Un pour tous… Marie, Christine et Bertrand, habitent tous les trois le même lotissement cosy. Prenant soin les uns des autres, habitués à de petits rituels et partageant chaque jour des moments de confidences, nos trois voisins partagent pourtant bien plus que leur lieu de résidence. Obnubilés par les apparences, ils se réfugient derrière de petits mensonges pour se donner bonne figure et embellir leur morne quotidien : Marie refuse d’avouer sa séparation, le départ de son fils et le chantage odieux dont elle est la victime, Christine sous-loue son logement pour obtenir des petites rentrées d’argent (son emploi de conductrice de luxe étant menacé par les mauvaises appréciations des clients) alors que Bertrand se surendette et drague les démarcheuses de vente à domicile… Au point mort dans leur vie affective, notre trio de choc, qui s’est formé lors d’une manifestation de gilets jaunes au rond-point du zoning commercial local, cumule les bourdes et se sent à la fois pris au piège de la société de (sur)consommation mais aussi d’une vie numérique qui ne leur sourit pas vraiment. Privés de tout et même de leurs données privées, nos trois compagnons d’infortune vont tenter de renverser le système et de reprendre le pouvoir sur un monde virtuel qui leur pourrit la vie… Libérés dans leur écriture, audacieux dans leur discours, Kervern et Delépine n’ont jamais fait dans la demi-mesure. « Mammuth », « Louise-Michel », « Saint-Amour » ou le récent « I feel good » suffisent à démontrer combien l’univers des deux scénaristes et réalisateurs est à mille lieues de toutes conventions et combien les deux compères n’ont jamais eu peur de faire preuve de dérision, au même titre que les comédiens qui les ont suivis depuis quelques années déjà dans leurs histoires absurdes et néanmoins attachantes. Car c’est bien de cela dont il s’agit : de films attachants, tantôt drôles, tantôt dramatiques, des métrages assez proches de notre quotidien pour que l’on s’y reconnaisse et assez caricaturaux que pour nous permettre de rire des situations abracadabrantes de notre quotidien (il suffit d’ailleurs de voir quelques scènes du film pour mesurer les démarches et gestes ridicules qui alimentent notre vie de consommateur et d’accro au numérique). Durant une heure trente, on rit de bon cœur, on se reconnait et on prend également conscience que notre société n’est décidément plus ce qu’elle était : sérivore, collectionneur de crédits à la consommation, revendeur professionnel sur sites de secondes mains, fan de data, victime de l’obsolescence programmée et des abonnements surpayés, nos propres visages désabusés apparaissent sous les traits de ces Marie, Christine et Bertrand terriblement réalistes et parfaitement dessinés. Il faut d’ailleurs reconnaître que le trio de tête (novice dans le cinéma de Kervern et Delépine au contraire d’habitués venus faire un petit coucou aux spectateurs amusés que nous sommes – coucou Benoit Poelvoorde, Bouli Lanners, Vincent Lacoste et Michel Houellebecq) a une réelle capacité à se fondre dans leurs personnages excentriques et à leur donner vie de façon empathique et concluante : Corinne Masiero, Blanche Gardin et Denis Podalydès sont tellement taillés pour ces rôles qu’on les quitterait presque le cœur remplit de chagrin tant leur complicité temporaire nous a fait énormément de bien. Finement joués, les dialogues truculents particulièrement bien amenés, nos trois personnages sont tellement plus que l’incarnation des dérives de notre société… Parfois tiré en longueur et versant par moments dans un excès qui frôlerait presque le carton rouge (reproche que l’on a déjà fait à d’autres métrages du duo infernal), le film parvient pourtant à jongler entre drôleries et tristesse, entre caricature et délicatesse. Son humour caustique et décapant, ses personnages tendres et émouvants, sa critique assumée de notre société et des déviances de notre époque font de ce « Effacer l’historique » une jolie réussite qui fait du bien, un film que l’on a envie de défendre et de recommander. Pas étonnant d’ailleurs qu’il ait été récompensé d’un Ours d’Argent particulier en février dernier ! Envie d’un peu de fraîcheur et de découvrir une comédie dramatique décomplexée ? Vous savez ce qu’il vous reste à faire et où vous rendre cette dernière semaine de vacances d’été. Date de sortie en Belgique/France : 26 août 2020 Durée du film : 1h45 Genre : Comédie
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