Mais à force de faire saliver les plus impatients d'entre nous, la pièce maîtresse livrée aux aficionados du grand Nolan, objet de toutes les convoitises, de toutes les espérances ne finirait-elle pas en soufflé ? Nous sommes au regret d’écrire que si le grand Chef britannique a toujours su nous surprendre avec sa cuisine moléculaire, nous nous sommes cette fois peu rassasiés. Le produit est magnifique visuellement, maîtrisé de bout en bout, il n’en reste pas moins trop artificiel et compliqué que pour pleinement le savourer. Retour sur ce « Tenet » beaucoup trop et inutilement alambiqué... Un principe qui dépasse tout entendement Prononcer le célèbre palindrome estampillé Nolan suffisait à lui-même pour faire tressaillir ses nombreux fans … et ses plus fervents détracteurs. N’appartenant ni à l’une ni à l’autre de ces catégories, nous n’avons pour autant pas boudé notre plaisir lorsque nous avons franchi la porte de la salle Imax qui allait nous emporter dans 2h30 de voyage temporel dont seul Christopher Nolan a le secret (et les explications qui vont avec). Mais force est de constater qu’une fois de plus, le scénariste et metteur en scène multirécompensé a voulu faire montre d’un savoir-faire et d’une inventivité extrême en oubliant l'essentiel: s’adresser à ses spectateurs et à les inclure dans son procédé. Alors que l'on pensait découvrir un film d’espionnage sur fond de Troisième guerre mondiale (nucléaire ou pire encore…), Nolan nous emporte à nouveau dans une spirale infernale qui nous retourne la tête (et nos neurones) dénuée d’émotions. Il faut dire que le curseur de la limite des possibles est à nouveau poussé au maximum et nous sortons de la séance éprouvés, déroutés et particulièrement partagés. Si on ne remet absolument pas en cause le casting quatre étoiles qui nous en met plein la vue et assure le show de bout en bout (mention spéciale à John David Washington qui n’a plus à prouver qu’il a tout des grands, Robert Pattinson qui trouve ici un nouveau rôle d’envergure et à Elizabeth Debicki qui parvient à exister et s’imposer dans cet univers masculin et labyrinthique) ni la réalisation minutieuse et le montage finalisé au cordeau, on déplore cette manie qu’à Nolan de vouloir créer des arcs et des spirales dans un scénario principal dont les contous sont déjà compliqués à cerner. « Inception » vous avait déjà perdu en chemin ? « Interstellar » avait créé le débat auprès de vos amis ? Attendez de découvrir « Tenet » et ses improbables et interminables matriochkas scénaristiques qui se téléscopent et s'emboîtent sans jamais en finir. Tantôt cohérents, tantôt incompréhensibles, les choix de Christopher Nolan auraient gagné à plus limpides, plus lisibles, épurés et moins prétentieux… car à force de vouloir trop en faire, à en mettre plein la vue, on se détache d'un élément vital : offrir un spectacle magistral grandeur nature mais nous y inclure ! Si les deux premiers tiers du film nous permettent de nous raccrocher à quelques corniches branlantes mais assez solides que pour ne pas tomber dans l’incompréhension totale, son final trop WTF nous rappelle que Nolan aime décidément montrer qu’il sait, qu’il fait autrement que les autres, poussant l’expérience cinématographique à un paroxysme qui demandera maintes visions pour en maîtriser tous les tenants et aboutissants. Oui mais voilà… On sort de la séance la tête tellement retournée qu’on n’a pas spécialement envie d’y retourner et que notre expérience restera unique et que l'on n'aura pas envie de la réitérer. On parie d’ailleurs que de nombreux tutos ou autres articles viendront nous donner des clés de lecture nécessaires à l’appréciation totale du métrage, add on qui prouveront une fois de plus que Nolan a préféré se faire plaisir et aller au bout de son délire plutôt que de considérer ses spectateurs et les impliquer dans ce film d’action so huge. « N’essayez pas de comprendre. Ressentez-le » Comme souvent, on reproche au métrage d’être trop long, de ne pas avoir su trouver un juste milieu entre performance et plaisir (bien que l’on comprenne clairement que Nolan n’a pas boudé le sien au point d’y inviter un Michael Caine totalement dispensable et de transformer Kenneth Brannagh en vilain méchant russe). Faut-il être Docteur ou doctorant en physique nucléaire et quantique pour cerner tous les contours de son nouveau film ? Il semblerait oui. Mais que l’on se rassure, les spectateurs que nous sommes apprécions malgré tout les jolies trouvailles en matière d’effets spéciaux (dommage que Nolan en use et en abuse) qui permettent à l’originalité de son intrigue d’être portée de bout en bout dans un crescendo allant vers une apothéose numérique confuse… mais de grande, grande qualité ! De même son montage, confié ici par Jennifer Lame (et non plus à Lee Smith avec qui Nolan a longuement collaboré) permet au film de gagner en intensité, à éclaircir l'enchevêtrement narratif et à rendre ce film de scénariste plus abordable du moins, dans une grande partie. C'est que "Tenet" n'est pas seulement un condensé des principes chers à Christopher Nolan (la dualité et la notion de double est à nouveau présente, de même que la perception du monde altérée pour ses protagonistes comme pour ses spectateurs, les règles qu'il ne faut pas enfreindre et l'importance des objets, artefacts d'un monde qui subsiste ou se révèle selon le point de vue qu'on leur accorde), c'est l'apothéose d'un processus mis en place film après film, d'une vision cinématographique expérimentale et propre à son auteur, un objet cinéphile qui se contemple plus qu'il ne se comprend... Onzième long-métrage de Nolan (y avait-il meilleur symbole pour appuyer le palindrome du titre?), "Tenet" se vit sur grand écran (de préférence en Imax pour mesurer pleinement les proportions choisies minutieusement) si l'on veut mesurer toute la technicité de son artisan. Si l’on préfère très nettement taire le principe de la machinerie « Tenet » (en toute honnêteté, serions-nous d’ailleurs capable de vous la résumer), ses quelques éléments survolés et dispensables ainsi que son final (déjà vu et aux limites et appréciations diverses et variées), on ne saura néanmoins que vous conseiller de vous lancer dans ce bain à remous sans fond dans lequel œuvre magistralement un cast que l’on salue grandement tant la performance vaut à elle-seule le détour par nos salles, et de vous munir d’une bonne dose de courage et d’une aspirine (ou deux) pour affronter ces 2h30 de film qui, pour notre part, nous a finalement déçu par son manque d'empathie et d'émotion. Et si Christopher Nolan se sortait un peu la main du pantalon et nous la tendait pour que l’on puisse réellement apprécier ses innovations ? Date de sortie en Belgique/France : 26 août 2020 Durée du film : 2h30 Genre : Espionnage/Action
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