Avis : Cela fait quelques années à présent que le cinéma accorde une place de choix aux scandales politiques et éthiques à travers des biographies ou des fictions menées de front par des réalisateurs désireux de balayer devant la porte d’une démocratie bafouée par des dirigeants ou des personnages haut placés. « Vice », « Pentagons Papers », « The Report », « Scandale », « Spotlight » en sont quelques exemples. Avec « Official Secrets », c’est au tour de Gavin Hood (le réalisateur de « Eye in the sky » ou « Wolverine ») de se positionner sur l’un des plus gros dossiers du début du siècle : la guerre en Irak menée de front par les USA et le Royaume-Uni. Martin Bright and the Gun S’éloignant totalement des films d’espionnage où action et séduction sont au rendez-vous, « Official Secrets » nous renvoie quelques années en arrière, en 2002, moment où Katherine Gun (Keira Knightley), traductrice employée par le GCHQ (l’unité de surveillance des services secrets britanniques) reçoit un email pour le moins étonnant : Frank Koza demande au GCHQ de mettre sur écoute des représentants de petits pays membres de l’ONU et de lui fournir des discussions incriminantes permettant de mettre la pression sur ces délégués réticents à l’idée de voter pour une guerre en Irak. Opposée à cette idée et critique envers les décisions d’un Tony Blair peu apprécié, Katherine est partagée entre son professionnalisme et ses valeurs personnelles. Consciente que cette demande est hautement critiquable et honteuse, la traductrice d’une vingtaine d’années est tiraillée par ces questions cruciales : comment peut-on être au courant de tels agissements et laisser faire ? Divulguer à la presse une telle manœuvre n’empêchera-t-elle pas cette guerre de se concrétiser et d’épargner de nombreuses vies dispersées dans le monde entier ? Son choix, Katherine Gun ne le regrettera pas. Mais en agissant contre son employeur et son gouvernement, la jeune femme met son propre univers en danger et s’expose à une série de représailles qu’elle n’avait sans doute pas imaginées. Après « Eye in the sky » porté avec brio par Helen Mirren, c’est au tour de Keira Knightley de d’œuvrer avec efficacité sous l’œil précis de Gavin Hood. Efficace film d’espionnage, « Official secrets » souffre de quelques moments de relâche dans un récit haletant où mensonges et vérités se font face par le biais de média interposés et se noient au milieu des tractations et manipulations passées sous silence sous la pression de la loi. Son récit, Gavin Hood l’a co-écrit avec le couple Bernstein et lui donne forme à travers une série de personnages pro ou anti-guerre. Il y a certes Katherine Gun, à l’origine de la fuite, mais aussi les journalistes Ed Vulliamy (toujours excellent Rhys Ifans) et Martin Bright (Matt Smith), la plume à travers laquelle le scandale éclatât, l’éditeur prudent Roger Alton (Conleth Hill) mais aussi Ben Emmerson, l’avocat issu de Liberty (Ralph Fiennes) bien décidé à faire la lumière sur cette affaire et défendre sa cliente pour qui il semble avoir beaucoup de respect. Les droits humains, celui d’avoir un jugement équitable, la nécessité de prévenir le peuple britannique de ce qui se trame dans les coulisses d’un pouvoir abusif, la défense de ses propres valeurs au détriment de son confort de vie, nombreux sont les sujets qui s’inscrivent en filagramme entre les lignes d’une histoire dont on ne connaissait rien. Drame d’espionnage plutôt bien ficelé malgré quelques petits passages à vide dispensables, « Official secrets » glace le sang et démontre, une fois de plus, combien les hautes instances ont toujours œuvré dans l’ombre pour leurs intérêts propres, sans tenir compte de la vie de nombreux citoyens du monde. Peu importe si l’Irak avait en effet des armes de destruction massive ou si cela n’était qu’un prétexte pour mener la guerre dans ces contrées, n’en déplaise aux membres de l’ONU, Blair et Bush l’avait déjà décidé et rien ni personne, pas même la voix de la vérité, ne semblait à même de pouvoir l’éviter. Interpellant, haletant, « Official secrets » fait partie de ces films d’espionnage plus terre à terre mais aussi plus réalistes, un film qui montre que les agents secrets (et les super-héros) peuvent aussi être des hommes et des femmes travaillant dans des bureaux. Mais aussi combien la politique telle qu’on l’idéalise ou la fantasme a aussi de sacrés examens de conscience à effectuer, des introspections ou des failles que des cinéastes ont le talent d’imager ou le courage de dénoncer. Date de sortie en Belgique : 5 février 2020 Durée du film : 1h52 Genre : Thriller/espionnage
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