourcis scénaristiques dommageables pour la cohérence de son tout mais possède une construction originale que ne renierait pas les amateurs de polar et autres intrigues signées Agatha Christie. C’est que, même si certains twists semblent se profiler à l’horizon dès les premières présentations des faits et caractères de ses personnages principaux, on assiste, parfois incrédules mais souvent ravis, au déroulement d’un plan parfaitement huilé dès les premières minutes de sa construction. Une mécanique précise qui ne nous laisse aucun répit et qui nous inviterait même à une nouvelle vision pour en cerner tous les contours. Alliant heist movie (film de braquage), thriller, huis clos et vengeance, « Les traducteurs » vaut le coup d’œil pour son originalité mais aussi pour son casting de grande envergure et son côté théâtral assumé. Chapitré tel un roman d’Harlan Coben ou de Michael Connelly, le scénario original de Roinsard (bientôt aux manettes de l’adaptation du roman populaire « En attendant Bojangles ») change de ton au fur et à mesure que l’on déroule le fil d’Ariane d’une histoire qui bascule tantôt dans le film de vengeance, tantôt dans celui d’une arnaque de grande ampleur : comment et pourquoi les premières pages d’un roman mis sous scellé ont-elles été publiées sur le net ? Qui est le maître chanteur qui provoque en duel un richissime éditeur ? « Tu as perdu le sens de la créativité ». Au-delà de son aspect ludique et de ses tactiques dignes d’un petit Cluedo européen ou d’un « Insaisissables » hollywoodien, le film n’est pas sympathique que dans sa forme… Il est aussi intelligent dans ses propos. Ainsi, on assiste à une réflexion sur le rôle des éditeurs et leur propension à penser argent, rentabilité, chiffres et succès populaire alors qu’on les rêve défenseurs de la cause littéraire et médiateurs entre un public et un auteur. Mais c’est aussi une excellente occasion d’évoquer le rôle ingrat du traducteur, celui sans qui de nombreux lecteurs n’auraient pas accès à l’univers de leurs maîtres à penser et qui, tel le batteur du groupe, est indissociable de la construction d’une œuvre mais est toujours placé en retrait et dans l’ombre. Polar machiavélique, « Les traducteurs » a aussi les qualités de ses défauts. A vouloir trop forcer le trait et jouer des clichés, le film risquerait de tomber dans la parodie s’il n’était pas sauvé par son rythme soutenu et ce souhait d’assumer un aspect théâtral tantôt tordu, tantôt parfaitement adapté. Enfermés dans une villa de grand luxe full équipée, nos traducteurs ne semblent pas être très passionnés par l’objet qu’ils sont censés livrer dans leur langue natale. Capitonnage intellectuel qui les coupe du monde extérieur, leur bunker n’a rien de chaleureux et est l’image parfaite de l’éditeur détestable campé par un Lambert Wilson glacial. A quelques pas des plus grandes œuvres littéraires mondiales empilées sur des étagères sans âmes, nos héros du jour s’installent derrière des bureaux austères sur lesquels ne trônent qu’une seule chose : un drapeau de leur pays d’origine, rappel froid de leurs compétences et de leur utilité première, seules raisons qui justifient leur présence en ces lieux chic mais peu accueillants. Derrière ces tables de bois foncé où quelques pages sont livrées jour après jour selon des règles bien instaurées, on retrouve un large casting européen composé de l’ex James Bond girl Olga Kurykenko (« The room », « Dans la brume »), Riccardo Scamarcio, Sidse Babett Knudsen (« L’hermine », « Un hologramme pour le roi »), Frédéric Chau (« Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? »), Anna Maria Sturm, Manolis Mavromatakis, Maria Leite, Alex Lawther (« The End of the F***ing World »), un chouïa trop démonstratif que pour être totalement crédible et le grand, l’immense Eduardo Noriega (« L’échine du diable », « Abre los ojos »). Si la deuxième phase de son récit tombe parfois dans l’absurde et joue avec l’espace-temps de façon un peu douteuse, « Les traducteurs » et ses rebondissements font de cette tentative cinématographique un objet intéressant. Suspicions, tensions, révélations, voilà qui rythmera cette grosse heure trente de film d’une convaincante façon. Et s’il faut rendre à Agatha (Christie) ce qui appartient à Agatha, on ne boudera pas son plaisir devant ce dédale bien dessiné dans lequel on s’est largement fait piéger. Date de sortie en Belgique : 5 février 2020 Date de sortie en France : 29 janvier Durée du film : 1h48 Genre : Thriller |