Le film est un formidable plaidoyer contre le mensonge et l’empoisonnement perpétré par DuPont auprès de plus de 70.000 personnes vivant autour du site d’enfouissement des produits chimiques nécessaires à la fabrication du Teflon. Le film de Todd Haynes (« Le Musée des Merveilles », « Carol »), est inspiré par un article du New York Times rédigé par Nathaniel Rich. Bien que cette poursuite judiciaire remonte à la fin des années 90, l’empoisonnement à grande échelle trouve son origine dans l’essor de notre société de consommation où des matériaux comme le plastique, les tissus et le revêtement de nos poêles ont longtemps été sacralisés. Un film nécessaire ancré dans son temps Cela fait quelques années maintenant que le cinéma américain se sert de sa formidable propension à toucher l’opinion publique pour nous livrer des films nécessaires sur des sujets parfois méconnus. Le réalisateur Todd Haynes joue habilement sur le registre des grands paradoxes de notre société pour titiller judicieusement notre conscience. Alors que nous n’ayons jamais autant parlé du challenge que représente l’environnement, le président Donald Trump s’amuse à détricoter ce que son prédécesseur Barack Obama avait essayé d’établir. Et bien que les décideurs de notre société occidentale sont censés développer davantage de transparence et lutter en faveur des idéaux démocratiques, notre foi est constamment mise à l’épreuve par des malversations éhontées provenant de dirigeants, ou comme c’est le cas ici, de multinationales peu scrupuleuse de la santé de la population. Belle critique du capitalisme dans ce qu’il a de plus déshumanisé, « Dark Waters » est le reflet cinématographique d’une terrible injustice. Robert Bilott, ce faux Don Quichotte Si la société Dupont à l’origine du Teflon ne vous dit rien, sachez que celle-ci s’est vue obligée par la justice américaine à payer 16,5 millions de dollars d’amende pour la dissimulation d’informations sur la toxicité de composés chimiques utilisés dans les ustensiles de cuisine. Par la suite, trois cents millions de dollars ont dû être reversés aux 60.000 habitants situés aux abords des usines et qui se sont constitués partie civile. Enfin, en 2017, l’avocat Bob Bilott a obtenu 671 millions de dollars par Dupont pour ses clients. Mark Ruffalo est à la fois l’acteur principal mais aussi le producteur du film. Et c’est tout naturellement lui qui a proposé à Todd Haynes de réaliser ce film engagé. Pour ceux qui le connaissent, l’acteur apparait méconnaissable à l’écran. Enrobé et se tenant plus vouté que d’ordinaire, Mark Ruffalo joue à merveille un homme patient fidèle aux valeurs qu’il défend. Dans l’œil de sa caméra, le réalisateur nous retranscrit cette captivante affaire avec ce qu’il faut de pédagogie pour nous expliquer clairement les tenants et les aboutissants de cette grande affaire. Cependant, nous avons eu l’impression que le réalisateur prend parfois trop le temps pour nous révéler ce dont nous nous doutions déjà ! Tourné dans des décors naturels avec des comédiens non professionnels castés sur place, le réalisateur a le sens du détail pour nous livrer un film précis. Il parvient même à mêler des éléments du thriller ! Parfois, la caméra est placée à hauteur d’épaule pour avancer au rythme du héros et nous transcrire l’inquiétude que ce dernier éprouve. Parfois, celle-ci montera pour nous dépeindre la tâche ardue de cet avocat solitaire noyé dans ses dossiers. Aux côtés de l’acteur, nous déplorons le rôle de son épouse incarnée par Anne Hathaway dont le seul et unique intérêt est de nous rappeler constamment que l’avocat ne vit que pour son affaire au détriment de sa propre famille. Elle échoppe donc du mauvais rôle qui finit par nous irriter… preuve du jeu de l’actrice. Heureusement, nous pouvons compter sur l’interprétation solide de Tim Robbins, celle tout en justesse de Bill Camp, et enfin celle, assez drôle, de Bill Pullman qui, pour l’occasion, a pris un sérieux coup de vieux ! Avec « Dark Waters », Todd Haynes s’essaie avec talent au cinéma de vérité. Voici un film nécessaire à une époque où il est facile d’endormir les consciences par les privilèges du confort et de la modernité. De notre côté, nous nous interrogeons encore sur les poêles que nous allons garder ! Date de sortie en Belgique : 26 février 2020 Durée du film : 2h06 Genre : Drame/Biopic
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