Cette fois, le grand cinéaste de bientôt 90 ans s’attèle à nous présenter l’histoire de Richard Jewell, un héros qui n’en avait pas l’étoffe et qui a été conspué après avoir été encensé par ses concitoyens et les médias nationaux. Porté par un casting 4 étoiles dont on apprécie hautement l’incroyable performance, « Le cas Richard Jewell » marque les esprits et dénonce quelques dérives d’une société ultra médiatique dans un réel parti pris. Richard Jewell, un héros qui vous veut du bien. Richard Jewell. Ce nom ne vous dira peut-être pas grand-chose, pas plus que celui de Eric Rudolph, véritable auteur de l’attentat à la bombe commis à Atlanta le 27 juillet 1996. Alors que la foule danse sur le rythme des groupes qui se succèdent sur l’imposante scène du Parc Centennial, un homme à l’allure banale fait les cent pas, guettant le moindre mouvement suspect et rendant service aux forces de l’ordre présentes sur place. Lorsqu’il découvre un sac à dos inquiétant posé sous un banc, Richard sent au plus profond de lui-même que le drame est à deux doigts de se produire. Son intuition et son sens de l’observation auront raison des réticences des agents de sécurité puisque quelques minutes seulement après avoir évacué les lieux, une bombe à clou explose, tuant deux personnes et faisant une centaine de blessés. Richard, trentenaire bedonnant naïf et zélé, toujours très (voire trop) impliqué dans les postes qui lui sont confiés, a depuis longtemps entretenu le rêve de faire partie de la police d’Atlanta. Ce jeune américain, parfaite caricature du flic vu à la télé, parade la tête haute parmi les foules ou les campus sur lesquels il a travaillé, abusant de son autorité et jouant les gros bras face à tous ceux qui auraient le malheur de s’y frotter. Surprotégé par sa maman chez qui il a établi ses quartiers, Richard est couvé, adulé, encouragé dans ses travers a priori sans conséquences importantes. Dès lors, lorsque Richard parvient, par un des plus grands hasards, à limiter les dégâts d’un attentat qui aurait pu s’avérer dramatique, il devient en quelques heures seulement le héros dont l’Amérique (et sa mère) avait toujours rêvé. Mais après avoir goûté à la célébrité, à la liesse et à la fierté du devoir accompli, Jewell est relégué au rang de suspect. Comment un agent aux allures de benêt peut-il avoir senti poindre la menace et pas les agents dépêchés sur place ? Et s’il était responsable de cet odieux acte hautement condamnable ? Si cet événement était l’occasion rêvée de devenir un héros fantasmé depuis de nombreuses années ? Son seul crime ? Ne pas entrer dans le moule du héros tel qu’on peut se l’imaginer ! De sauveur à suspect, il n’y a qu’un pas, Richard Jewell le comprendra. Il aura fallu 83 jours pour faire de sa vie pépère un véritable enfer, un cercle vicieux l’enfonçant toujours plus bas et dont il semblait impossible de sortir tant tout cela lui a créé de nombreux embarras. Un brûlot contre la presse et l’influence désastreuse des médias Banal et on ne peut plus ordinaire, Richard Jewell a toujours joué de chance dans ses petits malheurs. La rencontre avec son futur avocat (Watson Bryant interprété par l’excellentissime Sam Rockwell) en est une. S’il adore collecter les armes, faire du zèle et jouer les caïds de bac à sable, le trentenaire débonnaire n’a pas grand-chose à se reprocher, si ce n’est de ne pas coller à l’idée que se faisait une frange de notre société. Parmi elle, quelques agents du FBI déterminés à prouver que Jewell n’est pas le héros que tous semblent avoir encensé. Interrogatoires douteux, perquisitions outrancières, intimidations et pressions se succèdent dans une enquête qui n’a finalement aucune raison d’être puisqu’aucune ombre de preuve ne relie Jewell à l’attentat qu’il a tenté d’éviter. Pourtant, Tom Shaw (efficace Jon Hamm qu’on adore détester ici) ne veut rien lâcher et compte bien prouver que ce héros ne mérite pas les louanges qui lui sont consacrées. Tout droit sorti de l’imaginaire de Bill Ray, scénariste du film, Hamm incarne à la perfection la méfiance de certaines instances qui conduiraient bien Jewell à la potence. Parce que la première enquête se montre infructueuse et qu’il faut bien trouver un coupable à cette horrible manigance (Eric Rudolph, l’auteur des faits n’ayant été arrêté que 7 ans plus tard et condamné à la prison à vie en 2005 !) toutes les tactiques sont bonnes pour se donner bonne conscience et livrer un agneau sur l’autel de la justice. Et comme si cela ne semblait pas suffire, une fuite vers la presse va jeter le feu aux poudres et faire de la vie de Jewell mère et fils, un cauchemar éveillé. Journaliste à l’Atlanta Journal-Constitution, Kathy Scruggs (constante Olivia Wilde) est, ce que l’on pourrait dire, une ambitieuse reporter prête à tout pour obtenir le scoop de sa vie. Lorsqu’elle obtient l’information selon laquelle Richard Jewell serait le suspect numéro 1 dans l’affaire de l’attentat d’Atlanta, elle y voit l’occasion rêvée de faire exploser une bombe médiatique et d’en récolter tous les lauriers. Innocent, jamais arrêté ni mis en examen (faute de preuves), Richard Jewell va devenir le paria de la société et sera relégué en quelques heures à peine sur le banc des accusés. Harcelé par les médias jours et nuits, condamné à se réfugier dans l’appartement familial où il est impossible de trouver la moindre tranquillité, jugé pour un acte qu’il n’a jamais envisagé de commettre, Jewell va durant près de 3 mois, faire l’objet de vives critiques et des plus grandes théories fumeuses. Et face à ce constat, on ne peut que remercier les réseaux sociaux de n’être apparus que plus tard car on image déjà le désastre que cela aurait pu être si on avait donné la voix à tribunal populaire… Un nouvelle prise de position totalement assumée On le savait engagé et très affirmé dans ses propos et ses pensées, Clint Eastwood profite ici d’un sujet authentique pour dénoncer les pratiques peu éthiques de certains médias ou de certains agents du FBI. Pointés du doigt et jugés à travers sa caméra, ces anti-Jewell se prennent une volée de bois vert qu’on n’avait pas vu arriver. Corrosif, le point de vue de papy Clint sur ces hommes et ces femmes qui ont statué sur le cas du jeune Richard, n’épargne personne, peu importe si cela s’est avéré juste ou non. L’arroseur est à présent arrosé et on se préoccupe peu du bien-fondé de la démarche : « Le cas Richard Jewell » use des mêmes manières et des mêmes raccourcis que ceux qui y ont sont jugés et en deviendraient presque une caricature saugrenue. Bien sûr, le savoir-faire en matière de cinéma reste maîtrisé de bout en bout et fait de son quarantième film (!), un long-métrage de grande qualité mais on regrette cette prise de position un peu grossière et indigne du cinéaste chevronné. Reste que si l’on peut critiquer son manque de classe et son discours un peu trop moralisateur ou mordant, « Le cas Richard Jewell » n’en reste pas moins un film rythmé qui nous tient en haleine durant plus de deux heures, un métrage où les émotions se succèdent et font mouche grâce à l’interprétation impeccable de ses principaux acteurs. La mention spéciale est d’ailleurs accordée à Kathy Bates, touchante Barbara Jewell, nominée aux Golden Globes pour le Meilleur Second Rôle féminin et qui aurait mérité de remporter ce prix tant sa prestation a transpercé notre carapace pour atteindre notre petit cœur tout mou. Et puis, comment ne pas évoquer le tandem délicieux formé par Paul Walter Hauser (vu dans « BlackKklansman ») et Sam Rockwell ? Leur association mérite à elle seule une nouvelle vision du film tant leur complicité crève l’écran, amuse et attendrit, pimente le film et l’embellit. Leur rencontre et leur soutien mutuel dans la joie et les tracas, la bienveillance de l’avocat et les maladresses émouvantes d’un citoyen lambda, chacun de leur face à face est un petit régal dont on ne lasse pas. Fiction biographique savamment amenée, « Le cas Richard Jewell » montre que Papy Clint est reparti sur sa bonne lancée. Après « La Mule » qui nous avait déjà enchanté, voici un nouveau coup de projecteur sur un American Hero commun qui aura le mérite d’avoir été réhabilité et très justement interprété. Un homme somme toute ordinaire qui nous aura permis de faire un bout de chemin sur la route d’un monde (im)parfait et impitoyable et qui aura été mis en lumière par un cinéaste qui a encore de l’énergie sous le coude et des idées plein la tête. Date de sortie en Belgique : 12 février 2020 Date de sortie en France : 19 février 2020 Durée du film : 2h10 Genre : Drame / Biopic Titre original : Richard Jewell
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