Avis : Il s'agit du nouveau film du Norvégien André Øvredal à qui l’on doit le fort sympathique « Troll Hunter » en 2010 et un premier film américain avec « The Autopsy of Jane Doe » quelques années plus tard. C’est aussi lui qui, en 2019, était aux commandes de l’adaptation des « Histoires effrayantes à raconter dans le noir » produite par Guillermo del Toro. Aujourd’hui, on le retrouve de nouveau dans son genre de prédilection avec cette adaptation libre tirée d’un chapitre du roman « Dracula » de Bram Stoker, à savoir la traversée en bateau entre le pays natal du vampire et Londres où il s’apprête à semer la terreur. Était-il nécessaire de raconter cette histoire dans un nouveau film ? Sans doute que non, surtout que la mini-série de la BBC de 2020 sobrement intitulée « Dracula » y consacrait déjà tout un épisode à la trame similaire. Mais ne boudons pas notre plaisir car les fans du comte sanguinaire ou de vampires en général apprécieront le long métrage qui nous raconte le voyage du navire Demeter avec les cercueils remplis de terre à son bord, et qui est dans la droite lignée des films d’épouvante gothique qui fonctionnent grâce à leur atmosphère principalement. Si le style suranné des productions « Hammer Films » d'antan vous parle, vous devriez y trouver votre compte avec cette nouvelle itération. Alors c’est vrai que le film nous présente un nouveau personnage interprété par Corey Hawkins absent du roman d'origine et on peut y voir une nouvelle interprétation très libre du personnage de Van Helsing… Les puristes crieront sans doute au sacrilège, mais le fait est que le mythe de Dracula est suffisamment rentré dans la culture populaire pour qu’on puisse étendre le roman. Et il faut dire que Hawkins est très bon dans le rôle du médecin Clemens. Là où le film peine sans doute à convaincre, c’est dans la répétition des séquences d’horreur. Effectivement, en centralisant l’intrigue à bord d’un bateau, on limite l’espace de l’action et on était en droit de s’attendre à un peu d’inventivité dans la façon de nous montrer la disparition nuit après nuit des membres de l’équipage. L’action est souvent plongée dans le noir alors que le voyage a pris plusieurs semaines et le fait de trancher un peu plus entre les scènes de jour (quand les marins pouvaient avoir un peu de répit) et les très nombreuses séquences de nuit (lorsque la créature sort de l’ombre, littéralement, pour se nourrir), cela aurait peut-être rendu le tout un peu moins monotone sur les deux heures que dure le film. Dernier point quant à lui très positif, et pas des moindres, si le vampire ne nous est pas montré frontalement d’entrée de jeu, histoire de garder un peu le suspense, une fois qu’on le découvre, le maquillage de la créature est particulièrement impressionnant. Il tire profit des particularités physiques de l’acteur espagnol Javier Botet qui a donné vie à des tas d’autres monstres de cinéma ces dernières années (« Mamma » ou « Slender Man »). Le fait que la créature soit réellement là dans les plans, et pas ajoutée numériquement, participe clairement à l’horreur ambiante, surtout qu’on nous offre une version de Dracula complètement démoniaque, il n’a plus grand-chose d’humain, c’est une créature bestiale qui n’a qu’un seul but : se nourrir pour survivre.
Durée du film : 1h59 minutes
Genre : Horreur Date de sortie en Belgique : 23 août 2023 De André Øvredal – Avec Corey Hawkins, Aisling Franciosi, Liam Cunningham, David Dastmalchian, Javier Botet.
0 Commentaires
Dérange car, au-delà du procès interpellant qui suit le drame familial qui touche Sandra et son fils Daniel, l’histoire décortique les relations qui animaient un couple ordinaire, juge une femme touchée par un accident qui fait basculer sa vie, laissant peu de place à son deuil et la mettant devant le feu des projecteurs. Déconcerte aussi par le ton utilisé par la Cour, à commencer par celui du Procureur acerbe qu’on aime détester tant il est admirable campé par un Antoine Reinartz subjectif et agressif ! Mais il est loin d’être le seul à donner de sa personne dans le film de Justine Triet. Sandra Hüller crève à nouveau l’écran, Swann Arlaud fait des étincelles, le jeune Milo Machado Graner trouve sa place, peu évidente, parmi ces grands du cinéma européen, tous brillent sous l'objectif d'une Justine Triet très inspirée et inspirante. Oui, « Anatomie d’une chute » nous a plu, convaincu, exalté. Parce qu’à travers les disputes, les débats, les confidences, les désaccords ou hypothèses accablantes, fautes de preuves concrètes, chacun y va de son interprétation et apporte des éléments qui pourraient corroborer avec l’idée que Sandra ne serait pas étrangère à la chute de son mari… Et si le suspense est à son comble c’est parce que le climax est en permanence tendu, les seules respirations ne viennent que dans des scènes intimes jouées dans un chalet oppressant et réconfortant à la fois. Dans la même expectative que ses protagonistes, avançant dans ces deux heures trente avec nos doutes, nos jugements, nos émotions, nous ne sortons pas indemnes de la vision et continuons à penser à l'intrigue dans son fond et dans sa forme tant elle nous a marquée. On se qui concerne sa forme, on ne peut d'ailleurs que souligner cette idée brillante utilisée pour donner de la complexité à l’approche du récit : celle de faire intervenir le jeune Daniel de 11 ans, le fils terriblement mature de la victime et de la coupable présumée. Un rôle faussement simple qui permet de découvrir l’atmosphère qui régnait dans la maison mais aussi semer le trouble dans les appréciations de chacun.
Durée du film : 2h30
Genre : Drame Date de sortie en Belgique : 30 août 2023 De Justine Triet – Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner, Samuel Theis, Antoine Reinartz, Jehnny Beth
Le principe est simple : saisir l’objet en une bonne poignée, prononcer les mots « talk to me » et attendre que l’esprit convoqué entre en vous pour s’exprimer… Mais au-delà de 90 secondes, le pari devient risqué puisque l’entité n’abandonne pas réellement son hôte et que les conséquences pourraient être dramatiques. Vous vous en doutez, lorsque des adolescents pas très malins se livrent à cet exercice à répétition en ne respectant pas les consignes annoncées, le pire est à craindre pour eux comme pour nous. Il faut l’écrire d’emblée, le principe du film des frères Philippou est intelligent, bien trouvé et très bien exploité, l’atmosphère inquiétante et tendue à souhait, les conséquences évidentes mais particulièrement bien amenées, bref le long-métrage fonctionne très bien dans son petit format (il ne dure qu’une petite heure trente) et va directement au but, poussant le curseur de la tension psychologique à son maximum et jouant avec les peurs des personnages comme des spectateurs. Si on relève quelques facilités et un final un peu attendu « La main » est une belle découverte et le duo de réalisateurs australiens ne déméritent pas, que du contraire !
Durée du film : 1h34
Genre : Horreur Date de sortie en Belgique : 30 août 2023 De Danny & Michael Philippou – Avec Sophie Wilde, Joe Bird, Alexandra Jensen et Miranda Otto
Avis : Passionnant ! C’est le mot qui nous est venu à l’esprit après la séance de "Reality" ! Et si le film est aussi troublant, c’est parce que nous ne savions rien de l’histoire réelle dont le film s’inspire. Aussi, nous ne saurions trop vous recommander de ne pas vous renseigner avant de voir cette petite pépite. Derrière le film se trouve une authentique retranscription de l’interrogatoire, par des agents du FBI d’une jeune femme américaine. Cette histoire vraie est donc, en plus d’un très juste portrait de femme, un film d’enquête à l’atmosphère peu à peu angoissante et qui se transformera au final en un film engagé sur le plan politique. Pour son premier long-métrage, la réalisatrice Tina Satter nous offre un coup de maître tant le film se transforme en thriller haletant et pourtant…statique. Car oui, l’interrogatoire de Reality Winner par les agents spéciaux se fera chez elle, dans une modeste habitation d’un quartier résidentiel de Augusta, en Géorgie. Et le plus formidable étant que l’œil de la caméra parvient à capter les émotions ressenties par cette héroïne qui, au début, ne comprend pas très bien ce qu’on lui veut… A ce petit jeu, l’actrice Sydney Sweeney est formidable de justesse. A travers chacune des questions qui lui sont posées, c’est tout un mécanisme psychologique qui se met en place pour nous révéler les manifestations physiques et les tourments intérieurs ressentis par Reality. Prodigieux ! Les dialogues sont formidables, mais une fois de plus, ils sont la transcription exacte de la manière dont cela s’est produit. Visuellement d’ailleurs, ils apparaitront parfois à l’écran, tout comme les réponses parfois censurées de Reality dans une belle créativité visuelle. Et si ce huit clos gagne au fur et à mesure en tension, c’est grâce au choix des comédiens parfaits dans leurs rôles d’agents du FBI. Même si leurs styles diffèrent, l’amabilité feinte, leurs approches du suspect et la motivation qui les anime est la même : faire parler et avouer Reality Winner ! Souvent, nous nous sommes dit que le choix de ces deux comédiens était gage de qualité tant ils sont parfaist. Josh Hamilton et Marchant Davis incarnent à l’écran un magnifique duo ! Bien sûr, la caméra ne loupera rien de ces échanges, qui bien que toujours courtois, va s’intensifier au fur et à mesure ! Et ce n’est qu’à la fin que nous mesurons pleinement que cette histoire vraie témoigne de rapports étroits entre la sphère du pouvoir (et son indissociable part d’ombre), le grand public, la quête de vérité, et plus largement les idéaux démocratiques : fascinant ! Toujours très clair dans le déroulement des évènements grâce à une réalisation chirurgicale remarquable, le film se veut aussi implacable à l’image d’un quotidien pas toujours facile à vivre pour certain(e)s.
Durée du film : 1h23
Genre : Drame Date de sortie en Belgique/France : 16 août 2023 De Tina Satter – Avec Sydney Sweeney, Josh Hamilton et Marchánt Davis
Avec « Un coup de maître », le réalisateur français parvient à nouveau à faire mouche, à faire vibrer notre corde sensible tout en convoquant de réels rires… Bref, il réussit, comme à chaque fois, à insuffler un beau vent d’authenticité et de vie dans un sujet tantôt coloré tantôt dramatique et à mettre en avant les hauts et les bas de la vraie amitié. Après avoir réuni de nombreux tandems attachants (notre préférence va à Jacques Gamblin et Zabou Breitman pour « Le premier jour du reste de ta vie »), Remi Bezançon nous fait le formidable cadeau de conjuguer les talents exceptionnels de Vincent Macaigne et Bouli Lanners. Alors que le premier interprète un fidèle galeriste, le second joue, très logiquement un excentrique artiste… Très logiquement car, après avoir fait l’école des Beaux-Arts de Liège, Bouli Lanners a lui-même exprimé son art sur des toiles, de quoi alimenter avec panache les contours d’un personnage torturé, has been et terriblement attachant. Si la place de l’art, de l’angoisse de la toile blanche, le consumérisme artistique et les dérives de notre société hyper connectéespour exister sont mises en avant brillamment, « Un coup de maître » est aussi et surtout une magnifique histoire d’amitié, le genre de lien que l’on envie de vivre et dont on se délecte encore et encore. Solaires, complices et sincères, les deux acteurs de premier plan ne se volent jamais la vedette et parviennent à vibrer au diapason, déroulant leurs dialogues sans fausse note, avec tendresse souvent, rires parfois, émotions aussi. Certaines scènes, peut-être un jour cultes, nous ont permis d’apprécier grandement la spontanéité de ces deux grands acteurs alors que d’autres nous ont surprises, le tout nous permettant de rester dans un rythme effréné qui ne nous a jamais lassé.
Durée du film : 1h35
Genre : Comédie Date de sortie en Belgique : 16 août 2023 Date de sortie en France : 9 août 2023 De Remi Bezançon – Avec Bouli Lanners, Vincent Macaigne, Bastien Ughetto et Aure Atika
Ce qui frappe l’esprit (et les yeux) lors de son générique et sa police si typique au genre, c’est l’apparition de la mention « Saint Laurent », annonçant d’emblée la collaboration inédite avec la célèbre maison de haute couture, venue prêter main forte aux costumiers grâce à la direction d’Anthony Vaccarello. Et il est vrai que les tenues colorées, originales mais loin d’être modernes, tranchent avec les tons orangés du désert espagnol dans lequel est reconstituée cette intrigue western, costumes qui apportent un camaïeu lumineux bienvenu dans un genre de plus en plus absent de nos écrans… Et si les dialogues semblent plus contemporains, la minutie des décors démontrent une fois de plus que nous sommes bien dans le cinéma d’un Almodovar perfectionniste jusque dans les moindres détails et chaque lieu visité sent bon le milieu du siècle dernier où régnait en maître des Sergio Leone, John Ford et Howard Hawks en autres. Le dépoussiérage du genre est lui à aller chercher du côté de son histoire et de la relation qui unit ses deux protagonistes principaux, montrant qu’aucun clivage ne peut être fait dans le cinéma, et encore moins dans celui du grand Pedro Almodovar. Quasiment absentes de la toile, les femmes sont bien sûr évoquées, très succinctement présentées, laissant la place à un duo de presque tous les plans, celui formé par deux acteurs de haut vol : Pedro Pascal et Ethan Hawke. Sorte « Secret de Brokeback Mountain » à la (vraie) sauce western, « Strange way of life » n’est pas qu’un exercice de style, un essai de plus dans le cinéma de l’Espagnol. C’est un formidable hommage au genre associé à une réflexion dense, une histoire d’inimitié/amour concise et maîtrisée, bref, un face à face mémorable qui a des choses à dire comme chaque invitation cinématographique d’un cinéaste incontournable et fidèle à ce qu’il nous a toujours proposé.
Durée du film : 30 minutes Genre : Western Date de sortie en Belgique : 16 août 2023 Titre original : Extraña forma de vida De Pedro Almodóvar – Avec Pedro Pascal, Ethan Hawke
Si l’on retrouve sur les deux films la même utilisation de musique contemporaine (et donc anachronique) dans la bande originale, le traitement de « Sissi & moi » se veut plus léger que son prédécesseur, rappelant d’autant plus le « Marie-Antoinette » de Sofia Coppola. Les deux films traitent sensiblement des mêmes événements - par exemple la relation conflictuelle entre l’empereur et son épouse, la rencontre de celle-ci avec un bel officier britannique, ses humeurs changeantes alors qu’elle fuyait ses obligations à la cour – mais observés du point de vue de la dernière dame de compagnie au service de l’impératrice à la fin du 19e siècle. La comtesse Irma Sztáray (Sandra Hüller, « Anatomie d’une Chute ») entre en scène lors d’un voyage prolongé sur l’île de Corfou et va suivre Sissi (Susanne Wolff) dans tous ses déplacements. Irma est ce qu’on appelait alors vulgairement une “vieille fille” et sa mère voit en ce nouveau poste une raison de se réjouir enfin pour sa fille. Irma découvre en Sissi une femme anticonformiste, rebelle, solitaire et dont le critère de sélection pour ses dames d’honneur est la forme physique car elles doivent être capables de suivre Elisabeth d’Autriche et de Hongrie dans ses randonnées fréquentes. Le film ne s’arrête pas sur les raisons de cette mélancolie qui semble habiter l’impératrice en permanence (d’autres films et séries l’ont déjà fait tout récemment) mais ne manque pas de rappeler à quel point la position de la femme, même à ce niveau de pouvoir, était toute relative et toujours tributaire de l’homme. Irma va ainsi apprendre à connaître Sissi dans ses moments les plus troubles comme les plus joyeux, les voyages en Grèce, en Afrique du Nord et en Angleterre se succèdent en une suite de cartes postales touristiques magnifiquement mises en images par la photographie de Thomas Kiennast et soutenues par un travail sur la lumière et le montage qui font de ce long métrage une pure réussite. Mais la perfection visuelle n’est pas que de la poudre aux yeux puisque le film est littéralement habité par ses deux actrices principales qui nous font croire à cette histoire d’amitié complexe, Irma se fendant d’admiration pour son employeuse malgré les pièges parfois cruels que celle-ci lui tend, et Sissi finissant par apprécier la compagnie de cette femme dévouée corps et âme à son bienêtre. Car le film ne nous cache rien des lubies de l’impératrice : comme abordé dans « Corsage » également, elle suivait un régime alimentaire très strict afin de ne pas prendre de poids, redoutait les signes du temps sur son visage et s’essayait à tous les vices à la mode pour tromper son ennui. Jusqu’à ce jour fatidique de septembre 1898 qui fît de Sissi une victime de l’anarchie aveugle la prenant pour cible à défaut de mieux et marquant ainsi la fin d’une époque, un crime annonçant le nouveau siècle et ses bouleversements géopolitiques en pagaille.
Durée du film : 132 minutes
Genre : Drame/Biographie Date de sortie en Belgique : 2 août 2023 De Frauke Finsterwalder – Avec Susanne Wolff, Sandra Hüller, Stefan Kurt, Tom Rhys Harries, Georg Friedrich, Markus Schleinzer, Sophie Hutter |
Légende
♥ : Coup de coeur ★★★★: Excellent film ★★★: Très bon film ★★: Bon film ★: Passable ○: On en parle? A (re)découvrir: Juillet 2023 Juin 2023 Mai 2023 Avril 2023 Mars 2023 Février 2023 Janvier 2023 |